Le groupe armé Houthi et d’autres autorités ont considérablement restreint l’acheminement de l’aide dont le Yémen a désespérément besoin, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Cette situation aggrave la situation humanitaire désastreuse du pays et affaiblit sa réponse face à la pandémie de Covid-19.
Le rapport de 65 pages, intitulé « Deadly Consequences: Obstruction of Aid in Yemen During Covid-19 » (« Conséquences meurtrières : Obstruction à l’aide au Yémen pendant la crise du Covid-19 »), détaille l’ingérence systématique dans les opérations de secours des dirigeants houthis, du gouvernement internationalement reconnu du Yémen et des forces qui lui sont affiliées, ainsi que du Conseil de transition du Sud soutenu par les Émirats arabes unis (EAU). Malgré des besoins accrus, les bailleurs de fond ont réduit leur contribution en juin 2020, en partie à cause de l’obstruction, qui contraint les agences humanitaires à réduire l’acheminement de l’aide alimentaire, et la fourniture de soins de santé, d’eau et d’assainissement à des millions de nécessiteux.
Les parties au conflit armé qui sévit depuis cinq ans au Yémen doivent immédiatement mettre fin à cette obstruction. Les donateurs devraient quant à eux accroître le financement des agences d’aide tout en faisant pression sur les autorités locales pour qu’elles respectent les principes humanitaires d’indépendance et d’impartialité, et l’ONU ouvrir une enquête indépendante sur cette obstruction à grande échelle et les lacunes de la réponse de la communauté humanitaire.
« Des millions de personnes continuent de souffrir au Yémen parce que les Houthis et d’autres autorités yéménites ont refusé à l’ONU et à d’autres agences un accès sans entrave aux populations dans le besoin », a déclaré Gerry Simpson, directeur adjoint de la division Crises et conflits à Human Rights Watch et auteur du rapport. « Le secteur yéménite de la santé, qui est décimé, et la propagation incontrôlée du Covid-19 rendent catastrophiques l’obstruction et les récentes réductions de l’aide par la communauté des donateurs. »
En mai et juin, Human Rights Watch s’est entretenu par téléphone avec 10 agents de santé yéménites, 35 travailleurs humanitaires de l’ONU et d’organisations non gouvernementales internationales, ainsi qu’avec 10 représentants de la communauté des donateurs, au sujet de l’obstruction à l’aide humanitaire et de la réponse au Covid-19 au Yémen.
Une décennie de crises politique et économique et plus de cinq ans de conflit entre les Houthis et une coalition de pays dirigée par l’Arabie saoudite et le gouvernement internationalement reconnu du Yémen ont paralysé le secteur de la santé et les autres services sociaux du Yémen, provoquant des flambées de choléra et d’autres maladies ainsi qu’une malnutrition généralisée. L’ONU considère que la crise humanitaire au Yémen comme la pire au monde, 80% des 30 millions d’habitants du pays étant dépendant d’une aide sous une forme ou une autre. Tout en finançant celle-ci, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Canada et d’autres pays ont vendu des armes à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite, aggravant la crise humanitaire au Yémen.
Les agences de l’ONU et les ONG ont continué à prêter assistance à des millions de personnes en détresse, malgré l’obstruction des autorités. Les travailleurs humanitaires ont identifié un large éventail d’obstacles auxquels ils sont confrontés, parmi elles les centaines de réglementations qui entravent sérieusement leurs opérations ; de longs retards dans l’approbation des projets d’aide ; le blocage des évaluations d’aide pour identifier les besoins ; des tentatives de contrôler le suivi de l’aide ; l’imposition de listes de récipiendaires ou des tentatives d’interférence en vue de détourner l’aide au profit des forces loyales aux autorités ; et des violences visant les personnels humanitaires et leurs biens.
Depuis fin 2019, l’ONU et les pays donateurs ont progressivement exhorté les Houthis à soutenir les agences, ce qui, à la mi-2020, a conduit ces derniers à signer une série d’accords pour qu’ils s’abstiennent de toute ingérence dans leurs activités. Mais les travailleurs humanitaires se demandent si ces accords seront honorés ou, comme cela a été le cas par le passé, si les Houthis feront des concessions tout en introduisant de nouvelles restrictions.
Début juin, l’ONU a appelé à un renforcement généralisé de toutes les opérations sanitaires, y compris face au Covid-19, affirmant que le virus au Yémen est « susceptible de se propager plus rapidement, plus largement et avec des conséquences plus meurtrières que presque partout ailleurs. »
Au 30 août, le gouvernement yéménite avait confirmé 1 950 cas de décès liés au Covid-19 et 564 décès en relation avec le Covid-19. Cependant, le nombre réel est certainement beaucoup plus élevé, compte tenu de dépistages limités, parmi une population au système immunitaire affaibli et d’un système de santé en plein effondrement qui a été à plusieurs reprises attaqué par les parties au conflit. Les Houthis auraient exhorté les professionnels de santé à ne pas signaler les cas de Covid-19.
Le 14 juillet et 13 août, les Houthis ont répondu à une lettre présentant les conclusions de Human Rights Watch, affirmant que les allégations d’obstruction à l’aide étaient sans fondement et que les agences humanitaires prétendant le contraire étaient aux « ordres politiques » des États-Unis. Human Rights Watch n’a pas reçu de réponses du gouvernement yéménite ou du Conseil de transition du Sud.
Le soutien des donateurs aux agences d’aide des Nations Unies s’est effondré en juin, en partie en réponse à l’obstruction. Fin août, les agences n’avaient reçu que 24% du montant de 3,4 milliards de dollars qu’elles avaient demandé pour l’année 2020. Une nouvelle pénurie de carburant, déclenchée en juin par des désaccords entre les Houthis et le gouvernement yéménite sur la réglementation de la taxation du carburant importé, dont dépendent les hôpitaux et les pompes à eau, a encore réduit l’accès des Yéménites à la nourriture, aux soins hospitaliers et à l’approvisionnement en eau.
Le droit international humanitaire interdit aux parties à un conflit de refuser de donner leur consentement à des opérations de secours pour des motifs arbitraires, leur faisant obligation d’autoriser et de faciliter une aide impartiale rapide et sans entrave aux civils dans le besoin. Les retards inutiles ou l’obstruction de l’aide peuvent également constituer une violation des droits à la vie, à la santé et à un niveau de vie suffisant, y compris à la nourriture et à l’eau.
« Des millions de Yéménites dépendent des autorités pour la fourniture sans entrave des soins de santé et d’autres articles et services de première nécessité », a conclu Gerry Simpson. « Les bailleurs de fonds devraient s’engager au plus haut niveau possible dans un dialogue avec les Houthis et d’autres autorités, faire pression pour que cessent blocages et détournements de l’aide, et continuer à soutenir les organisations humanitaires qui prêtent assistance aux nécessiteux malgré des défis colossaux. »
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