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Quelques heures après la décision prise par un grand jury de ne pas poursuivre le policier responsable de la mort de Michael Brown, tué par balles à Ferguson, dans le Missouri, la ministre française de la Justice, Christiane Taubira, a rédigé une série de tweets qui montrent qu'elle s'intéresse de près aux questions de discrimination raciale. En voici un exemple : «Mickael Brown, profilage racial, exclusion sociale, ségrégation territoriale, relégation culturelle… des armes, la peur… Fatal cocktail !»

Mais les problèmes que mentionne la ministre pourraient tout autant s'appliquer au contexte français, dominé par le problème des «contrôles au faciès», symboles d'une discrimination inacceptable qui continuent d'empoisonner les relations entre la police et les minorités dites «visibles». Bien que l'on ne dispose d'aucune statistique officielle, dans la mesure où le suivi des contrôles reste inexistant, une enquête menée par Opinion Way et publiée en mai par Graines de France, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative ne fait que confirmer le recours toujours massif de la police aux contrôles d'identité, et la persistance du caractère discriminatoire de ceux-ci.

Admettant la gravité du problème, le président Hollande en avait pourtant fait très ouvertement un de ses engagements de campagne : «Je lutterai contre le "délit de faciès" dans les contrôles d'identité par une procédure respectueuse des citoyens…» Ainsi, peu après sa nomination au poste de Premier ministre, Jean-Marc Ayrault avait-il publiquement annoncé la préparation par le gouvernement d'un texte de loi garantissant à toute personne contrôlée la remise d'une preuve écrite de l'incident. Cependant, à peine quelques mois plus tard, Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, avait manifesté son hostilité envers une telle mesure, qui fut promptement enterrée.

A ce jour, deux ans et demi après l'élection de François Hollande, aucune mesure sérieuse n'a été prise pour réduire le problème des contrôles d'identité discriminatoires et s'assurer que la police fasse usage des pouvoirs qui lui sont conférés d'une manière respectueuse des droits fondamentaux des personnes. Cet échec du gouvernement à donner suite à ses propres promesses a fait naître une immense frustration au sein des groupes discriminés. L'histoire récente de la France ne manque pas d'exemples de contrôles d'identité qui «tournent mal», et entraînent des épisodes de troubles.

La législation française laisse aux policiers une large marge d'appréciation pour effectuer des contrôles d'identité, sans avoir à s'appuyer sur des critères objectifs et individualisés basés sur le comportement des personnes en question. Pour limiter les discriminations et garantir que les policiers fassent usage de ce pouvoir d'une manière appropriée et transparente, il est donc crucial de réformer ce cadre législatif flou et permissif. Il est également essentiel de mettre en place un système d'enregistrement des contrôles d'identité afin de pouvoir demander des comptes aux policiers responsables et à leurs supérieurs. Pour le personnel d'encadrement de la police, de telles données permettront de s'assurer que la police exerce ses pouvoirs d'une façon légitime et transparente.

Cela fait des années que nos associations appellent à réformer la législation. Christiane Taubira, en tant que ministre, peut jouer ici un rôle central. Son ministère pourrait, par exemple, prendre l'initiative de la mise en place d'une commission interministérielle, qui s'attacherait à examiner et à réformer le cadre législatif relatif aux contrôles d'identité, aux palpations de sécurité et aux fouilles d'objets personnels - une étape préliminaire en vue de la préparation d'un projet de loi. Le ministère pourrait également effectuer sans délai un audit de l'usage et de l'efficacité des contrôles effectués sur ordre d'un procureur, qui relèvent en effet de ses compétences.

En outre, Christiane Taubira peut demander à son cabinet d'émettre une circulaire à destination des procureurs, afin de rappeler à ceux-ci que les normes contraignantes en matière de droits humains, y compris la non-discrimination, s'appliquent aux pratiques policières. L'année dernière, le cabinet de la ministre avait fait connaître à un regroupement d'organisations non gouvernementales, dont les nôtres, son intention d'émettre une telle circulaire. Cependant, le ministère n'a pas à ce jour donné suite à cet engagement. A quand un tweet de la garde des Sceaux pour annoncer que le ministère de la justice réalise enfin la promesse présidentielle par une réforme de l'article 78-2 du code de procédure pénale qui permettrait de mettre fin aux contrôles d'identité abusifs et discriminatoires ?

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