Skip to main content

Burkina Faso

Événements de 2020

Une femme enceinte marche dans un camp pour personnes déplacées à Dori, au Burkina Faso, le 24 novembre 2020.

© 2020 Reuters/Zohra Bensemra

La situation sécuritaire, humanitaire et en matière de droits humains au Burkina Faso a été marquée par l’instabilité, dans un contexte de violences et d’atrocités persistantes perpétrées par les groupes armés islamistes, les forces de sécurité étatiques et des milices progouvernementales menant des opérations de lutte contre le terrorisme.

En 2020, les forces de sécurité burkinabè auraient exécuté des centaines de suspects vus pour la dernière fois alors qu’ils étaient détenus par celles-ci, au motif qu’ils auraient soutenu des groupes islamistes. Des islamistes armés alliés à Al-Qaïda et à l’État islamique dans le Grand Sahara ont attaqué des civils et exécuté sommairement des personnes, faisant plus de 160 morts. Pour la seule année 2020, les attaques de groupes armés ont contraint 450 000 personnes à fuir leur domicile, portant le nombre total de personnes déplacées internes à plus d’un million depuis le début du conflit en 2016.

Une loi promulguée en 2019 qui érige en infraction certains aspects de la présentation d’informations sur les opérations des forces de sécurité a eu pour effet de brimer la liberté de la presse et les journalistes et défenseurs des droits humains, dont certains ont reçu des menaces après avoir publié des informations sur des exactions commises par les forces de sécurité.

Si le gouvernement a ouvert plusieurs enquêtes sur les exactions ainsi signalées, peu de progrès ont été réalisés en termes de justice rendue aux victimes, y compris aux victimes d’atrocités de grande ampleur commises par toutes les parties. Les institutions chargées du respect de l’État de droit sont restées inefficaces et des centaines de personnes soupçonnées de terrorisme sont restées en détention sans faire l’objet d’un procès, en partie par manque d’avocats de la défense.

Les partenaires internationaux du Burkina Faso dont les Nations Unies, la France, l’Union européenne et les États-Unis ont ouvertement dénoncé la violence des groupes armés islamistes, mais ont en grande partie rechigné à dénoncer les exactions des forces gouvernementales.

Exactions perpétrées par les groupes armés islamistes

Des groupes armés islamistes ont attaqué des églises, des mosquées, des convois d’aide humanitaire, et des écoles. Ils ont tenté de justifier ces attaques en établissant un lien entre les victimes et le gouvernement, des milices alliées, l’Occident ou la chrétienté. Leurs attaques, y compris plusieurs massacres, ont en grande partie ciblé des membres des groupes ethniques Mossi et Foulsé.

Une attaque lancée le 24 décembre 2019 à Arbinda a fait au moins 35 morts parmi les civils, pour la plupart des femmes précédemment déplacées à cause de la violence. Les attaques qui ont ciblé les villages de Rofénèga, de Nagraogo et de Silgadji entre les 17 et 25 janvier ont fait plus de 90 morts parmi les civils. Le 1er février, au moins 20 civils, dont un infirmier, ont été tués dans le village de Lamdamol, et une attaque lancée le 16 février contre une église du village de Pansi a provoqué la mort de plus de 20 civils, dont le pasteur de cette église.

En mai 2020, des groupes armés islamistes ont été impliqués dans l’attaque d’un convoi de commerçants dans la province du Lourom qui a tué au moins quatre femmes, et dans une autre attaque ciblant un convoi transportant de l’aide alimentaire près de Barsalogho, qui a tué cinq civils. Ces deux convois étaient escortés par des troupes gouvernementales, dont certaines ont également péri.

Les attaques de villages perpétrées par les groupes armés islamistes ont exposé les femmes et les filles à un risque accru de violence physique et sexuelle.

Des islamistes armés ont enlevé des fonctionnaires locaux, ainsi que des anciens bien connus dans leurs villages ; ils ont ensuite tué plusieurs d’entre eux. Le chef du village de Nassoumbou a ainsi été enlevé en juillet puis libéré en septembre et, en août, le grand imam de Djibo, Sonibou Cissé, 73 ans, a été exécuté plusieurs jours après avoir été enlevé alors qu’il se trouvait à bord d’un véhicule de transport public au sud de Djibo.

Un grand nombre de civils, y compris des enfants, ont été tués par des engins explosifs improvisés (EEI) qui auraient été plantés sur les routes par des islamistes armés, dont, en janvier, 14 civils, parmi lesquels se trouvaient au moins deux enfants, leur bus ayant percuté un engin explosif dans la région de la Boucle du Mouhoun, et six bergers, tous des enfants, dans le village de Tangaye en août.

Des groupes armés islamistes ont également imposé leur version de la charia (droit musulman) par le biais de tribunaux qui ne respectent pas les normes requises en matière de procédure équitable.

Exactions perpétrées par les forces de sécurité de l’État

Des membres des forces de sécurité burkinabè faisant partie de l’armée et de la gendarmerie ont exécuté de manière illégale des suspects lors d’opérations de lutte contre le terrorisme menées au Burkina Faso et au Mali dans le cadre d’opérations transfrontalières. La plupart des victimes étaient issues du groupe ethnique peul et ont été rassemblées par les forces de sécurité dans des marchés et enlevées dans des villages, près de puits ou à bord de véhicules de transport public.

Les corps de 180 hommes ont été découverts autour de Djibo, ville du nord du pays, entre novembre 2019 et juin 2020. Ces corps se trouvaient en groupes de 20 personnes au maximum le long des routes principales, sous des ponts, ainsi que dans des champs et des terrains vagues ; la plupart d’entre eux avaient été enterrés dans des fosses communes. Nombre d’entre eux ont été retrouvés les yeux bandés et les mains attachées.

Début mars, les forces de sécurité du village de Cissé ont exécuté 23 personnes. Le 9 avril, les forces de sécurité ont exécuté 31 détenus non armés quelques heures à peine après leur arrestation lors d’une opération de lutte contre le terrorisme à Djibo. Le 11 mai, 12 hommes arrêtés par des gendarmes de Tanwalbougou, dans la région de l’Est, ont été retrouvés morts dans leurs cellules quelques heures plus tard. Des témoins ont déclaré que ces hommes semblaient avoir été tués par balles. D’après les Nations Unies, les forces burkinabè ont été impliquées dans au moins 50 exécutions extrajudiciaires commises lors d’opérations transfrontalières au Mali entre les 26 et 28 mai.

Certaines allégations ont impliqué une collaboration entre les forces de sécurité et les forces de défense civile, notamment un événement le 29 février lors duquel au moins 15 personnes auraient été tuées dans une opération conjointe aux alentours de Kelbo.

Le 2 mai, des membres des forces de sécurité ont fait irruption dans le camp de réfugiés de Mentao ; ils auraient été à la recherche d’islamistes armés et ont brutalisé plus de 30 réfugiés maliens.

Attaques perpétrées par des groupes d’auto-défense

Le 21 janvier, l’Assemblée nationale a adopté une loi institutionnalisant le soutien et la formation fournis par le gouvernement aux groupes d’auto-défense, connus sous le nom de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Les dispositions en matière d’obligation de rendre des comptes sont ambiguës. Certains membres du Koglweogo, une force anti-criminalité composée en grande partie de membres de l’ethnie Mossi, et qui depuis de nombreuses années est impliquée dans des exactions graves, notamment le massacre de plus de 40 hommes à Yirgou en 2019, ont été intégrés dans les VDH.

Des groupes d’auto-défense ont été impliqués dans de nombreux délits graves dont, en février, le meurtre de 19 hommes sortis de force de l’autobus à bord duquel ils se trouvaient près du village de Manja Hien, des attaques lancées contre trois villages de la province du Yatenga le 8 mars qui ont entraîné la mort de 43 villageois peuls, et de nombreux autres meurtres dans des villages du nord et de l’est du Burkina Faso.

Obligation de rendre des comptes pour les exactions commises

Les autorités ont ouvert des enquêtes sur plusieurs allégations impliquant les forces de sécurité et les forces de défense civile dont, au mois de mai, la mort de 12 hommes détenus par des gendarmes à Tanwalbougou et celle de plus de 200 hommes à Djibo. Cependant, les enquêtes ouvertes sur les exactions remontant à 2018 et 2019 n’ont aucunement progressé, et rares sont les informations publiques concernant le statut des enquêtes. Aucune charge n’a été retenue contre des islamistes armés.

La direction de la justice militaire, chargée d’enquêter sur les incidents impliquant les forces de sécurité, a pâti d’un manque grave de ressources.

La prison haute sécurité qui abrite des détenus ayant commis des délits liés au terrorisme est surpeuplée, à l’image des prisons bondées à travers le pays. Des centaines de prisonniers accusés de délits liés au terrorisme sont détenus sans avoir fait l’objet d’un procès, pour certains depuis quatre ans. Rares sont ceux qui ont eu accès à un avocat. En avril, plus de 1 200 détenus ont été graciés et relâchés pour tenter de désengorger les prisons afin de ralentir la propagation du Covid-19.

Accès à l’éducation et attaques visant des enseignants, des élèves et des écoles

Des groupes armés islamistes ont perpétré plus de 45 attaques visant le secteur de l’éducation en 2020. Lors de 21 attaques documentées commises entre les mois de janvier et mars, des hommes armés ont enlevé, battu, dévalisé et menacé des professionnels de l’éducation ; intimidé des élèves et des parents ; et incendié et pillé 15 écoles. Les médias rapportent qu’entre avril et août, au moins 25 établissements scolaires ont été incendiés. La plupart de ces attaques se sont déroulées dans les régions de l’Est, du Nord et de la Boucle du Mouhoun. Au moins trois écoles auraient servi de bases à l’armée burkinabè.

Avant que le gouvernement ne ferme toutes les écoles du pays en mars suite à la pandémie du Covid-19, 2 500 écoles avaient déjà fermé leurs portes à cause d’attaques ou de l’insécurité— privant ainsi près de 350 000 élèves d’une éducation—et les écoles qui accueillent des élèves déplacés étaient surpeuplées et incapables d’accepter tous ceux qui cherchaient à s’y inscrire.

Le gouvernement a réagi aux attaques en délocalisant les enseignants, en augmentant le nombre de patrouilles de sécurité près de certaines écoles, en rouvrant certaines écoles fermées et en instaurant des programmes pour aider les élèves à rattraper leur retard scolaire ou à regagner le chemin de l’école. Dans le cadre de la réponse au Covid-19 dans le secteur de l’éducation, le gouvernement a élargi les programmes d’apprentissage à distance en permettant un accès via la radio nationale, la télévision et des plateformes en ligne.

Principaux acteurs internationaux

La détérioration rapide de la situation sécuritaire, humanitaire et des droits humains a attiré une attention significative de la part des principaux partenaires internationaux du Burkina Faso. Ceux-ci ont émis plusieurs déclarations dénonçant les exactions perpétrées par les groupes armés islamistes, sans pour autant mettre en cause, pendant une grande partie de l’année, les forces de sécurité qui ont commis des exactions graves ni exhorter publiquement les autorités nationales à enquêter sur les allégations.

En décembre 2019, le Parlement européen a pressé le gouvernement burkinabè de mettre fin à sa stratégie abusive de lutte contre l’insurrection et d’enquêter sur les exactions commises par les forces de sécurité. À l’issue des allégations faites en juillet 2020 concernant des atrocités de masse qu’auraient commises les forces de sécurité à Djibo, les États-Unis ont déclaré que les meurtres pourraient mettre en danger l’aide militaire américaine et l’Union européenne et le Royaume-Uni ont exhorté les autorités du Burkina Faso à enquêter sur les exactions.

Le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est engagé à renforcer sa présence au Burkina Faso.

En juin, la France a lancé la Coalition internationale pour le Sahel afin d’assurer une coordination entre les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) et leurs partenaires internationaux.

Les États-Unis ont formé plus de 3 000 militaires et gendarmes burkinabè en 2020, délivré des programmes de formation à la lutte contre les IED d’une valeur de 2 millions de dollars US et apporté 5 millions de dollars US à la lutte contre le terrorisme afin de renforcer les capacités d’enquête des forces de l’ordre et leur permettre de traiter les cas de terrorisme complexes.

L’Union européenne a mobilisé un budget de soutien de 4,5 milliards d’euros à l’attention de la force conjointe du G5 Sahel pour la lutte contre le terrorisme.

La France dispense une formation militaire aux troupes burkinabè et appuie les opérations de sécurité dans la région du Sahel au moyen de son opération de lutte contre l’insurrection forte de 5 100 membres, l’Opération Barkhane.

En juin, en réponse à la gravité et au nombre des attaques perpétrées contre les écoles, ainsi qu’au meurtre et à la mutilation d’enfants, le Secrétaire général de l’ONU a ajouté le Burkina Faso à la liste des situations préoccupantes pour le mécanisme de surveillance et d’information des Nations Unies sur les graves violations commises contre les enfants en temps de conflits armés.

-------------------

Tweets