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Prix « Right Livelihood Award » : Un signe encourageant pour les victimes de l’ancien dictateur du Tchad

Jacqueline Moudeïna, avocate des victimes de Habré, se voit attribuer le « Prix Nobel Alternatif »

(New York, le 29 septembre 2011) – La décision de décerner le convoité Prix « Right Livelihood Award » 2011 à Me Jacqueline Moudeïna, avocate des victimes de l’ancien dictateur tchadien Hissène Habré, est un signal fort qui permet de relayer la lutte que mènent les victimes depuis près de 20 ans pour traduire Hissène Habré devant les tribunaux, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch.

Le Prix attribué à Stockholm le 29 septembre 2011 récompense Me Moudeïna« pour ses efforts incessants, au risque de sa propre vie, dans la poursuite d’une justice pour les victimes de l’ancienne dictature tchadienne, et dans la sensibilisation et l’encouragement du respect des droits de l’homme en Afrique ». Ce Prix, plus généralement connu sous le nom de Prix Nobel Alternatif est remis chaque année au Parlement suédois. C’est la première fois que ce Prix est décerné à une personne tchadienne. Les trois autres lauréats 2011 sont Huang Ming (Chine), Ina May Gaskin (États-Unis) et l’organisation internationale GRAIN.

« Jacqueline Moudeïna a tout risqué, y compris sa vie, pour traduire Hissène Habré devant les tribunaux », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique et porte-parole de Human Rights Watch. « Ce Prix met en lumière le refus du Sénégal d’accorder aux victimes le droit de se faire enfin entendre devant un tribunal, après vingt longues années de lutte. »

En juillet 2010, l’archevêque Desmond Tutu et 117 groupes de 25 pays d’Afrique ont dénoncé « l’interminable feuilleton politico-judiciaire » auquel les victimes sont soumises depuis plus de vingt ans.

Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990, jusqu'à ce qu'il soit renversé par Idriss Déby Itno et s'exile au Sénégal. Son régime à parti unique a été marqué par des atrocités commises à grande échelle, notamment par des vagues d'épurations ethniques. Les archives de la police politique, la Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS), découvertespar Human Rights Watch en 2001, ont révélé les noms de 1 208 personnes exécutées ou décédées en détention. Un total de 12 321 victimes de graves violations des droits de l’homme sont mentionnées dans les dossiers.

Habré fut une première fois inculpé au Sénégal en 2000 avant que les juridictions ne se déclarent incompétentes. Les victimes ont alors porté plainte en Belgique. Après quatre années d’enquête, en septembre 2005, un juge belge émit un mandat d’arrêt international à l’encontre de Habré, et la Belgique demanda son extradition. Le Sénégal sollicita ensuite l’Union africaine pour que cette dernière suggère une ligne de conduite. En juillet 2006, l’UA invita le Sénégal à juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique ». En dépit d’un budget de 11,7 millions de dollars réunis par les donateurs pour financer le tribunal en novembre 2010, l’affaire est rythmée par des années de manœuvres dilatoires.

En mai 2011, le Sénégal se retira des discussions engagées avec l’UA au sujet du procès et fit clairement comprendre que Habré ne serait pas jugé au Sénégal. Le 10 juillet, le président Wade du Sénégal annula une décision annoncée deux jours plus tôt de renvoyer Habré au Tchad, où il avait déjà été condamné à mort par contumace. La Belgique a introduit une seconde demande d’extradition, qui est toujours pendante.

Dans le même temps, Maître Moudeïna a pris d’énormes risques personnels au Tchad en déposant en octobre 2000 des plaintes, au nom des victimes, contre les complices de Habré, notamment les anciens directeurs et chefs de service de la DDS, dont beaucoup occupent encore des responsabilités au sein de la haute administration tchadienne. En juin 2001, les forces de sécurité, commandées par Mahamat Wakayé, l’un des hommes poursuivis en justice par Maître Moudeïna, lancèrent une grenade sur elle alors qu’elle participait à une manifestation pacifique. Maître Moudeïna fut grièvement blessée par les éclats et marche toujours avec difficulté, plus de dix ans après.

« Le travail de Jacqueline Moudeïna est une remise en cause permanente du pouvoir que ceux qui ont terrorisé le Tchad pendant les années Habré ont conservé au sein du régime actuel » a déclaré Reed Brody. « Son infaillible détermination à défendre, quels qu’en soient les risques, les victimes de torture est un brillant exemple pour nous tous. » 

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