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Union européenne

Événements de 2022

Des réfugiés ukrainiens dans une gare de Paris, France, le 30 avril 2022.

© 2022 Pierrick Villette/Abaca/Sipa USA (Sipa via AP Images)

L’Union européenne (UE) et la plupart de ses États membres affichent un engagement en faveur des droits humains et des valeurs démocratiques et ont été à la hauteur de ces valeurs  en certaines occasions en 2022, comme lorsqu’il s’est agi de venir en aide aux réfugiés en provenance d’Ukraine. Trop souvent cependant, leurs politiques et actions laissent à désirer, exposant les plus marginalisés et vulnérables à des abus.

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

La réponse positive de l’UE au déplacement massif d’Ukrainiens suite à l’invasion de leur pays par la Russie en février a nettement contrasté avec le traitement abusif des migrants et des demandeurs d’asile en provenance d’autres régions du monde.

En septembre, plus de quatre millions de réfugiés en provenance d’Ukraine – dont environ 90 pour cent de femmes et d’enfants – s’étaient enregistrés dans les pays de l’UE à la suite de l’activation sans précédent de la directive sur la protection temporaire (DPT) de 2001 en réponse à la guerre en Ukraine. Le risque de traite, de violence sexiste et d’autres formes d’exploitation des personnes en provenance d’Ukraine, en particulier des femmes et des filles, a suscité des inquiétudes en raison de l’insuffisance des mesures de protection dans des pays comme la Pologne.

Plus d’un an après la prise de pouvoir des talibans, les demandeurs d’asile afghans ont dû faire face à des refoulements aux frontières de l’UE et à une baisse du taux de reconnaissance du statut de réfugié dans l’ensemble de l’Union. Les pays de l’UE ont largement cessé d’évacuer d’Afghanistan le personnel local et les Afghans en danger.

Des États membres de l’UE, dont la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la Grèce, la Pologne et l’Espagne, ont continué à pratiquer des refoulements illégaux et à se livrer à des violences à leurs frontières.

En avril, Fabrice Leggeri a démissionné de son poste de directeur de l’Agence européenne de garde-frontières (Frontex), à la suite d’enquêtes menées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) sur des allégations multiples selon lesquelles cette agence était impliquée dans des refoulements illégaux en mer Égée. Le rapport de l’OLAF, rendu public en octobre, apporte la preuve de la complicité de Frontex dans les refoulements en Grèce.

En juin, la Cour de justice de l’UE a estimé que la détention systématique des personnes entrant irrégulièrement en Lituanie via le Belarus et le refus de leur laisser exercer leur droit de l’asile violaient le droit communautaire. Des organisations de défense des droits ont dénoncé des refoulements, des détentions abusives et du harcèlement à caractère raciste en Lituanie, ainsi que des abus similaires à l’encontre de personnes entrant en Pologne via le Belarus. En août, l’Estonie a autorisé les refoulements à ses frontières.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 100 700 personnes étaient arrivées irrégulièrement aux frontières méridionales de l’UE entre janvier et mi-septembre, la plupart par voie maritime, tandis qu’au moins 1 207 sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée.

Les conditions d’accueil des demandeurs d’asile sont restées médiocres dans plusieurs pays de l’UE. La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, a relevé en août des lacunes structurelles, concluant que les conditions dans et autour du centre de Ter Apel, aux Pays-Bas, présentaient un risque pour le droit à la santé, et des « différences flagrantes » de traitement entre les Ukrainiens et les personnes originaires d’autres pays. Son intervention faisait suite au décès d’un bébé dans ce centre le même mois.

L’UE et ses États membres ont continué à apporter leur soutien à la Libye pour faciliter l’interception des demandeurs d’asile et des migrants en mer et leur débarquement en Libye, malgré les risques connus de détention arbitraire, de torture et autres abus. Le HCR a indiqué qu’au moins 18 600 personnes avaient été interceptées ou secourues en mer et débarquées en Libye entre janvier et la fin du mois d’octobre.

La Commission européenne a confirmé qu’elle envisageait d’allouer 80 millions d’euros (environ 83 millions de dollars) à l’Égypte en 2022 et 2023 pour soutenir la « gestion des frontières » terrestres et maritimes, malgré le bilan abyssal du pays en matière de droits humains. L’UE et ses États membres ont également poursuivi ou augmenté le financement, la coopération et le soutien au contrôle migratoire dans d’autres pays africains, comme le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal et le Niger, malgré les répercussions négatives pour les migrants et les demandeurs d’asile dans la région – notamment la diminution de la liberté de mouvement, les arrestations et détentions arbitraires, les violences physiques, l’extorsion et les expulsions arbitraires.

En juillet, le Conseil d’État des Pays-Bas a statué que le Danemark ne pouvait pas être automatiquement considéré comme un pays sûr pour les demandeurs d’asile syriens dans le cadre de la procédure « Dublin », en raison du risque de retour forcé à Damas et dans ses environs. En septembre, le Danemark et le Rwanda ont annoncé une « ambition commune » de créer un mécanisme de transfert des demandeurs d’asile du Danemark vers le Rwanda, malgré de sérieuses inquiétudes quant à leurs droits et leur sécurité.

Les réformes européennes en matière d’asile sont restées enlisées dans les divisions politiques, notamment s’agissant de l’amélioration de la répartition des responsabilités entre États membres. En juin, 18 États membres et trois États non-membres de l’UE se sont mis d’accord sur un mécanisme de solidarité volontaire pour partager la responsabilité de l’accueil de certains demandeurs d’asile secourus en mer, et 112 personnes ont été relocalisées depuis l’Italie à la mi-octobre.

La création de mécanismes indépendants de surveillance des frontières n’a guère progressé dans les États membres de l’UE, tandis que les efforts nationaux déployés en Croatie et en Grèce n’ont pas été à la hauteur des normes requises pour garantir leur efficacité, malgré la participation de la Commission européenne.

Les États membres de l’UE ont convenu de mesures susceptibles de porter atteinte aux droits fondamentaux, telles qu’une proposition de règlement sur l’« instrumentalisation » de la migration et de l’asile qui permettrait aux États de déroger à des obligations essentielles, notamment celle de garantir le droit de demander l’asile aux frontières extérieures, et des amendements au Code frontières Schengen qui, selon les organisations de défense des droits, exacerberaient le profilage racial et ethnique afin de faciliter les rejets aux frontières et d’étendre l’utilisation des technologies de surveillance aux frontières intérieures.

Discrimination et intolérance

Les personnes n’ayant pas la nationalité ukrainienne et fuyant le conflit en Ukraine ont été victimes de discriminations et d’inégalités de traitement aux frontières de l’UE et à l’intérieur de celle-ci. Dans une résolution adoptée en mars, le Parlement européen a appelé les pays de l’UE à accueillir les ressortissants non ukrainiens fuyant le conflit, quelle que soit leur nationalité. Les réfugiés roms fuyant l’Ukraine auraient également été victimes de discriminations et de préjugés dans plusieurs pays de l’UE.

En mars, le Conseil de l’UE s’est prononcé contre la montée des incidents racistes et antisémites dans les pays de l’UE, appelant les États membres à élaborer des plans d’action et des stratégies d’ici à la fin de 2022 et à mettre en œuvre le plan d’action antiraciste de l’UE de 2020 et la stratégie de l’UE de 2021 sur la lutte contre l’antisémitisme.

En réponse à la montée du racisme et de la discrimination antimusulmans dans de nombreux endroits en Europe, notamment par le biais de discours et de crimes haineux, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a rendu publique en mars une recommandation de politique générale appelant les pays européens, y compris les États membres de l’UE, à s’attaquer à ce problème.

Selon le rapport annuel de l’ECRI rendu public en juin, le racisme dans les forces de police, notamment le profilage ethnique lors des contrôles d’identité, l’utilisation d’un langage raciste et le recours excessif à la force contre les individus, demeure un problème dans les pays européens. Le rapport note également que les restrictions liées au Covid-19 imposées dans les écoles ont eu un impact négatif sur les enfants qui se heurtent déjà le plus à des difficultés, comme les migrants et les Roms. Le rapport de l’ECRI ne mentionne pas d’États particuliers.

Dans son rapport 2022 sur les droits fondamentaux publié en juin, l’Agence des droits fondamentaux de l’UE (FRA) a noté que la pandémie avait alimenté la discrimination, les crimes de haine, et en particulier les discours de haine en ligne à l’égard des migrants et des minorités ethniques, et a appelé les pays de l’UE à pénaliser les crimes de haine, à encourager leur signalement et à mieux soutenir les victimes.

Plusieurs pays de l’UE, dont la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et l’Italie, ont eu recours à une rhétorique politique agressive contre une prétendue « idéologie du genre », amplifiée dans les médias et le discours public, et qui s’est traduite par des projets de lois visant spécifiquement les personnes LGBT et, dans le cas de la Hongrie, les droits des femmes.

Un rapport du Conseil de l’Europe (CoE) rendu public en juillet reconnaît les progrès réalisés dans la législation, les pratiques et les attitudes publiques pour garantir la reconnaissance juridique des personnes transgenres et non binaires dans tous les domaines de la vie, mais constate une lenteur des progrès et une hausse des discriminations les concernant au cours de la dernière décennie. Selon l’étude, tous les pays de l’UE, à l’exception de la Hongrie, ont mis en place certaines mesures pour reconnaître un changement de sexe, mais 15 d’entre eux exigent une intervention médicale obligatoire et sept une stérilisation obligatoire.

Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a publié en mai une recommandation sur la protection des droits des femmes et des filles migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, appelant les pays européens, y compris les États membres de l’UE, à prendre des mesures pour prévenir la discrimination à l’égard de ces femmes, notamment en favorisant l’accès à l’emploi et aux soins de santé sexuelle et reproductive, et en facilitant l’accès aux services et à la justice pour les survivantes de violences sexistes.

En juin, le Parlement européen a adopté une résolution appelant les États membres à dépénaliser l’avortement et à garantir l’accès à un avortement sûr et légal et à d’autres soins de santé sexuelle et reproductive sans discrimination. En juillet, les députés européens ont demandé un amendement à la Charte des droits fondamentaux de l’UE afin d’y inclure le droit à un avortement sûr et légal.

Selon une étude réalisée en juillet par l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE), une femme sur deux dans l’UE a subi des violences psychologiques. Les chiffres sont encore plus élevés pour celles qui sont demandeuses d’asile ou réfugiées, issues de l’immigration, atteintes de handicap ou de problèmes de santé, âgées de moins de 30 ans et LBTQ. Au moment de la rédaction du présent rapport, six États membres et l’UE elle-même n’avaient pas encore ratifié la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes.

Dans ses conclusions rendues publiques en mars 2021, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) du CdE a constaté que la discrimination fondée sur l’âge n’est pas interdite en dehors de l’emploi dans certains États de l’UE et que les personnes âgées ne disposent pas de ressources adéquates leur permettant de mener une vie décente et de jouer un rôle actif dans leurs communautés dans six États membres de l’UE (République tchèque, Danemark, Malte, Pays-Bas, Slovaquie et Espagne). Le CEDS a également noté les effets dévastateurs du Covid-19 sur les personnes âgées, soulignant l’importance de passer de l’institutionnalisation aux soins de proximité et à la vie indépendante pour les personnes âgées.

Pauvreté et inégalités

L’augmentation rapide de l’inflation au cours de l’année, notamment en ce qui concerne les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et les conséquences économiques à long terme de la pandémie de Covid-19 ont eu un impact sur les droits des personnes à faible revenu ou vivant dans la pauvreté, notamment le droit à un niveau de vie adéquat, à l’alimentation, à la santé, au logement et à la sécurité sociale.

Des données européennes en date de septembre 2022 révèlent que 95,4 millions de personnes dans l’Union (soit 21,7 % de la population) sont menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale, les femmes étant plus exposées que les hommes, de même que les ménages (en particulier monoparentaux) avec des enfants à charge. En Roumanie et en Bulgarie, les taux de pauvreté dépassaient les 30 %. En juin, les États membres ont présenté à la Commission européenne des objectifs nationaux de réduction de la pauvreté, s’engageant à réduire de 15,6 millions le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale d’ici à 2030.

En septembre, la Commission européenne a publié des lignes directrices à l’intention de ses États membres, les encourageant à réformer les programmes de revenu minimum existants ou à en créer de nouveaux afin de garantir que leurs systèmes de sécurité sociale fournissent une aide financière aux ménages qui ont besoin d’aide pour vivre dans la dignité. Les organisations de lutte contre la pauvreté ont salué cette proposition, appelant la Commission à adopter, outre ces lignes directrices, une approche contraignante fondée sur le respect des droits.

Les données officielles de janvier ont montré que l’inflation des prix de l’énergie dans l’UE s’élevait à 27 %, avec des taux supérieurs à 40 % dans cinq pays, une tendance à la hausse exacerbée par la guerre en Ukraine et les sanctions imposées par la suite. La plupart des gouvernements de l’UE ont adopté des politiques visant à réguler les prix de l’énergie, y compris, dans de nombreux cas, une aide ciblée pour couvrir les coûts énergétiques des ménages à faibles revenus.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février a exacerbé les problèmes d’approvisionnement en denrées, en particulier en produits de base, comme le blé et l’huile de tournesol. Bien que les pays de l’UE n’aient pas été confrontés à des pénuries alimentaires, l’accessibilité financière est restée un sujet de préoccupation, en particulier pour les ménages à faibles revenus, avec un impact sur le droit à l’alimentation. En septembre, le prix du pain avait augmenté de 20% dans la région par rapport à l’année précédente.

Le fonds REACT de l’UE, qui fait partie du plan de relance suite au Covid-19, a débloqué des ressources supplémentaires importantes et ciblées en faveur d’au moins 18 États membres pour les aider à se remettre de la pandémie ou pour soutenir les nouveaux arrivants déplacés par le conflit en Ukraine. Le Fonds social européen a également augmenté le financement accordé aux États membres pour faire face aux coûts supplémentaires et soutenir les personnes déplacées par le conflit en Ukraine.

En juin, le Conseil de l’UE a approuvé à l’unanimité la garantie européenne pour l’enfance, qui oblige les États membres à veiller à ce que les enfants bénéficient d’un repas scolaire sain par jour, d’un accès au matériel pédagogique, d’un transport vers l’école et d’un logement décent. Dans de nombreux États membres, les enfants issus de milieux défavorisés se heurtent à des difficultés dans ces domaines, qui portent atteinte à leurs droits fondamentaux. La plupart des États membres n’ont pas respecté le délai fixé par la Commission en mars pour présenter des plans d’action nationaux visant à mettre en œuvre ces recommandations. Au moment de la rédaction du présent rapport, seuls 15 États l’avaient fait. La date limite de mise en œuvre des recommandations est fixée à 2030.

En juin, le Parlement européen et les États membres de l’UE sont parvenus à un accord de principe sur la proposition de directive de la Commission européenne relative à un salaire minimum adéquat, principe clé du pilier européen des droits sociaux et facteur déterminant du droit à un niveau de vie suffisant. Le Parlement européen a approuvé la législation en septembre, donnant aux États membres deux ans pour s’assurer que leur législation nationale sur le salaire minimum garantit un niveau de vie décent.

Dans un rapport rendu public en juin, le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté a souligné les lacunes des systèmes de protection sociale des États membres de l’UE, où la plupart des programmes d’aide sociale ne sont utilisés qu’en-dessous de 60 %. Les exemples de la Slovaquie, de la République tchèque, de la Slovénie, de la Finlande et de la France suggèrent que des parties importantes de la population sont confrontées à des obstacles pour accéder à l’aide nécessaire.

État de droit

Les institutions de l’UE ont continué à surveiller les problèmes d’état de droit dans plusieurs États membres, sans prendre pour autant de mesures décisives.

Une audition au titre de l’article 7 par les ministres de l’UE – la procédure prévue par le traité de l’UE pour examiner les menaces pesant sur les droits et l’état de droit – a eu lieu en mai et en novembre au sujet de la Hongrie. Une audition a également eu lieu sur la Pologne en février, suivie d’une discussion en octobre. Plus de quatre ans après l’ouverture de la procédure en vertu de l’article 7 à l’encontre de la Hongrie (et cinq ans depuis son ouverture à l’encontre de la Pologne), les États membres de l’UE continuent à hésiter à adopter des recommandations en matière d’état de droit ou à voter pour déterminer un risque de violation de l’état de droit dans l’un ou l’autre des deux pays.

En mai, le Parlement européen a critiqué le manque de progrès de la Commission et du Conseil sur la mise en œuvre des procédures de l’article 7 relatives à la Hongrie et à la Pologne, exhortant le Conseil à adopter des recommandations en matière d’état de droit. En septembre, le Parlement européen a adopté une mise à jour de sa décision de septembre 2018 d’activer l’article 7 à propos de la situation en Hongrie, exhortant les États membres à prendre leurs responsabilités et concluant que la Hongrie n’est « plus une démocratie ».

Le groupe de suivi du Parlement européen sur l’état de droit a continué à examiner les préoccupations qui se posent en Bulgarie, en Slovaquie et à Malte, et intensifié ses activités relatives à la liberté de la presse en Grèce. En mars, le Parlement européen a mis en place une commission d’enquête sur l’utilisation de logiciels espions, notamment en Hongrie, en Pologne et en Grèce.

En février, la Cour de justice de l’UE a rejeté la plainte déposée par la Hongrie et la Pologne contre le règlement de l’UE qui établit un nouveau mécanisme de conditionnalité de respect de l’état de droit pour l’accès aux financements de l’UE. En mars et en mai, le Parlement européen a reproché à la Commission des manœuvres dilatoires pour recourir à ce mécanisme.

À la suite d'une proposition de la Commission en septembre, le Conseil de l'UE a approuvé pour la première fois une décision au titre du mécanisme de conditionnalité de l'état de droit, créé en 2020, visant à suspendre 6,3 milliards d'euros de fonds de cohésion de l'UE destinés à la Hongrie - soit 55 pour cent du total - en raison de violations de l’état de droit entraînant des risques de corruption et de conflits d'intérêts.

Le plan économique de la Pologne dans le cadre des fonds de relance postpandémique a été approuvé par la Commission européenne en juin, mais celle-ci continuait à retenir les fonds effectifs au moment de la rédaction du présent rapport en raison de préoccupations relatives à l’état de droit. Le plan de redressement Covid de la Hongrie a également été approuvé en décembre, le versement des fonds étant également conditionné à la mise en œuvre des éléments clés de l'état de droit.

La Commission a continué à recourir à des procédures d’infraction en réponse au recul de l’état de droit en Hongrie et en Pologne, mais n’a pris aucune nouvelle mesure décisive pour remédier à la non-application des arrêts de la Cour de justice de l’UE par ces deux gouvernements. En juillet, la Commission a adressé une demande officielle au gouvernement polonais pour qu’il se conforme au droit communautaire dans l’affaire relative au manque d’indépendance et d’impartialité du tribunal constitutionnel et à sa non-application du droit communautaire. Elle a également transmis à la Cour de justice de l’UE des affaires contre la Hongrie concernant la décision de faire cesser d’émettre une station de radio indépendante et une loi anti-LGBT adoptée en juin 2021.

Pour la troisième année consécutive, la Commission européenne a rendu public son rapport sur l’état de droit, qui comprenait des chapitres détaillés sur les 27 membres de l’UE. C’est la première fois que ce rapport inclut des recommandations aux États membres, que les observateurs de la société civile ont critiquées, les jugeant vagues, non spécifiques et dénuées de conséquences politiques en cas de non-respect.

L’obligation de rendre des comptes pour les meurtres de journalistes dans les pays de l’UE reste faible, voire inexistante. En juillet, l’un des accusés dans l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia, à Malte, a avoué son rôle dans ce meurtre ; son procès et celui des autres accusés est en cours. En février, le Tribunal pénal spécialisé a entamé le nouveau procès des auteurs présumés de l’assassinat, en 2018, du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée, qui était en cours au moment de la rédaction du présent rapport. L’enquête sur l’assassinat, en avril 2021, du journaliste Giorgos Karaivaz à Athènes n’a pas connu d’avancée significative. Le procès de deux hommes liés à la criminalité organisée et accusés du meurtre du journaliste Peter de Vries en juillet 2021 à Amsterdam était en cours au moment de la rédaction de ce rapport.

En janvier, la Commission européenne a annoncé son intention d’élaborer une loi européenne sur la liberté des médias visant à protéger l’indépendance et le pluralisme des médias dans l’UE. À la suite d’une demande du Parlement européen, la Commission a ouvert en août une consultation sur une nouvelle loi européenne sur les droits des associations dans l’UE.

Politiques de lutte contre le changement climatique et impacts

Les 27 États membres de l’Union européenne figurent parmi les dix principaux émetteurs de gaz à effet de serre au niveau mondial, contribuant ainsi largement à la crise climatique qui pèse de plus en plus lourd sur les droits humains à travers le monde.

En mai, la Commission européenne a lancé le plan REPower EU, destiné à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le plan accroît la part des énergies renouvelables, mais comprend également une proposition de nouveaux investissements dans les infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL) et de gaz fossile, fragilisant ainsi les efforts de réduction des émissions.

En juillet, le Parlement européen a soutenu une proposition de la Commission visant à classer le gaz fossile et l’énergie nucléaire parmi les investissements « durables ». En septembre, des organisations de défense de l’environnement ont intenté une action en justice contre la Commission européenne au sujet de cette décision, estimant qu’elle compromet les efforts de réduction des émissions de l’UE et ses obligations au titre de l’Accord de Paris.

Des milliers de personnes sont mortes alors que 21 pays d’Europe ont subi des températures exceptionnellement élevées dans le cadre d’une vague de chaleur sans précédent, prolongée mais prévisible, pendant les mois d’été. Les personnes âgées et celles souffrant de maladies sous-jacentes, notamment respiratoires et cardiovasculaires, ont été particulièrement touchées. Les données en provenance de l’Espagne et du Portugal montrent que la plupart des personnes décédées étaient âgées de plus de 65 ans.

Politique étrangère

L’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses effets sur la sécurité, l’économie et la stabilité de l’Europe ont dominé les efforts diplomatiques de l’UE en 2022. L’UE et ses États membres ont mis en place des efforts coordonnés et sans précédent pour obtenir un soutien mondial avant une série de votes de l’ONU condamnant l’agression de la Russie et pour lutter contre l’impunité pour les graves crimes internationaux commis dans le cadre de ce conflit.

Parallèlement, la nécessité de garantir des approvisionnements et des marchés énergétiques autres que la Russie a exacerbé les tendances préexistantes de renforcement des liens avec des gouvernements autoritaires. En février, peu avant le début du conflit, l’UE a organisé le sommet UE-UA, accueillant à Bruxelles des dirigeants abusifs tels que le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi.

En juin, les États membres de l’Union ont approuvé la communication conjointe de la Commission sur un partenariat stratégique avec le Golfe, qui se concentre presque exclusivement sur les possibilités d’investissement et de coopération, en négligeant largement le bilan regrettable des pays du Golfe en matière de droits humains. De même, l’UE a conclu des accords énergétiques avec Israël, l’Égypte et l’Azerbaïdjan, et relancé les négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’Inde, faisant craindre que sa réaction déjà discrète ou modérée face aux violations commises par ces gouvernements ne persiste.

En octobre, l’UE a repris la réunion de son Conseil d’association avec Israël après une impasse de dix ans. Des organisations de défense des droits de l’homme et plusieurs membres du Parlement européen ont sévèrement critiqué la tenue de cette réunion dans un contexte d’escalade de la répression de la société civile palestinienne par les autorités israéliennes et de consensus international croissant sur le fait que cette répression constitue un apartheid.

Toujours en octobre, les dirigeants de 44 pays de l’UE et de pays voisins, y compris des gouvernements abusifs comme la Turquie et l’Azerbaïdjan, se sont réunis pour la première réunion de la Communauté politique européenne. Les discussions ont principalement porté sur le conflit en Ukraine et la crise énergétique.

Les relations avec la Chine sont restées tendues après les sanctions de représailles adoptées  en 2020 et la « neutralité pro-russe » de Pékin dans le conflit ukrainien. Alors que tous les États membres de l’UE siégeant au Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU ont soutenu à l’unanimité les déclarations accablantes du bloc européen sur les abus perpétrés par la Chine, Chypre, la Grèce, la Hongrie et Malte ont continué à s’abstenir de signer les déclarations interrégionales sur la situation au Xinjiang.

L’absence d’unanimité a également empêché l’UE de soutenir l’adoption d’une résolution visant à inscrire la Chine à l’ordre du jour du CDH à la suite de la publication du rapport du Haut-Commissariat des Nations unies sur le Xinjiang. La stratégie multidimensionnelle de l’UE sur la Chine pour 2019 a été confirmée par les États membres en octobre, bien que ceux-ci soient de plus en plus conscients que la composante de la stratégie concernant la « rivalité systémique » entre l'UE et la Chine en éclipse ses autres piliers.

En octobre, l’UE a levé les sanctions ciblées à l’encontre de certains responsables burundais, tout en reconnaissant que « les principaux défis [en matière de droits de la personne] ne sont toujours pas abordés ni résolus ». Les relations tendues entre l’UE et le Mali au sujet des violations des droits humains et du partenariat du Mali avec le Groupe Wagner ont entraîné une réduction significative des missions de formation de l’UE au Mali (EUTM) et de soutien aux capacités de sécurité intérieure maliennes (EUCAP).

En octobre, l’Union européenne a annoncé le déploiement d’un maximum de 40 observateurs de l’UE du côté arménien de la frontière internationale avec l’Azerbaïdjan pour « faciliter le rétablissement de la paix et de la sécurité […] l’instauration de la confiance et la délimitation de la frontière internationale entre les deux États. »

Le Haut-Représentant Josep Borrell a effectué une série de visites en Amérique latine, en vue de préparer un sommet interrégional qui devrait se tenir au cours du second semestre de 2023.

En février, la Commission européenne a annoncé une proposition de directive très attendue sur un mécanisme contraignant de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement pour les entreprises tout au long de leurs chaînes de valeur. En septembre, la Commission a également annoncé une autre proposition de directive visant à interdire l’entrée sur le marché de l’UE de produits issus du travail forcé. Ces deux propositions, bien que bienvenues, présentent d’importantes lacunes et doivent être améliorées pour que les entreprises soient tenues responsables des violations des droits humains et de l’environnement.

En mai, la commission du commerce du Parlement européen a proposé de nombreux amendements dans le but de renforcer la transparence, la prévisibilité et, en fin de compte, d’influencer l’efficacité du système de préférences généralisées (SPG) de l’UE, qui accorde un accès préférentiel au marché européen pour les pays à revenus faibles ou intermédiaires, moyennant des conditions plus ou moins strictes en matière de respect des droits humains. Le nouveau régime remplacerait le régime actuel à partir de 2024. Au moment de la rédaction du présent rapport, le Conseil n’avait pas encore pris position sur cette réforme. Parmi les bénéficiaires actuels du SPG figurent des pays dont les gouvernements n’ont pas respecté leurs obligations en matière de droits humains, tels que le Pakistan, le Sri Lanka, les Philippines, le Bangladesh, le Myanmar, le Cambodge, le Kirghizstan et l’Ouzbékistan.

La règle de l’unanimité reste un obstacle majeur à l’adoption rapide de déclarations, de décisions et de mesures de politique étrangère de l’UE fondées sur des principes. Le régime global de sanctions de l’UE en matière de droits humains est resté largement sous-exploité, les tentatives d’adoption de sanctions ciblées contre les responsables d’atrocités liées au conflit dans le nord de l’Éthiopie ayant été neutralisées par l’opposition de certains États membres. La Hongrie a bloqué à plusieurs reprises l’initiative de l’UE visant à créer, au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, un mécanisme de surveillance de la situation en Russie, mais un mandat de rapporteur spécial sur la Russie a finalement été créé en octobre grâce au leadership des 26 autres États membres de l’UE.

Malgré ces limites, l’UE a joué un rôle de premier plan dans les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies relatives aux droits humains en Corée du Nord et au Myanmar, tout en soutenant les efforts de l’Assemblée pour faire pression sur la Syrie et l’Iran en raison de leurs violations respectives. L’Union a également soutenu de multiples condamnations de la Russie par l’Assemblée générale des Nations unies pour son invasion de l’Ukraine et les atrocités commises contre les civils dans ce pays.

Au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, l’UE a joué un rôle de premier plan dans l’adoption de résolutions importantes sur le Burundi, le Belarus, l’Éthiopie, l’Érythrée, la Corée du Nord, le Myanmar et l’Afghanistan. Elle n’a toutefois pas soutenu une résolution sur le racisme, la discrimination raciale et la xénophobie, continuant par ailleurs à exprimer ses préoccupations quant au mandat de la commission d’enquête sur le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et Israël.