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Conseil de sécurité de l’ONU : Justice pour les atrocités commises en Syrie

Le Conseil devrait imposer des sanctions au gouvernement syrien et saisir la Cour pénale internationale

(New York) – Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait imposer de toute urgence des sanctions au gouvernement de la Syrie pour les attaques chimiques perpétrées dans ce pays et renvoyer cette situation devant la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Dans un rapport transmis au Conseil de sécurité le 24 août 2016, une mission d’enquête diligentée par l’Organisation des Nations Unies (ONU) a attribué deux attaques à l’arme chimique au gouvernement syrien et une troisième à l'État islamique (EI, également connu sous le nom de Daech), déjà visé par des sanctions onusiennes.

Des secouristes aident un homme à respirer à travers un masque à oxygène, suite à une attaque chimique présumée à Jesreen, dans la banlieue de Damas (Syrie), le 21 août 2013. © 2013 Reuters

Le Conseil de sécurité examinera le 30 août le rapport du Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et de l’ONU.

Ce rapport conjoint, de 95 pages, documente neuf cas où des armes chimiques auraient été utilisées en Syrie en 2014 et 2015. Le Conseil de sécurité devrait renouveler et élargir le mandat du Mécanisme pour garantir la poursuite des enquêtes en cours, en vue d’identifier tous les responsables et dissuader toute utilisation ultérieure de ce type d’armes, selon Human Rights Watch.

« Maintenant qu'une enquête de l'ONU a officiellement établi les responsabilités dans plusieurs attaques à l’arme chimique en Syrie, il faut mettre l'accent sur la reddition de comptes pour les responsables de ces actes », a déclaré Balkees Jarrah, conseillère juridique au sein du Programme Justice internationale à Human Rights Watch. « La question des armes chimiques ne sera réglée que lorsque les commanditaires et les auteurs de ces atrocités seront reconnus coupables et mis en prison, et leurs victimes indemnisées ».

Le Mécanisme conjoint a constaté que des hélicoptères militaires syriens avaient largué des bombes contenant du chlore lors de deux attaques au moins, en 2014 et 2015. Des enquêtes menées par Human Rights Watch sur ces deux cas avaient mis en évidence des éléments de preuve suggérant fortement le recours à des barils d’explosifs remplis de produits chimiques toxiques.

L'enquête a également révélé que l’État islamique avait employé, en août 2015, du gaz moutarde au soufre lors d’une attaque contre des zones sous le contrôle des groupes armés d'opposition. Dans une résolution adoptée en 2013 au lendemain d’une attaque chimique au gaz sarin ayant tué des centaines de civils dans la banlieue de la Ghouta, aux abords de Damas, le Conseil de sécurité avait décidé que des mesures de sanctions seraient imposées en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies si la preuve était faite que des armes chimiques avaient été utilisées en Syrie.

Aucun mécanisme n’existe actuellement pour ouvrir des poursuites judiciaires au pénal s’agissant des innombrables violations graves perpétrées en Syrie, y compris l'utilisation d'armes chimiques, a rappelé Human Rights Watch. Les autorités syriennes et les groupes armés non étatiques présents dans le pays n’ont pas pris de mesures significatives pour rendre une justice crédible pour les crimes passés et en cours, en violation du droit international. L’échec à tenir pour responsables les auteurs de tels actes a entraîné la commission de nouvelles atrocités par toutes les parties au conflit. Human Rights Watch a appelé à plusieurs reprises le Conseil de sécurité à confier de toute urgence un mandat à la CPI, première étape cruciale vers l’établissement des responsabilités.

Les efforts entrepris au niveau international pour rendre la justice pour les crimes graves en Syrie sont difficiles à mettre en œuvre. En mai 2014, la Russie et la Chine ont bloqué une résolution du Conseil de sécurité qui aurait renvoyé la situation en Syrie devant la CPI. Une soixantaine de pays avaient coparrainé ce texte, en faveur duquel 13 des 15 membres du Conseil avaient voté. Depuis cet échec, la situation en Syrie a été marquée par la poursuite des atrocités par toutes les parties. Les gouvernements russe et chinois n’avaient aucune raison plausible d’empêcher le Conseil de sécurité d’établir avec impartialité les responsabilités en Syrie, selon Human Rights Watch.

Le 7 août 2015, le Conseil a adopté, à l'unanimité de ses membres, la résolution 2235, qui a créé le Mécanisme d’enquête conjoint « chargé d’identifier dans toute la mesure possible les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne ». À l'époque, la Russie avait déclaré que la création du Mécanisme comblerait un fossé dans l’identification des responsables de l'utilisation du chlore comme arme chimique en Syrie. Les États-Unis avaient de leur côté souligné qu’« il importe de désigner » les responsables.

Le rapport examiné demain est le premier dans lequel une enquête soutenue par l'ONU accuse des parties spécifiques d’avoir utilisé des armes chimiques en Syrie. Cependant, le Mécanisme conjoint n’est pas un organe judiciaire habilité à établir des responsabilités. L'OIAC avait déjà dépêché une mission d’établissements des faits en Syrie, qui n’était pas mandatée pour déterminer les responsabilités relatives aux incidents impliquant des armes chimiques.

Maintenant qu'une enquête de l'ONU a officiellement établi les responsabilités dans plusieurs attaques à l’arme chimique en Syrie, il faut mettre l'accent sur la reddition de comptes pour les responsables de ces actes. La question des armes chimiques ne sera réglée que lorsque les commanditaires et les auteurs de ces atrocités seront reconnus coupables et mis en prison, et leurs victimes indemnisées.
Balkees Jarrah

Conseillère Juridique au Sein du Programme Justice Internationale à Human Rights Watch

En vertu de son mandat, le Mécanisme s’est limité à l’examen des cas où la mission d'enquête de l’OIAC avait déterminé que des produits chimiques toxiques avaient de toute évidence été utilisées comme armes. Or, parce que les incidents sur lesquels avait enquêté la mission s’étaient produits entre 2014 et 2015, l'attaque de la Ghouta en date du 21 août 2013 était exclue de son mandat.

Cette attaque a tué des centaines de civils, dont de nombreux enfants, en faisant la plus meurtrière commise avec des produits toxiques depuis celles dont s’était rendu coupable, en 1987 et1988, le régime de Saddam Hussein contre les Kurdes irakiens. Les experts de l'ONU qui se sont rendus à la Ghouta ont conclu à l’utilisation de roquettes sol-sol contenant l'agent neurotoxique sarin. Les propres conclusions de Human Rights Watch suggèrent fortement que les forces gouvernementales syriennes sont responsables de l'attaque.

Le Mécanisme n’a pas été en mesure de déterminer les responsabilités dans six des cas examinés, notant qu'une enquête plus approfondie était nécessaire pour trois d’entre eux. Human Rights Watch a enquêté sur plusieurs de ces incidents, concluant au fait que les preuves disponibles accréditent la thèse de la responsabilité du gouvernement syrien. Le Mécanisme continue d’être informé de ces allégations et de recevoir des éléments relatifs aux récentes attaques à l’arme chimique commise en Syrie.

Le Conseil de sécurité devrait renouveler le mandat du Mécanisme conjoint pour lui permettre de poursuivre ses enquêtes sur ces allégations d'attaques à l’arme chimique en Syrie, entre autres. Pour Human Rights Watch, la prorogation de ce mandat adresserait à toutes les parties un signal clair que leurs dirigeants peuvent être tenus pour responsables de la commission de crimes auxquelles leurs forces prennent part.

La Convention sur les armes chimiques, que la Syrie a ratifiée le 14 octobre 2013, prohibe les attaques dans lesquelles des produits chimiques industriels tels que le chlore sont utilisés comme arme. Chaque État partie s’engage en vertu de ce texte à ne jamais « aider, encourager ou inciter quiconque, de quelque manière que ce soit, à entreprendre quelque activité que ce soit qui est interdite à un Etat partie en vertu de la présente Convention ». Les lois de la guerre applicables en Syrie interdisent l'utilisation d'armes chimiques. L'utilisation d'armes prohibées dans une intention criminelle, délibérément ou par imprudence, constitue un crime de guerre.

« La Russie et la Chine n’ont aucun argument valable pour continuer à faire obstacle au Conseil de sécurité s’agissant des sanctions en Syrie ou empêcher la saisine de la CPI », a déclaré Louis Charbonneau, Directeur du plaidoyer auprès de l'ONU à Human Rights Watch. « Le Conseil perdra de son importance sans des mesures énergiques contre l'utilisation avérée d’armes chimiques par le gouvernement syrien. »

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