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Burundi

Événements de 2023

Alain-Guillaume Bunyoni assiste aux funérailles du président burundais Pierre Nkurunziza, à Gitega, Burundi, le 26 juin 2020. Bunyoni, le premier ministre de juin 2020 à septembre 2022, a été arrêté le 21 avril 2023 prétendument pour atteinte à la sécurité de l’État et au bon fonctionnement de l’économie nationale.

© 2020 Tchandrou Nitanga/AFP via Getty

Le parti au pouvoir au Burundi, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD), a renforcé son contrôle sur les institutions et a continué d’affaiblir et de réprimer l’opposition politique, ciblant de manière systématique ceux qu’il accuse d’être des « ennemis » du pays. En même temps, l’arrestation le 21 avril de l’ancien Premier ministre, le général Alain Guillaume Bunyoni, a révélé des divisions et des dynamiques changeantes au sein du parti au pouvoir.

Le gouvernement n’a pas mis en œuvre les réformes promises, et ne s’est pas attaqué à la crise économique du pays ni à sa mauvaise gestion financière, aux pénuries chroniques de carburant et à la flambée des prix. Ces manquements, ajoutés à la guerre en Ukraine et aux chocs liés au climat, ont exacerbé l’insécurité alimentaire au Burundi.

L’hostilité du gouvernement à l’égard de la société civile et des médias indépendants a continué. En mai, une cour d’appel a confirmé la condamnation de la journaliste Floriane Irangabiye, arrêtée arbitrairement le 30 août 2022 et purgeant actuellement une peine de 10 ans de prison pour avoir critiqué le gouvernement.

Espace politique

Le ciblage incessant de membres de l’opposition, réels et présumés, ces dernières années, par le biais d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, de détentions arbitraires et de l’usage de la torture, a contribué au monopole de facto du parti au pouvoir sur l’espace politique et sur l’économie du pays.

Les troubles et divisions au sein de la direction du Congrès national pour la Liberté (CNL) ont atteint leur paroxysme lorsque le ministre de l’Intérieur a suspendu les activités du parti d’opposition le 2 juin. Dans une nouvelle aggravation de la situation le 4 juillet, 10 membres évincés du bureau politique du CNL, également membres du parlement, ont publié une déclaration pour annoncer leur décision de mettre à pied le président du CNL, Agathon Rwasa, l’accusant de « manquements graves ». Le CNL étant le principal parti d’opposition au Burundi, son incapacité à fonctionner et à faire campagne aura des répercussions sur la crédibilité des élections législatives de 2025.

Les autorités n’ont pas traduit en justice les membres des forces de sécurité et de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure, pour des abus commis à l’encontre d’opposants réels ou présumés. Au lieu de cela, des hauts cadres du parti, dont le président et le secrétaire général du CNDD-FDD, ont incité les Imbonerakure à prendre des mesures pour défendre le pays et ont consolidé leur rôle de force de sécurité parallèle, les incitant à commettre des abus.

Le général Alain Guillaume Bunyoni, partisan de la ligne dure au sein du CNDD-FDD, a été arrêté en avril. Bien qu’il ait coordonné l’action de la police lors des manifestations et de la répression violente qui ont suivi les élections de 2015 en tant que ministre de la Sécurité publique, les autorités judiciaires se sont abstenues d’enquêter sur son rôle dans la supervision des violations des droits humains au cours de cette période. Il était poursuivi pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et « atteinte au bon fonctionnement de l’économie nationale », ainsi que pour « conflit d’intérêts », « possession illégale d’armes » et « outrage au chef de l’État ». Son proche allié Désiré Uwamahoro a été arrêté le 18 avril. La Cour suprême a condamné Bunyoni le 8 décembre à perpétuité pour des offenses liées à la sécurité de l’État.

Société civile et médias

Le 8 décembre 2022, la Cour suprême du Burundi a annulé la peine infondée de 5 ans d’emprisonnement prononcée par la Cour d’appel de Ngozi à l’encontre de l’avocat Tony Germain Nkina et de son client Apollinaire Hitimana. Ils ont été libérés le 27 décembre 2022.

Le 2 janvier, la Haute Cour de Mukaza à Bujumbura a reconnu la journaliste Floriane Irangabiye coupable d’atteinte à l’intégrité du territoire national, l’a condamnée à 10 ans de prison et lui a infligé une amende d’un million de francs burundais (environ 482 USD) à l’issue d’un procès entaché de graves irrégularités et au cours duquel le procureur n’a pas présenté de preuves crédibles. Le procès de Floriane Irangabiye a enfreint son droit à la liberté d’expression car il s’appuyait sur des propos tenus lors d’une émission de la Radio Igicaniro, une plateforme en ligne qui diffuse depuis l’étranger, lors de laquelle la journaliste et d’autres invités critiquaient le gouvernement burundais.

Le 2 mai, la Cour d’appel de Mukaza a confirmé la condamnation. Bien que le tribunal ait conclu que l’interrogatoire initial de Floriane Irangabiye par le Service national de renseignement avait enfreint le Code de procédure pénale parce qu’il avait été mené en l’absence d’un avocat et sans l’informer de son droit de garder le silence, il a jugé que cela n’invalidait pas la procédure. Les avocats de la journaliste ont fait appel auprès de la Cour suprême.

Le 14 février, cinq défenseurs des droits humains ont été arrêtés par des agents du renseignement national et accusés de rébellion ainsi que d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État et au bon fonctionnement des finances publiques. Les accusations semblaient s’appuyer uniquement sur leurs relations avec une organisation internationale étrangère et le financement qu’ils ont reçu de sa part. Deux des défenseurs travaillent pour l’Association des femmes juristes du Burundi (AFJB) et les trois autres pour l’Association pour la paix et la promotion des droits de l’Homme (APDH) au Burundi.

Au départ, les cinq défenseurs étaient tous accusés de rébellion, mais ce chef d'inculpation n’a été maintenu que pour trois d’entre eux pendant le procès. L’accusation d’« atteinte au bon fonctionnement des finances publiques » a finalement été abandonnée au cours du procès pour les cinq accusés. Tous ont été libérés le 28 avril : trois ont été acquittés et deux ont été reconnus coupables de rébellion, condamnés à une amende de 50 000 francs burundais (25 USD) et une peine de deux ans avec sursis.

En septembre, Human Rights Watch et l’Initiative pour les droits humains au Burundi ont soumis un rapport à l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme pour lui demander de passer en revue le travail de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) du Burundi en amont de son prochain examen. La commission a fait preuve d’un manque d’indépendance, de crédibilité et d’efficacité, notamment par son absence de déclarations publiques en faveur de la libération de défenseurs des droits humains détenus et de Floriane Irangabiye.

En octobre, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Burundi a exprimé sa préoccupation face au « rétrécissement de l’espace civique et [à] une pression croissante sur les partis politiques, les organisations de la société civile et les médias » à l’approche des élections législatives et municipales de 2025.

Droits des réfugiés

En septembre 2023, plus de 250 000 réfugiés burundais vivaient en République démocratique du Congo, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda. D’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, en août, environ 210 000 réfugiés avaient été rapatriés au Burundi depuis 2017 dans le cadre des programmes de « rapatriement volontaire » menés par le pays. Les rapatriements ont principalement eu lieu au départ de la RD Congo, du Rwanda, de la Tanzanie et de l’Ouganda, où les réfugiés sont confrontés à une dégradation de leurs conditions de vie et où les autorités ont encouragé les réfugiés à rentrer chez eux, ce qui a parfois entraîné des retours forcés en violation du principe de non-refoulement. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Burundi a noté l’absence des composantes essentielles d’un processus de rapatriement volontaire et a exhorté le gouvernement à garantir les conditions d’un retour crédible des réfugiés.

Droits des filles

D’après l’ONU, 19 pour cent des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le Burundi punit les relations sexuelles consenties entre adultes de même sexe par une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison selon l’article 567 du Code pénal. L’article 29 de la Constitution du Burundi interdit explicitement le mariage entre personnes de même sexe.

En mars, la police a arrêté 24 délégués lors d’un séminaire sur l’entrepreneuriat et les a accusés d’« homosexualité et d’incitation à la débauche et à la prostitution ». L’affaire est en cours au moment de la rédaction de ce chapitre.

Principaux acteurs internationaux

Les autorités burundaises ont continué à faire preuve de mépris envers le système international de protection des droits humains. En juillet, la délégation burundaise a quitté la salle lors de son examen par le Comité des droits de l’homme de l’ONU, un organe conventionnel qui veille au respect des droits civils et politiques, apparemment pour protester contre la présence d’un défenseur des droits humains dûment accrédité. Cela s’inscrit dans un contexte d’absence de coopération répétée avec les organes et mécanismes des droits humains des Nations Unies, y compris un refus continu de coopérer avec le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme au Burundi.

Le rapporteur spécial des Nations Unies a présenté son rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en septembre, concluant que, malgré certaines mesures positives de la part du gouvernement burundais, notamment des améliorations du système judiciaire, « [c]es quelques développements ne permettent cependant pas d’affirmer que la situation des droits de l’homme s’est améliorée au Burundi [...]. En effet, la faiblesse des institutions reste criante – une faiblesse qui fait d’elles des instruments de violation des droits de l’homme ». Le gouvernement du Burundi a rejeté à plusieurs reprises les demandes d’accès au pays du rapporteur spécial pour mener à bien son travail. En octobre, le Conseil des droits de l’homme a prolongé d’une année le mandat du rapporteur spécial.

Malgré son bilan en matière des droits humains et son refus de coopérer avec le système international de protection des droits humains, le Burundi a été élu membre du Conseil des droits de l’homme pour la période 2024-2026, en tant que candidat unique au nom du groupe africain. Les membres de l’organe des droits de l’homme basé à Genève sont tenus d’« observe[r] les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme » et de coopérer pleinement avec l’organe et ses mécanismes.

Lors d’une visite en février, le représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, Eamon Gilmore, a souligné la nécessité de réformer le système judiciaire, a soulevé des cas individuels préoccupants et a appelé les autorités à faciliter les visites du rapporteur spécial des Nations Unies dans le pays.