Skip to main content

Sénégal

Événements de 2023

Des personnes manifestent contre une possible troisième candidature du président Macky Sall à l’élection de 2024 à Dakar, Sénégal, le 12 mai 2023.

© 2023 AP Photo/Leo Correa

En 2023, les arrestations arbitraires de personnalités et de militants de l’opposition, le recours excessif à la force par les forces de sécurité, les restrictions injustifiées de l’espace civique et d’autres violations des droits humains se sont poursuivis au Sénégal.

Le 3 juillet, le président Macky Sall a annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat lors des élections présidentielles de 2024, beaucoup de voix ayant indiqué que sa candidature enfreindrait la constitution du pays. Le 28 juillet, des gendarmes ont arrêté l’éminent leader de l’opposition Ousmane Sonko, dirigeant du parti politique Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), pour incitation à l’insurrection et atteinte à la sûreté de l’État.

La maltraitance des élèves est restée une grave préoccupation alors que les filles sont confrontées à des niveaux élevés de violences sexuelles et sexistes, y compris le viol, l’exploitation sexuelle, le harcèlement et d’autres abus de la part d’enseignants et de responsables scolaires. Le faible taux de rétention des filles dans les écoles secondaires, où la plupart de ces cas ne sont pas signalés et où les auteurs restent souvent impunis, est lié à ces abus.

Les personnes et les activistes LGBT ont continué à faire l’objet de campagnes de dénigrement et d’abus, notamment d’arrestations arbitraires, de menaces et d’agressions physiques. La loi punit toute personne qui commet un « acte contre nature » avec une personne du même sexe d’une peine de prison allant jusqu’à cinq ans.

L’exploitation, la maltraitance et la négligence des enfants vivant dans les écoles coraniques traditionnelles du Sénégal se sont poursuivies. Des dizaines de milliers d’enfants, appelés talibés, vivent dans des conditions de misère extrême, privés de nourriture et de soins médicaux adéquats.

Usage excessif de la force

Lors de manifestations en mars, en mai et en juin, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive pour assurer le maintien de l’ordre public.

Le 16 mars, à Dakar, la capitale du Sénégal, la police a utilisé des gaz lacrymogènes sur des manifestants soutenant le chef de l’opposition Ousmane Sonko avant un procès dans lequel il était accusé de diffamation. La police a extrait Sonko de force de son véhicule et l’a conduit au palais de justice. La veille, le 15 mars, la police a également lancé des gaz lacrymogènes sur Guy Marius Sagna, un député de l’opposition, alors qu’il tentait de rendre visite à Sonko à son domicile.

À la mi-mai, des jeunes manifestants sont descendus dans les rues du quartier de Ngor à Dakar, dénonçant un « État de plus en plus répressif ». Les forces de sécurité ont répondu en faisant un usage excessif de la force, en tirant à balles réelles et en lançant des gaz lacrymogènes. Lors de ces violences, une adolescente a été tuée et 30 personnes ont été blessées.

Entre le 31 mai et le 3 juin, de violentes manifestations ont éclaté à Dakar après qu’Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison le 1er juin pour avoir prétendument corrompu la jeunesse, compromettant ses chances de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. Le 2 juin, l’armée a été déployée pour renforcer la sécurité à Dakar. Les manifestants ont dressé des barricades, bloqué les routes principales, brûlé des pneus, détruit et pillé des biens publics et privés et jeté des pierres sur la police, qui a riposté par des tirs de gaz lacrymogènes. Plusieurs témoins ont signalé la présence de « nervis » parmi les forces de sécurité et l’opposition a accusé les autorités de recourir à des civils armés, aux côtés des forces de sécurité, lors des manifestations. Les médias ont rapporté des récits similaires lors de ces manifestations et de précédentes au Sénégal. Les médias internationaux ont également fait état de l’utilisation de balles réelles lors des manifestations à Dakar, entraînant la mort d’un garçon de 15 ans et d’un étudiant de 26 ans.

Le 4 juin, le ministre de l’Intérieur Antoine Diome a déclaré que les violences avaient causé 16 morts et conduit à 500 arrestations à travers le Sénégal. Dans une déclaration le même jour, le PASTEF a déclaré que les forces de sécurité et les « milices » avaient tué 19 personnes et que les Sénégalais devaient « se défendre par tous les moyens et [...] riposter ». Selon les avocats et l’opposition, du 30 mai au 2 juin, rien qu’à Dakar et dans ses environs, les forces de sécurité ont arrêté au moins 250 personnes, y compris des enfants – principalement des membres et des partisans du PASTEF, mais aussi des activistes de la société civile – et ont tabassé certaines de ces personnes.

Répression des médias et de la dissidence

Tout au long de l’année, les autorités ont réprimé les médias et la dissidence. Les forces de sécurité ont arrêté et détenu arbitrairement des journalistes et d’autres voix dissidentes. Les autorités ont également restreint l’accès à l’Internet mobile et à certaines plateformes de médias sociaux, et interdit les manifestations organisées par l’opposition politique.

Le 10 février, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel a suspendu Walf TV pendant sept jours puis le 9 juin pendant un mois pour sa couverture des manifestations organisées par l’opposition au Sénégal.

Le 10 mars, les forces de sécurité ont arrêté l’ancien Premier ministre sénégalais Cheikh Hadjibou Soumare pour diffamation après qu’il a demandé au président Macky Sall dans une lettre ouverte s’il avait versé des fonds à la dirigeante d’extrême droite française Marine Le Pen. Il a été libéré le 13 mars et placé sous contrôle judiciaire.

Le 16 mai, les forces de sécurité ont arrêté la journaliste Ndèye Maty Niang, également connue sous le nom de Maty Sarr Niang, à son domicile à Dakar et l’ont accusée d’« appeler à l’insurrection, à la violence et à la haine », entre autres, à la suite de ses publications sur Facebook dans lesquelles elle critiquait les autorités sénégalaises.

Le 1er juin, alors que les manifestations secouaient Dakar et d’autres régions du pays, le ministre de l’Intérieur a annoncé des restrictions concernant les médias sociaux, notamment Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, YouTube, Telegram et TikTok, afin de mettre un terme à la « diffusion de messages haineux et subversifs ». Le 4 juin, le gouvernement a étendu les restrictions à l’accès à l’Internet mobile. Ces restrictions empêchaient les journalistes, les défenseurs des droits humains et d’autres personnes de communiquer, d’obtenir des informations ou de rendre compte des événements en cours.

Lors des manifestations de juin à Dakar, les forces de sécurité ont intimidé des journalistes et les ont empêchés de couvrir les événements qui se déroulaient. Le 29 mai, des gendarmes ont arrêté une équipe de trois journalistes travaillant pour le média en ligne sénégalais Senegal7, ont saisi leurs téléphones et caméras, et les ont empêchés de filmer les manifestants du PASTEF qui s’étaient rassemblés dans le quartier du Sacré-Cœur à Dakar.

Le 15 juin, les autorités ont interdit une manifestation conduite par l’opposition à Dakar. Le préfet de Dakar a déclaré que la manifestation, organisée par des partisans de Sonko, constituait une menace pour l’ordre public.

Le 28 juillet, des gendarmes ont arrêté Ousmane Sonko pour incitation à l’insurrection, atteinte à la sûreté de l’État, provocation de troubles politiques graves et association de malfaiteurs, entre autres.

Le 31 juillet, le ministre de l’Intérieur sénégalais a annoncé la dissolution du PASTEF pour avoir mobilisé ses partisans lors de manifestations violentes en juin 2023 et en mars 2021. Le PASTEF a condamné sa dissolution, la qualifiant d’antidémocratique. Le même jour, le gouvernement a également restreint l’accès à Internet sur les téléphones mobiles pour faire cesser ce qu’il a appelé la diffusion de messages « haineux et subversifs » sur les réseaux sociaux. Le 6 juin, Ousmane Sonko, qui avait entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention, a été admis au service des urgences d’un hôpital à Dakar.

Le 29 juillet, la police a arrêté Pape Alé Niang, le rédacteur en chef du site d’information Dakarmatin, à son domicile à Dakar pour des accusations d’ « insurrection », à la suite de propos qu’il avait tenus dans une diffusion en direct sur sa page Facebook au sujet de l’arrestation d’Ousmane Sonko le 28 juillet. Il a été provisoirement libéré après 10 jours de grève de la faim. C’était la troisième fois que les forces de sécurité arrêtaient Pape Alé Niang depuis novembre 2022.

Le 28 octobre, Khalifa Sall, leader du parti Taxawu, ancien maire de Dakar et candidat aux élections présidentielles, a dénoncé la police qui a empêché son convoi d’entrer dans la région de Fatick, au sud-est de Dakar. Les policiers ont indiqué que le convoi de 30 véhicules n’avait pas été autorisé. L’intention de Khalifa Sall avait été de poursuivre sa campagne pour recueillir les parrainages nécessaires à l’approbation de sa candidature.

Le 27 octobre, les forces de sécurité ont arrêté le leader du PASTEF, Amadou Ba, à la fin d’une émission de télévision. Au moment de la rédaction de ce chapitre, les avocats d’Amadou Ba n’avaient connaissance d’aucun motif quant à son arrestation.

Droits des personnes LGBT

Les personnes et activistes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) ont continué de faire l’objet de campagnes de dénigrement et d’abus.

L’article 319 du Code pénal sénégalais punit les rapports sexuels dits « actes contre nature », entre personnes du même sexe, d’une peine maximale de cinq ans de prison.

Le 15 août, la police a arrêté 10 jeunes hommes lors d’une fête dans une résidence privée à Dakar et les a détenus pour « actes contre nature » et possession de contenu numérique « contraire à la décence publique ». Ils ont été tabassés, extorqués et des agressés physiquement par la police, puis libérés un mois plus tard par manque de preuves. Certains n’ont pas pu retourner dans leur famille de peur d’être stigmatisés.

Le 28 octobre, à Kaolack, une foule a déterré le corps d’un homme soupçonné d’avoir été gay, l’a traîné à travers la ville, puis l’a brûlé lors d’un incident odieux qui a été filmé et dont la vidéo a été publiée sur les réseaux sociaux. Le 29 octobre, le procureur général du Sénégal a annoncé l’ouverture d’une enquête. Le 30 octobre, quatre suspects ont été arrêtés en lien avec l’incident.

Abus contre les enfants talibés dans les écoles coraniques

La maltraitance, l’exploitation et la négligence d’enfants fréquentant les internats coraniques traditionnels (appelés « daaras ») encore non réglementés au Sénégal se sont poursuivies à un rythme alarmant. Des dizaines de milliers d’enfants connus sous le nom de « talibés » sont forcés par leurs maîtres coraniques au Sénégal à mendier quotidiennement de l’argent, de la nourriture, du riz ou du sucre. De nombreux maîtres coraniques (également appelés « marabouts ») et leurs assistants continuent de fixer des quotas quotidiens de mendicité, qu’ils imposent par des passages à tabac, et de faire preuve de négligence envers les talibés. De nombreux daaras sont hébergés dans des bâtiments décrépits ou inachevés sans eau, assainissement, électricité ou sécurité, exposant les enfants à des risques pour leur santé et leur sécurité. Chaque année, des milliers de talibés, y compris des enfants sénégalais et étrangers, migrent vers les grandes villes pour fréquenter les daaras du Sénégal. Des milliers de talibés sont victimes de la traite d’êtres humains qui, en vertu de la loi sénégalaise, comprend l’exploitation d’enfants pour de l’argent par la mendicité forcée, ainsi que le recrutement ou le transport d’enfants à cette fin.

Même si des lois nationales strictes interdisent la maltraitance, la négligence, la mise en danger et la traite d’êtres humains, celles-ci sont rarement appliquées contre les maîtres coraniques. Le gouvernement a fait des efforts pour améliorer les conditions des daaras et retirer les enfants de la rue, mais l’engagement soutenu des autorités pour mettre fin à la mendicité forcée et aux abus contre les talibés s’est avéré peu concluant.

Violences sexuelles et sexistes

Les filles sénégalaises sont confrontées à des niveaux élevés de violences sexuelles et sexistes, notamment d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus, de la part d’enseignants et de responsables scolaires, ainsi qu’à des viols et des abus sexuels de la part d’autres élèves.

En mars, 27 filles ont porté plainte pour viol contre leur maître coranique, Serigne Khadim Mbacké, 34 ans, à Touba, dans le centre du Sénégal. Le 5 juin, les forces de sécurité ont arrêté Mbacké après plusieurs semaines de cavale.

Le gouvernement doit encore reconnaître l’ampleur des violences sexuelles à l’école ou prendre des mesures concrètes pour lutter contre les violences sexuelles à l’école et protéger les survivantes lorsqu’elles signalent des abus.