(New York, le 2 juin 2022) – Au cours de l’année écoulée, les autorités chinoises ont intensifié le harcèlement et la persécution d’activistes pour avoir commémoré le massacre de Tiananmen commis le 4 juin 1989, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le gouvernement chinois devrait reconnaître et assumer la responsabilité de ce massacre de manifestants pro-démocratie.
Au cours de l'année écoulée, les autorités de Hong Kong ont arrêté et poursuivi des personnes pour avoir tenté de commémorer le massacre de Tiananmen. Vingt-six activistes pro-démocratie – dont Joshua Wong, le magnat des médias Jimmy Lai, la journaliste Gwyneth Ho et les ex-législateurs Leung Kwok-hung, Cyd Ho et Andrew Wan – ont été arrêtés pour avoir participé ou « incité » d'autres personnes à participer à une veillée tenue en 2020 en hommage aux victimes du massacre. Ils ont été condamnés à des peines allant de 4 à 15 mois de prison, ou à des peines avec sursis.
« Des militants de Hong Kong sont actuellement emprisonnés pour avoir commémoré l'anniversaire du massacre de Tiananmen », a déclaré Yaqiu Wang, chercheuse senior sur la Chine à Human Rights Watch. « Mais l’Histoire nous enseigne que la répression exercée par le président Xi Jinping n'effacera pas la mémoire de Tiananmen des esprits des citoyens chinois. »
En janvier 2022, un tribunal a condamné l'avocate défenseure des droits humains Chow Hang-tung à 15 mois de prison pour avoir participé et incité d'autres personnes à participer à la veillée tenue en 2021 pour commémorer le massacre de Tiananmen. Chow Hang-tung purgeait déjà une peine de 12 mois pour avoir participé à la veillée de 2020. Elle était la vice-présidente de l'Alliance de Hong Kong de soutien aux mouvements démocratiques patriotiques de Chine (Hong Kong Alliance in Support of Patriotic Democratic Movements of China), qui organisait chaque année ces veillées. En 2020 et 2021, les autorités de Hong Kong ont interdit la veillée qui devait se tenir dans le parc Victoria. En septembre 2021, la police a fait une descente dans les locaux du Musée du 4 juin géré par l'Alliance, trois mois après que les autorités aient ordonné sa fermeture.
Les universités de Hong Kong ont retiré diverses œuvres commémorant le massacre de Tiananmen. En décembre 2021, l'Université de Hong Kong a procédé au déboulonnage de la sculpture massive « Pilier de la honte » (« Pillar of Shame »), qui commémorait les victimes du massacre et qui se trouvait dans une cour de l'établissement. Le sculpteur danois Jens Galschiøt a voulu récupérer son œuvre, mais aucune compagnie maritime n'a voulu être impliquée, invoquant la crainte de représailles de la part des autorités. Des étudiants ont protesté contre le retrait en organisant un flashmob « invisible » dans la cour où se trouvait la sculpture. L'Université chinoise de Hong Kong et l'Université de la Ville de Hong Kong ont retiré des statues de la « Déesse de la démocratie », inspirées de la statue originale érigée par les étudiants sur la place Tiananmen en 1989. L'Université de Lingnan a également retiré un bas-relief en hommage aux victimes de Tiananmen.
En Chine continentale, comme lors des années précédentes, les autorités ont empêché les commémorations du massacre dans les semaines précédant son anniversaire. Elles ont restreint les déplacements et les moyens de communication des membres des Mères de Tiananmen et de nombreux activistes, dont Hu Jia, Gao Yu et Zhang Lifan. En outre, You Weijie et Zhang Xianling, dont le mari et le fils ont respectivement été tués lors de la répression, ont indiqué que les autorités avaient bloqué les appels en provenance de l'étranger vers leurs téléphones portables.
En juillet 2021, un tribunal de la province du Hubei a condamné l'activiste Yin Xu'an à quatre ans et demi de prison pour avoir « suscité des querelles et provoqué des troubles ». Les autorités ont utilisé comme preuve contre Yin une photo faisant allusion à l'anniversaire du massacre de Tiananmen, qu'il avait publiée sur Twitter. En février 2022, Yin a été hospitalisé après avoir subi un accident vasculaire cérébral.
En octobre 2021, les autorités du Guangdong ont condamné l’activiste Zhang Wuzhou à deux ans et demi de prison pour avoir organisé une manifestation solitaire visant à commémorer le massacre. En décembre 2021, un tribunal du Sichuan a condamné Chen Yunfei, un activiste qui a participé aux manifestations de Tiananmen en 1989, à quatre ans de prison. Chen avait auparavant purgé quatre ans de prison, de 2015 à 2019, pour avoir organisé un service commémoratif pour les victimes du massacre. Huang Qi, un éminent activiste et ex-manifestant de Tiananmen, purge une peine de 12 ans après avoir été reconnu coupable en 2019 d'avoir « fourni illégalement des secrets d'État [à des personnes] à l'étranger ».
Le massacre de Tiananmen a été précipité par des rassemblements pacifiques d'étudiants, de travailleurs et d'autres personnes en avril 1989 sur la place Tiananmen à Pékin et dans d'autres villes chinoises ; les manifestants appelaient à la liberté d'expression, à l’obligation de rendre des compte et à la fin de la corruption. Le gouvernement a répondu à l'intensification des manifestations fin mai 1989, en imposant la loi martiale.
Les 3 et 4 juin 1989, des soldats de l'Armée populaire de libération (APL) ont tiré sur des manifestants pacifiques et de passants, tuant un nombre indéterminé de personnes. À Pékin, certains citoyens ont attaqué des convois de l'armée et incendié des véhicules en réponse à la violence de l'armée.
À la suite de la répression meurtrière, le gouvernement a mené une campagne de répression à l'échelle nationale et arrêté des milliers de personnes pour « contre-révolution » et d'autres accusations criminelles, notamment d'incendie criminel et de perturbation de l'ordre social.
Le gouvernement n'a jamais assumé sa responsabilité pour ce massacre, et personne n’a dû répondre des meurtres devant la justice. Le gouvernement a refusé de mener une enquête sur les événements, ou de publier des données quant au nombre de personnes tuées, blessées, disparues de force ou emprisonnées. Les Mères de Tiananmen ont rassemblé des informations détaillées au sujet de 202 personnes tuées lors de la répression du mouvement à Pékin et dans d'autres villes.
En tant qu’État partie à certains traités internationaux relatifs aux droits humains et en tant que membre actuel du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, dont les membres sont tenus de « respecter les normes les plus élevées en matière de droit humains », le gouvernement chinois devrait prendre d’urgence les mesures suivantes en ce qui concerne le massacre de Tiananmen :
- Respecter les droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique, et mettre fin au harcèlement et à la détention arbitraire de personnes qui contestent la version officielle des événements du 4 juin 1989 ;
- Rencontrer les membres de l’organisation « Mères de Tiananmen », leur présenter des excuses officielles, publier les noms des victimes et dédommager de façon appropriée leurs familles ;
- Autoriser l’ouverture d’une enquête publique et indépendante sur le massacre de Tiananmen et ses conséquences, et rendre ses constatations et conclusions publiques ;
- Autoriser le retour sans entrave des citoyens chinois qui sont toujours en exil en raison d’activités liées aux événements de juin 1989 ; et
- Enquêter sur le rôle de tous les responsables du gouvernement et de l’armée ayant planifié ou ordonné l'utilisation illégale de la force meurtrière contre des manifestants pacifiques, et les poursuivre en justice de manière appropriée.
« Trois décennies d'impunité pour le massacre de Tiananmen ont encouragé les dirigeants chinois à commettre des crimes contre l'humanité », a déclaré Yaqiu Wang. « Alors que la liste des victimes de Pékin ne cesse de s’allonger, d’autres gouvernements et les Nations Unies devraient insister sur l’obligation de rendre des comptes, et exiger la justice pour les Mères de Tiananmen et bien d'autres personnes. »
Version plus détaillée de ce communiqué, en anglais : en ligne ici.
Vidéo qui marquait en 2014 le 25ème anniversaire du massacre :
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