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République démocratique du Congo

Événements de 2021

Des dizaines de personnes sont rassemblées le long de la clôture du camp de déplacés de Rhoo en Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, le 21 décembre 2021.

© 2021 ALEXIS HUGUET/AFP via Getty Images

L’effondrement en décembre 2020 de l’alliance formée par le Président Félix Tshisekedi avec la coalition de l’ancien Président Joseph Kabila a créé de nouvelles possibilités de promouvoir les efforts de réforme, jusque-là au point mort. Très peu de progrès ont toutefois été réalisés en termes de réformes systémiques et d’amélioration de la situation humanitaire et des droits humains.

Dans l’est de la RD Congo, des combattants de groupes armés, et dans certains cas des membres des forces de sécurité gouvernementales, ont perpétré des massacres, des enlèvements, des violences sexuelles et d’autres attaques contre les civils, ou recruté des enfants, dans une impunité quasi-totale.

En réponse à l’insécurité qui règne dans l’est du pays, le Président a imposé en mai 2021 un régime militaire au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, deux des provinces les plus gravement affectées par la violence. Certains officiers impliqués dans des exactions sont restés à des postes de commandement. L’entrée en vigueur de l’état de siège et le lancement de nouvelles opérations militaires n’ont pas contribué à améliorer la protection des civils. Les attaques contre les civils par les groupes armés et les forces gouvernementales se sont poursuivies, plus de 1,600 personnes ayant été tuées entre mai et la fin de l’année à travers l’Ituri et le Nord-Kivu. Les Forces démocratiques alliées (Allied Democratic Forces, ADF), un groupe armé islamiste dirigé par des Ougandais, auraient été responsables de plus de la moitié de ces meurtres. En décembre, les troupes ougandaises sont entrées dans l'est de la RD Congo pour commencer une campagne d’opérations militaires conjointes avec l'armée congolaise contre les ADF.

En 2021, les autorités ont souvent réprimé les voix dissidentes, notamment les militants des droits humains et pro- démocratie, les journalistes et les manifestants pacifiques. Les tensions se sont intensifiées dans la capitale, Kinshasa, autour de l’instauration d’une nouvelle commission électorale controversée, en raison d’une ingérence politique présumée, et de débats sur une proposition de loi sur la « congolité », qui interdirait aux citoyens congolais nés d’un parent d’origine étrangère d’accéder à la fonction présidentielle. Les partisans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti de Tshisekedi, ont attaqué des églises catholiques et s’en sont pris à des prêtres qui réclamaient la nomination d’un président de la commission électorale plus indépendant.

Plus de cinq millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays. Une personne sur trois souffre de faim aiguë. Les fermetures d’écoles en raison de la pandémie de Covid-19 ont affecté 19,2 millions d’enfants. Lorsque la pandémie a démarré en 2020, les écoles ont été entièrement ou partiellement fermées pendant 179 jours, y compris pendant plusieurs semaines au début de l’année 2021.

Libertés d’expression, de réunion pacifique et des médias

Des journalistes, des activistes, des lanceurs d’alerte et des détracteurs des politiques gouvernementales ont été intimidés et menacés, passés à tabac, arrêtés et dans certains cas poursuivis en justice par les autorités et les forces de sécurité.

En janvier, un tribunal militaire a acquitté huit membres du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha) qui avaient passé un mois en détention pour avoir manifesté pacifiquement dans le territoire de Beni. En juillet, deux autres membres, Elisée Lwatumba et Eric Muhindo, qui avaient été détenus pendant trois mois pour avoir manifesté pacifiquement à Butembo, ont obtenu une libération provisoire. Les autorités ont arrêté Parfait Muhani et Ghislain Muhiwa, également membres de la Lucha, respectivement en juillet et en août. Ils ont été détenus à la prison centrale de Goma avant d’être libérés sous caution le 6 novembre. Leur procès pour diffamation et association de malfaiteurs a démarré le 5 novembre après que leur groupe avait dénoncé un détournement de l’aide humanitaire qui aurait impliqué des membres du personnel de la fondation de la Première dame de la RD Congo. Treize autres militants de la Lucha ont été arrêtés à Beni le 11 novembre lors d'une manifestation pacifique contre la loi martiale et étaient toujours en détention au moment de la rédaction du présent rapport.

En février, les autorités ont arrêté trois membres du mouvement citoyen Jicho ya Raiya en territoire de Masisi, au Nord-Kivu, pour avoir critiqué la mauvaise gestion des structures locales de santé. Au moment de la rédaction de ce rapport, Claude Lwaboshi Buhazi, Serge Mikindo Waso et Faustin Ombeni Tulinabo se trouvaient toujours en détention préventive à la prison centrale de Goma.

Fin février, il a été révélé que les autorités avaient condamné à mort par contumace les lanceurs d’alerte Gradi Koko et Navy Malela en septembre 2020. Ces deux anciens employés de banque avaient dénoncé des malversations financières présumées et des activités de blanchiment d’argent. En juillet, Jean-Jacques Lumumba, un lanceur d’alerte anti-corruption en exil, a fait l’objet de menaces et d’intimidations en Europe et à Kinshasa.

Jacky Ndala, coordonnateur national de la Jeunesse du parti politique Ensemble pour la République, a été condamné en appel à 22 mois de prison pour « désobéissance civile » après s’être opposé publiquement à la proposition de loi discriminatoire sur la « congolité ».

Les autorités ont également interdit des manifestations, tandis que les forces de sécurité ont recouru à une force excessive pour les disperser. En avril, la police a tué cinq personnes et en a blessé huit autres lors de manifestations pacifiques à Goma, à Butembo et en territoire de Beni. À l’issue de ces manifestations, les forces de sécurité et des bandes violentes ont tué au moins 10 personnes et en ont blessé au moins 50 autres en territoire de Nyiragongo, au Nord-Kivu.

Le 29 avril, des dizaines d’élèves qui réclamaient le rétablissement de la paix ont été violemment appréhendés et embarqués par les forces de police à Beni. Si Tshisekedi a par la suite présenté ses excuses à tous les enfants concernés, il avait  néanmoins déjà nommé le commissaire de police responsable de la rafle, François Kabeya, au poste de maire de Goma.

Attaques menées contre des civils par les groupes armés et les forces gouvernementales

Environ 120 groupes armés non étatiques étaient actifs dans les provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Tanganyika, situées dans l’est de la RD Congo. Un grand nombre de leurs commandants ont été impliqués dans des crimes de guerre, notamment des massacres, des violences sexuelles à l’encontre de femmes et de filles, le recrutement forcé d’enfants et des actes de pillage.

Divers acteurs armés, dont certains n’ont pas été identifiés, ont tué au moins 2,347 civils dans les provinces du Sud-Kivu, du Nord-Kivu et de l’Ituri, d’après les données recueillies par le Baromètre sécuritaire du Kivu qui recense les violences perpétrées dans l’est de la RD Congo. Ce bilan comprend au moins 268 civils tués par les forces de sécurité congolaises.

Les forces de sécurité congolaises ont mené des opérations contre les groupes armés dans l’est du pays, avec des résultats mitigés, et en recourant parfois à des milices comme combattants auxiliaires pour lutter contre d’autres groupes. Les Casques bleus de l’ONU ont appuyé les troupes gouvernementales lors d’opérations conjointes menées contre les ADF.

Les tensions sont restées vives dans les hauts-plateaux du Sud-Kivu où les combats ont impliqué plusieurs groupes armés, certains étant soutenus par des pays voisins.

Le 22 février, des assaillants armés ont pris en embuscade un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM) sur la route située au nord de Goma, tuant un chauffeur congolais et l’ambassadeur italien en RD Congo ainsi que son garde du corps. En juin, des experts de l’ONU ont déclaré ne pas être en mesure d’établir l’identité des auteurs de l’attaque, précisant que des enquêtes nationales et internationales étaient en cours.

En juillet, Tshisekedi a lancé un nouveau programme de Désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation. Cependant, de nombreux activistes congolais ont publiquement fait part  de leur préoccupation quant à la nomination du coordonnateur du programme, Tommy Tambwe, ancien cadre des principaux groupes rebelles soutenus par le Rwanda et responsables d’innombrables exactions au cours des 25 dernières années.

Justice et obligation de rendre des comptes

En janvier, les autorités françaises ont arrêté l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala pour « participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes contre l’humanité » et « complicité de crimes contre l’humanité ». L’enquête se concentre sur des exactions citées dans le rapport Mapping publié par l’ONU en 2010 qui documentait les crimes les plus graves commis dans l’ensemble du territoire congolais entre 1993 et 2003.

En février, au moins 67 personnes de la communauté Iyeke, ont été tuées et plus de 1 200 foyers incendiés par des villageois de l’ethnie Nkundo dans une douzaine de villages situés en bordure du parc national de la Salonga, dans la province de la Tshuapa, dans l’ouest du pays. Bien que quatre suspects aient été arrêtés, l’enquête sur ces tueries n’a pas avancé.

En mars, la Chambre d’appel de la Cour pénale internationale a confirmé la condamnation et la peine de Bosco Ntaganda, ancien chef rebelle devenu général dans l’armée congolaise. Bosco Ntaganda a été condamné à 30 ans d’emprisonnement pour 18 chefs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

À partir du mois de mai, des civils du Nord-Kivu et de l’Ituri, deux provinces en état de siège, ont été poursuivis en justice pour délits pénaux devant des tribunaux militaires, ce qui est contraire aux principes de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

En août, le gouvernement a créé une commission chargée de fournir une feuille de route pour la justice transitionnelle, mais il ne s’est toujours pas pleinement engagé à mettre fin à l’impunité pour les crimes graves. Les cours militaires et autres tribunaux statuant sur des affaires de crimes de guerre et crimes contre l’humanité n’ont fait que peu de progrès pour combler les importantes lacunes du pays en termes d’obligation de rendre des comptes. Ces affaires continuent de mettre en exergue les graves défaillances qui caractérisent le système judiciaire national.

Le procès, ouvert en 2017, relatif aux meurtres des enquêteurs des Nations Unies Michael Sharp et Zaida Catalán ainsi qu’à la disparition de leurs trois chauffeurs de motos congolais et de leur interprète, s’est poursuivi. En septembre 2021, des organisations de défense des droits humains et des diplomates étrangers ont dénoncé l’arrestation du journaliste congolais Sosthène Kambidi, interrogé sur l’origine d’une vidéo montrant le meurtre des deux enquêteurs. Kambidi a bénéficié d’une mise en liberté provisoire le 12 octobre.

Le procès relatif aux massacres de Yumbi, dans l’ouest du pays, perpétré en décembre 2018, dans lesquels au moins 535 personnes ont été tuées, a débuté devant un tribunal militaire en mai 2021, mais peu de progrès ont été réalisés.

Après des révélations faites par les médias internationaux, les autorités ont procédé à plusieurs arrestations liées au meurtre, commis en 2010, de l’éminent défenseur des droits humains Floribert Chebeya et de son chauffeur Fidèle Bazana. En septembre 2021 s’est ouvert un nouveau procès des accusés Christian Kenga Kenga et Jacques Mugabo, tous deux officiers supérieurs de police. Entre-temps, le général John Numbi, également impliqué dans le double meurtre, aurait fui la RD Congo et a été officiellement déclaré déserteur en juin.

Le procès de 10 prisonniers pour le soulèvement qui a eu lieu en septembre 2020 à la prison centrale de Kasapa à Lubumbashi s’est ouvert le 28 octobre. Pendant trois jours de violence, des prisonniers ont violé à maintes reprises plusieurs dizaines de détenues, dont une adolescente. Les prévenus ont été inculpés d'incendie volontaire, de viol sur mineur, de viol avec violence et de tentative d'évasion. Les fonctionnaires qui ont ignoré les avertissements répétés de l'imminence de l’émeute ne faisaient l'objet d'aucune enquête au moment de la rédaction de ce rapport.

Gédéon Kyungu, un chef de guerre notoire responsable d’atrocités dans la région du Katanga, dans le sud du pays, et qui s’est échappé de sa résidence surveillée à Lubumbashi en mars 2020, était toujours en fuite au moment de la rédaction de ce rapport.

Le chef de guerre Guidon Shimiray Mwissa, recherché depuis 2019 par les autorités congolaises pour des crimes graves, dont des viols et le recrutement d’enfants soldats, restait actif au Nord-Kivu, où il commandait une faction du Nduma défense du Congo-Rénové (NDC-R). L’armée congolaise a recouru à une faction distincte du NDC-R, dirigée par Gilbert Bwira, comme supplétif pour combattre certains autres groupes armés, ont déclaré les experts de l’ONU en juin. Bwira a fini par être arrêté en octobre.

En novembre, les autorités ont ouvert une enquête à la suite d'allégations de grande corruption rapportées par un consortium de médias et de groupes internationaux qui ont analysé une fuite de 3,5 millions de documents. Les conclusions du « Congo Hold-Up » alléguaient des affaires de grande corruption sous l'ancien président Kabila.

Environnement et changement climatique

La RD Congo abrite la deuxième plus vaste forêt tropicale de la planète. Les scientifiques estiment que les sols forestiers retiennent à eux seuls des milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent de 20 ans d’émissions de combustibles fossiles aux États-Unis. Si ce carbone devait être relâché dans l’atmosphère du fait d’une déforestation accrue ou d’autres perturbations, les conséquences sur les efforts visant à maîtriser le changement climatique pourraient être catastrophiques.

Les gouvernements successifs ont continué d’octroyer de nombreux contrats d’exploitation forestière, malgré l’imposition d’un moratoire sur l’attribution de nouvelles concessions forestières en 2002. En février, des organisations de la société civile ont engagé une action en justice contre l’ancien ministre de l’Environnement qui aurait enfreint cette interdiction en octroyant des concessions forestières à des entreprises chinoises en 2020.

En juillet, le gouvernement congolais a élaboré un plan prévoyant notamment la levée du moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières, mais un accord conclu à la COP26 subordonne la levée du moratoire à la réalisation, sur la base d’un processus consultatif, d’une planification géographique des futures allocations.

En avril, lors d’un sommet sur le climat organisé par les États-Unis, le Président Tshisekedi s’est engagé à stabiliser le couvert forestier du pays à 63 % d’ici 2030.

Toujours au mois d’avril, un projet de loi reconnaissant les droits des Peuples autochtones sur leurs territoires traditionnels a été adopté par l’Assemblée nationale, mais il n’avait pas encore été voté au Sénat avant de pouvoir être promulgué. Mettre fin au moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières sans disposer de cadre juridique national protégeant les droits des Peuples autochtones pourrait empêcher les communautés d’accéder à leurs forêts, car elles auraient peu de recours à l’encontre des entreprises qui font valoir leurs droits sur ces forêts.

Principaux acteurs internationaux

En janvier 2021, le Comité des droits de l’homme de l’ONU, chargé de s’assurer du respect du Pacte international relatif aux droits civils et politiques par les États, a conclu que la RD Congo avait violé le droit à la vie du défenseur des droits humains Pascal Kabungulu, victime d’une exécution extrajudiciaire devant sa famille en 2005.

Une commission indépendante, mise sur pied suite aux informations rapportées par des journalistes d’investigation, a établi en septembre que plus de 80 travailleurs humanitaires, dont certains étaient employés par l’Organisation mondiale de la santé, avaient été impliqués dans des abus et l’exploitation sexuels de dizaines de femmes lors de l’épidémie d’Ebola en RD Congo entre 2018 et 2020.

En octobre, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé de proroger le mandat de l’équipe d’experts internationaux sur la situation dans la région du Kasaï, et d’étendre son mandat à l’ensemble du pays.