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Maroc : Déclaration de Human Rights Watch au sujet de l’affaire dite « Belliraj » devant le tribunal d’appel à Rabat

Human Rights Watch continue de s'inquiéter des vices de procédures qu'a connus le procès en première instance

(Bruxelles, le 12 février 2010) - Human Rights Watch continue de s'inquiéter des vices de procédures qu'a connus le procès en première instance dit « Belliraj », à Rabat, la capitale marocaine, procès qui a conduit à la condamnation le 28 juillet 2009, des 35 accusés y compris du citoyen belgo-marocain Abdelkader Belliraj.  Ce procès a fait l'objet d'un premier rapport de HRW, diffusé le 29 décembre 2009 et disponible en anglais à www.hrw.org/en/news/2009/12/29/morocco-address-unfair-convictions-mass-terror-trial et en arabe à www.hrw.org/ar/news/2009/12/29.

À l'approche du deuxième anniversaire de l'annonce, par les autorités marocaines, de l'arrestation des accusés, Human Rights Watch souhaite que la cour d'appel prenne en considération les irrégularités ayant porté atteinte à leur droit à un procès équitable.

Le procès en appel, qui a connu plusieurs reports, aurait dû débuter en novembre dernier mais n'a toujours pas commencé. La dernière séance en date, tenue le 3 février et à laquelle a assisté un observateur de Human Rights Watch, a été reportée peu après son ouverture, au 3 mars, afin d'attendre la traduction de certains documents.

Parmi nos inquiétudes suscitées par le déroulement du procès en première instance figurent:

  • Le jugement écrit révèle que les condamnations sont basées presque entièrement sur les procès-verbaux des accusés interrogés par la police.  Or la plupart des accusés ont rejeté ces procès-verbaux lors de leur comparution devant le juge d'instruction, certains ayant affirmé avoir été victimes d'actes de torture ou de mauvais traitements, et certains prétendant avoir été enlevés par des agents de police en civil et détenus au secret pour des périodes dépassant la durée légale de la garde-à-vue.  Malgré ces affirmations, ni le juge d'instruction ni le juge d'instance n'ont ordonné d'enquête sur ces allégations d'actes illégaux, qui pourraient avoir un impact sur la fiabilité des procès-verbaux.
  • Le droit international, tout comme le droit marocain, interdit l'usage d'aveux extorqués sous la torture. La torture est d'ailleurs considérée  comme un crime par la loi marocaine. Une plainte de torture constitue l'indice d'un éventuel crime que ni le juge d'instruction ni le juge d'instance ne peut présumer infondée. Le pouvoir judiciaire a l'obligation de mener une enquête.
  • Contrairement aux habitudes de la justice marocaine, le juge d'instruction chargé de cette affaire a refusé de permettre aux avocats de la défense de photocopier les dossiers et de les montrer à leurs clients avant qu'ils ne soient interrogés, ce qui a compromis leur droit de connaître toutes les pièces du dossier et de préparer pleinement leur défense.
  • Parmi les détenus figurent six individus connus pour leurs engagements sur la scène politique au Maroc, y compris des dirigeants de deux partis. Après la clôture de l'instruction, quand les accusés ont pu, pour la première fois, avoir accès aux pièces du dossier, les six individus ont affirmé que les copies de leur procès-verbaux fournis par la police et qui se trouvaient dans le dossier, étaient des faux qui auraient remplacé les procès-verbaux qu'ils ont signé lors de leur détention et que les versions se trouvant dans le dossier contenaient des déformations compromettantes de leur vraies déclarations.  
  • Malgré le fait que durant le procès, les accusés ont soulevé le problème de ces falsifications présumées, le tribunal n'a ordonné aucune enquête. Dans son jugement, la cour a estimé que le dossier contenait déjà suffisamment de preuves admissibles à l'encontre des « six », en fait des preuves qui émanaient des procès-verbaux de la police signés par d'autres accusés.

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Ces faits qui jettent le doute sur la fiabilité des procès-verbaux des interrogatoires de la police sont d'autant plus graves qu'il s'agit d'une affaire où ces procès-verbaux constituent le principal fondement des condamnations.

Human Rights Watch, tout en saluant la transparence des séances devant le tribunal d'appel de Rabat, qui sont ouvertes à tous, souhaite que le tribunal d'appel prenne au sérieux les arguments de la défense qui n'ont connu presque aucun écho lors du procès en première instance. 

Human Rights Watch continuera de suivre ce procès en espérant que tous les accusés - que ce soit les six considérés comme étant des hommes politiques, ou les autres qui sont moins connus - bénéficient enfin et pleinement de tous leurs droits de la défense et qu'ils soient innocentés et libérés si, à la fin d'un procès équitable, des preuves convaincantes de leur culpabilité d'actes criminels ne sont pas réunies.

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