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Haïti

Événements de 2018

À Port-au-Prince le 18 novembre 2018, des hommes observent, à travers un grillage, une manifestation d’Haïtiens réclamant une enquête sur le possible détournement de fond publics dans le cadre du programme PetroCaribe sponsorisé par le Venezuela.

© REUTERS/Andres Martinez Casares

En 2018, l’instabilité politique a continué d’entraver la capacité du gouvernement haïtien à répondre aux besoins fondamentaux de la population, à résoudre des problèmes de longue date en matière de droits humains et à faire face à des crises humanitaires.

En juillet 2018, l’annonce par le gouvernement de la suppression de subventions, entraînant une hausse des prix du carburant pouvant atteindre 50 pour cent, a conduit à des protestations massives et aux troubles civils les plus graves que le pays ait connus depuis des années. Une résurgence de la violence des gangs a encore aggravé l’instabilité. Le Réseau national de défense des droits humains (RNDDH) a mené des recherches sur un incident survenu le 13 novembre à La Saline lors duquel 59 personnes auraient été tuées, et a demandé qu’une enquête officielle soit ouverte, notamment sur la participation présumée de membres de la Police nationale haïtienne et d’autres fonctionnaires.

Les Haïtiens, vulnérables aux catastrophes naturelles, notamment aux tempêtes tropicales et aux ouragans, sont toujours susceptibles d’être déplacés. En octobre, un séisme a frappé le pays, tuant 17 personnes et en blessant plus de 350 autres. Plus de deux ans après l’ouragan Matthew, qui a fait entre 540 et 1000 morts selon les estimations, plus de 140 000 familles attendent toujours d’être relogées un abri décent.

En mai 2018, près de 38 000 personnes, dont 70 pour cent de femmes et d’enfants, vivaient dans des camps pour personnes déplacées installés après le séisme de 2010. Aucune aide visant à les reloger ou à leur permettre de retourner d’où elles venaient ne leur a été fournie par les autorités. À cette même date, au moins 17 des 26 camps pour personnes déplacées restants ne disposaient pas d’installations sanitaires adéquates.

Ces communautés, les plus vulnérables du pays, sont toujours exposées à des risques environnementaux, tels que la déforestation massive et la pollution industrielle, et ne bénéficient que d’un accès limité à l’eau potable et à des installations sanitaires. Par ailleurs, les faibles précipitations aggravent l’insécurité alimentaire dans le pays.

Depuis son introduction en Haïti par des Casques bleus en 2010, le choléra a contaminé plus de 800 000 personnes et a causé près de 10 000 décès. Cependant, grâce à l’intensification des mesures pour lutter contre cette maladie, notamment une ambitieuse campagne de vaccination, le nombre de cas a significativement baissé pour passer de plus de 41 000 cas suspects et 440 décès en 2016 à un peu plus de 3000 cas suspects et 37 décès entre janvier et août 2018. 

Système de justice pénale

Le système carcéral haïtien reste caractérisé par une surpopulation importante, et de nombreux détenus vivent dans des conditions inhumaines. En 2016, selon les Nations Unies, rares étaient les prisonniers qui disposaient de plus d’un mètre carré d’espace, et la plupart d’entre eux restaient enfermés 23 heures par jour. D’après la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, la surpopulation est essentiellement due au nombre important d’arrestations arbitraires et au recours fréquent à la détention préventive. En juillet 2018, les prisons haïtiennes comptaient plus de 12 000 détenus, dont 75 pour cent attendaient d’être jugés.

Analphabétisme et entraves à l’éducation

L’analphabétisme est un problème majeur en Haïti. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), près de la moitié des Haïtiens âgés de 15 ans et plus sont analphabètes. Dans l’ensemble, la qualité de l’enseignement est mauvaise et 85 pour cent des écoles sont gérées par des entités privées qui imposent des frais de scolarité élevés, qui peuvent s’avérer prohibitifs pour des familles à faibles revenus. Partout dans le pays, plus de 350 000 enfants et adolescents restent exclus de l’école primaire ou secondaire.

Obligation de rendre des comptes pour les abus commis dans le passé

En Haïti, obliger les responsables de violations des droits humains perpétrées par le passé à rendre des comptes représente toujours un défi. En août, un tribunal fédéral des États-Unis a statué que des poursuites pouvaient être engagées, dans une affaire de torture, meurtre et incendie criminel présumés (commis dans la commune rurale des Irois en 2017 et 2018), contre Jean Morose Viliena, un ancien maire haïtien vivant actuellement aux États-Unis. L’action en justice a été intentée au nom de représentants de médias et de défenseurs des droits humains haïtiens ayant survécu à une campagne de violence supposément menée par M. Viliena et ses partisans politiques.

En novembre 2018, une enquête rouverte sur des crimes commis par les collaborateurs de Jean-Claude Duvalier, l’ancien président, était toujours en cours. Celui-ci est décédé en 2014, six mois après que la cour d’appel de Port-au-Prince a jugé que son immunité ne s’appliquait pas dans des cas de crimes contre l’humanité et a ordonné d’enquêter au sujet de crimes contre l’humanité présumés perpétrés au cours de son mandat présidentiel entre 1971 et 1986. Les allégations portent sur des cas de détentions arbitraires, de torture, de disparitions, d’exécutions sommaires et d’exil forcé.

Droits des femmes et des filles

Les violences faites aux femmes constituent un problème largement répandu. Haïti ne possède pas de législation spécifique contre la violence domestique, le harcèlement sexuel ou d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des jeunes filles. Le viol n’est explicitement pénalisé que depuis un décret ministériel datant de 2005.

Très peu d’avancées ont été enregistrées concernant l’examen d’une réforme du Code pénal proposée au Parlement en avril 2017, visant à combler des lacunes en matière de protection. Ce projet de réforme inclut également la dépénalisation partielle de l’avortement, qui est actuellement interdit, quelles que soient les circonstances, y compris dans les affaires de violence sexuelle.

Orientation sexuelle et identité de genre

Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) subissent toujours d’importantes discriminations.

En 2017, le Sénat haïtien a approuvé deux propositions de loi anti-LGBT, qui étaient en cours d’examen par la Chambre des députés en novembre 2018. La première proposition de loi porte sur la réglementation relative aux conditions de délivrance d’un Certificat de bonne vie et mœurs, un document requis par beaucoup d’employeurs et d’universités. Selon ce texte, l’homosexualité peut justifier un refus de délivrance de certificat, au même titre que la pornographie infantile, l’inceste et l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

La seconde proposition de loi interdit le mariage gay, ainsi que toute manifestation publique de soutien ou de défense des droits de la communauté LGBT. Si cette loi est adoptée, « les auteurs, co-auteurs et complices » d’un mariage homosexuel s’exposent à une peine de trois ans de prison et à une amende d’environ 8 000 dollars US (environ 7 000 euros).

Travail domestique des enfants

Le recours généralisé au travail domestique des enfants (appelés « restavèks ») perdure. Des familles défavorisées envoient les restavèks, majoritairement des filles, vivre dans des familles plus riches dans l’espoir qu’ils soient scolarisés et pris en charge en échange de tâches ménagères. Si leur nombre exact est difficile à déterminer, on estime qu’entre 225 000 et 300 000 enfants travaillent comme restavèks, souvent sans rémunération, sans accès à l’éducation et en étant victimes d’abus physiques ou sexuels.

Alors que l’âge minimum pour travailler dans les entreprises industrielles, agricoles ou commerciales est de 15 ans, le Code du travail haïtien ne précise pas d’âge minimum pour l’accomplissement de services domestiques. En février 2016, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a enjoint à Haïti de pénaliser le placement d’enfants pour des tâches domestiques.

Expulsions et apatridie de Dominicains d’origine haïtienne

Au moins 250 000 Dominicains d’origine haïtienne et migrants haïtiens travaillant en République dominicaine sont revenus en Haïti entre juin 2015 et mars 2018, après la fin d’un programme de régularisation controversé mené en 2015 en faveur des étrangers résidant en République dominicaine. Lors de nombreux renvois, les normes internationales n’ont pas été respectées et beaucoup de personnes ont été expulsées de manière arbitraire et sommaire, sans pouvoir faire valoir leurs droits.

Bien d’autres personnes ont fui la République dominicaine à cause de pressions ou de menaces. Dans une enquête portant sur plus de 6 000 cas d’expulsions, l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a établi la légitimité de la nationalité dominicaine pour plus de 2 800 personnes vivant à présent en Haïti.

Rien qu’au cours du premier semestre de 2018, près de 70 000 Haïtiens ont été renvoyés dans leur pays. Après avoir été renouvelé à trois reprises, le programme de régularisation en faveur des étrangers a pris fin en août 2018. Plus de 200 000 Haïtiens se sont ainsi retrouvés en situation irrégulière en République dominicaine et risquent de se faire expulser à tout moment.

Exploitation minière et accès à l’information

Au cours des dix dernières années, des investisseurs étrangers ont contribué au développement du secteur minier en Haïti. En juillet 2017, le gouvernement haïtien a présenté au Parlement un projet de loi minière, préparé avec l’aide de la Banque mondiale. Selon le Centre pour les Droits humains et la Justice mondiale (CHRGJ), le délai offert au gouvernement pour l’analyse environnementale est insuffisant et ne lui permet pas de réaliser un examen approfondi de la documentation. L’organe estime également que les possibilités de participation ou de commentaire dont dispose le public sont très restreintes et que le texte ne porte aucune mention des droits des individus dont l’activité minière entraînerait l’expulsion. De plus, certaines des dispositions du projet de loi prévoient de rendre confidentiel pour une durée de 10 ans tout document appartenant aux sociétés minières, ce qui empêcherait les communautés touchées par ces projets miniers de participer à des consultations sérieuses à cet égard. En novembre 2018, le projet de loi était en instance d’examen par le Parlement.

Principaux acteurs internationaux

En octobre 2017, à la fin du mandat de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), les Nations Unies ont lancé une nouvelle mission de maintien de la paix avec des objectifs réduits, la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), visant à promouvoir l’État de droit, le développement de la police et la défense des droits humains. En avril, le Conseil de sécurité a prolongé le mandat de la MINUJUSTH d’un an. L’organe a également affirmé son intention d’envisager le retrait de la mission, ainsi que la transition vers une mission n’ayant pas de vocation de maintien de la paix d’ici octobre 2019.

En 2016, le Secrétaire général des Nations Unies s’est excusé au nom de cet organisation pour son rôle dans le déclenchement de l’épidémie, et a annoncé l’adoption d’une nouvelle approche pour lutter contre le choléra en Haïti. Celle-ci incluait l’intensification des efforts pour soigner et éradiquer la maladie, ainsi que la création d’un fonds d’affectation destiné à récolter 400 millions de dollars US (352 millions d’euros) afin de fournir « une assistance matérielle » aux personnes les plus touchées par l’épidémie. En novembre 2018, seuls 17,7 millions de dollars US (15,6 millions d’euros) avaient été promis pour cette cause.

Les Nations Unies ont mené à bien une consultation pilote dans la zone où l’épidémie s’est déclarée, mais elles ont indiqué que les fonds seraient utilisés pour des projets communautaires, sans tenir compte des résultats de la consultation. Des représentants de victimes ont critiqué ce choix, arguant du fait qu’il ne respectait pas la promesse de mettre les victimes au cœur de ces nouvelles mesures.

Selon des chiffres publiés par le Bureau des services de contrôle interne des Nations Unies, au moins 102 accusations d’abus ou d’exploitation sexuelle ont été portées contre des membres du personnel de la MINUSTAH entre 2007 et 2017. En décembre 2017, 10 mères de 11 enfants conçus et abandonnés par des Casques bleus ont, pour la première fois en Haïti, intenté des actions en justice pour obtenir une pension alimentaire.

En juin, Haïti a annoncé que, en raison d’un scandale impliquant du personnel d’Oxfam Grande-Bretagne dans une affaire d’exploitation sexuelle (ces derniers participaient aux activités de secours mises en œuvre après le séisme de 2010), l’organisation avait perdu son droit d’exercer en Haïti.

Selon les observations finales du Comité des droits des personnes handicapées des Nations Unies, publiées en avril, a des adultes et des enfants handicapés sont confrontés à de mauvais traitements et sont parfois enchaînés, et des femmes présentant une déficience intellectuelle suivent des traitements contraceptifs sans y avoir consenti. Le Comité a également critiqué l’absence de loi interdisant la discrimination fondée sur le handicap, l’absence de campagnes visant à promouvoir la vie autonome dans la communauté et l’existence de lois qui privent les personnes handicapées de leur capacité juridique.

En octobre, un juge fédéral a engagé une procédure d’injonction pour bloquer la décision de l’administration du président Donald Trump de mettre fin au statut temporaire de protection des Haïtiens censé expirer en juillet 2019, une mesure qui menacerait d’expulsion 60 000 Haïtiens autorisés à rester sur le sol américain après le séisme de 2010.

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