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Ambamfo Ofori Atiemo dit que les camps de prière au Ghana méritent d’être regardés de plus près car ils sont une réponse au handicap mental soi-disant fondée sur la foi et la compassion. Les recherches de Human Rights Watch suggèrent qu’il en est autrement–les personnes souffrant de troubles mentaux sont traitées de manière inhumaine dans ces camps et il faut que cela cesse.

Imaginez qu’un membre de votre famille vous emmène dans un camp, que vous soyez enchaîné à un arbre ou à une structure en béton, parfois sans couverture, et forcé d’uriner, de vous laver, de dormir, et de déféquer à l’endroit même où vous êtes enchaîné. Imaginez être enchaîné là pendant des jours, privé de nourriture, et même d’eau, sans accès à des soins médicaux adaptés, et sans réelle porte de sortie. Ceci est la réalité pour des centaines de personnes, souffrant de troubles mentaux réels ou apparents, que nous avons rencontrées ou vues dans un certain nombre de camps de prière au Ghana.

Des personnes comme Victoria, une fille âgée de dix ans qui vivait dans le camp de prière de Nyakumasi dans la région de Cape Coast. Elle étaitcouverte de poussière, enchainée à un arbre, et soumise au même régime de jeûne que les adultes. Elle était atteinte d’une infection cutanée sérieuse avec des croûtes et des bosses sur les bras qui n’étaient cependant pas traitées. Le chef du camp de prière de Nyakumasi nous a dit, « Dieu guérira les gens à travers moi. En jeûnant… je guéris les gens. »

Le Ghana a plusieurs centaines de camp de prière qui auraient fait leur apparition dans les années 1920, bien que peu de choses soient connues au sujet de leur histoire, de leur nombre, ou de leur fonctionnement, n’étant pas réglementés par l’État. Alors que les camps de prière au Ghana servent souvent de refuge pour les personnes à la recherche d’une guérison spirituelle et de tranquillité d’esprit, par exemple pour celles qui sont touchées par une maladie mortelle ou qui ont perdu leur emploi, certains de ces camps placent les personnes souffrant d’un handicap mental dans un environnement inhumain et dégradant. À mon avis, être enchaîné à un arbre n’est pas le type de refuge que quelqu’un chercherait. 

Au Ghana, et dans d’autres pays dans le monde, il est courant de croire que les handicaps mentaux résultent du fait d’être ensorcelé ou possédé par des démons et non d’un problème psychiatrique. Avec cette vision des choses vient la notion selon laquelle les personnes atteintes de troubles mentaux, comme la schizophrénie ou la dépression, sont des sous-humains inutiles et violents. Cette perception erronée doit prendre fin.

En fait, l’Organisation mondiale de la santé estime que les troubles neurologiques ou mentaux affecteront une personne sur quatre dans le monde à un moment ou l’autre de leur vie.

En 2011 et en 2012, Human Rights Watch a visité huit camps de prière dans la région du Grand Accra ainsi que dans les régions du Centre et Orientale, interviewant plus de 50 personnes. 

Nous avons rencontré Aisha, une femme d’une cinquantaine d’années, dans le camp de prière de Mount Horeb dans la région Orientale du Ghana. Elle n’était autorisée à se laver que deux fois par semaine et elle devait déféquer dans un seau dans une pièce pleine de femmes. Elle m’indiqua qu’elle aurait préféré être traitée dans un hôpital psychiatrique mais que les dirigeants du camp refusaient de la laisser partir.

La loi sur la santé mentale du Ghana datant de 2012 crée un système par lequel les personnes handicapées peuvent contester leur détention en hôpital psychiatrique. Cependant la loi ne s’applique pas aux camps de prière, laissant les personnes souffrant de troubles mentaux dépourvues de recours légaux pour demander leur libération. Dans la plupart des camps de prière, les personnes souffrant de troubles mentaux réels ou apparents ne peuvent partir que lorsque le prophète les considère comme étant guéries.

Les camps de prière sont gérés par des institutions religieuses chrétiennes privées avec des racines évangéliques ou pentecôtistes. Les critiques à l’encontre de ces camps ne sont pas liées à leurs racines religieuses ou à la nature spirituelle de ces camps, comme certains, dont Ambamfo Ofori Atiemo, pourraient le croire. La problématique fondamentale réside plutôt dans le traitement inhumain des personnes souffrant de troubles mentaux qui sont obligées de rester là.

 L’expert des Nations unies sur la torture a également observé des pratiques extrêmement dérangeantes dans les deux camps de prière qu’il a visités. Il a documenté des cas d’enchaînement et de jeûne forcé pour les personnes souffrant d’handicaps psychosociaux ou dans certains cas de problèmes neurologiques, y compris chez les enfants. Il a remarqué des hommes, des femmes, et des enfants, dans le camp de prière de Edumfa, qui étaient enchaînés aux murs ou au sol de leur cellule. Le bâtiment abritant les hommes adultes contenait 16 cellules en béton disposées comme des étables. Il y avait un autre bâtiment séparé pour les femmes et les enfants, avec dix personnes enchaînées au sol, y compris une fille de 14 ans et un garçon de 7 ans, qui montraient des symptômes non pas d’incapacité psychosociale, mais d’une maladie neurologique qui exigeait une prise en charge et un traitement médicamenteux spécialisé. 

Les conseils interreligieux, les organisations œcuméniques, et les ministères de la Culture et de la Chefferie peuvent jouer un rôle important pour s’attaquer à ces abus dans les camps de prière. Ils devraient créer des lignes directrices pour contrôler le fonctionnement des camps de prière affiliés aux conseils religieux. Ils devraient également sensibiliser les guérisseurs traditionnels et les chefs religieux sur les manifestations des troubles mentaux et les droits des personnes atteintes de troubles mentaux.

Le gouvernement du Ghana, avec les dirigeants des communautés, devrait se mettre à l’attaque pour s’assurer qu’aucune personne handicapée ne soit maltraitée dans aucun de ces camps de prière. Il ne s’agit pas de religion. Il s’agit d’humanité.         

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