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Tchad

Événements de 2021

Un jeune homme manifeste dans une rue de N’Djamena, au Tchad, le 27 avril 2021. Deux personnes ont été tuées au cours des importantes manifestations qui se sont tenues au Tchad pour protester contre le régime instauré par un conseil militaire de transition, dirigé par le fils du président décédé Idriss Deby Itno, qui a été tué en avril 2021.

© 2021 AP Photo/Sunday Alamba

Le 19 avril, la commission électorale tchadienne a annoncé que le président Idriss Déby Itno avait remporté un sixième mandat au cours de l’élection présidentielle du 11 avril. La période précédant cette élection a été entachée par une répression brutale de la part du gouvernement à l’encontre des manifestants et de l’opposition politique. Le 20 avril, un porte-parole de l’armée tchadienne a annoncé que le président Déby, 68 ans, avait succombé à des blessures survenues lors d’affrontements entre les forces gouvernementales et les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), basé dans le sud de la Libye. Les circonstances exactes du décès de Déby n’ont pas été éclaircies. Le gouvernement et le Parlement ont été dissous et un Conseil militaire de transition (CMT), dirigé par le fils de Déby, Mahamat Idriss Déby Itno, a pris le contrôle du pays, promettant une transition sur 18 mois.

La période qui a suivi l’élection et la mort de Déby a été marquée par la violence. Au cours de manifestations fin avril et en mai, les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive à l’encontre des manifestations de l’opposition, arrêtant plus de 700 personnes, dont beaucoup ont dénoncé des mauvais traitements subis en détention, y compris des tortures. Le 2 octobre à N’Djamena, les forces de sécurité ont tiré en direction des manifestants des cartouches de gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et peut-être des munitions réelles, blessant 40 à 45 personnes et endommageant des biens privés.

Le 10 juin, les autorités ont remis en liberté Baradine Berdei Targuio, un défenseur connu des droits humains, qui avait été arrêté en janvier après avoir publié sur Facebook un message sur la mauvaise santé présumée du président Déby.

Le 10 août, le président de transition a invité les groupes rebelles, avec qui il avait auparavant refusé de négocier, à participer, aux côtés d’autres parties prenantes, à un dialogue national qui a démarré le 5 novembre. Dans un communiqué conjoint du 2 novembre, les principaux groupes rebelles, notamment l’Union des forces de la résistance (UFR) et le FACT, ont déclaré qu’ils acceptaient de prendre part au dialogue national « à certaines conditions », telles que la libération de leurs membres emprisonnés et l’amnistie générale. L’opposition et les groupes de la société civile, tout en critiquant le dialogue national proposé, ont appelé les autorités de transition à garantir qu’il soit inclusif.

L’ancien dictateur tchadien Hissène Habré est décédé du Covid-19 le 24 août à Dakar, capitale du Sénégal, où il était condamné à perpétuité pour des crimes internationaux graves. En septembre, une délégation de l’Union africaine a visité N’Djamena, la capitale du Tchad, pour mettre au point un fonds fiduciaire destiné à compenser 7 396 victimes des crimes de Habré.

Les groupes armés islamistes Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) ont poursuivi leurs attaques dans la région du lac Tchad, ciblant à la fois les civils et les forces militaires et causant des restrictions de l’accès à l’aide humanitaire. Le 21 août, le Tchad a annoncé qu’il retirerait la moitié de son effectif d’un millier de soldats présents au sein de la Force conjointe G5 Sahel, une unité militaire créée pour combattre les groupes armés islamistes dans la zone trifrontalière entre Mali, Burkina Faso et Niger.

D’après les Nations Unies, au moins 309 personnes ont été tuées, 182 blessées et plus de 6 500 déplacées à l’intérieur du pays lors des violences intercommunautaires qu’a connues le Tchad en 2021.

Violences pré-électorales

Les forces de sécurité tchadiennes ont durement réprimé les manifestants et l’opposition politique lors des préparatifs de l’élection présidentielle du 11 avril. Dans la capitale, N’Djamena, elles se sont servies de gaz lacrymogène pour disperser des manifestants pacifiques qui réclamaient des changements politiques et la fin des injustices sociales et économiques, les 6 février, 15 février, 20 mars et 27 mars, blessant des dizaines de manifestants et de défenseurs des droits humains – dont Mahamat Nour Ibedou, secrétaire général de la Convention tchadienne pour la défense des droits de l’homme, un groupe local défendant les droits humains – ainsi que des passants. Elles ont aussi procédé à l’arrestation arbitraire d’au moins 112 membres ou sympathisants de partis d’opposition et activistes de la société civile, leur faisant subir des passages à tabac et d’autres mauvais traitements.

Lors d’une attaque au domicile d’un leader de l’opposition politique et candidat à la présidentielle, Yaya Dillo, le 28 février, les forces de sécurité ont tué sa mère de 80 ans et blessé cinq autres membres de sa famille.

Des partis de l’opposition ont accusé le gouvernement d’instrumentaliser les réglementations liées au Covid-19 pour bloquer leur campagne et interdire les rassemblements publics, notamment en imposant un confinement strict à N’Djamena du 1er janvier au 10 mars.

Violences post-électorales

Les forces de sécurité ont employé une force excessive, tirant notamment à balles réelles sans discrimination, afin de disperser les manifestations de l’opposition qui avaient lieu dans tout le Tchad dans le sillage de l’élection du 11 avril, puis du décès de Déby.

Des membres et sympathisant·e·s des partis d’opposition et des organisations de la société civile se sont uni·e·s pour former une coalition appelée Wakit Tamma (« Le moment est venu » en arabe tchadien), tandis que des habitant·e·s manifestaient à N’Djamena, Moundou, Doba et dans d’autres villes de tout le pays, les 27 et 28 avril puis les 8 et 19 mai, remettant en question l’interdiction des manifestations imposée par le Conseil militaire de transition et réclamant le transfert des pouvoirs à une entité civile.

Au cours de ces manifestations, au moins sept personnes ont été tuées, des dizaines blessées, et les forces de sécurité ont arrêté plus de 700 personnes, dont beaucoup ont rapporté des mauvais traitements et des tortures subies en garde à vue. Parmi celles que les forces de sécurité et les autres autorités ont arrêtées, menacées et intimidées, figuraient des personnes blessées qui étaient soignées dans des centres de santé. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées dans les mois suivants.

Le 2 octobre, des centaines d’habitant·e·s de N’Djamena se sont joint·e·s aux sympathisants de Wakit Tamma pour protester contre le régime du CMT et réclamer que la Charte de transition du Tchad soit amendée. Bien que les autorités eussent autorisé cette manifestation, les policiers anti-émeutes – et dans un cas au moins, les gendarmes – ont tiré vers les manifestants des cartouches lacrymogènes, des balles en caoutchouc et peut-être des munitions réelles, blessant de 40 à 45 personnes et endommageant des biens privés.

Abus commis par des groupes armés

Boko Haram et EIAO continuent à commettre de graves atteintes aux droits humains à l’encontre de civils de la région du lac Tchad, causant des dizaines de décès et une crise humanitaire majeure. D’après l’ONU, il y avait en septembre 400 000 personnes déplacées internes dans la région.

Les médias internationaux ont rapporté que le 19 septembre, des combattants de Boko Haram avaient tué neuf personnes et incendié plusieurs maisons dans le village de Kadjigoroumave de la région du lac Tchad. 

Justice internationale

L’ancien dictateur tchadien Hissène Habré est décédé le 24 août à Dakar, où il était emprisonné à perpétuité suite à sa condamnation pour des crimes internationaux graves. Cette condamnation résultait d’un effort historique visant à garantir la justice pour le rôle qu’il avait joué dans de graves violations des droits humains.

Le régime de Habré était responsable de très nombreux meurtres politiques, d’une torture systématique, de milliers d’arrestations arbitraires et du ciblage de groupes ethniques particuliers. Habré était personnellement impliqué dans les abus commis lorsqu’il dirigeait le Tchad de 1982 à 1990, surtout en maintenant un étroit contrôle sur sa police politique redoutée, la Direction de la documentation et de la sécurité (DDS), dont les membres torturaient et tuaient les personnes s’opposant à lui ou simplement appartenant au mauvais groupe ethnique.

Une Cour d’appel avait confirmé la condamnation de Habré en 2017 et attribué 82 milliards de francs CFA (environ 150 millions USD) à 7 396 victimes, mandatant un fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever les sommes nécessaires en recherchant les actifs de Habré et en sollicitant des contributions. En septembre, une délégation de l’Union africaine s’est rendue à N’Djamena, la capitale du Tchad, pour mettre au point la création du fonds fiduciaire, un premier pas qui pourra aider les victimes des crimes de Habré à recevoir une réparation qui leur est due depuis longtemps.

Violences intercommunautaires

Les violences intercommunautaires et inter-ethniques se sont intensifiées dans tout le Tchad, surtout dans l’est du pays, essentiellement dans des régions disposant de ressources naturelles limitées comme l’eau et les terres. Des groupes locaux de défense des droits humains ont accusé le gouvernement d’ignorer ces conflits et de faillir à son devoir de prévenir la violence et de protéger la population. D’après les Nations Unies, au moins 309 personnes ont été tuées, 182 blessées et plus de 6 500 déplacées à l’intérieur du pays lors des violences intercommunautaires qu’a connues le Tchad en 2021.

Les 14 et 15 avril, des affrontements intercommunautaires entre des éleveurs et des cultivateurs d’Am-Barid et Siheb, dans la province de Salamat, ont fait une centaine de morts et autant de blessés, d’après l’ONU. Les 7 et 8 août, des affrontements intercommunautaires dus à un litige foncier entre éleveurs et cultivateurs locaux de la province du Hadjer-Lamis ont tué au moins 25 personnes, selon les médias internationaux. Enfin des violences intercommunautaires entre cultivateurs sédentaires et éleveurs nomades ont causé la mort d’au moins 28 personnes les 19 et 20 septembre dans les villages de Kidji-Mina et Tiyo, dans l’est du Tchad, d’après les médias internationaux et des groupes locaux de défense des droits humains.