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Rwanda

Événements de 2024

Une femme dépose son bulletin de vote lors des élections générales rwandaises de 2024 dans un bureau de vote à Kigali, au Rwanda, le 15 juillet 2024.

© 2024 LUIS TATO/AFP via Getty Images

Les élections présidentielles de juillet, remportées par le président Paul Kagame avec 99,15 pour cent des voix, se sont déroulées sur fond de répression. Les allégations de mauvais traitements des détenus se sont poursuivies et, en avril, plusieurs responsables pénitentiaires et prisonniers ont été condamnés pour meurtre et agression de détenus à la prison de Rubavu. En mai, les autorités rwandaises ont refusé l’entrée sur leur territoire à une chercheuse senior de Human Rights Watch.

Le Rwanda a fourni un soutien opérationnel et logistique au groupe armé M23 dans l’est de la République démocratique du Congo, où ses troupes ont bombardé sans discernement des zones civiles et des camps de déplacés. En juillet, le gouvernement nouvellement élu du Royaume-Uni a abandonné le projet controversé de son prédécesseur qui visait à envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda.

Justice pour le génocide de 1994

Trente ans après le génocide de 1994, qui a fait plus d’un demi-million de morts, les efforts visant à rendre justice pour les meurtres et à s’assurer que les responsables soient jugés se poursuivent dans le monde entier. Plusieurs personnes responsables du génocide, y compris d’anciens membres haut placés du gouvernement et d’autres figures importantes à l’origine des massacres, ont été traduites en justice. De plus en plus de poursuites contre des personnes soupçonnées de génocide sont en cours devant des tribunaux nationaux en Europe en vertu du principe de compétence universelle, dont plus d’une dizaine en France et en Belgique. En janvier 2024, un homme rwandais de 69 ans a été arrêté à Gateshead, dans le nord de l’Angleterre, par les autorités qui menaient une enquête pour génocide et crimes contre l’humanité. Il a été libéré sous caution.

Les autorités judiciaires rwandaises ont continué à mener des enquêtes et des poursuites sur des affaires liées au génocide, y compris contre des personnes extradées d’autres pays. En janvier 2024, Wenceslas Twagirayezu, un Rwandais de nationalité danoise qui a été extradé vers le Rwanda en décembre 2018, a été acquitté des chefs d’inculpation de génocide et de crimes contre l’humanité commis pendant le génocide de 1994. L’acquittement de Wenceslas Twagirayezu a fait suite à des déclarations contradictoires de témoins et des preuves démontrant qu’il ne se trouvait pas au Rwanda au moment des événements auxquels il était accusé d’avoir participé. Une cour d’appel l’a reconnu coupable et lui a infligé une peine de 20 ans de prison en juillet.

Pour marquer les 30 ans du génocide, Human Rights Watch a publié une série d’archives soulignant les efforts extraordinaires des défenseurs des droits humains au Rwanda et à l’étranger pour mettre en garde contre le génocide de 1994 qui se planifiait et tenter d’arrêter les meurtres.

Liberté d’association

En août, les autorités ont fermé des milliers d’églises et de salles de prière accusées de ne pas respecter les réglementations en matière de santé et de sécurité. À la fin du mois d’août, plus de 14 000 lieux de culte du pays ont apparemment été inspectés et plus de 8 000 auraient été fermés pour non-respect de la loi, selon les chiffres du ministère de l’Administration locale. Le 28 août, les autorités ont interdit les activités de 43 groupes religieux accusés de fonctionner illégalement.

En mai, les autorités rwandaises de l’immigration ont refusé l’entrée sur le territoire à Clémentine de Montjoye, chercheuse senior au sein de la division Afrique de Human Rights Watch, à son arrivée à l’aéroport international de Kigali. Clémentine de Montjoye s’était rendue au Rwanda pour rencontrer des responsables diplomatiques étrangers, mais s’est vue indiquer à son arrivée qu’elle n’était « pas la bienvenue au Rwanda » pour des « raisons liées à l’immigration » non précisées, et la compagnie aérienne Kenya Airways a reçu l’ordre d’assurer son transfert hors du pays.

Un projet de loi qui pourrait imposer des limites strictes aux opérations et activités de la société civile a été examiné par le parlement en avril.

Système judiciaire politisé

La répression de l’opposition, des médias et de la société civile par les autorités a continué à l’approche des élections générales qui se sont tenues le 15 juillet 2024. Les Rwandais n’ont pas pu exprimer librement leurs opinions ni exercer leur droit de vote de manière équitable et pacifique.

Au moins quatorze membres du parti d’opposition non enregistré Dalfa-Umurinzi et quatre journalistes et détracteurs sont derrière les barreaux. Certains ont passé plus de trois ans en détention provisoire et d’autres ont été reconnus coupables d’infractions incompatibles avec les normes internationales relatives aux droits humains. Le procès d’un groupe arrêté en octobre 2021 pour avoir suivi une formation en ligne et planifié une campagne sur les méthodes pacifiques d’expression de la dissidence s’est ouvert au mois d’octobre.

En mars 2024, le défenseur des droits humains François-Xavier Byuma a été libéré de prison après avoir purgé une peine de 17 ans à l’issue d’un procès gacaca – mené par des tribunaux communautaires – entaché de graves erreurs de procédure. Le juge du procès était connu pour avoir eu un différend avec François-Xavier Byuma, mais avait refusé de se récuser, comme l’exigeait la loi, et comme l’avait demandé le prévenu. Ce dernier, alors à la tête d’une association de défense des droits des enfants, avait précédemment enquêté sur des allégations de viol commis sur une mineure par ce juge. Le juge n’a pas non plus accordé à François-Xavier Byuma le droit de se défendre pleinement.

Torture

Les atteintes graves aux droits humains, dont la torture, sont monnaie courante dans de nombreux sites de détention du Rwanda.

En novembre, l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de la personne (Global Alliance of National Human Rights Institutions, GANHRI) a reporté le renouvellement de l’accréditation de la Commission nationale des droits de la personne (CNDP) du Rwanda, citant des préoccupations quant à son incapacité à reconnaître des violations graves des droits humains, y compris la torture, et à en rendre compte publiquement. L’analyse de Human Rights Watch a conclu que le travail de la CNDP n’est pas entièrement conforme aux Principes relatifs au statut des institutions nationales (Principes de Paris) et que l’institution ne remplit pas son rôle de mécanisme national de prévention de la torture du Rwanda.

Le 5 avril, la Haute Cour de Rubavu, dans la province de l’Ouest du pays, a reconnu Innocent Kayumba, ancien directeur des prisons de Rubavu et de Nyarugenge, coupable de l’agression et du meurtre d’un détenu à la prison de Rubavu en 2019, et l’a condamné à une peine de 15 ans de prison et une amende de 5 millions de francs rwandais (environ 3 700 USD). Deux autres agents du Service correctionnel du Rwanda (RCS) et sept prisonniers, accusés d’avoir agi sur instructions, ont été reconnus coupables d’avoir battu et tué des prisonniers. Trois hauts responsables du RCS, dont l’ancien directeur Ephrem Gahungu et le directeur adjoint Augustin Uwayezu, ont été acquittés.

En janvier, Dieudonné Niyonsenga, un journaliste purgeant une peine de sept ans à la prison de Nyarugenge, a déclaré devant un tribunal de Kigali qu’il a été détenu dans un « trou » qui se remplissait souvent d’eau, sans accès à la lumière, et qu’il était fréquemment battu. Il a décrit avoir des troubles de l’ouïe et de la vue du fait de ses trois années de détention dans des conditions « inhumaines » et des passages à tabac, d’après les procès-verbaux d’audiences et un article publié par Voice of America.

Soutien au groupe armé M23

Tout au long du premier semestre 2024, l’armée rwandaise et le groupe armé M23 qu’elle soutient ont gagné du terrain en direction de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, et ont encerclé la ville et des camps de déplacés abritant plus d’un demi-million de personnes qui ont dû fuir leurs foyers. Toutes les parties au conflit ont commis des violations manifestes du droit de la guerre.

Human Rights Watch a documenté cinq attaques apparemment illégales menées depuis janvier par les forces rwandaises et le M23 au cours desquelles des tirs d’artillerie ou de roquettes ont frappé des camps de déplacés ou des zones peuplées près de Goma. Le 3 mai, les forces de l’armée rwandaise ou du M23 ont lancé au moins trois roquettes sur des camps de déplacés autour de Goma, tuant au moins 17 civils, dont 15 enfants. L’armée congolaise a installé des positions d’artillerie et d’autres objectifs militaires à proximité des camps, exposant les civils à des risques inutiles. Les combattants du M23 ont également violé des femmes et des filles qui entraient sur leur territoire pour chercher de la nourriture.

L’Union européenne et les États-Unis ont imposé des sanctions aux dirigeants de groupes armés abusifs dans l’est de la RD Congo, y compris le M23, et à plusieurs responsables rwandais impliqués dans le soutien aux groupes armés abusifs. En juillet, l’UE a sanctionné le colonel Augustin Migabo des Forces de défense rwandaises (Rwanda Defence Force, RDF) pour son rôle dans le soutien au groupe armé M23. En novembre, l’UE a débloqué une deuxième tranche d’aide financière aux forces rwandaises pour leur déploiement dans la province mozambicaine du Cabo Delgado, malgré les inquiétudes quant à l’absence de garanties suffisantes concernant le versement de la première enveloppe d’aide. Le Royaume-Uni n’a pas appelé le Rwanda à mettre fin à son assistance au M23 et n’a pris aucune sanction contre les personnes responsables.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le Rwanda ne criminalise pas les actes consentis entre personnes de même sexe ni l’expression de genre non normative. Cependant, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) pourraient être arrêtées en vertu de l’article 143 du Code pénal, qui punit l’« outrage public à la pudeur » d’une peine d’emprisonnement allant de six mois à deux ans. Le 26 avril, la Cour suprême a rejeté une requête contestant cette disposition.