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Procès tentés par les partisans de la partie dominante menacent la Ligue Tunisienne pour les droits de l’homme

Lettre aux membres des Nations Unies, le 3 février 2006

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, la Commission internationale de juristes (CIJ), Human Rights Watch (HRW) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) souhaitent attirer votre attention sur les poursuites judiciaires intentées à l’encontre de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH).

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, la Commission internationale de juristes (CIJ), Human Rights Watch (HRW) et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) souhaitent attirer votre attention sur les poursuites judiciaires intentées à l’encontre de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH).

En effet, en date du 5 septembre 2005, un jugement en référé prononcé par le tribunal de première instance de Tunis enjoignait la LTDH à «suspendre la tenue de son congrès prévu les 9, 10 et 11 septembre 2005 » ainsi que « tous les travaux préparatoires qui visent à en faciliter la tenue, à cette date ou à tout autre date, et ce jusqu’à ce qu’un jugement définitif ne soit rendu dans l’affaire au fond enrôlée auprès du tribunal de première instance de Tunis (...) avec exécution immédiate». Ce jugement résultait d’une requête conjointe de 22 membres de la LTDH, adhérents ou proches du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir). Parallèlement, ces 22 personnes avaient initié une procédure sur le fond devant la chambre civile du Tribunal de 1ère instance de Tunis tendant à faire annuler la convocation du 6ème congrès de la LTDH lancée par le comité directeur.

Les membres contestataires dénoncent les "violations du statut et du règlement intérieur » par l’actuel comité directeur de la LTDH dans le but de les exclure. Le dépôt de leur plainte fait suite à la fusion décidée par la LTDH de plusieurs sections locales dans le cadre d'un processus de restructuration visant à renforcer l'efficacité de l'organisation. Le comité directeur dénonce pour sa part, la plainte déposée par des alliés du parti au pouvoir dont il considère que le seul souci consiste à accroître leur influence et à saper l'indépendance de la LTDH, et ce en recourant à des actions devant une justice dont l'indépendance a été à plusieurs reprises, contestée par nos organisations ainsi que par plusieurs instances internationales et régionales.

Bien que les autorités tunisiennes nient toute implication dans cette affaire, qu'elles jugent comme interne à la LTDH, de nombreux éléments tendent à contredire leurs déclarations. Depuis l’élection en 2000, d’un comité directeur indépendant qui n'hésite pas à dénoncer avec vigueur les violations des droits humains en Tunisie, la LTDH a été la cible de nombreuses plaintes et actions en justice. Depuis le 16 septembre 2005, la police tunisienne a procédé à l’interdiction de l’accès aux bureaux de plus d'une quinzaine de sections de la Ligue, même les membres élus des comités de ces sections se sont vus empêchés d'accéder aux locaux. Cette interdiction n'est fondée sur aucune base légale. Par ailleurs, la couverture de ces litiges par la presse pro-gouvernementale est toujours particulièrement orientée. Enfin, les autorités ont pris à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, des mesures directes pour empêcher la LTDH ainsi que d'autres organisations indépendantes, de mener à bien leurs activités, notamment en bloquant des subventions qui leur ont été accordées notamment par l’Union européenne.

Après deux reports successifs (le 12 novembre et le 24 décembre 2005), une nouvelle audience opposant le Comité directeur de la LTDH et les deux seuls plaignants ayant maintenu leur plainte, les 20 autres s'étant retirés en date du 12 novembre 2005, se déroulera à la chambre civile de 1èreinstance de Tunis, le 25 février 2006.

Nos organisations considèrent la procédure intentée contre le Comité directeur de la LTDH comme une nouvelle manifestation de l’instrumentalisation du système judiciaire et ce, afin de faire obstacle au libre exercice des libertés fondamentales en Tunisie. Nos organisations demandent aux autorités tunisiennes de permettre le jeu de l’exercice démocratique au sein des organisations de la société civile tunisienne et de lever toutes les mesures prises pour empêcher la tenue du Congrès national de la LTDH.

Ce procès, à l’instar des multiples actions précédemment entreprises par les autorités tunisiennes à l’encontre de la LTDH, ne vise qu’à sanctionner les activités légitimes menées avec détermination pour la défense des droits de l’Homme, depuis près de trente ans, par la première ligue non partisane de défense des droits de l’Homme de la région.

Le cas de la LTDH est emblématique et révélateur du harcèlement continu dont sont victimes les défenseurs des droits de l'Homme et de nombreux autres groupes de la société civile de la part des autorités tunisiennes.
Nous vous appelons à prendre les mesures en votre pouvoir afin de rappeler aux autorités tunisiennes leurs engagements internationaux relatifs aux libertés fondamentales et à les encourager à respecter ces engagements. Dans le cas qui nous occupe précisément ici, une démarche conjointe menée à la fois par les différents mandats concernés de la Commission des droits de l’Homme des Nations unies et les instances en charge de la protection des défenseurs des droits de l’Homme au sein des institutions régionales et en particulier, la Rapporteure spéciale pour les défenseurs des droits de l’Homme de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et le Haut représentant pour les droits de l’Homme du Conseil de l’Union européenne, pourrait avoir un impact très important, en vue d’une issue positive à cette affaire.

En espérant que vous pourrez prendre en considération nos requêtes, nous vous prions d’agréer Mesdames, Messieurs, nos respectueuses salutations.

Sidiki Kaba
Président
FIDH

Eric Sottas
Directeur
OMCT

Sarah Leah Whitson
Directrice exécutive
HRW

Eva Norstroem
Vice-présidente.
REMDH

Federico Andreu Guzman
Secrétaire général adjoint
CIJ

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