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Burundi

Événements de 2018

Des Burundais font la queue pour voter lors du référendum constitutionnel à Buye, dans le nord du Burundi, le 17 mai 2018.

© 2018 Berthier Mugiraneza/AP Photo

Les services de sécurité du Burundi et des membres des Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir, ont perpétré des violations massives des droits humains au cours de l’année 2018, et notamment des exécutions sommaires, des viols, des enlèvements, des passages à tabac et des actes d’intimidation à l’encontre de présumés opposants politiques. La plupart des exactions les plus graves ont eu lieu dans la période qui a précédé un referendum constitutionnel organisé le 17 mai, qui donne au président Pierre Nkurunziza la possibilité de rester potentiellement au pouvoir jusqu’en 2034.

La situation humanitaire restait critique, tandis que la société civile et le paysage médiatique autrefois dynamiques du pays a été décimé depuis le début de la crise en avril 2015, quand Nkurunziza a annoncé son intention de se présenter pour un troisième mandat contesté. Le 11 mai, juste avant le référendum, des attaquants non-identifiés, soupçonnés d’avoir pénétré au Burundi depuis la République démocratique du Congo, ont lancé l’une des attaques les plus meurtrières dans le pays ces dernières années, faisant 26 morts, dont 11 enfants, à Ruhagarika dans la province de Cibitoke.

La commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a signalé en septembre que des violations graves, y compris des crimes contre l’humanité, avaient continué à être commises en 2017 et 2018.

Le 27 septembre 2018, le Conseil national de sécurité du Burundi a annoncé la suspension pendant trois mois des organisations non-gouvernementales internationales. En résultat, les opérations d’environ 130 ONG internationales, dont certaines apportent une aide vitale, ont été considérablement entravées.

Exactions commises par les forces de sécurité et les jeunes du parti au pouvoir

La commission d’enquête a confirmé l’existence en 2018 de nouveaux cas d’exécutions sommaires, de disparitions forcées, d’arrestations et placements en détention arbitraires, de violences sexuelles, d’actes de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La commission a conclu que les auteurs de ces crimes – le Service national de renseignement (SNR), la police et les Imbonerakure – opèrent dans « un climat général d’impunité favorisé par l’absence d’indépendance de la justice ». Pour la première fois, la commission a incriminé Nkurunziza directement en dénonçant « des appels récurrents à la haine et à la violence ». 

En annonçant le référendum du 12 décembre 2017, le président Pierre Nkurunziza a émis un avertissement : ceux qui oseraient « saboter » le projet de révision de la constitution « par la parole ou par l’action » franchiraient une « ligne rouge ». Dans les mois qui ont précédé le référendum, la police, les services du renseignement et des membres des Imbonerakure ont tué, violé, enlevé, frappé et intimidé des opposants présumés au parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD). Les passages à tabac et intimidations d’opposants présumés ont continué après le scrutin.

Les violences politiques liées au référendum de mai ont fait au moins 15 morts, selon les recherches de Human Rights Watch, mais il est probable que le véritable chiffre soit beaucoup plus élevé. Des dizaines de cadavres ont été retrouvés dans tout le pays dans des circonstances suspectes. La plupart n’ont jamais été identifiés et les conditions dans lesquelles ils sont morts n’ont jamais été établies.

De nombreux opposants politiques ont été arrêtés, intimidés ou détenus au secret dans des lieux indéterminés, y compris des membres des Forces nationales de libération (FNL), du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), et d’autres partis d’opposition. Certains étaient accusés d’avoir dit à leurs membres de voter contre le référendum.  

La commission d’enquête a constaté que « le phénomène d’embrigadement de la population au sein du CNDD-FDD et de sa ligue des jeunes, les Imbonerakure, s’est intensifié » avant et durant la campagne référendaire, y compris par le recrutement forcé. La commission a aussi établi que les membres des Imbonerakure sont en capacité d’agir librement grâce au fait qu’ils dépendent « du bon vouloir des structures étatiques du pouvoir et de l’impunité que ces dernières leur laissent ».

Réfugiés

À l’heure où nous écrivons, environ 378 000 réfugiés vivaient en dehors du Burundi, et notamment en Tanzanie, au Rwanda, en Ouganda et en RD Congo. Après qu’un pic de près de 431 000 réfugiés ait été atteint en mars, on comptait début octobre 40 000 réfugiés rentrés au Burundi depuis la Tanzanie, dans le cadre d’un programme de rapatriement volontaire impliquant la Tanzanie, le Burundi, et le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies (UNHCR). Certains réfugiés ont déclaré ne pas avoir d’autres choix que de rentrer au Burundi après que les autorités locales tanzaniennes leur aient interdit de faire du commerce au sein des camps fermés où ils vivaient, et que les agences humanitaires à court de liquidités aient réduit les rations alimentaires quotidiennes à un seul repas par jour.

En avril, environ 2500 réfugiés burundais, dont la plupart sont membres d’une secte religieuse et connus sous le nom d’« adeptes de Zebiya », sont rentrés du Rwanda au Burundi. À l’origine, ils avaient fui en 2015 à Kamanyola, dans la province du Sud-Kivu, dans l’est de la RD Congo. En septembre 2017, les forces de sécurité congolaises ont fait un usage excessif de la force pour réprimer une manifestation initiée par les réfugiés burundais de Kamanyola, faisant près de 40 morts parmi eux et en blessant plus d’une centaine d’autres. La situation continuant à se détériorer, ceux qui ont survécu au massacre se sont enfuis au Rwanda au mois de mars. Après l’arrestation de plusieurs de leurs dirigeants au Rwanda, et parce que nombre d’entre eux refusaient certaines procédures pour des motifs religieux, entre autres leur enregistrement biométrique, la plupart des réfugiés sont alors rentrés au Burundi, où certains ont pu subir des persécutions.

Société civile et médias

L’espace dévolu à la société civile et aux médias s’est considérablement réduit en 2018, et beaucoup d’activistes de la société civile et de journalistes indépendants sont restés en exil. Une part importante de ceux qui sont restés au Burundi ont subi des intimidations, placement en détention ou procès sur la base d’accusations forgées de toutes pièces. Le défenseur des droits humains Germain Rukuki, membre de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), a été condamné à 32 ans de prison en avril pour « rébellion », « atteinte à la sûreté intérieure de l’État », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « attaques contre le chef de l’État ». En août, l’activiste Nestor Nibitanga, observateur au sein de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), a été condamné à cinq ans pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Le gouvernement avait fait fermer l’ACAT et l’APRODH en octobre 2016, de même que plusieurs autres organisations de défense des droits humains.

En mars, trois membres de Parole et action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités (PARCEM) ont été condamnés à 10 ans de prison pour avoir « préparé des actions de nature à perturber la sécurité ». PARCEM est l’une des rares ONG indépendantes qui opèrent encore dans le pays. Ces activités avaient été arrêtés en 2017 alors qu’ils organisaient un atelier sur les arrestations arbitraires.

Le Conseil national de la communication (CNC) a suspendu en avril le forum en ligne des lecteurs du principal journal indépendant du pays, Iwacu, pour une durée de trois mois, pour avoir « outrepassé les normes professionnelles ». Début mai, le CNC a suspendu la chaîne britannique British Broadcasting Corporation (BBC) pour six mois, pour raison de « manquements à la loi régissant la presse et à la déontologie professionnelle », après qu’un défenseur burundais des droits humains de premier plan, Pierre Claver Mbonimpa, ait été invité sur son antenne le 12 mars. Le CNC a affirmé que les remarques de Pierre Claver Mbonimpa étaient « déplacés, exagérés, non vérifiés, diffamatoires, portant même atteinte à la réputation du chef de l’Etat ». Dans le même temps, le CNC a également interdit la Voix de l’Amérique (VOA) pour six mois, au motif technique que cette chaîne utilisait une fréquence interdite. La BBC et VOA n’étaient toujours pas revenues sur les ondes à l’heure où nous écrivons.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le Burundi punit les rapports sexuels consensuels entre adultes du même sexe de jusqu’à deux ans de prison, aux termes de l’article 567 du code pénal. Ceci constitue une violation du droit à la vie privée et à ne pas subir de discriminations.

Droit à l’éducation

En juin, le gouvernement a interdit aux jeunes filles enceintes ou ayant un enfant d’aller à l’école. Environ quatre semaines plus tard, le gouvernement est revenu sur cette décision sans expliquer pourquoi.

Réforme constitutionnelle

La nouvelle constitution, adoptée au cours du référendum de mai, a remplacé la constitution de 2005, qui était entrée en vigueur après la signature des Accords de paix d’Arusha, lesquels ont contribué à mettre fin à une guerre civile. La nouvelle constitution a prolongé la durée du mandat présidentiel de cinq à sept ans, renouvelable une fois seulement, et a remis les compteurs à zéro en ce qui concerne les mandats déjà exécutés, permettant à Pierre Nkurunziza de se présenter potentiellement pour deux nouveaux mandats de sept ans, en 2020 puis en 2027.

En plus de modifier la loi concernant les limites de mandats, la nouvelle constitution a été conçue pour renforcer l’emprise du CNDD-FDD en réduisant la majorité requise pour adopter une législation. Les changements pourraient aussi conduire au démantèlement des éléments de partage du pouvoir qui étaient au cœur des Accords d’Arusha, et remettre en question les garanties qui assurent aux membres de la minorité ethnique tutsi l’accès à certains postes gouvernementaux.

Principaux acteurs internationaux

Le dialogue inter-burundais, qui s’est ouvert en 2014 sous la direction de la Communauté d’Afrique de l’Est (East African Community, EAC) a continué à stagner, entravé par la réticence apparente des dirigeants de la région à faire pression sur Nkurunziza pour qu’il fasse de véritables concessions. Le facilitateur du dialogue inter-burundais, l’ancien président tanzanien Benjamin Mkapa, a appelé à une cinquième et dernière session de pourparlers entre le gouvernement et les partis d’opposition. Les consultations ont eu lieu entre le 24 et le 29 octobre à Arusha, en Tanzanie. Peu de progrès ont été accomplis, le gouvernement n’ayant pas assisté à la session.

En février, le Sous-comité pour l’accréditation de l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (Global Alliance of National Human Rights Institutions, GANHRI) qui évalue l’efficacité et l’indépendance des organes nationaux des droits humains, a rétrogradé la Commission indépendante des droits de l’homme du Burundi du niveau A au niveau B, en raison de son manque d’indépendance.

La Cour pénale internationale a continué ses enquêtes sur les crimes commis au Burundi depuis 2015. La commission des Nations Unies a organisé un dialogue interactif à l’occasion de la 73ème Assemblée Générale de l’ONU, le 24 octobre 2018. Dans un communiqué de presse paru en août, le Conseil de sécurité de l’ONU pressait le Burundi de « prendre d’autres mesures pour protéger et garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous et pour assurer leur respect, conformément à la Constitution du pays et à ses obligations internationales. »

Le Conseil des droits de l’homme a renouvelé le mandat de la commission d’enquête pour une année supplémentaire, bien que le Burundi continue à refuser de coopérer avec cette dernière et ait déclaré ses membres persona non grata en septembre. En avril, le gouvernement a également révoqué les visas de trois experts de l’ONU missionnés par le Haut-commissariat aux droits de l’homme pour rassembler des informations sur les exactions en vue de les partager avec les autorités judiciaires locales, bien que le Burundi ait approuvé ces experts et leur mission en septembre 2017.

Le Conseil de sécurité continue à tenir des sessions régulières consacrées à la situation au Burundi, mais est resté paralysé sur le sujet, principalement parce que le Burundi n’est pas une priorité compte tenu de la concurrence d’autres centres d’intérêts, comme la crise en Syrie et d’autres conflits.

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