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Burundi

Événements de 2024

Des véhicules et camions stationnés à une station-service fonctionnant sans carburant à Bujumbura, au Burundi, le 6 juin 2024. L'approvisionnement en produits pétroliers, notamment en essence, a parfois été sporadique au Burundi depuis le début de l'année 2024, provoquant des perturbations dans les transports publics et exposant les automobilistes à des prix élevés.

© Photo/Berthier Mugiraneza

Au cours de l’année 2024, le gouvernement a continué à restreindre l’espace pour la société civile, les médias indépendants et l’opposition politique. L’impunité concernant les violations des droits humains persiste, y compris pour les auteurs d’abus commis pendant la crise de 2015, et est accentuée par une détérioration de la situation sécuritaire. Les cas de disparitions forcées et d’arrestations arbitraires restent préoccupants dans le contexte des élections législatives et municipales à venir en 2025.

Le pays fait face à une crise économique sans précédent, caractérisée par une inflation de 26 pour cent et plus de la moitié de la population vivant dans la pauvreté selon les Nations Unies. Les Burundais sont confrontés à des pénuries de carburant et d’eau ainsi qu’à des coupures d’électricité qui ont un impact sur la distribution de services publics essentiels aux droits, tels que les soins de santé et l’éducation.

Espace politique

Le parti au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), continue d’exercer son contrôle sur les institutions, le Service national de renseignement (SNR) et les Imbonerakure, la ligue de jeunes qui sert d’auxiliaire aux forces de l’ordre locales et à l’armée. Les Imbonerakure continuent de commettre des abus contre la population, en participant à des passages à tabac, des harcèlements, des détentions arbitraires et des meurtres de personnes soupçonnées d’être des opposants du parti au pouvoir. En 2024, ils ont participé aux opérations militaires dans le Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo voisine, et ont suivi des entraînements. L’année a été marquée par une augmentation des discours de haine et d’une rhétorique incendiaire, y compris au plus haut niveau politique.

Un nouveau code électoral a été adopté en avril, augmentant le coût de l’inscription pour se présenter aux élections, jusqu’à atteindre 100 millions de francs burundais (environ 34 700 USD) pour les candidats à la présidence. Cela risque d’entraver la capacité des Burundais à se présenter aux élections. Le nouveau code prévoit également que les candidats ayant quitté un parti politique attendent deux ans avant de pouvoir se présenter en tant que candidats indépendants. Cette mesure pourrait empêcher le seul opposant restant, Agathon Rwasa, qui a été écarté de la direction du parti d’opposition Congrès national pour la Liberté (CNL) en mars 2024, de se présenter aux élections de 2025.

Le 17 janvier, le ministre de l’Intérieur a écrit au CNL, accusant le parti de collaborer avec une organisation terroriste et le menaçant de « conséquences ». Le CNL a répondu en informant le ministre de son intention de tenir une convention extraordinaire le 2 mars, dont l’ordre du jour concernerait la résolution de la crise interne du parti. Le ministre a recommandé au parti d’examiner et de mettre en œuvre les recommandations contenues dans son courrier de juin 2023 avant d’envisager la tenue d’une convention nationale. L’assemblée générale a voté la révocation d’Agathon Rwasa.

Liberté des médias

Les menaces et la répression à l’encontre des journalistes et des défenseurs des droits humains se sont poursuivies. Un décret présidentiel du mois d’août a gracié la journaliste Floriane Irangabiye, qui a été libérée deux jours plus tard. Cependant, une autre journaliste, Sandra Muhoza, est toujours détenue arbitrairement. Le 2 mai, le journaliste Ahmadi Radjabu a été arrêté alors qu’il filmait un incendie au marché de Ruvumera et a été détenu pendant deux semaines selon les médias.

L’un des derniers médias indépendants au Burundi, Iwacu, a reçu des menaces tout au long de l’année. Le 5 juin, deux policiers ont tenté d’arrêter Pascal Ntakirutimana, un journaliste d’Iwacu, à Bujumbura, selon des informations des médias et un article d’Iwacu. Le lendemain, Iwacu a reçu un courrier du régulateur des médias, le Conseil national pour la communication (CNC), accusant le média de manquements professionnels dans ses reportages.

Le CNC a interdit la rediffusion de deux émissions de la radio Bonesha FM en juin au motif que les invités avaient exagéré d’après un groupe national de défense des droits. Le 22 mai, un haut responsable de la police a agressé le journaliste d’Iwacu, Jean-Noël Manirakiza, dans un restaurant de la capitale politique du pays, Gitega, selon Iwacu et le Comité pour la protection des journalistes (Committee to Protect Journalists, CPJ).

La loi sur les médias a été révisée pour la quatrième fois depuis 2013, sans consultation significative. Même si la loi mise à jour dépénalise partiellement les infractions des médias, rendant certaines infractions passibles d’amendes plutôt que de peines de prison, elle ne respecte pas les normes internationales en matière de droits humains. Les amendes prévues peuvent aller jusqu’à 1,5 million de francs burundais (520 USD).

Selon les médias, le CNC a empêché quatre stations de radio privées de diffuser des discussions des médias sur le projet de loi, affirmant qu’il n’était pas encore temps de commenter sur une loi qui n’avait pas encore été promulguée par le président.

Droits des femmes et des enfants

Le gouvernement n’a pas pris de mesures pour prévenir les actes de violence basée sur le genre, y compris le mariage des enfants ; 19 pour cent des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. En mars et avril 2024, les autorités, y compris la police et les Imbonerakure, ont harcelé et expulsé de leurs maisons des centaines de couples vivant en concubinage qui n’étaient pas légalement mariés, d’après certains médias. Elles ont forcé certaines femmes de ces couples à déménager chez leurs parents ; certains enfants ont été séparés de leur mère et obligés de vivre avec l’épouse officielle de leur père. Les autorités ont également contraint les hommes à vivre avec les femmes avec lesquelles ils étaient légalement mariés, même si cette relation avait pris fin depuis longtemps. Les autorités ont affirmé que ces actions avaient été menées dans le respect de « l’ordre moral et chrétien ».

Sécurité et dynamique régionale

Entre décembre 2023 et février 2024, au moins 28 personnes – dont 11 enfants – ont été tuées lors de deux attaques dans les zones frontalières de l’ouest du Burundi. Le groupe armé RED-Tabara (Mouvement de la résistance pour un État de droit-Tabara) a revendiqué les deux attaques, mais les récits de victimes et de témoins ont fourni à Human Rights Watch des informations contradictoires sur l’attaque de Vugizo en décembre et sur la responsabilité des meurtres. Des assaillants armés soupçonnés d’appartenir au groupe armé RED-Tabara ont tué des habitants, y compris des femmes, lors de la deuxième attaque en février 2024 à Buringa, dans la province de Bubanza. Les deux villages sont situés près de la frontière avec la RD Congo où le groupe armé est basé.

D’après des médias, au moins trois explosions de grenades ont eu lieu à Bujumbura en avril et en mai, faisant au moins 38 blessés. Pierre Nkurikiye, porte-parole du ministère de la Sécurité, a déclaré aux journalistes que six personnes avaient été arrêtées et a accusé RED-Tabara et le Rwanda d’avoir perpétré ces attaques. Dans un communiqué, le gouvernement rwandais a répondu qu’il n’avait aucune raison de se livrer à de tels actes. Le 12 mai, RED-Tabara a démenti les accusations.

Ces attaques ont conduit à une intensification des tensions dans la région des Grands Lacs. Après les meurtres de décembre, le président du Burundi Évariste Ndayishimiye a annoncé qu’il suspendait les relations diplomatiques avec le Rwanda, fermait la frontière et commencerait à expulser des citoyens rwandais, affirmant qu’il prenait ces mesures en réponse au soutien présumé du Rwanda à RED-Tabara. Le Rwanda a nié ces accusations.

La présence de troupes burundaises dans les opérations contre le M23 et l’armée rwandaise a exacerbé les tensions entre le Rwanda et le Burundi.

Surveillance, justice et responsabilisation

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution renouvelant le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi. Le Burundi continue d’ignorer ses obligations en tant que membre du Conseil, notamment en refusant au Rapporteur spécial l’accès au pays.

Le manque d’indépendance de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) signifie qu’il n’existe aucun mécanisme national capable ou désireux de protéger les droits humains. En juin, l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (Global Alliance for National Human Rights Institutions, GANHRI) a recommandé une rétrogradation de la CNIDH du statut A au statut B, en raison de son manque de surveillance et de rapports indépendants sur les affaires politiquement sensibles.

L’enquête de la Cour pénale internationale sur la situation au Burundi, qui se concentre sur des crimes contre l’humanité présumés commis dans le pays entre 2015 et 2017, s’est poursuivie.

En août, les survivants et les proches des victimes d’une attaque de 2004 contre le camp de réfugiés de Gatumba, près de Bujumbura, ont engagé des poursuites pénales contre les auteurs présumés dans leurs pays d’origine, à savoir le Burundi, le Rwanda et la RD Congo. Les plaintes portent sur des faits de génocide et de crimes contre l’humanité.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le code pénal burundais, aux termes de l’article 590, punit les relations entre personnes de même sexe d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement. En décembre 2023, Évariste Ndayishimiye a incité à la violence contre les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), appelant à les lapider.