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Union européenne

Événements de 2021

Tous deux originaires de Syrie, Sara et Hassan, âgés de 26 et 24 ans, respectivement, sont assis dans la forêt de Lewosze, en Pologne, après avoir traversé sa frontière avec le Bélarus, le 29 octobre 2021.

© 2021 REUTERS/Kacper Pempel

L’Union européenne et la plupart de ses États membres continuent de s’engager en faveur des droits humains et des valeurs démocratiques. Dans la pratique, cependant, les politiques et actions de l’Union et des États membres ne sont souvent pas à la hauteur.

En matière de migration, la réponse à la crise en Afghanistan, l’urgence humanitaire à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, et les refoulements à cette même frontière ainsi qu’à d’autres frontières extérieures de l’UE illustrent la priorité donnée à la fermeture des frontières et à l’externalisation de la responsabilité à l’égard des réfugiés, des migrants et des demandeurs d’asile, au détriment du respect des droits humains. Les réponses des États au racisme, à la violence et à la discrimination affectant les femmes, les minorités ethniques et religieuses, les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), ainsi que les personnes handicapées, sont souvent inadéquates et, dans certains cas, aggravent les violations existantes.

La pandémie de Covid-19 a exacerbé les profondes inégalités et la pauvreté au sein de l’Union européenne, malgré certaines mesures gouvernementales prises pour les atténuer. Si les États membres de l’UE ont durci le ton face aux attaques visant l’état de droit et les institutions démocratiques au sein de l’UE, ils n’ont toutefois pas pris les mesures décisives prévues par les traités européens ni activé pleinement les mécanismes de conditionnalité financière.

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

Les États membres de l’UE ont évacué des milliers d’Afghans de Kaboul en août après la prise du pouvoir par les talibans, mais ont par la suite privilégié des mesures visant à maintenir les réfugiés en provenance d’Afghanistan dans les pays voisins de ce dernier. Lors d’un forum européen de haut niveau sur la protection des Afghans en danger, organisé en octobre, les États membres de l’UE n’ont fait aucune promesse concrète de réinstallations.

En mai, l’Espagne a refoulé sommairement des milliers de personnes, dont des enfants non accompagnés, de Ceuta, après l’arrivée, en l’espace de 24 heures, de 10 000 migrants dans cette enclave espagnole située en Afrique du Nord, avec l’aide présumée du Maroc.

La Lituanie, la Lettonie et la Pologne ont décrété l’état d’urgence, déployant des troupes et refoulant illégalement des migrants et des réfugiés au Bélarus, déclarant que les autorités de ce pays facilitaient l’entrée de personnes, notamment d’Irakiens et d’Afghans, dans les États de l’UE. En août, la Cour européenne des droits de l’homme a ordonné à la Lettonie et à la Pologne de prêter assistance à des groupes de demandeurs d’asile irakiens et afghans bloqués à la frontière du Bélarus, réservant pour une audience complète la question de leur admission éventuelle sur leurs territoires. La situation s’est considérablement détériorée en novembre, avec des milliers de personnes coincées à la frontière entre la Pologne et le Bélarus dans des conditions hivernales extrêmes  : au moins neuf personnes seraient mortes dans cette zone, selon certaines estimations.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), plus de 103 889 personnes étaient arrivées de manière irrégulière aux frontières méridionales de l’UE entre janvier et mi-novembre 2021, la plupart par la mer, tandis qu’au moins 1 319 autres sont mortes ou ont été portées disparues en mer Méditerranée, soit presque autant (1 401) que pour toute l’année 2020. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estime à 1 563 le nombre de décès en Méditerranée et a comptabilisé 785 morts ou disparus dans l’océan Atlantique à la suite des tentatives de migrants pour rallier les îles Canaries espagnoles au cours des huit premiers mois de 2021. Le nombre de victimes pourrait être beaucoup plus élevé ; l’organisation non gouvernementale (ONG) Walking Borders affirmant que près de 2 000 personnes seraient mortes au cours des six premiers mois seulement.

L’UE et les États membres ont continué à coopérer avec la Libye, notamment pour faciliter les interceptions en mer et le débarquement en Libye, malgré les risques connus de détentions arbitraires, de torture et d’autres abus commis dans ce pays. Au moins 27 551 personnes – soit largement plus du double du total de 2020 – ont été débarquées en Libye au cours des 10 premiers mois de l’année 2021. Selon une enquête de l’ONU publiée en octobre, la litanie d’actes inhumains commis à l’encontre des migrants en Libye pourrait s’apparenter à des crimes contre l’humanité. Le rapport ajoute que la responsabilité d’autres pays devrait aussi faire l’objet d’une enquête.

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et la Haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ont exhorté l’UE, respectivement en mars et en mai, à mener des opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée, à cesser d’entraver les activités des organisations non gouvernementales de secours et à conditionner la coopération avec la Libye au respect des droits humains. En septembre, seuls cinq navires de sauvetage opérés par des ONG étaient opérationnels, les organisations dénonçant une obstruction de l’Italie et de Malte.

En juin, le Danemark a modifié sa loi relative à l’immigration afin de pouvoir envoyer les demandeurs d’asile dans un autre pays pour examen de leur demande, sans aucune garantie de réinstallation au Danemark en cas de succès. L’Union africaine a fermement condamné cette mesure en août et, à ce jour, aucun pays n’a indiqué qu’il acceptait d’accueillir ces demandeurs d’asile.

Une enquête du Parlement européen a conclu en juillet que l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, appelée Frontex, n’avait pas pris de mesures pour mettre fin aux refoulements illégaux, ignorant les informations et retardant délibérément l’embauche de professionnels chargés de surveiller le respect des droits. Bien qu’elle dispose de nombreux mécanismes pour établir les responsabilités, Frontex a échoué à enquêter de manière crédible sur les refoulements ou à en atténuer les effets là où ils étaient à l’œuvre. Fin octobre, le Parlement européen a gelé une partie du budget de l’agence jusqu’à ce qu’elle fasse des progrès en matière de droits humains.

En septembre, la Commission européenne a constaté la lenteur des progrès accomplis dans la mise en œuvre de son Pacte de 2020 sur la migration et l’asile, avec notamment une dynamique limitée pour la création de voies migratoires plus sûres et légales et une répartition plus équitable des demandeurs d’asile. Les mesures visant à créer des mécanismes indépendants de suivi de la situation aux frontières envisagés dans le Pacte n’ont pas donné lieu aux garanties nécessaires pour que ces mêmes mécanismes contribuent à la répartition équitable des responsabilités et à la fin des refoulements illégaux.

Discrimination et intolérance

Selon un rapport rendu public en juin par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, la pandémie de Covid-19 a alimenté la discrimination et les crimes de haine, en particulier à l’encontre des migrants et des Roms.

Dans un rapport en date de mars, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe (CoE) a déclaré que la pandémie avait eu un impact désastreux sur les taux de scolarisation pendant l’année 2020-2021, y compris dans des États membres de l’UE. Les inégalités ont été exacerbées, en particulier pour les enfants marginalisés et socialement défavorisés et celles et ceux qui ont davantage besoin d’un soutien éducatif, comme les enfants en situation de handicap.

Dans un rapport rendu public en juin, l’Agence des droits fondamentaux (FRA) de l’UE a révélé que, dans certains pays, les demandeurs d’asile et les migrants sans papiers se heurtaient à des difficultés pour recevoir le vaccin contre le Covid-19, là où certains gouvernements choisissaient de lever les exigences officielles et faciliter l’accès au vaccin.

En réponse à la hausse de l’antisémitisme et des attaques visant les Juifs dans de nombreuses régions d’Europe, notamment sous la forme de discours de haine en ligne, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe a publié, en septembre, une Recommandation de politique générale (RPG) appelant les pays européens, y compris les États membres de l’UE, à s’attaquer à ce problème. En octobre, la Commission européenne a rendu publique une stratégie de lutte contre l’antisémitisme.

Une enquête menée en mai par la FRA sur les contrôles de police au sein de l’UE a révélé que, de façon générale, les minorités ethniques, les musulmans et les personnes qui ne s’identifient pas comme hétérosexuelles figurent parmi les personnes les plus souvent contrôlées. L’enquête a également révélé que les personnes faisant l’objet de profilage ethnique font moins confiance aux autorités publiques que les autres.

La pandémie a mis en évidence une forte hausse des abus et des discours de haine à l’encontre des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), ainsi que des problèmes d’accès aux soins de santé, notamment pour les personnes LGBTI en situation de handicap. Une enquête publiée en avril fait état d’une vulnérabilité accrue des jeunes LGBTI au sans-abrisme, en raison de la pandémie.

En juillet, la FRA a appelé les pays de l’UE à supprimer les obstacles qui dissuadent les victimes de crimes de haine de se manifester et à encourager le signalement de ces crimes en s’attaquant à la discrimination structurelle et aux préjugés sociaux, en éliminant les pratiques policières discriminatoires, en condamnant publiquement les crimes de haine et en sensibilisant les victimes à leurs droits et à l’aide disponible.

En mars, la Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, s’est dite préoccupée par la persistance de l’exposition des personnes d’origine africaine à la violence raciste, au profilage racial ou à d’autres formes graves de racisme et de discrimination raciale en Europe, y compris au sein des États membres de l’UE.

La violence et le harcèlement fondés sur le genre et le sexe, y compris pour les personnes LGBTI, restent très répandus. Selon une enquête de la FRA rendue publique en mars, 83 % des femmes et des filles âgées de 16 à 29 ans  limitent les lieux où elles se rendent ou les personnes avec lesquelles elles interagissent par souci de se protéger. En outre, plus d’une sur quatre (soit 28 % de celles interrogées) a déclaré avoir été victime de harcèlement au cours de l’année précédant l’enquête, et les femmes étaient nettement plus susceptibles d’être victimes de harcèlement sexuel que les hommes. Enfin, lorsqu’elles sont victimes de violences physiques non sexuelles, les femmes ont indiqué que l’auteur était le plus souvent un proche ou un parent (32 %) et que ces actes étaient souvent commis à leur propre domicile (37 %). Plus de deux tiers des personnes interrogées ont indiqué ne pas signaler à la police les incidents de violence dont elles ont été victimes. Au moment de la rédaction du présent rapport, six États membres et l’UE elle-même n’avaient pas encore ratifié la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes ; certains pays s’opposant activement à cette ratification ou menaçant de se retirer de cet instrument.

Selon une étude conduite en mars par l’Institut européen pour l’égalité entre hommes et femmes, si les 27 pays de l’UE ont tous pris, dans le cadre de la lutte contre la pandémie de Covid-19, des mesures pour soutenir et protéger les femmes et leurs enfants victimes de la violence exercée par un partenaire intime, seule une poignée d’entre eux disposaient de plans d’action complets pour remédier à cette situation.

En mars, la Commission européenne a adopté une stratégie relative aux droits des personnes porteuses de handicap pour la décennie 2021-2030, qui priorise l’accessibilité, la désinstitutionalisation et l’indépendance, la lutte contre la discrimination et l’égalité d’accès à l’emploi, à la justice, à l’éducation, à la santé et à la participation politique, ainsi que la promotion des droits des personnes en situation de handicap à travers le monde. D’après le rapport de 2021 de l’Agence des droits fondamentaux, des risques particuliers se sont posés pour les personnes porteuses de handicap vivant en institution pendant la pandémie de Covid-19, ainsi que des obstacles accrus à l’accès aux services essentiels, à l’éducation et aux soins de santé.

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a décidé en juillet d’autoriser les employeurs à exercer une discrimination vis-à-vis des personnes qui portent des vêtements religieux, soulevant des inquiétudes quant à la protection de la liberté de religion des femmes musulmanes en particulier.

Pauvreté et inégalité

Selon les estimations officielles, 91,4 millions de personnes vivant dans l’UE (soit environ un cinquième de la population), dont 17,9 millions d’enfants, sont à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale (définies comme le fait de vivre dans une situation de privation matérielle grave ou de sous-emploi chronique), les niveaux d’inégalité étant stables ou s’aggravant depuis la crise financière de 2008-09.

La Fédération européenne des banques alimentaires (FEBA) a estimé en septembre que ses organisations membres fournissaient une aide alimentaire à 12,8 millions de personnes dans le besoin, soit une hausse de 34,7 % comparé à la situation qui prévalait avant la pandémie, soulignant une forte hausse de l’aide apportée aux personnes ayant perdu leur emploi. L’aide financière temporaire accordée par de nombreux États de l’UE a permis d’atténuer en partie l’impact négatif de la pandémie de Covid-19 sur les inégalités, qui se sont néanmoins creusées.

En janvier, le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté a conclu sa visite des institutions européennes en prévenant que les gouvernements nationaux et les institutions régionales devaient donner la priorité aux droits économiques et sociaux et « repenser [leurs] règles économiques fondamentales » pour faire des progrès significatifs dans la réduction de la pauvreté au cours de la prochaine décennie, notant l’impact disproportionné qu’elle a sur les femmes, les personnes porteuses de handicap, les personnes âgées et les Roms.

En mars, devant la hausse de la pauvreté infantile pendant la pandémie, la Commission européenne a adopté la Garantie européenne pour l’enfance, qui prévoit des mesures spécifiques pour améliorer les droits à l’alimentation et à un niveau de vie adéquat pour les enfants. La proposition de la Commission européenne pour le Conseil européen appelle les États membres à « garantir aux enfants dans le besoin un accès effectif à une alimentation saine et à un logement adéquat ».

En mai, les États membres de l’UE ont signé la déclaration de Porto, par laquelle ils s’engagent à mettre en œuvre un Plan d’action sur le socle européen des droits sociaux, confirment l’objectif de sortir 15 millions de personnes de la pauvreté d’ici à 2030 et soulignent la nécessité de moderniser les régimes de revenu minimum dans toute l’UE. Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté a jugé les objectifs de la déclaration de Porto « insuffisamment ambitieux ».

Les associations de lutte contre la pauvreté et de défense de l’environnement ont critiqué l’annonce par la Commission européenne, en juillet, d’un paquet législatif sur l’énergie, estimant qu’il ne protégeait pas les personnes disposant de faibles revenus contre la fluctuation des prix de l’énergie et n’abordait pas suffisamment les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Devant la hausse des prix de l’énergie, les chercheurs estimaient en octobre qu’environ 80 millions de ménages auraient du mal à assumer les dépenses énergétiques pendant l’hiver.

Les Roms sont toujours exposés à un risque disproportionné de pauvreté et d’exclusion sociale. Les défenseurs des droits des Roms ont constaté des cas de discrimination et de ségrégation dans le domaine du logement, des expulsions et un accès insuffisant à l’eau, à l’assainissement et aux services publics de base dans certains pays de l’UE, notamment en Bulgarie, en République tchèque, en France, en Hongrie, en Irlande, en Italie, en Roumanie et en Slovaquie. Le Centre européen pour les droits des Roms a indiqué que les enfants de cette communauté étaient surreprésentés dans les structures d’accueil publiques en Bulgarie, en République tchèque, en Hongrie, en Italie, en Roumanie et en Slovaquie, souvent en raison de politiques discriminatoires, de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

État de droit

Des auditions sur la Pologne et la Hongrie, menées au titre de l’article 7 du traité sur l'Union européenne – la disposition qui prévoie d’examiner les menaces pesant sur les valeurs de l’UE en matière de droits et d’état de droit – se sont tenues au Conseil de l’Europe en juin 2021.

Également en juin, 18 États membres de l’Union ont condamné conjointement la législation hongroise discriminant les personnes LGBT. Dans une résolution adoptée ce même mois, le Parlement européen a demandé au Conseil d’émettre des recommandations concrètes en matière d’état de droit à l’intention de la Hongrie et de la Pologne au titre de l’article 7.

En juillet, le Parlement européen a condamné la loi hongroise anti-LGBT et d’autres attaques contre l’état de droit. En septembre, il a critiqué la détérioration de la liberté de la presse et l’érosion de l’indépendance judiciaire en Pologne. En octobre, il a demandé à la Commission de lancer une procédure d’infraction contre la Pologne au sujet du fonctionnement et de la composition du Tribunal constitutionnel, à la suite d’une décision de ce dernier portant atteinte au droit communautaire.

En octobre, la Cour de justice de l’Union européenne a infligé une astreinte journalière d’un million d’euros (environ 1 132 000 dollars) à la Pologne pour ne pas avoir respecté une demande formulée par la CJUE en juillet visant à bloquer une loi de 2020 portant atteinte à l’indépendance des juges. En septembre, la Commission de l’UE a ouvert une procédure de suivi à l’encontre de la Pologne pour ne pas avoir appliqué une autre décision de la CJUE, qui a estimé que les sanctions disciplinaires visant certains juges étaient illégales. En juillet, la Commission a engagé une autre procédure judiciaire contre la Pologne au sujet des « zones exemptes d’idéologie LGBT » déclarées par plusieurs municipalités. En octobre, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, s’est dite profondément préoccupée par la décision du Tribunal constitutionnel de Pologne, à l’indépendance compromise, sur l’inconstitutionnalité du droit européen, et s’est engagée à utiliser tous les pouvoirs prévus par les traités pour protéger le caractère contraignant des décisions de la CJUE.

En février, la Commission a ouvert une procédure de suivi à l’encontre de la Hongrie pour non-exécution d’un arrêt de la CJUE en date de 2020 déclarant illégale la loi sur les ONG financées par des fonds étrangers. En novembre, elle a demandé à la CJUE d’imposer des sanctions financières à la Hongrie pour non-exécution d’un arrêt de la Cour de décembre 2020 déclarant illégale la loi sur l’asile. En novembre, la CJUE a estimé que la loi hongroise de 2018 sur l’asile, qui restreignait l’accès à la protection internationale et criminalisait les activités légitimes de soutien aux migrants, violait le droit de l’UE. La Commission a ouvert de nouvelles infractions juridiques contre la Hongrie pour avoir forcé la station de radio indépendante Klubradio à cesser ses émissions, et en juillet pour sa loi violant les droits des personnes LGBT.

Un groupe de surveillance du Parlement européen a continué à évaluer la situation dans d’autres pays de l’UE, notamment en Bulgarie, en Slovaquie, en Slovénie et à Malte.

En juillet, la Commission européenne a rendu public son deuxième rapport sur l’état de droit, qui porte sur les 27 États membres de l’UE. En septembre, la présidente de la Commission, Ursula Von Der Leyen, a annoncé qu’à partir de 2022, ces rapports s’accompagneraient de recommandations spécifiques aux États membres, et elle s’est engagée à introduire une législation sur la liberté de la presse dans un délai d’un an.

Au moment de la rédaction du présent rapport, la Commission n’avait pas encore commencé à recourir au nouveau mécanisme de conditionnalité des fonds européens au respect de l’état de droit, suscitant une contestation juridique de la part de parlementaires européens. En septembre, la Commission a justifié les retards dans l’approbation des fonds de relance liés au Covid-19 pour la Pologne et la Hongrie par des préoccupations relatives à l’état de droit. En septembre, quatre régions polonaises ont révoqué leurs déclarations anti-LGBT de crainte de perdre les fonds européens qui leur étaient destinés.

Le manque de redevabilité pour les meurtres de journalistes demeure préoccupante. Dans une résolution en date d’avril, le Parlement européen a exhorté Malte à traduire en justice les auteurs du meurtre de la journaliste Daphne Caruana Galizia en 2017. En février, l’un des trois accusés a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle, les deux autres sont en attente de jugement. En août, le procureur général de Malte a demandé la condamnation à perpétuité de Yorgen Fenech pour son implication dans la planification de ce meurtre. En juillet, le rapport d’une enquête judiciaire indépendante a mis en évidence la responsabilité de l’État dans un climat d’impunité propice à la commission du meurtre de Caruana Galizia.

En juin, la Cour suprême de Slovaquie a acquitté un homme accusé d’être impliqué dans le meurtre du journaliste Ján Kuciak et de sa fiancée, Martina Kušnírová, en 2018, et ordonné la révision de son procès. En avril 2021, à Athènes, en Grèce, le journaliste d’investigation Giorgos Karaivaz a été abattu. L’enquête suit son cours. Aux Pays-Bas, le journaliste d’investigation Peter R. de Vries a été abattu en plein cœur d’Amsterdam le 6 juillet. Il a succombé à ses blessures neuf jours plus tard. Deux individus étaient en garde à vue pour leur implication présumée. Selon les enquêteurs, les meurtres de Karaivaz et de de Vries sont liés à des réseaux de criminalité organisée.

Dans son rapport annuel sur la situation de l’état de droit dans l’UE, la Commission européenne a indiqué que les organisations de la société civile étaient confrontées à de graves difficultés dans certains États de l’UE. En Hongrie, les organisations de la société civile continuent de faire l’objet de campagnes de dénigrement et de lois criminalisant leurs activités légitimes. En Pologne, les défenseurs des droits humains sont victimes de harcèlement et perdent des financements et les défenseurs des droits des femmes font l’objet de menaces croissantes. En France, la plus haute juridiction administrative a confirmé en septembre la dissolution, ordonnée par le gouvernement, d’une organisation de lutte contre la discrimination. En Grèce, à Chypre et en Italie, les organisations de la société civile travaillant sur la question migratoire sont confrontées à un environnement hostile.

Politique et impacts du changement climatique

Les 27 États membres de l’Union européenne forment collectivement l’un des dix premiers émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde, contribuant ainsi largement à la crise climatique qui pèse de plus en plus lourdement sur les droits humains. En juillet, la Commission européenne a adopté une série de propositions législatives spécifiant la manière dont elle entend atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, objectif fixé dans la loi européenne sur le climat de 2020 adoptée en juin, y compris l’objectif intermédiaire d’une réduction nette d’au moins 55 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Selon le Climate Action Tracker, l’engagement de 2030 est « presque suffisant » pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de contenir le réchauffement climatique à moins de 1,5°C.

Bien qu’ils se soient engagés à supprimer progressivement les subventions qui portent atteinte à l’environnement, notamment celles pour les énergies fossiles, d’ici 2020, les membres du Parlement européen ont voté en 2021 pour prolonger les subventions aux gaz jusqu’en 2027, fragilisant ainsi les efforts de réduction des émissions.

Plusieurs responsables européens, dont le président français et la chancelière allemande de l’époque, avaient déclaré être opposés à l’accord de libre-échange UE-Mercosur ou avoir de fortes réserves à son sujet, en raison du non-respect par le Brésil de ses engagements au titre de l’accord de Paris sur le climat et de son incapacité à freiner la déforestation illégale en Amazonie, un « puits de carbone » essentiel pour atténuer le changement climatique.

Politique étrangère

La Commission européenne a continué à s’opposer à la dérogation temporaire de certaines règles de propriété intellectuelle et de commerce dans le cadre de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), qui faciliterait la production mondiale de vaccins, de tests de dépistage et de traitements contre le Covid-19 nécessaires pour répondre à la pandémie.

La Hongrie a, à plusieurs reprises, invoqué la règle de l’unanimité de l’UE pour empêcher l’adoption de plusieurs déclarations sur les droits humains, ainsi que les conclusions des ministres des affaires étrangères de l’UE sur la répression de la Chine à Hong Kong.

Faisant preuve d’un « deux poids deux mesures » en matière de droits humains, l’UE et ses États membres n’ont pas pris de mesures décisives pour lutter contre les graves violations des droits en Égypte, dans les pays du Golfe, en Israël et en Palestine, ainsi qu’en Inde. Le commerce, la gestion des migrations et les intérêts géostratégiques ont ostensiblement pris le pas sur les préoccupations relatives aux droits humains dans les relations de l’UE avec ces pays et d’autres, ce qui a entraîné une réticence à dénoncer publiquement les abus ou à conditionner le soutien militaire, budgétaire ou politique aux États responsables de graves violations des droits humains. De même, si l’UE a exprimé des préoccupations au sujet de l’état de droit et des droits humains en Turquie, elle n’a pas réussi à en faire une priorité dans ses relations. Lorsque l’unanimité a pu être obtenue, l’Union a réussi à prendre des mesures audacieuses, notamment à l’égard de la Russie, du Nicaragua, du Venezuela, du Myanmar et du Bélarus.

L’UE collectivement et plusieurs de ses États membres ont continué à jouer un rôle important dans plusieurs initiatives aux Nations unies, en tant que délégations porte-plumes ou coauteurs de résolutions importantes, notamment sur l’Afghanistan, le Bélarus, l’Éthiopie, le Soudan, la Syrie, le Sri Lanka, le Myanmar, le Nicaragua, la Corée du Nord et le changement climatique. Toutefois, les États membres de l’UE n’ont pas affiché la même unité s’agissant des déclarations conjointes sur l’Égypte et la Chine, et aucun n’a soutenu la création d’une commission d’enquête sur Israël.

L’incapacité à répondre sérieusement aux violations commises par ses États membres et la politique de deux poids deux mesures de l’UE ont continué à amoindrir la portée d’importantes déclarations et politiques européennes relatives aux droits humains, notamment le nouveau plan d’action de l’UE en faveur des droits de l’homme et de la démocratie.

En février, l’Union a révisé ses lignes directrices en matière de dialogues sur les droits de l'homme avec les pays tiers/partenaires, reconnaissant la nécessité de maximiser leur impact. Ces dialogues se sont souvent avérés contreproductifs, dans la mesure où ils sont régulièrement organisés juste à la veille d’engagements de plus haut niveau de la part de dirigeants de l’UE avec leurs homologues, donnant l’impression de n’être qu’un exercice pour se donner bonne conscience.

En avril, les ministres des affaires étrangères de l’UE ont adopté une nouvelle stratégie pour la région du Sahel, reconnaissant l’urgente nécessité d’y réformer le secteur de la sécurité, d’améliorer la gouvernance et la lutte contre l’impunité, notamment en garantissant la justice pour les violations perpétrées par les forces de sécurité. Des inquiétudes subsistent toutefois quant à sa mise en œuvre dans un environnement en perpétuelle évolution et aux incertitudes sur le maintien de la présence européenne dans la région.

En mars, l’UE a inscrit 15 personnes et quatre entités de Russie, de Chine, de Corée du Nord, de Libye, du Sud-Soudan et d’Érythrée à son nouveau régime mondial de sanctions en matière de droits de l'homme. Au moment de la rédaction du présent rapport, il s’agissait des seules désignations effectuées dans le cadre de ce nouveau régime. Les mesures prises à l’encontre de fonctionnaires chinois considérés comme responsables de ce que Human Rights Watch et d’autres organisations ont qualifié de crimes contre l’humanité au Xinjiang sont les premières de la sorte à avoir été imposées à l’encontre du gouvernement chinois depuis le massacre de Tiananmen en 1990. Pékin a riposté en imposant ses propres sanctions à l’encontre de plusieurs entités européennes et de membres du Parlement européen ; en réponse, le Parlement européen a gelé la ratification d’un accord commercial bilatéral avec la Chine. Les régimes de sanctions et les embargos sur les armes déjà en place ont été confirmés ou renforcés, notamment ceux visant le Myanmar, le Bélarus, la Syrie et le Venezuela, entre autres.

En mars, le Parlement européen a adopté une résolution ouvrant la voie à l’adoption d’une législation européenne sur le devoir de vigilance et de responsabilité des entreprises. La législation proposée devrait mettre en place des dispositions contraignantes pour que les entreprises fassent preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains et d’environnement tout au long de leur chaîne de valeur, en prévoyant des sanctions en cas de non-respect et en établissant des recours pour les personnes et communautés touchées. En septembre, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a également annoncé l’adoption prochaine d’une législation visant à interdire l’entrée sur le marché européen des produits issus du travail forcé.

En septembre, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement pour remplacer l’actuel système généralisé de préférences (SPG) lorsqu’il expirera en 2023. Ce système offre aux pays bénéficiaires des avantages tarifaires pour leurs exportations vers l’UE, moyennant des conditions plus ou moins strictes en matière de respect des droits humains. Bien que la nouvelle proposition comporte certaines améliorations, plusieurs organisations de défense des droits, dont Human Rights Watch, ont exhorté le Parlement européen et le Conseil européen à s’attaquer à certaines des principales insuffisances de longue date du système.

Les bénéficiaires actuels du SPG comprennent des pays dont le bilan en matière de droits humains présente de très graves lacunes, notamment le Sri Lanka, les Philippines, le Pakistan, le Bangladesh et le Myanmar. En avril, l’UE a accordé le SPG+ à l’Ouzbékistan, malgré la persistance de graves préoccupations en matière de droits humains dans ce pays. La pression exercée par le Parlement européen sur le Sri Lanka dans le cadre d’une évaluation préalable de ses obligations au titre du SPG a contribué à créer une dynamique en vue d’obtenir la réforme de certains aspects de la législation et de mesures antiterroristes abusives adoptées par ce pays.

Le Parlement européen a continué à jouer un rôle important en tant qu’instrument de contrôle de la politique étrangère de l’UE, dénonçant souvent les abus commis par des gouvernements que l’UE et ses États membres ne souhaitaient pas critiquer publiquement, notamment l’Égypte, le Rwanda, l’Inde, l’Arabie saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis et le Vietnam. Malheureusement, les appels des parlementaires européens à une action concrète de la part de l’UE ont souvent été ignorés par la Commission européenne, le Service européen d’action extérieure, le Conseil européen et les États membres de l’UE. Le Parlement européen a décerné le prix Sakharov 2021 au dissident russe Alexeï Navalny.