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Birmanie : Après le cyclone, la répression entrave la société civile et l’aide humanitaire

L’espace humanitaire se rétrécit à nouveau dans tout le pays à l’approche des élections de 2010

(Bangkok) – Le gouvernement birman continue de nier les libertés fondamentales et d’imposer des restrictions indues aux organismes d’aide malgré d’importants progrès de réhabilitation dans les zones dévastées par le cyclone Nargis il y a deux ans, a déclaré Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié aujourd’hui.

Human Rights Watch a appelé à une pression internationale renouvelée sur le gouvernement birman pour obtenir la libération des travailleurs humanitaires locaux emprisonnés et d’autres prisonniers politiques, et pour assurer que l’aide humanitaire atteigne l’ensemble du pays.

« Deux ans après l’une des pires catastrophes naturelles mondiales, les travailleurs humanitaires locaux sentent encore le poids de la répression continuelle exercée par les autorités militaires », a déclaré Elaine Pearson, directrice  adjointe pour l’Asie à Human Rights Watch. « Une intense pression internationale a poussé le gouvernement militaire à ouvrir la porte aux organismes d’aide étrangers, mais les généraux ont gardé cette porte fermée aux Birmans qui osent les critiquer. Un grand nombre de ces Birmans sont encore en prison pour s’être exprimés en faveur de leurs concitoyens dans le besoin. »

Le rapport de 102 pages, « I Want to Help My Own People: State Control and Civil Society in Burma after Cyclone Nargis » (« ‘Je veux aider mon peuple’ : Contrôle exercé par l’État sur la société civile en Birmanie après le cyclone Nargis »), basé sur 135 entretiens avec des rescapés du cyclone, des travailleurs humanitaires et d’autres témoins, documente la réponse du gouvernement militaire birman au cyclone Nargis et ses conséquences pour les droits humains ainsi que sur le développement en Birmanie aujourd’hui. Le rapport décrit les tentatives du gouvernement pour bloquer l’aide durant les trois semaines désespérées ayant fait suite au cyclone, qui a frappé le delta de l’Irrawaddy en Birmanie le 2 mai 2008, et la réaction concertée de la part des groupes de la société civile birmane de plus en plus affirmés consistant à surmonter les restrictions gouvernementales de manière à apporter de l’aide. Le rapport détaille les violations persistantes des droits à la liberté d’expression, d’association et de mouvement commises contre les travailleurs humanitaires birmans et leurs organisations par le Conseil d’État pour la paix et le développement (State Peace and Development Council, SPDC).  

Le cyclone Nargis a tué plus de 140 000 personnes et en a gravement touché 2,4 millions d’autres dans le delta de l’Irrawaddy et dans la ville de Rangoon, l’ancienne capitale. Au lendemain du cyclone, le gouvernement militaire birman a retardé et entravé l’effort de secours international et a même accru sa répression en surenchérissant avec une mascarade de référendum constitutionnel les 10 et 24 mai 2008.

L’impasse sur l’assistance internationale ne s’est terminée qu’après un accord diplomatique sans précédent conclu le 31 mai 2008 entre le SPDC, l’ONU et l’Association des Nations du Sud-est asiatique (ASEAN). Cet accord a facilité un afflux sans précédent d’aide humanitaire vers les zones touchées par le cyclone, notamment la présence de travailleurs humanitaires locaux et internationaux jouissant désormais d’une amélioration de l’accès pour fournir des secours humanitaires.

Bien que cette ouverture ait été la bienvenue, Human Rights Watch a souligné qu’il y a toujours des difficultés de reconstruction dans le delta, notamment l’accès à l’eau et l’assainissement, le logement, les besoins de santé et les moyens de subsistance qui touchent particulièrement l’agriculture de la région et les communautés de pêche. Le SPDC ne parvient pas à soutenir correctement les efforts de reconstruction au profit de la population, ne contribuant qu’à des niveaux dérisoires d’assistance malgré les importantes sommes à sa disposition provenant des ventes lucratives de gaz naturel.

Les organisations humanitaires ont déclaré à Human Rights Watch que l’espoir d’une expansion significative de l’aide internationale à travers la Birmanie à la suite du cyclone Nargis ne s’est pas réalisé, avec un espace humanitaire se rétrécissant à nouveau dans tout le pays dans la perspective des élections devant se tenir à la fin de 2010. Les restrictions continuelles sur l’apport d’aide et les règles électorales oppressives ayant pour cible les partis politiques d’opposition mettent en évidence l’état d’esprit du gouvernement militaire quant à la sécurité nationale, qui met l’accent sur le maintien du contrôle avant le bien-être de ses citoyens.

« Les besoins humanitaires du peuple de Birmanie en matière de nourriture, d’eau potable et de soins de santé essentiels sont immenses du fait que le gouvernement militaire a depuis si longtemps mal géré l’économie et mis des conditions strictes sur l’aide internationale », a expliqué Elaine Pearson. « La bonne nouvelle est qu’après le cyclone Nargis, la capacité à agir des travailleurs humanitaires birmans a pu augmenter, aidant à combler cette lacune. La mauvaise nouvelle est que les conséquences bénéfiques de cette action dans la zone touchée par le cyclone n’ont pas été égalées dans le reste du pays, où des millions de Birmans vivent dans une pauvreté évitable qui est alimentée par la corruption systématique et la répression. »

Le rapport décrit également comment dans les semaines ayant suivi le passage du cyclone Nargis, le SPDC a persisté avec un référendum constitutionnel au résultat truqué au détriment des efforts déployés par les citoyens birmans pour aider les survivants. Au vu de la réaction impitoyable du gouvernement, les groupes de la société civile birmane et les particuliers ont collecté de l’argent, des fournitures, et se sont rendus dans les endroits les plus gravement touchés du delta de l’Irrawaddy pour aider les survivants de villages détruits.

Dans les mois qui ont suivi, le SPDC a arrêté des quantités de militants et de journalistes birmans qui avaient dénoncé publiquement la piètre réaction du gouvernement au cyclone Nargis. Plus de 20 personnes ayant participé aux secours après le cyclone demeurent en prison à ce jour, notamment le fameux comédien birman, Zargana, qui s’est vu infliger une peine de 35 ans d’emprisonnement. Human Rights Watch poursuit sa campagne « 2100 en  2010 », 2100 in 2010: Free Burma’s Political Prisoners appelant à la libération immédiate de ces prisonniers et d’autres prisonniers politiques.

« La réaction de la société birmane au cyclone Nargis a été une source d’inspiration, mais il est honteux que des travailleurs humanitaires honnêtes aient été condamnés à de lourdes peines de prison », a conclu Elaine Pearson. « À l’approche des élections de 2010, la communauté internationale doit parler d’une seule voix de la nécessité pour les dirigeants birmans de libérer Zargana, les autres travailleurs en question, et les plus de 2 100 prisonniers politiques dans le pays. »

Extraits de récits faits par des rescapés du cyclone et par des travailleurs de l’aide humanitaire birmans et internationaux, interrogés pour le rapport :

« Nargis a été la pire expérience de ma vie. La dernière chose dont je me souviens, c’est l’éclair accompagné d’un vent violent, et ensuite une vague géante nous a recouvertes ma fille et moi, alors que nous courions vers le monastère. Puis nous avons été séparées. J’ai été emportée par la vague et j’ai perdu connaissance. Quand je suis revenue à moi, je ne portais plus de vêtements et je ne pouvais pas marcher car je n’avais plus de forces. A côté de moi, il y avait un cadavre. Je suis restée comme ça pendant deux jours je crois. J’ai essayé tant que j’ai pu de chercher ma fille. Plus tard, des gens avec un bateau m’ont secourue. Il n’y a eu aucun avertissement à propos de la tempête. »

– « May Khin », une femme de 45 ans, rescapée du cyclone Nargis, du canton de Laputta 

« Quand le cyclone Nargis a frappé, il n’y avait aucun agent de l’Etat visible même à Rangoon, parce qu’il y avait tellement de dégâts, et il était évident que les autorités ne pouvaient pas répondre aux besoins de la population aussi elles ont décidé de se tenir à l’écart. C’était une situation alarmante pour le public – tout d’un coup nous ne trouvions aucun soldat ni autorité locale dans les rues. Les gens n’ont dû compter que sur eux-mêmes, mais nous ne nous étions jamais trouvés dans une telle situation. »

–« Myo Nyunt », un travailleur de l’aide communautaire birman interrogé par Human Rights Watch à Rangoon, mars 2010. 

« Je veux sauver mon peuple. C’est pourquoi nous acceptons tous les dons que nous pouvons obtenir. Mais le gouvernement n’aime pas notre travail. Cela ne l’intéresse pas d’aider les gens. Il veut juste dire au monde et au reste du pays que tout est sous contrôle et qu’il a déjà sauvé son peuple. »

– Zargana, comédien et travailleur de l’aide communautaire, interrogé par un organe de la presse birmane en exil, quelques jours avant son arrestation à Rangoon le 4 juin. 

« Je n’ai aucune idée de ce qu’est la constitution. Mais nous avons bien voté après Nargis. On nous a juste dit de voter ‘Oui’. Je ne sais pas quel a été le résultat. A ce moment-là, les gens luttaient durement pour survivre. Nous avons juste fait ce qu’on nous a dit de faire. »

– « Ma Mei Mei », une jeune femme du canton de Dedaye décrivant le référendum constitutionnel qui a eu lieu trois semaines après le passage du cyclone Nargis. 

« L’expérience dans le delta n’a fait absolument aucune différence pour l’accès au reste du pays. Mais l’expérience de Nargis a changé les relations entre les groupes d’aide et certaines personnes au sein du gouvernement, et elle a développé la confiance. Mais nous ne savons pas vraiment jusqu’à quel niveau. Cela n’a pas amélioré l’accès à d’autres parties du pays, d’après notre expérience. »

– Directeur d’une agence d’aide internationale importante basée à Rangoon, entretien avec Human Rights Watch, Rangoon, mars 2010.

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