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Appels à l’aide des victimes de guerre du Congo

« Nous sommes abandonnés. Qui va nous protéger? Qui va nous assister? »

A la fin du mois d'août 2008, l'armée congolaise (FARDC) et le groupe rebelle du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), ont repris des combats violents, enclenchant ainsi l'épisode le plus récent de plus de dix ans de guerre dans l'Est du Congo. L'armée congolaise a été parfois aidée par une milice congolaise connue sous le nom de Maï Maï et de PARECO, ainsi que par un groupe armé rwandais, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), dont certains chefs ont participé au génocide de 1994.

Au fil des ans, la guerre a impliqué différentes armées et mouvements rebelles locaux et nationaux, mais il y a toujours une constante : les exactions commises contre les civils par toutes les parties. Les populations de l'Est du Congo ont dû fuir leurs maisons à maintes reprises parfois pendant quelques semaines, parfois pendant des mois ou des années. Il y a plus d'un million de personnes déplacées loin de leurs maisons pour la seule province du Nord Kivu, avec une assistance limitée des agences humanitaires, qui souvent ne peuvent parvenir jusqu'aux personnes dans le besoin à cause des combats. Tués, blessés, violés et pillés - ce sont les habitants de l'Est du Congo qui paient le prix du conflit en cours.

Le 18 novembre 2008, dans un plaidoyer public adressé aux dirigeants internationaux, 44 groupes locaux de la société civile ont exprimé les préoccupations de nombreux habitants de l'Est du Congo : « Nous sommes devenus anxieux, craintifs, et complètement traumatisés par le rythme de l'insécurité ici chez nous », expliquait leur lettre. « Nous ne savons plus à quel saint nous vouer car nous sommes condamnés à mourir suite aux exactions et aux multiples déplacements auxquels nous sommes soumis. Nous sommes abandonnés. Qui va nous protéger? Qui va nous assister? »

Les récits suivants ne décrivent qu'une petite partie de la réalité déchirante de leurs vies. (Tous les noms de victimes et de témoins sont des pseudonymes.)

1. Tueries, viols et pillages commis par les soldats : « Je ne sais pas combien de temps encore nous survivrons. »

A la fin du mois d'octobre 2008, les rebelles du CNDP ont poussé leur avantage et ont progressé au sud vers Goma,  capitale de la province du Nord Kivu. Les soldats de l'armée congolaise, pris de panique, ont fui vers Kanyabayonga au nord et vers Goma et Minova au sud, apportant le chaos dans leur sillage. Mal entraînés, ces soldats ne sont pas payés régulièrement. Ils ne reçoivent pas non plus suffisamment de nourriture et autres approvisionnements. Dans la nuit du 29 octobre, ils se sont déchaînés dans Goma, tuant 20 civils au moins, dont cinq enfants, et en blessant plus d'une dizaine d'autres. Ils ont violé plus d'une dizaine de femmes et de filles. Ils ont pillé des magasins tout comme des maisons. Certains ont volé des véhicules pour se déplacer et quitter Goma avec le butin de leurs pillages.

Marie, âgée de 22 ans, et Berthe, sa grand-mère de 57 ans, ont toutes deux été violées dans la nuit du 31 octobre par des hommes portant des uniformes de l'armée congolaise dans un village tout près de Goma.

Marie :

« Deux soldats sont venus vers moi et m'ont demandé de leur donner mes chèvres. J'ai dit que je n'en avais pas. Alors ils m'ont demandé mes cochons. J'ai dit encore que je n'en avais pas. Ils se sont tournés vers une autre femme et lui ont demandé ses haricots et ses bananes. Elle a donné ce qu'elle avait, et les soldats m'ont dit de porter les bananes pour eux dans les collines. Quand nous sommes arrivés à la colline, un des soldats m'a poussée par terre. Il a appuyé le côté non tranchant de sa machette sur mon cou et la crosse de son fusil sur ma poitrine. Puis il m'a violée. Quand il a terminé, il a appelé l'autre soldat et il m'a violée lui aussi. Puis ils m'ont dit que je pouvais partir. Pendant que je me sauvais, ils ont tiré des coups de fusil dans la plantation de bananes. Je suis tombée par terre, faisant comme si j'étais morte. Alors ils sont partis et j'ai couru rejoindre ma famille. »

Les deux soldats qui ont violé Marie portaient des uniformes de l'armée congolaise, et ils parlaient  lingala, la langue parlée dans l'ouest de la RDC. Quelques heures plus tard, Berthe, la grand-mère de Marie, a été violée par un autre soldat, portant aussi un uniforme de l'armée congolaise, mais parlant kinyarwanda, langue parlée par les Congolais d'origine rwandaise ainsi que par les Rwandais.

Berthe :

« Le soldat nous a suivies, ma voisine et moi, depuis la grande route jusqu'à notre village. Quand nous sommes arrivées au village, il nous a dit de rentrer dans une maison qui n'était pas la nôtre. Puis il a appelé l'autre femme pour qu'elle sorte avec lui. Au bout de quelques secondes, j'ai entendu trois coups de feu dehors et ma voisine avait été tuée. Le soldat est revenu à l'intérieur et il m'a dit qu'il allait avoir des rapports sexuels avec moi. Je lui ai demandé comment il pouvait coucher avec quelqu'un de mon âge. Pour me sauver, je lui ai dit que j'avais le SIDA et l'ai supplié de me laisser partir. Mais il a refusé. Il m'a poussée sur le lit et m'a violée. Puis il est parti. J'ai essayé de le suivre pour voir dans quelle direction il s'enfuyait, mais j'étais trop faible. Plus tard cette nuit-là, six autres femmes que je connais ont été violées dans le village d'à côté, à Kanyarutshinya. Nous ne savons pas qui était responsable. »

Marie et sa grand-mère sont allées toutes deux se faire soigner le lendemain, mais le centre de soins n'avait pas de médicaments. « Depuis que j'ai été violée, mon mari m'a rejetée et je suis faible et traumatisée », a expliqué Berthe. « Mais ce qui nous inquiète le plus, c'est la faim et la maladie. Je ne sais pas combien de temps encore nous survivrons ».

Dans d'autres endroits du Nord Kivu, où les combattants des FDLR dominaient la région, ils ont aussi perpétré des viols et autres exactions. L'une des victimes interrogées dans un camp de personnes déplacées était Liliane.

Liliane :

« Une fois, quand j'ai essayé de retourner dans mon village, les FDLR m'ont retenue et m'ont violée. Ils m'ont amenée sur le bord de la route, près du village de Buhuga. Il y avait huit combattants des FDLR. J'étais avec sept autres filles. Nous avons toutes été violées. Les autres filles étaient de mon village, mais elles ne vivent pas dans ce camp. Ils nous ont prises à 2 h de l'après-midi et ils nous ont laissées partir le lendemain à 4 h de l'après-midi. Nous avons passé la nuit avec eux puis ils nous ont laissées partir. Un soldat m'a violée ; il y avait un soldat pour chaque fille. Ils nous ont gravement maltraitées. Ils nous ont menacées avec leurs armes, mais ils ne s'en sont pas servi contre nous. J'avais 17 ans quand c'est arrivé. Les autres filles avaient 16, 17 et 18 ans. Nous sommes toutes allées à l'hôpital à Rutshuru après ça. J'ai étudié jusqu'à la sixième, mais je ne peux pas étudier maintenant que je suis déplacée. Je veux juste que les FDLR et le CNDP s'en aillent pour pouvoir rentrer à la maison et continuer ma vie. »

2. Civils pris au piège dans des zones de combat : « Certains n'ont pas eu le temps de s'enfuir... »

Environ 250 civils ont été tués au Nord Kivu depuis la fin août. Beaucoup d'entre eux ont été pris dans des tirs croisés ou tués par des balles perdues ou des éclats d'obus, alors qu'ils tentaient de fuir loin des combats. Les civils ont été particulièrement exposés au danger à cause de l'utilisation accrue et souvent indiscriminée de l'artillerie, des mortiers et autres armes lourdes. Alors que les derniers combats ont été livrés à l'intérieur ou tout près de zones fortement peuplées, y compris des camps pour personnes déplacées, les belligérants ont rarement, voire jamais, donné aux populations le moindre avertissement et assez de temps pour fuir. Parfois des groupes armés ont délibérément empêché les populations de s'enfuir.

Originaire de Rugari (territoire du Rutshuru), Pierre vit dans le camp de personnes déplacées de Kibumba depuis octobre 2007. Il se trouvait dans le camp en octobre 2008 quand l'armée congolaise et les rebelles du CNDP se sont mis à tirer à proximité. Alors que les projectiles pleuvaient et que les balles volaient dans toutes les directions, Pierre et les autres personnes du camp tentaient à la hâte de rassembler leurs affaires et de partir en courant. Beaucoup d'entre eux n'y sont pas arrivés.

Pierre :

« Tout est allé très vite. Nous avons vu les gens de Rugari [au nord de Kibumba] qui fuyaient en courant vers nous et en même temps, nous entendions beaucoup de coups de feu. Les soldats de l'armée congolaise battaient en retraite, avec les CNDP qui avançaient derrière eux. Puis les projectiles du Rwanda sont tombés tout autour de nous. Beaucoup de civils ont été tués et blessé. Un obus est tombé sur le camp des veuves, juste à côté de l'enceinte de la MONUC [forces de maintien de la paix des Nations Unies]. J'ai vu le corps d'une femme dans le camp qui avait été décapitée par cet obus. J'ai vu aussi un garçon de 17 ans et un homme de 35 ans, père de six enfants, tués par les tirs de mortiers. Un autre homme, âgé de 65 ans, a été tué par balle quand les soldats du CNDP sont arrivés dans le camp.



« Bien d'autres civils ont été tués ou blessés, mais je ne pensais qu'à m'échapper et je n'avais pas le temps de vérifier tous les corps. Certains n'ont pas eu le temps de fuir ; ceux qui n'ont pas été tués ont été bloqués à Kibumba par les CNDP. Nous ne savons pas s'ils sont encore vivants aujourd'hui, mais les nouvelles que l'on a ne sont pas bonnes. On a entendu dire que beaucoup de femmes ont été violées et que les jeunes gens et les garçons comme moi ont été recrutés de force pour se battre. »

3. Civils déplacés : « Nous devons revenir parce que nous avons faim »

Les civils déplacés au Nord Kivu ont rarement de quoi nourrir suffisamment leurs familles. Ils ont souvent le triste choix de mourir de faim dans les camps ou de risquer leurs vies en retournant dans leurs fermes chercher de la nourriture, en général dans des zones contrôlées par l'un ou l'autre des groupes armés. S'ils sont pris, ils risquent fort d'être accusés d'espionner pour l'ennemi ou de sympathiser avec lui. Beaucoup d'entre eux sont arrêtés de façon arbitraire, torturés ou mutilés ; d'autres sont tués.

Quand des combats violents ont éclaté à Ntamugenga (territoire du Rutshuru) le 28 août, Jean s'est enfui avec sa femme et sept enfants vers Rubare, à quelques kilomètres de là. N'ayant reçu aucune aide alimentaire, Jean a décidé de revenir dans leur ferme, près de Ntamugenga, chercher de la nourriture. Peu après avoir pénétré dans la zone contrôlée par les CNDP de Nkunda, il a été stoppé par huit soldats du CNDP, armés de fusils, de machettes et de lances. Ils ont amené Jean jusqu'à une maison à proximité et l'y ont enfermé en compagnie de 11 personnes, dont trois femmes, qui avaient été capturées.

Jean :

« Au bout de 30 minutes, un des soldats est revenu et a dit qu'il allait tous nous exterminer », a raconté Jean. « Il s'est alors tourné vers moi et a mis sa machette contre mon oreille. Il m'a tailladé à l'oreille, lentement, lentement, aller-retour. Il a dit qu'il me taillerait, morceau par morceau, jusqu'à ce que je meure. Les autres prisonniers se sont mis à crier, et le soldat m'a lâché pour les frapper sur la tête avec le dos de sa machette. Puis il est revenu vers moi et il a commencé à me taillader dans le cou, derrière. Quand les autres ont crié encore plus fort, le soldat nous a fait sortir, moi et un autre prisonnier. Ils ont obligé l'autre homme à s'allonger par terre tout nu pendant qu'ils le frappaient à coups de bâtons et qu'ils lui tailladaient les fesses avec une machette. Finalement un soldat a persuadé les autres de nous laisser partir. J'ai couru à travers la forêt, avec du sang qui ruisselait de mon cou et de mon oreille, jusqu'à ce que j'arrive à un centre de soins. »

Après que les blessures de Jean aient été soignées, il est allé retrouver sa famille à Rubare, traumatisé, couvert de cicatrices et toujours sans nourriture.

« Ils font ce genre de choses tous les jours contre les gens qui ont fui et qui essaient de revenir à leurs fermes. Certains peuvent s'échapper après avoir été capturés et frappés ; d'autres n'y arrivent pas. Nous devons revenir parce que nous avons faim. »

4. Recrutement forcé d'enfants et d'adultes : « S'ils me trouvent, ils me tueront. »

Toutes les parties au conflit au Nord Kivu ont recruté par la force des civils, dont des enfants, pour les obliger à servir comme soldats. Le recrutement forcé s'est accru ces derniers mois tandis que les parties, en particulier le CNDP et la milice local PARECO, essaient de remplacer les combattants tués dans la lutte. Craignant d'être recrutés de force, beaucoup de jeunes hommes et de garçons fuient leurs maisons et dorment la nuit dans la brousse ou près des bases de la MONUC.

Au moins 150 enfants ont été recrutés de force pour le service armé depuis fin août 2008, et beaucoup d'autres ont été signalés. Ces enfants ont été envoyés en première ligne ou sont utilisés comme porteurs, gardes ou esclaves sexuels.

Anthony est l'un de la cinquantaine d'enfants et des dizaines d'adultes recrutés de force à la mi septembre par les forces rivales, le CNDP et la milice PARECO, à proximité même du camp de personnes déplacées de Ngungu (territoire Masisi). Sa famille s'était réfugiée à Ngungu quelques jours plus tôt après que le CNDP et la milice PARECO se soient affrontés dans leur village natal de Numbi.

Anthony :

« Cinq soldats du CNDP m'ont arrêté sur la route en plein jour. Ils m'ont envoyé avec un groupe important d'autres hommes et garçons, qui avaient entre 12 et 40 ans, à Murambi où ils disaient que nous allions porter des caisses de munitions pour les soldats rebelles. Ils nous ont tellement battus que nous n'avons pas pu résister. Quand nous sommes arrivés à Murambi, ils ne nous ont pas ordonné de transporter des caisses, et au lieu de ça ils nous ont donné des uniformes militaires et nous ont montré comment nous servir des armes. Puis au bout de trois jours, ils nous ont tous mis dans une prison souterraine. Nous y sommes restés pendant quatre jours, et de nouvelles recrues nous rejoignaient chaque jour. Le quatrième jour, ils nous ont fait sortir de la prison et nous ont emmenés à Karuba. Cette nuit-là, j'ai réussi à m'échapper avec deux autres recrues, et nous avons couru tout le long du chemin jusqu'à Ngungu. Les autres qui sont restés derrière ont été envoyés à Kitchanga pour un entraînement militaire. »

Quand Anthony et les deux autres hommes sont arrivés à Ngungu, ils se sont réfugiés à la base de la MONUC. Comme beaucoup de combattants qui choisissent de déposer les armes ou qui échappent au recrutement forcé, ils ont ensuite été remis aux autorités congolaises qui les ont envoyés à la prison du renseignement militaire à Goma (connue sous le nom de T2) comme point de transit avant d'être placés dans des camps de démobilisation. Les détenus de cette prison sont souvent incarcérés pendant des semaines ou des mois sans chef d'accusation et sont soumis à des traitements cruels et dégradants ; certains sont torturés. Au bout de cinq jours à la T2 sans manger, Anthony a réussi à s'échapper de la prison et il a à nouveau cherché refuge à la base de la MONUC à Goma.

« Je veux retourner chez nous à Numbi », a affirmé Anthony. « Mais j'ai peur. Si les soldats du CNDP me trouvent, ils me tueront. »

5. Pillage : « Nous sommes à leur merci »

La milice PARECO, l'un des groupes armés locaux souvent allié avec les soldats de l'armée congolaise, pille et vandalise sans vergogne dans les zones qu'elle contrôle. Un paysan a commenté : « Ils maltraitent toujours les gens. Ils demandent constamment de l'argent et si vous ne leur en donnez pas ils peuvent vous frapper ou faire d'autres choses horribles. Ils tuent même les gens. On ne peut pas dire grand-chose. Nous sommes à leur merci. »

Peu de victimes essaient de protéger leur nourriture ou d'autres biens, mais celles qui le font, comme Jeanette, finissent blessées ou tuées. Les chercheurs de Human Rights Watch ont interrogé Jeanette dans un hôpital en octobre 2008.

Jeanette :

« Je ne peux pas me rappeler la date exacte où c'est arrivé, mais c'était il y a pas longtemps. J'étais dans ma maison et je me préparais à aller dans les champs quand les miliciens PARECO sont arrivés. Ils voulaient piller ma maison et voler toutes mes affaires. Je n'ai presque plus rien au monde et j'ai refusé. Mes enfants sont tous morts et je ne sais pas où se trouve mon mari, aussi ce jour-là je ne pouvais pas supporter de perdre le peu de possessions qu'il me restait. Je leur ai crié « Non, Non ! » et alors ils m'ont tiré dessus par derrière. La balle est entrée sur le côté de la tête et elle est ressortie par l'œil. Je suis tombée par terre, presque morte. Je ne sais pas ce qui s'est passé après, mais d'une façon ou d'une autre je me suis retrouvée à l'hôpital. Maintenant je n'y vois plus de l'œil gauche et j'ai tout le temps des maux de tête. J'aurais préféré mourir parce que je ne sais pas quelle vie je vais mener maintenant. »

6. Rwandais, Tutsis et sympathisants présumés du CNDP pris pour cible : « Les policiers nous ont tabassés toute la nuit. »

Au moins 40 personnes, dont 12 enfants, ont été arrêtées arbitrairement depuis la reprise des combats au Nord Kivu fin août. Ils étaient tous Tutsis ou étaient accusés de sympathiser avec le CNDP, dirigé par des Tutsis. La plupart ont été détenus sans chef d'accusation, torturés et relâchés seulement après avoir versé des pots-de-vin substantiels aux autorités. Au moins 18 personnes ont été détenues à la prison du renseignement militaire T2.

Ces détenus ont été séparés des autres et forcés de dormir dans le coin utilisé comme toilettes, où d'autres urinaient et déféquaient. Ils étaient constamment frappés, tant par les soldats congolais qui étaient eux-mêmes détenus dans la prison que par les gardiens de prison. D'autres ont été détenus dans les prisons de la police, dans la prison des bureaux du maire et dans des centres de détention secrets à Goma. Certains ont été transférés en dehors de Goma, notamment à Kinshasa et Bukavu.

Des fonctionnaires ont fait des déclarations anti-tutsi à la radio, à la télévision et dans des réunions publiques, augmentant ainsi la peur et la haine des Congolais à l'égard de l'ethnie Tutsi, jugée comme ayant des liens avec le pays du Rwanda voisin. Une force militaire rwandaise a occupé cette région de 1998 à 2002 et a commis de nombreuses atteintes aux droits humains.

Les Rwandais qui étudient ou travaillent à Goma ont aussi été pris pour cible par les civils et par les autorités de l'Etat; la peur a conduit certains d'entre eux à abandonner leurs emplois ou leurs chances d'étudier au Congo.

Le 20 octobre, trois Tutsis rwandais étudiants dans une école de Goma, âgés de 15, 16 et 17 ans, ont été agressés et battus par une foule hostile dans un marché de Goma.

Gerald :

« Nous cherchions juste à acheter des chaussures d'occasion au marché, mais les gens nous ont accusés d'être des espions de Nkunda. Ensuite la police est arrivée, et ils nous ont fait défiler dans les rues, tandis que la foule nous criait: « Vous les Tutsis vous êtes mauvais. Vous êtes les mouches qu'il nous faut toujours écraser. » Quand nous sommes arrivés au poste de police de Kibabi, les policiers nous ont frappés avec des chambres à air de pneus. Ils nous ont envoyés à la prison du bureau du maire. Là ils nous ont fait enlever nos pantalons pour voir si nous étions circoncis. Ils ont tiré sur nos nez et sur nos pénis, en disant que nous avions des pénis allongés parce que nous étions Tutsis. Toute la nuit, les policiers nous ont tabassés à coups de matraques et de crosses de fusils, en nous accusant toujours d'être des espions de Nkunda. Mais ils n'avaient aucune preuve. Le matin, ils nous ont ramenés au poste de police de Kibabi et nous avons fini par être relâchés après que nos familles aient payé chacune 50 dollars. »

Comme bien d'autres Rwandais qui vivent, étudient ou travaillent à Goma, ces trois jeunes sont partis pour Gisenyi de l'autre côté de la frontière. « Nous voulons revenir à l'école à Goma parce que nous n'avons pas les moyens de payer les frais scolaires au Rwanda », a indiqué l'un des jeunes arrêtés. « Mais nous devons abandonner nos études si nous ne voulons pas être tués à Goma. »

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