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Soumission de Human Rights Watch à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples

Étude sur le VIH, le droit et les droits humains dans le système africain des droits humains : Principaux défis et opportunités pour les réponses au VIH fondées sur les droits

Résumé

Human Rights Watch se félicite de la possibilité d’assister le « Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH » (le Comité) pour l’Étude préliminaire sur le VIH, le droit et les droits humains dans le système africain des droits humains (l’Étude préliminaire).[1]

Human Rights Watch salue par ailleurs le rapport d’activité intersession présenté par la commissaire Soyata Maiga, présidente du Comité, au cours de la 58ème Session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Commission africaine) qui s’est tenue à Banjul, en Gambie.[2] Le rapport aborde des questions pertinentes, notamment mais sans s’y limiter :

La persistance de la stigmatisation, de la discrimination et d’autres formes de mauvais traitements dans les établissements de santé ciblant certains groupes de personnes.[3]

  • Les impacts négatifs sur la santé des lois et des politiques restrictives et punitives, ainsi que l'absence d'un cadre juridique approprié pour la protection des personnes vivant avec le VIH en Afrique, des personnes vulnérables et des personnes exposées au risque de VIH.[4]
  • La nécessité de mettre en œuvre des stratégies efficaces pour lutter contre la discrimination dans les établissements de santé afin d'assurer que les jeunes filles, les travailleuses et travailleurs du sexe et les homosexuels bénéficient d’une égalité d’accès aux services liés au VIH.[5]

Human Rights Watch félicite la Commission africaine d’avoir adopté  l’Observation générale n ° 2 sur l'article 14 (1) (d) et (e) du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo).[6] Par cette observation générale, la Commission africaine reconnait que les femmes, en particulier les jeunes femmes, en Afrique sub-saharienne sont affectées de manière disproportionnée par l'épidémie de VIH ; que les femmes subissent de multiples formes de discrimination fondée sur divers motifs, tels que, entre autres, la race, le sexe, la sexualité, l'orientation sexuelle, et des pratiques religieuses et/ou coutumières nocives.[7] L’observation générale  fournit des orientations normatives essentielles aux États parties à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (Charte africaine) afin de remplir des obligations juridiques contractées en vertu des normes et standards régionaux des droits humains dans le cadre de l'égalité des genres et le VIH et le SIDA.[8]

Human Rights Watch reconnaît que l’Étude préliminaire contient une analyse plus large des préoccupations relatives aux droits humains pour les populations clés et qu’il s’agit là d’une autre contribution essentielle au mandat de la Commission africaine pour l'établissement de normes et de standards dans la région Afrique.[9]

Cette présentation suit la structure de l’Étude préliminaire, avec un accent supplémentaire sur les minorités sexuelles et de genre et termine par des recommandations aux États parties. Les informations et recommandations contenues dans ce document sont basées sur des recherches approfondies sur les implications de droits humains du VIH dans divers pays d'Afrique sub-saharienne.

I. Commentaires sur la Section 2 : « Vue d'ensemble du système régional africain des droits humains et VIH : normes et mécanismes »

Droit International relatif aux droits humains 

L’étude préliminaire contient une excellente analyse des normes et critères relatifs aux droits humains régionaux et sous-régionaux applicables à l'épidémie de VIH en Afrique. Human Rights Watch recommande que ces cadres soient enrichis par des normes internationales pertinentes relatives aux droits humains.

En vertu de l’article 60 de la Charte africaine, la Commission africaine doit, lors de l'exécution de ses mandats de protection et de promotion, s’inspirer du droit international sur les droits humains et des peuples, notamment de la Déclaration universelle des droits de l'homme et d'autres instruments adoptés par les Nations Unies.[10] Par ailleurs, l’article 18 de la Charte africaine stipule que « l’État a le devoir de veiller à l'élimination de toute discrimination à l’égard des femmes et d’assurer également la protection des droits des femmes et des enfants, tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales. »[11]

Les États parties à la Charte africaine ont ratifié les principaux traités internationaux relatifs aux droits humains pertinents quant à une réponse à l'épidémie de VIH en Afrique. Par exemple, les États d'Afrique, à l'exception du Botswana, du Mozambique et du Soudan du Sud, ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui soutient le droit de jouir du meilleur état de santé, et interdit toute forme de discrimination entravant l’accès à ce droit.[12] Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) définit la discrimination comme suit :

toute distinction, exclusion, restriction ou préférence ou tout autre traitement différencié reposant directement ou indirectement sur les motifs de discrimination interdits, et ayant pour but ou pour effet d’annuler ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur un pied d’égalité, des droits énoncés dans le Pacte.[13]

Le CDESC stipule expressément que l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle doivent être reconnues comme des motifs de discrimination interdits, puisque les mots « toute autre situation » à l'article 2 indiquent une liste non exhaustive.[14] Pour que les États parties puissent garantir l'exercice des droits énoncés dans le Pacte pour chaque personne, sans discrimination aucune, le CDESC souligne l'importance d'éliminer la discrimination formelle et concrète.[15] En d'autres termes, les États parties sont tenus de veiller à ce que les constitutions, les lois et les documents de politique ne soient pas discriminatoires sur des motifs interdits, notamment sur la base de l'orientation sexuelle et de l'identité sexuelle. Les États parties sont tenus de veiller à ce que l'état de santé réel ou perçu d'une personne, y compris le statut VIH, ne constitue pas un obstacle à la réalisation de l'ensemble des droits en vertu du PIDESC.[16]

En outre, les États africains, à l'exception du Soudan et de la Somalie, ont ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), qui oblige les États parties à « prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans le domaine des soins de santé. »[17] Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes (Comité CEDAW) reconnaît la façon dont les relations de pouvoir inégales fondées sur le genre et les pratiques traditionnelles néfastes telles que le viol conjugal accroissent la vulnérabilité des femmes et des filles face aux infections par le VIH et d'autres maladies sexuellement transmissibles, et souligne que les États parties « devraient garantir, sans préjugé ni discrimination, le droit à l’information, l'éducation et les services concernant la santé sexuelle pour toutes les femmes et les filles. »[18] En 2010, le Comité CEDAW a expressément indiqué dans sa Recommandation générale n °28 que « la discrimination à l’encontre des femmes fondée sur le sexe et le genre est inextricablement liée à d'autres facteurs qui affectent les femmes, telles que ... l'orientation sexuelle et l'identité de genre. »[19]

Human Rights Watch recommande que l’Étude préliminaire intègre une analyse des traités internationaux de droits humains pertinents et applicables, en particulier, les obligations juridiques en conformité avec le PIDESC et la CEDAW.

 

II. Commentaires sur la Section 2 : « Droits concernant le VIH reconnus dans le système africain des droits humains » – Paragraphe 28 sur les minorités sexuelles

Les minorités sexuelles et de genre

La Commission africaine a abordé les violations de droits humains sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Si cette section de l’Étude préliminaire mentionne la Résolution 275 sur la protection contre la violence et d'autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée adoptée en 2014[20] la Commission africaine a également adopté des observations finales en ce qui concerne les rapports des différents États parties, interprété des dispositions spécifiques de la Charte africaine pour inclure l'orientation sexuelle et élaboré des études qui comprennent une analyse des violations des droits humains sur la base de l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Ces développements pourraient être cités dans l'Étude afin de renforcer les conclusions constantes de la Commission africaine selon lesquelles la discrimination contre les minorités sexuelles et de genre est interdite en vertu du droit régional des droits humains.

  • Dans ses Observations finales sur le troisième rapport périodique de la République du Cameroun, adoptées en mars 2014, la Commission africaine a exprimé sa préoccupation au sujet du harcèlement judiciaire des défenseurs des droits humains travaillant sur la thématique de l'orientation sexuelle et de la « discrimination, la stigmatisation et les atteintes au droit à la vie et à l'intégrité physique et morale des individus du fait de leur orientation sexuelle », et a exhorté le gouvernement du Cameroun à « prendre des mesures adéquates en vue de garantir la sécurité et l'intégrité physique de toutes les personnes, indépendamment de leur orientation sexuelle, et préserver un climat de tolérance vis-à-vis des minorités sexuelles dans le pays. »[21]
  • Lorsqu’elle a rendu sa décision sur la communication 245/02, Zimbabwe Human Rights NGO Forum c. Zimbabwe, la Commission africaine a rappelé que les principes d'égalité et de non-discrimination sont applicables à toutes les personnes, en déclarant :

Parallèlement à l’égalité devant la loi et l’égale protection de la loi, le principe de non-discrimination prévue dans l’article 2 de la Charte offre le fondement de la jouissance de tous les droits de l’homme... L’objectif de ce principe est d'assurer une égalité de traitement aux individus indépendamment de leur nationalité, de leur sexe, de leur origine raciale ou ethnique, de leur opinion politique, de leur religion ou de leur croyance, de leur handicap, de leur âge, de leur orientation sexuelle.[22]

  • Le Rapport de 2015 sur l’étude sur la situation des femmes défenseures des droits humains en Afrique, préparé par la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits humains, la Commissaire Reine Alapini-Gansou, exhorte les institutions nationales de droits humains à accorder une attention particulière aux femmes défenseures des droits humains « travaillant sur des questions et des contextes d’identités criminalisées, tels que les droits des travailleuses du sexe, des femmes vivant avec le VIH accusées de transmission délibérée, ainsi que sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre » tout comme au travail des femmes défenseures des droits humains travaillant sur des questions qui sont criminalisées dans leur pays.[23]
  • Les informations sur les Observations et recommandations finales de la Commission sur le 5ème rapport périodique de la République fédérale du Nigeria, actuellement inclues dans le paragraphe 50 de l'Étude, devraient idéalement être déplacées vers cette section de l’Étude préliminaire car elle traite de l'impact de la Loi de 2014 sur le mariage homosexuel (interdiction), sur la violence et l'accès aux services et traitement du VIH, appelant à la révision de cette loi.

Enfin, Human Rights Watch recommande que, dans tous les cas où il est fait référence aux « minorités sexuelles » cela devrait être modifié afin de mentionner de façon plus appropriée « minorités sexuelles et de genre » afin d'inclure les personnes transgenres et non-conformes à la binarité du genre.

 

III. Commentaires sur la Section II, Sous-section sur la « Cour africaine des droits de l’homme et des peuples »

La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (la Cour africaine) a compétence sur des questions litigieuses et reçoit des requêtes d’avis consultatifs sur des points juridiques qui lui sont adressées par un État membre de l’Union africaine, par des organes de l’Union africaine et par toute organisation africaine reconnue par l’Union africaine.[24] Selon les termes de l’article 4 du Protocole relatif à la Charte Africaine portant sur la Création d'une Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (le Protocole créant la Cour), la Cour africaine peut donner un avis sur toute question juridique « à condition que l'objet de l'avis consultatif ne se rapporte pas à une requête pendante devant la Commission. »[25]

Comme l’indique à juste titre l’Étude préliminaire, seuls sept États africains ayant ratifié le Protocole créant la Cour africaine ont effectué la déclaration mentionnée à l’article 34(6) acceptant la compétence de la Cour africaine pour statuer sur des questions litigieuses. La Cour africaine n’a pas encore développé sa jurisprudence sur le VIH, le droit et les droits humains en Afrique.

Human Rights Watch recommande que l’Étude préliminaire comporte une analyse de la compétence de la Cour africaine pour recevoir des requêtes d’avis consultatifs de la part d’organisations africaines. À ce jour, la Cour africaine a rendu des arrêts concernant trois requêtes et a émis un avis concernant une autre.[26] Il y a actuellement six demandes d’avis consultatifs pendantes devant la Cour africaine, qui traitent de questions de fond et de procédure. Par exemple :

  • Avis consultatif No. 001/2016 : requête pour que la Cour donne son avis sur l’interprétation de l’article 6(d) du Protocole de Maputo.[27] Selon l’article 6(d), les États parties doivent adopter une législation nationale appropriée garantissant que « tout mariage, pour être reconnu légalement, doit être conclu par écrit et enregistré conformément à la législation nationale. »[28]
  • Avis consultatif No. 002/2015 : requête pour que la Cour donne son avis sur la façon dont le terme « examen » à l’article 59 (3) de la Charte africaine devrait être interprété.[29] L’article 59(3) indique : « Le rapport d'activités de la Commission est publié par son Président après son examen par la Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement.”[30]

Tout en notant que la Commission africaine a récemment adopté l’Observation générale No. 1 sur l’article 14 (1) (d) et (e) du Protocole de Maputo, comme mentionné ci-dessus, elle n’a pas encore élaboré des orientations similaires pour ce qui est de l’article 16 de la Charte africaine, qui garantit à toute personne « le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre. »[31] Une demande d’avis consultatif, produite par la Commission africaine ou par des organisations africaines œuvrant dans le domaine du VIH et du droit, contribuera à clarifier le contenu normatif du droit à la santé dans le contexte du VIH, des populations clés en Afrique et des obligations des États parties.

 

IV. Commentaires sur la Section IV : « Questions essentielles en matière de droits humains » Sous-section 4.1 Violences contre les femmes

Human Rights Watch soutient le point de vue du Comité sur la discrimination intersectionnelle et la reconnaissance que les femmes de groupes marginalisés sont exposées à des risques spécifiques de violence sexuelle et de contamination par le VIH. Outre le fait de spécifier la vulnérabilité des travailleuses du sexe et des femmes handicapées, nous pensons qu'il est essentiel de considérer les discriminations et les violences contre les femmes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle. La  Commission africaine indique dans la Résolution 275 que des actes de violence, notamment des « viols correctifs », des discriminations, ainsi que d’autres violations des droits humains sont commis dans plusieurs parties de l’Afrique contre des personnes du fait de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée.[32]

Human Rights Watch a documenté les violences et les abus auxquels sont confrontés en Afrique du Sud les travailleuses lesbiennes noires, les femmes bisexuelles, les hommes transgenres et les personnes  non conformes en matière de genre.[33] Nous avons constaté que les lesbiennes et les hommes transgenres sont exposés à des violences dans leurs vies quotidiennes, tant de la part de particuliers que d’agents du gouvernement. L’Afrique du Sud présente la plus forte prévalence de VIH/SIDA au niveau mondial, avec environ 7 millions de personnes vivant avec le VIH en 2015.[34] Dans ce contexte, les lesbiennes, les femmes bisexuelles, les hommes transgenres et les personnes non conformes du point de vue du genre font face à un risque particulièrement élevé d’exposition au VIH car ils sont pris pour cible de « viols correctifs ».

Human Rights Watch recommande que cette section de l’Étude préliminaire reconnaisse de façon explicite dans sa rédaction que les lesbiennes, les femmes bisexuelles, les hommes transgenres, les personnes non conformes du point de vue du genre, sont exposés à des violences sexuelles du seul fait de leur orientation ou identité sexuelle, ce qui les expose au risque d’infection par le VIH. À cet égard, nous recommandons que la description du viol et du meurtre de la lesbienne sud-africaine Duduzile Thoko soit placée dans cette section, car il s’agit d’une question de violence contre les femmes, plutôt que d’une question de violence contre des populations clés.

 

V. Commentaires sur la Section 4.4 : « Test de dépistage du VIH »

Human Rights Watch recommande que l’Étude préliminaire fasse référence au fait que dans certains pays où les rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe sont pénalisés, les hommes accusés de tels rapports ont été soumis à des tests de dépistage du VIH involontaires. Human Rights Watch a documenté le dépistage du VIH imposé à des hommes et des femmes transgenres accusés de relations entre personnes de même sexe en Égypte, au Kenya et en Ouganda au cours des cinq dernières années.[35] Le paragraphe 161 de l’Étude préliminaire pourrait être modifié de façon à inclure une référence au fait que dans certains pays, les personnes accusées sont soumises à des tests de dépistage du VIH qui leur sont imposés même dans le cas de « crimes sans victime », comme les rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe. Les tests de dépistage du VIH involontaires violent les normes relatives aux droits humains et les règles éthiques.

 

VI. Commentaires sur la Section 4.6 : « Populations clés à haut risque d'exposition au VIH »

L’Étude préliminaire reconnaît à juste titre que la pénalisation, la violence et la discrimination contre les populations clés, notamment les homosexuels et les femmes transgenres, entravent l’accès aux services liés au VIH. En plus des abus à l’encontre de populations clés déjà notés dans l’Étude préliminaire, Human Rights Watch a documenté des cas dans six pays africains où des agents des forces de l’ordre travaillant en tandem avec des membres du personnel médical soumettent des hommes, ainsi que des femmes transgenres arrêtés pour des faits liés à l’homosexualité, à des examens anaux forcés, avec l’objectif prétendu de trouver des « preuves » de comportement homosexuel.[36]

Human Rights Watch recommande que dans le paragraphe 180, l’Étude préliminaire fasse référence aux examens anaux forcés, et le texte suivant pourrait être inséré en italique :

Divers actes de violence documentés en 2013 vont des arrestations et détentions arbitraires à la torture en passant par les viols et les meurtres. De plus, Human Rights Watch a documenté l’utilisation d’examens anaux forcés sur des hommes et des femmes transgenres accusés de rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe dans au moins six pays africains –une pratique qui transforme les médecins en instrument de l’État, en les impliquant dans des tests qui ont été décrits comme une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain et dégradant, et qui creuse de ce fait le manque de confiance entre les minorités sexuelles et de genre d’une part et les prestataires de soins médicaux d’autre part.[37]

Human Rights Watch a également noté que les attitudes discriminatoires envers les populations clés, notamment les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ainsi que les travailleurs du sexe, ont incité les pays à interdire ou à restreindre la distribution de lubrifiant à base d’eau, ou bien à ne prendre aucune disposition pour en importer, alors que ce produit est reconnu par ONUSIDA et l’Organisation mondiale de la santé comme un outil essentiel de prévention du SIDA.[38] Par exemple, le ministre tanzanien de la Santé a récemment annoncé que la Tanzanie interdirait aux organisations non gouvernementales de distribuer des lubrifiants aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes.[39] Le ministère a fait une descente dans les locaux d’une organisation, à la recherche de lubrifiants, et un important partenaire international a suspendu sa distribution de lubrifiants aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les exposant ainsi à un risque plus élevé d’infection par le VIH.

Human Rights Watch recommande que la section sur les Populations clés fasse référence à l’importance de l’accès aux lubrifiants à base d’eau, y compris pour toutes les populations clés.

 

VII. Commentaires sur la Section 6.6 : « Recommandations aux États membres »

Human Rights Watch presse le Comité d’inclure les recommandations suivantes à l’intention des États parties :

  • Abroger les lois pénalisant les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe ;
  • Abroger toutes les lois discriminatoires liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre ;
  • Garantir que toutes les stratégies, les programmes et les services visant à lutter contre VIH sont conformes aux droits humains des femmes et des filles, notamment les droits à la dignité, à l’autonomie, à la vie privée, à la confidentialité et au consentement éclair ;
  • Supprimer tous les obstacles à l’accès des femmes aux services de soins, à l’éducation et à l’information et, en particulier, attribuer des ressources suffisantes aux programmes destinés aux femmes, indépendamment de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre, pour la prévention et le traitement des maladies sexuellement transmissibles, dont le VIH ;
  • Garantir que les préservatifs et les lubrifiants à base d’eau sont largement disponibles et accessibles, en particulier pour les membres des populations clés.
  • Réviser les lois, les politiques et les pratiques portant sur le commerce sexuel entre adultes en vue de les dépénaliser.

 

Recommandations clés

Human Rights Watch recommande que l’Étude préliminaire comporte :

  • Une analyse des traités internationaux de droits humains pertinents et applicables, en particulier, les obligations juridiques des États parties au regard du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ainsi que des traités et protocoles africains relatifs aux droits humains. 
  • La jurisprudence de la Commission africaine et autres développements positifs dans le domaine de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre, afin de renforcer les conclusions constantes de la Commission africaine selon lesquelles la discrimination contre les minorités sexuelles et de genre est interdite en vertu du droit régional des droits humains.
  • Une analyse de la compétence de la Cour africaine pour recevoir des requêtes d’avis consultatifs de la part d’organisations africaines. Une demande d’avis consultatif contribuera à clarifier le contenu normatif du droit à la santé dans le contexte du VIH, des populations clés en Afrique et des obligations des États parties.
  • Dans la section violences contre les femmes, la reconnaissance de façon explicite dans sa rédaction que les lesbiennes, les femmes bisexuelles, les hommes transgenres, les personnes non conformes du point de vue du genre, sont exposés à des violences sexuelles du seul fait de leur orientation ou identité sexuelle, ce qui les expose au risque d’infection par le VIH.
  • Dans la section sur les Populations clés, une référence à l’importance de l’accès aux lubrifiants à base d’eau, y compris pour toutes les populations clés.
  • Dans tous les cas où il est fait référence aux « minorités sexuelles » une modification faisant mention de façon plus appropriée de « minorités sexuelles et de genre » afin d'inclure les personnes transgenres et non-conformes à la binarité du genre.
 

[1] Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH – Étude entreprise en accord avec la Résolution ACHPR/Res.290 (EXT.OS/XVI) 2014, http://www.achpr.org/mechanisms/hiv-aids/

[2] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Rapport intersession du Comité sur la protection des droits des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des personnes à risque, vulnérables et affectées par le VIH, 6, 20 avril 2016, http://www.achpr.org/files/sessions/58th/inter-act-reps/253/58os_inter_session_hiv_maiga_eng.pdf

[3] Ibid para 13

[4] Ibid para 29

[5] Ibid para 15

[6] Observations générales sur l'article 14 (1) (d) et (e) du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur les droits des femmes en Afrique, http://www.achpr.org/files/instruments/general-comments-rights-women/achpr_instr_general_commentbers_art_14_rights_women_2012_eng.pdf

[7] Ibid para 12

[8] Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, 27 juin 1981, CAB/LEG/67/3 rev. 5, 21 I.L.M. 58 (1982): http://www.refworld.org/docid/3ae6b3630.htm (consulté le 12 août 2016).

[9] Populations clés / Populations clés à plus haut risque d’exposition au VIH : Les personnes les plus susceptibles d’être exposées au VIH ou de le transmettre. Dans la plupart des cas de figure, les personnes les plus susceptibles d’être exposées au VIH comprennent les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, les personnes transgenres, les personnes qui s’injectent des drogues, les travailleurs et travailleuses du sexe et leurs clients, et les sérodiscordants (couples dans lesquels un partenaire est séropositif et l’autre non).

[10] Charte africaine Article 60 : La Commission s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples, notamment des dispositions des divers instruments africains relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine, de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, des dispositions des autres instruments adoptés par les Nations Unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein d'institutions spécialisées des Nations Unies dont sont membres les parties à la présente Charte.

[11] Ibid Article 18

[12] Assemblée générale de l’ONU, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, Nations Unies, Recueil de traités, vol. 993, art. 12, art. 2, p. 3, http://www.refworld.org/docid/3ae6b36c0.html (consulté le 12 août 2016).

[13] Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) Observation générale No. 20, « La non discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels (art. 2, par. 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) », E/C.12/GC/20 paragraphe 7, 2 juillet 2009.

[14] Ibid para 32

[15] Ibid Para 8(a) and (b)

[16] Ibid

[17] Assemblée générale de l’ONU, Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, 18 décembre 1979, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1249, p. 13, http://www.refworld.org/docid/3ae6b3970.html [consulté le 12 août 2016], art. 12.

[18] CEDAW Recommandation générale No. 24 : Article 12 de la Convention (femmes et santé), paragraphe 18, http://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CEDAW/Shared%20Documents/1_Global/INT_CEDAW_GEC_4738_E.pdf (consulté le 12 août 2016).

[19] CEDAW Recommandation générale No. 28 CEDAW/C/GC/28 para 18.

[20] ACHPR Résolution 275 : Résolution sur la protection contre la violence et d'autres violations des droits humains de personnes sur la base de leur identité ou orientation sexuelle réelle ou supposée : http://www.achpr.org/fr/sessions/55th/resolutions/275/ (consulté le 12 août 2016).

[21] Commission africaine – Observations finales sur le troisième rapport périodique de la République du Cameroun

Voir paras : 84, 85, et recommandation xxxvi. http://www.achpr.org/files/sessions/54th/conc-obs/3-2008-2011/observations_finales_cameroun_fra.pdf (consulté le 12 août 2016).

[22] Communication 245/02 : Zimbabwe Human Rights NGO Forum v Zimbabwe Para 169 Commission africaine : http://www.achpr.org/files/sessions/39th/comunications/245.02/achpr39_245_02_fra_original.pdf (consulté le 12 août 2016).

[23] Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, Rapport de l’Etude sur la Situation des femmes défenseures des droits de l’homme en Afrique, Recommandations aux institutions nationales des droits de l’homme, para 210 et 211, http://www.achpr.org/files/special-mechanisms/human-rights-defenders/situation_des_femmes_defenseures_des_droits_de_lhomme_en_afrique.pdf (consulté le 12 août 2016).

[24] Protocole établissant la Cour : Avis consultatifs - Article 4, http://www.achpr.org/files/instruments/court-establishment/achpr_instr_proto_court_fra.pdf (consulté le 12 août 2016).

[25] Ibid

[26] http://en.african-court.org/index.php/cases#advisory-opinions (consulté le 12 août 2016).

[27] Requête pour avis consultatif 001/2016, le Centre pour les droits de l’homme, la Fédération des femmes juristes du Kenya, le Centre d’aide juridique pour les femmes, le Centre de défense et de documentation sur les droits des femmes et l’Association des femmes juristes du Zimbabwe, http://fr.african-court.org/images/Cases/Advisory%20Opinion/Case%20Summaries/Fr-Case_Summary__Advisory_Isla_Maputo_Protocol.pdf (consulté le 12 août 2016).

[28] Protocole de Maputo, Article 6(d)

[29] Requête pour avis consultatif No. 002/2015 par le Centre des droits de l’homme de l’Université de Pretoria (CHR), et la Coalition des Lesbiennes africaines (CAL), http://fr.african-court.org/images/Cases/Advisory%20Opinion/Case%20Summaries/ResumeSW%20Adv%20Op%20002%20de%202015%20CHR%20CAL.pdf (consulté le 12 août 2016).

[30] Charte de Banjul, Article 59(3)

[31] Charte de Banjul, Article 16 : Toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre. Les États parties à la présente Charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie.

[32] ACHPR Rés 275 ; la Résolution utilise le terme « viol correctif ».

[33] Rapport de Human Rights Watch : « ’We’ll Show You You’re a Woman’: Violence and Discrimination against Black Lesbians and Transgender Men in South Africa » (« ‘On va te montrer que tu es une femme’ : Violence et discrimination à l’encontre des lesbiennes et des hommes transgenres noirs en Afrique du Sud », https://www.hrw.org/report/2011/12/05/well-show-you-youre-woman/violence-and-discrimination-against-black-lesbians-and (consulté le 12 août 2016).

[34] https://www.avert.org/professionals/hiv-around-world/sub-saharan-africa/south-africa (consulté le 12 août 2016).

[35] Rapport de Human Rights Watch : « Dignité dégradée : Des examens anaux forcés lors des poursuites pour homosexualité », p. 17, https://www.hrw.org/fr/report/2016/07/12/dignite-degradee/des-examens-anaux-forces-lors-des-poursuites-pour-homosexualite (consulté le 12 août 2016).

[36] Rapport de Human Rights Watch : « Dignité dégradée : Des examens anaux forcés lors des poursuites pour homosexualité », p. 17, https://www.hrw.org/fr/report/2016/07/12/dignite-degradee/des-examens-anaux-forces-lors-des-poursuites-pour-homosexualite (consulté le 12 août 2016). Les six pays africains qui ont été identifiés comme pratiquant des examens anaux forcés au cours des cinq dernières années sont le Cameroun, l’Égypte, le Kenya, l’Ouganda, la Tunisie et la Zambie.

[37] Ibid

[38] ONUSIDA, Condom and lubricant programming in high HIV prevalence countries, Guidance Note, 2014, http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/condoms_guidancenote_en.pdf, pp. 5-8; Organisation mondiale de la santé, HIV Prevention, Diagnosis, Treatment and Care for Key Populations: Consolidated Guidelines, juillet 2014, p. 3, http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/128049/1/WHO_HIV_2014.8_eng.pdf?ua=1&ua=1 (consulté le 12 août 2016).

[39] Habari 360, « Hili Hapa Tamko la Wizara ya Afya Kuhusu Matumizi na Usambazaji wa Vilainishi », 19 juillet 2016 : http://www.habari360.com/2016/07/hili-hapa-tamko-la-wizara-ya-afya.html?m=0; Ummy Ally Mwalimu, Facebook publication du 24 juillet 2016, https://www.facebook.com/Ummy-Ally-Mwalimu-1694185450859688/?hc_ref=PAGES_TIMELINE&fref=nf (consulté le 12 août 2016).

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