(New York) - Les gouvernements et les bailleurs de fonds internationaux comme le Fonds monétaire international et la Banque mondiale devraient créer et soutenir des systèmes de sécurité sociale universelle conformément à leurs obligations en matière de droits humains, ont déclaré aujourd’hui Human Rights Watch et Development Pathways à l’occasion de leur publication conjointe d’un document de questions et réponses à ce sujet. Dans un contexte où s’entrecroisent conflits, crises économiques et chocs climatiques, les investissements publics à long terme dans la sécurité sociale universelle sont plus importants que jamais.
La sécurité sociale repose sur l’idée que les personnes doivent jouir de leurs droits à tous les stades de leur vie, quelle que soit leur situation. Elle englobe un ensemble de programmes gouvernementaux qui apportent une aide dans diverses situations susceptibles d’amenuiser la capacité d’une personne à gagner un revenu adéquat, telles que la maladie, l’invalidité, la vieillesse, le chômage et l’éducation des enfants. Cependant, plus de la moitié de la population mondiale n’a pas d’accès à une forme quelconque de prestation sociale. Même dans les pays plus riches, il existe des lacunes importantes en matière de couverture et d’adéquation des services, ce qui limite l’efficacité des systèmes de sécurité sociale.
« La sécurité sociale est un outil essentiel qui permet aux gouvernements de réduire les inégalités et de protéger les personnes contre la pauvreté, la faim ou le sans-abrisme », a déclaré Lena Simet, chercheuse senior sur les questions de pauvreté et d’inégalité à Human Rights Watch. « L’aggravation des crises économique, alimentaire et climatique devrait inciter les gouvernements à mettre en place des systèmes de sécurité qui protègent les droits humains, et non à réduire les programmes existants. »
Le document de questions et réponses détaille les obligations et les responsabilités en matière de droits humains des gouvernements et des entités qui influent sur les dépenses sociales, et démontre l’importance de la sécurité sociale pour y répondre. Il explique également les fondements de la sécurité sociale universelle, comment elle peut réduire et prévenir la pauvreté et les inégalités et protéger les droits humains, y compris en temps de crise, et comment les gouvernements peuvent surmonter les obstacles à sa mise en place.
La sécurité sociale pour tous les membres d’une société est à la fois un droit humain et une condition nécessaire à la réalisation d’autres droits économiques, sociaux et culturels, en particulier le droit à un niveau de vie suffisant, qui comprend les droits à l’alimentation et à un logement adéquat. En vertu du droit international, les gouvernements sont tenus de fournir une sécurité sociale et de garantir l’accès à des services publics de qualité, essentiels pour les droits humains, à savoir, l’éducation, les soins de santé, l’eau et l’assainissement.
Plus de quatre milliards de personnes n’ont pas accès à la protection sociale (cette expression est souvent utilisée par les agences des Nations Unies et les organisations internationales de développement). Ce manque de couverture se concentre surtout dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où il existe des écarts importants entre les investissements publics et ceux qui seraient nécessaires pour soutenir un niveau de base de sécurité sociale. La couverture est la plus faible en Afrique, où seulement 17,4 % de la population est couverte par au moins une forme de prestation de sécurité sociale. Bien que la couverture soit plus élevée en Europe et en Amérique du Nord, Human Rights Watch a documenté l’échec de nombreuses nations plus riches à réaliser les droits à la sécurité sociale et à un niveau de vie adéquat, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Espagne. Le document de questions et réponses décrit comment les gouvernements peuvent combler les lacunes en matière de couverture et d’adéquation de la sécurité sociale. Il explique également pourquoi les gouvernements devraient se détourner des programmes ciblés soumis à des tests de moyens interprétés de façon trop étroite et adopter des programmes plus universels.
Les auteurs du document fournissent des pistes pour trouver les financements qui permettraient de protéger les droits humains, notamment le recours à un impôt progressif sur la richesse et les bénéfices excédentaires des grandes entreprises, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et l’éradication des flux financiers illicites. Human Rights Watch exhorte pour sa part les nations les plus riches à faire progresser une sécurité sociale équitable en promouvant un Fonds mondial pour la protection sociale respectueux des exigences en matière de droits humains.
Les gouvernements devraient combler les lacunes en matière de couverture de la sécurité sociale et d’adéquation des services, et appeler instamment les nations créancières à s’engager dans des processus de restructuration de la dette respectueux des droits qui permettent aux gouvernements de financer la sécurité sociale universelle, ont déclaré Human Rights Watch et Development Pathways. Les puissants bailleurs internationaux tels que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale devraient garantir que leurs programmes de prêts ne portent pas atteinte au droit à la sécurité sociale, ce qui pourrait se produire, par exemple, en soumettant les programmes de prêts à des limites strictes sur les dépenses publiques.
« Les systèmes de sécurité sociale universels et axés sur les droits sont beaucoup plus efficaces que les systèmes axés sur la pauvreté pour réduire la pauvreté et obtenir des résultats plus équitables pour tous les membres de la société », a déclaré Stephen Kidd, directeur général de Development Pathways. « En outre, ils sont plus susceptibles de soutenir la croissance économique et de renforcer les contrats sociaux progressistes, ce qui signifie qu’ils sont également plus durables, tant sur le plan financier que sur le plan politique », a-t-il conclu.