La liberté de culte – en particulier celle des femmes musulmanes – a subi un revers la semaine dernière avec une décision de la plus haute instance judiciaire de l’Union européenne, qui a autorisé les employeurs à exercer des discriminations à l’encontre des personnes qui portent des vêtements religieux.
Statuant dans deux affaires émanant de plaintes déposées par des femmes en Allemagne dont les employeurs refusaient de les laisser porter le foulard islamique sur leur lieu de travail, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a conclu, le 15 juillet, que les employeurs étaient fondés à imposer des limites à l’expression de croyances religieuses, politiques ou philosophiques sur le lieu de travail lorsqu’existe « un besoin véritable » de « se présenter de manière neutre à l’égard des clients ou de prévenir des conflits sociaux ».
Ce concept de « neutralité » a déjà été invoqué dans le passé pour justifier des interdits similaires dans le secteur public et ce jugement étend désormais cette logique au secteur privé, ouvrant la voie à des discriminations généralisées dans le domaine de l’emploi. Le raisonnement de la Cour, estimant qu’autoriser le port de vêtements religieux serait susceptible de nuire à la capacité opérationnelle d’une entreprise, repose sur une logique bancale selon laquelle les objections d’un client au fait que des employés portent des vêtements religieux peuvent légitimement prévaloir sur les droits de ces employés.
La Cour affirme que de telles restrictions ne sont pas discriminatoires, dès lors qu’elles s’appliquent de manière égale à toute forme d’expression ou de croyance religieuse. Ces restrictions doivent également s’appliquer, par exemple, au port de la kippah juive et du turban sikh. Dans la pratique, ce sont souvent les femmes musulmanes en Europe qui portent le foulard ou le voile islamique qui font l’objet de ces restrictions.
Les interdictions du port de vêtements et de symboles religieux par les enseignants et par d’autres fonctionnaires en Allemagne ont poussé certaines femmes musulmanes à abandonner des carrières dans l’enseignement. L’interdiction en France de la burqa, le voile islamique recouvrant le visage, approuvée par la Cour européenne des droits de l’homme, a conduit à l’imposition d’amendes à près de 600 femmes musulmanes en moins de trois ans et la loi française de 2004 interdisant le port du foulard islamique dans les écoles a amené certaines élèves musulmanes à quitter l’école avant la fin de leurs études.
Pour chaque femme qui est contrainte à porter le foulard ou le voile islamique, de telles interdictions ne permettent pas de s’attaquer à la cause profonde de leur oppression mais risquent dans la pratique de limiter encore davantage leur intégration dans la société, accroissant leur isolement. Plutôt que d’aider à démanteler les normes patriarcales qui sous-tendent le contrôle du corps et du comportement des femmes, de telles interdictions peuvent au contraire les perpétuer.
Les États européens exercent un contrôle croissant sur les décisions et sur le corps des femmes, que ce soit par les interdictions du niqab ou voile islamique au Danemark et en Suisse ou par la quasi-interdiction de l’avortement en Pologne. La dernière décision de la Cour pourrait amplifier cette tendance inquiétante, légitimisant les efforts déployés dans les secteurs public et privé pour restreindre la liberté des femmes de décider comment s’habiller.
Les femmes musulmanes ne devraient pas avoir à choisir entre leur foi et leur emploi.
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