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Les efforts considérables déployés par le gouvernement ukrainien pour combattre la pire épidémie de VIH/SIDA en Europe sont entravés par son incapacité à mettre fin aux actes répétés de violence et de discrimination à l'égard des personnes qui risquent le plus d’être infectés.

Le rapport de 84 pages, « Rhetoric and Risk: Human Rights Abuses Impeding Ukraine’s Fight Against HIV/AIDS » (Rhétorique et risque: Les atteintes aux droits de l'homme entravent la lutte de l'Ukraine contre le VIH/SIDA), expose la façon dont les lois draconiennes et les mauvais traitements infligés couramment par la police aux utilisateurs de drogues par injection – la population touchée le plus durement par le VIH/SIDA en Ukraine – les empêche de recevoir l'information et les services relatifs au SIDA que le gouvernement s'est engagé à fournir.

Basé sur les témoignages de première main en Ukraine de douzaines de personnes affectées par le VIH/SIDA ou présentant le risque le plus élevé d'infection, le rapport met aussi en évidence la façon dont ils sont régulièrement confrontés à la discrimination de la part de membres du personnel soignant, qui refusent parfois même de prodiguer tout soin.

« Les mesures relatives au VIH/SIDA que l'Ukraine a mises en place sont généralement bonnes », a indiqué Rebecca Schleifer, chercheuse auprès du programme VIH/SIDA de Human Rights Watch. « Mais jusqu'à ce que le gouvernement confronte la maltraitance chronique de personnes présentant le risque le plus élevé de VIH/SIDA, il n'aura qu'un faible espoir d'endiguer son épidémie de VIH ».

La loi nationale de l'Ukraine sur le SIDA, reconnue comme un modèle dans la région, intègre des protections relatives aux droits de l'homme pour les personnes affectées par le VIH/SIDA. Ces protections comprennent des provisions spécifiques interdisant le refus de soins médicaux sur la base du statut VIH, et garantissant l'accès à la médication appropriée, le droit à l'information sur le VIH/SIDA ainsi que la confidentialité des résultats du test du VIH. La loi nationale et la politique de ce pays appuient les échanges de seringues et la thérapie de substitution opiacée que l'Organisation Mondiale de la Santé et UNAIDS (le Programme de l'ONU contre le SIDA) ont sanctionnés en tant qu'éléments essentiels des stratégies visant la prévention du VIH et des soins prodigués aux utilisateurs de drogues.

Toutefois, Human Rights Watch a constaté que les pratiques abusives, les régulations problématiques et l'incapacité à appliquer des provisions critiques des politiques nationales relatives au SIDA rendent ces protections futiles pour la plupart des Ukrainiens vivant avec le VIH ou présentant le risque le plus élevé d'infection.

Les mauvais traitements infligés par la police, qui équivalent parfois à de la torture, empêchent les utilisateurs de drogues d'accéder aux services basiques de prévention du VIH comme l'échange de seringues, en contradiction directe avec la politique gouvernementale appuyant de tels services. En raison de la criminalisation de la possession de quantités même infimes de drogues à usage personnel, les utilisateurs de drogues sont des cibles faciles pour les policiers cherchant à remplir des quotas d'arrestations. La police extorque aussi de l'argent et de l'information aux consommateurs de drogues, utilisant parfois la simple possession de seringues comme excuse pour harceler ou arrêter ces personnes ou les travailleurs sociaux leur prodiguant des services. Des projets d'amendements aux lois de l'Ukraine relatives au drogues, qui criminaliseraient la possession de quantités de drogues encore inférieures à celles actuellement prohibées, menacent d'exacerber ces abus.

Les pratiques discriminatoires des membres du personnel soignant envers les personnes dont ils savent qu’elles sont atteintes ou présumées infectées par le VIH/SIDA compromettent sérieusement la santé des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Human Rights Watch a découvert que le personnel médical refusait fréquemment de traiter de tels patients. Ils violent aussi régulièrement le secret professionnel exposant ainsi les personnes vivant avec le VIH/SIDA à d’autres discriminations et abus. Par conséquent, beaucoup de ces personnes évitent de se faire dépister pour le VIH par peur que leur statut de VIH positif, si tel est le cas, ne soit rendu public.

La thérapie de substitution n’atteint seulement qu’une fraction des utilisateurs de drogues injectables qui auraient besoin de cette thérapie. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, au moins 60 000 utilisateurs de drogues ont besoin de cette thérapie de substitution mais aujourd’hui, seulement 200 places de traitement sont disponibles. Cette incapacité d’assurer aux utilisateurs de drogues l’accès complet à des services de prévention et de traitement du VIH – y compris la thérapie de substitution avec la méthadone, qui est légale en Ukraine – entravent sérieusement les efforts déployés pour combattre aussi bien le SIDA que la consommation de drogues.

Les cliniques de désintoxication doivent selon la loi, inscrire tout utilisateur de drogue qui leur est envoyé pour être traité, et partager ces informations avec les agences du maintien de l’ordre. Cette pratique dissuade de nombreux consommateurs de drogues de chercher de l’aide médicale ou des services de désintoxication, par peur que leur consommation de drogues ne soit communiquée aux services de l’ordre.

Les médicaments antirétroviraux ne sont disponibles que pour un très petit pourcentage des personnes ayant besoin de tels traitements. Jusqu'à 416 000 personnes – soit 1,7 % de la population adulte ukrainienne – sont infectées par le VIH/SIDA en Ukraine. En 2004, avec l’aide du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance Internationale contre le VIH/SIDA a lancé un programme antirétroviral en Ukraine pour traiter les personnes atteintes du VIH/SIDA. Entre les mois d’avril 2004 et décembre 2005, plus de 2 600 personnes ont commencé un traitement antirétroviral grâce à ce programme. Bien que ce programme ait été reconnu comme le traitement ayant eu la plus rapide expansion en Europe de l’est, il n’atteint toujours qu’une petite fraction des 17 300 personnes ayant un besoin urgent de ce traitement.

« Les programmes ambitieux de l’Ukraine contre le VIH/SIDA ne réussiront que si le gouvernement élimine les pratiques abusives qui en entravent sa prévention et ses efforts de traitements », a ajouté Schleifer. « Protéger les droits de l’homme est essentiel si l’Ukraine espère élargir l’accès au traitement antiviral sur une échelle appropriée ».

Human Rights Watch a exhorté l’Ukraine de respecter le droit des personnes infectées par le VIH/SIDA et des utilisateurs de drogues d’obtenir des services médicaux sans avoir peur d’être maltraités, frappés d’ostracisme, ou que leur secret médical ne soit pas respecté par le personnel médical.

Le gouvernement ukrainien devrait élargir et améliorer la gamme des services pour le VIH aux utilisateurs de drogues, en y incorporant l’échange de seringues et une thérapie de substitution avec la méthadone. Il devrait aussi former de manière adéquate les membres des forces de l’ordre ainsi que les professionnels de la santé sur le VIH/SIDA, une meilleure protection des utilisateurs de drogues et sur l’utilisation plus sûre de drogues. En dernier lieu, il devrait investir dans des programmes d’information du public pour permettre à tout ukrainien d’avoir accès à une information scientifiquement prouvée sur le VIH/SIDA.

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