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Une opportunité de combattre le racisme

Par Juliette De Rivero, Directrice plaidoyer de Human Rights Watch à Genève

(Genève, le 20 avril 2009) -  Le racisme a toujours été une tache sombre dans l'histoire de l'humanité, depuis l'époque de l'esclavage au récent génocide rwandais. Aujourd'hui encore, le racisme continue de faire des ravages partout dans le monde, réduisant au silence les minorités religieuses et les peuples indigènes, menant à des guerres ethniques, et alimentant la discrimination et la xénophobie contre les migrants.

Le racisme entache tout et blesse tous. Il interdit, entrave et étouffe la diversité et les voix. Il est trop important pour être ignoré ou négligé.

Alors que la plupart des nations se sont rassemblées à Genève le 20 avril pour l'examen de la Conférence mondiale de 2001 sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, mon organisation, Human Rights Watch a exprimé dans une déclaration commune avec ARTICLE 19 et Reporters Sans Frontières  sa conviction que la communauté internationale doit soutenir les Nations Unies dans sa lutte contre le racisme en renforçant les droits précieux à la liberté d'expression et d'opinion.

Les organisations que nous représentons savent, de par leur travail quotidien, qu'il y a beaucoup à perdre à ignorer ces droits et qu'il y a tout à gagner à s'assurer que la lutte contre le racisme s'effectue à travers le renforcement de la libre parole, du pluralisme et de la diversité des voix pouvant s'exprimer dans nos sociétés.

La conférence de Genève a été organisée pour examiner ce qui a été accompli depuis la conférence sur le racisme qui s'est tenue dans la ville sud-africaine de Durban en 2001. Cette conférence s'était conclue par d'importants résultats dans plusieurs domaines dont la protection des migrants et des réfugiés, la réparation des séquelles de l'esclavage ainsi que la défense des droits des femmes. Toutefois la conférence de Durban avait été éclipsée par le comportement inacceptable d'un certain nombre d'organisations lors d'un forum parallèle d'ONG. La polarisation des négociations autour du conflit israélo-palestinien avaient également engendré des tensions qui ont induit les Etats-Unis et Israël à quitter la conférence. Pourtant, la déclaration finale était un compromis que toutes les nations présentes avaient accepté, reconnaissant au peuple palestinien le droit à l'autodétermination et « le droit à la sécurité pour tous les Etats de la région, y compris Israël ».

Huit ans plus tard, pourtant, et à la suite des attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les tensions perdurent. Des politiques antiterroristes répressives ont aggravé les divergences entre le monde occidental et non-occidental. Le concept de la diffamation religieuse a émergé - mais a été vivement critiqué par la majorité de la communauté des défenseurs des droits humains et a terni le débat sur le racisme. Nous savons tous trop bien que les lois qui tentent de réduire au silence des peuples sur ces bases, les soi-disant lois sur l'apostasie, ne peuvent que meurtrir les minorités et conduire à plus de racisme.

Certains groupes, craignant une répétition des comportements inacceptables observés à Durban, ont plaidé pour un boycott de la Conférence de Genève.

Malgré les tensions initiales, le concept de « diffamation religieuse » comme la question du conflit au Moyen-Orient ont été écartés du texte de préparation de la conférence de révision. Cependant, les raisons de rester vigilants à propos des résultats demeurent, et nous devons défendre la protection contre toutes les formes de discrimination, y compris sur la base de l'orientation sexuelle.

Mais les raisons de donner une chance à la Conférence de Genève existent également. Le texte de préparation fournit une occasion unique pour les Etats membres d'aller au-delà de la polarisation sur le débat du racisme aux Nations Unies, de façon à embrasser leur responsabilité de combattre le racisme avec plus de force.

La société civile, les Etats membres et les Nations Unies doivent combattre le racisme dans tous les coins du monde, aux niveaux local, national et international. Cela veut dire reconnaitre que les victimes d'actes de racisme n'obtiennent rien de la haine, de la vengeance ou de la répression de leur contestation. Lorsque les communautés se voient renier une voix, leurs questions, leurs expériences, leurs inquiétudes sont alors rendues invisibles et ils deviennent d'autant plus vulnérables à l'intolérance, aux préjugés et à la marginalisation. Le racisme ne nous oblige pas seulement à nous taire. Il a aussi besoin qu'on se taise pour exister et survivre.

Certains voudraient voir cette conférence échouer, à cause de leur propre agenda politique étriqué, leur incapacité à reconnaitre que le racisme touche tout le monde et est présent partout, ou parce qu'ils ont perdu confiance dans les Nations Unies. Mais nous avons un devoir envers les victimes de racisme de faire de cette conférence un succès. Tous les Etats doivent s'engager pleinement dans le processus. Les Etats-Unis ne peuvent pas être une exception et doivent reconsidérer leur refus d'y prendre part.

Mais la Conférence de Genève représente une vraie chance de donner à la lutte contre le racisme sa juste place aux Nations Unies. C'est une opportunité à ne pas manquer.

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