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Le Premier Ministre français Dominique de Villepin devrait profiter de sa visite du 14-15 février à Moscou pour faire état des inquiétudes de la France concernant la dégradation de l’état des libertés civiles et politiques en Russie.

De Villepin devrait particulièrement insister sur les problèmes posés par la nouvelle loi russe sur les organisations non gouvernementales ainsi que sur le néfaste développement d’un environnement toujours plus hostile pour la société civile russe.

« De Villepin devrait être très clair sur le fait que, pendant que le gouvernement russe démantèle les structures de la société civile, la France ne restera pas silencieuse, » a affirmé Holly Cartner, Directrice de la division Europe et Asie Centrale pour Human Rights Watch. « Il devrait insister sur le fait que cette question est une préoccupation mondiale et qu’elle fera partie des priorités de l’agenda franco-russe. »

Le 10 janvier, le Président Vladimir Poutine a signé une loi mettant en place de nouvelles restrictions de la part de l’Etat sur les organisations non gouvernementales (ONG), et facilitant la fermeture ou le refus d’enregistrement des ONG. Cette loi octroie aux fonctionnaires gouvernementaux un niveau d’indépendance sans précédent dans leur appréciation de projets, ou de volets spécifiques de ces projets, pouvant être considérés comme préjudiciables pour les intérêts nationaux russes. Elle donne aux fonctionnaires en charge de l’enregistrement des ONG le pouvoir de fermer les bureaux de n’importe quelle ONG étrangère dont les activités n’ont pas pour but de « défendre le système constitutionnel, la morale, la santé publique, les droits et les intérêts légaux d’autrui, ou de garantir la capacité de défense et de sécurité de l’Etat. »

Human Rights Watch a demandé à la France d’être à l’avant-garde de relations politiques avec la Russie qui mettraient en priorité le respect des droits de l’homme, y compris la liberté d’association, vitale pour un gouvernement responsable et une société démocratique. La nouvelle loi russe sur les ONG n’est pas en conformité avec les standards établis par le Conseil de l’Europe, standards qui limitent la possibilité pour un gouvernement de contrôler les comptes et les rapports annuels des ONG. La Russie assurera la présidence du Conseil de l’Europe pendant 6 mois à partir de mai 2006.

« L’Europe devrait s’exprimer d’une seule voix sur les droits de l’homme et les libertés civiles en Russie et elle devrait utiliser cette voix pour protéger les organisations de la société civile, » affirme Cartner. « L’Europe devrait demander à la Russie d’expurger cette nouvelle loi de ses plus lourdes exigences. »

Depuis deux ans, déclarations de hauts fonctionnaires russes et autres actions gouvernementales se sont succédées, créant une atmosphère hostile aux ONG en Russie. Cette évolution donne du crédit aux inquiétudes concernant la nouvelle loi sur les ONG, loi qui ne se limite pas à imposer de nouvelles régulations bénignes mais qui sert bel et bien à interférer dans leurs activités. Le 7 février, dans un discours du service fédéral de sécurité (FSB, successeur du KGB), le Président Poutine à appelé le FSB à « protéger la société de toute tentative de la part d’Etats étrangers via l’utilisation d’ONG d’interférer dans les affaires internes russes. » Ce discours est intervenu plusieurs semaines après qu’un programme diffusé par une télévision russe appartenant à l’Etat ait tenté d’associer les ONG russes à un scandale d’espionnage impliquant l’ambassade britannique.

Le gouvernement russe a aussi intenté une action en justice contre plusieurs ONG ayant rendu public ses abus. Le 03 février, une cour siégeant à Nijni Novgorod a condamné Stanislav Dmitrievski, le responsable de l’ONG de l’Amitié russo-tchétchène et éditeur du journal de l'organisation Pravozaschita. Les charges, politiquement motivées, parlent d’« incitation à la haine raciale », et ont débouché sur une sentence de deux ans de prison avec sursis, avec quatre ans de mise à l’épreuve. Ces accusations découlent de la publication par Pravozaschita de deux déclarations faites par des leaders rebelles tchétchènes.

À la fin du mois de janvier, afin éliminer le Centre russe de recherche sur les droits de l’homme, le ministre russe de la Justice lui a intenté un procès. Cette organisation regroupe une douzaine de groupes travaillant sur les droits de l’homme en Russie, comme le Groupe Helsinki de Moscou et l’Union des comités des mères de soldats. Le Ministre de la Justice affirme que le groupe a omis de faire état de ses activités au cours des cinq dernières années - déclaration réfutée par le groupe. De même, fin janvier, une cour d’arbitrage de Moscou s’est prononcé en la défaveur du Centre russe PEN, une ONG qui défend la liberté d’expression, soutenant qu’elle devait à l’Etat 2 millions de roubles de taxes de propriété ; les autorités ont gelé ses comptes, conformément à la décision de la justice.

La loi sur les ONG est la dernière attaque du Kremlin envers des institutions indépendantes qui pourraient exercer un droit de regard sur l’utilisation de son pouvoir par le gouvernement. Human Rights Watch a affirmé que, depuis son accession au pouvoir en 2000, Poutine a systématiquement cherché à affaiblir et à prendre le contrôle des institutions clé du gouvernement et de la société civile. Le gouvernement russe a pris progressivement le contrôle des contenus éditoriaux de toutes les chaînes de télévision ainsi que des antennes de radio d’audience nationale, ne laissant d’espace à aucun forum digne de ce nom pour un débat public en Russie. En outre, le gouvernement travaille pour obtenir de la Douma d’être un parlement docile. Il semble également s’employer à affaiblir l’indépendance du pouvoir judiciaire ainsi qu’à subordonner au Kremlin les gouverneurs régionaux de Russie.

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