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Guinée équatoriale

Événements de 2018

Alfredo Okenve, vice-président d'une organisation de défense des droits humains en Guinée équatoriale, photographié quelques mois avant avoir été violemment agressé en octobre 2018 par quatre hommes armés qui semblaient être des agents de sécurité de l’État. 

© EG Justice 2018

La corruption, la pauvreté et la répression des droits civils et politiques ont continué de saper les droits humains en Guinée équatoriale sous la présidence de Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979, ce qui fait de lui le plus ancien président en exercice au monde. Les importants revenus du pétrole ont financé les modes de vie somptueux de l'élite politique, tandis que peu de progrès ont été réalisés pour améliorer l'accès aux soins de santé et à l'enseignement primaire.

La mauvaise gestion des fonds publics, des allégations crédibles de corruption à haut niveau et de graves violations des droits humains persistent, notamment la répression à l’encontre des organisations de la société civile et des politiciens de l'opposition, des actes de torture ainsi que des procès inéquitables. En décembre 2017, la police a arrêté 147 membres du parti politique qui détient l'unique siège de l'opposition au parlement, à la suite d'une confrontation avec des policiers à Aconibe, une ville de l'est du continent. Un tribunal a par la suite condamné 28 d'entre eux à 30 ans de prison et a ordonné la dissolution du parti. Leurs avocats affirment que les autorités ont physiquement maltraité ou torturé tous les détenus, faisant deux morts. En octobre, le président a gracié et libéré ces prisonniers. La communauté internationale est restée largement réticente quant à critiquer le gouvernement à propos de ces événements.

Adoptant une mesure positive, la Guinée équatoriale a ratifié en mai la Convention des Nations Unies contre la corruption, décision imposée par le Fonds monétaire international comme condition préalable à l'obtention d'un prêt. Cependant, le gouvernement n'a tenu qu'une seule réunion avec la société civile cette année pour renforcer son engagement à rejoindre l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE), une initiative anti-corruption qui oblige les gouvernements et les sociétés de ressources naturelles à divulguer des informations clés relatives à la gouvernance du pétrole, du gaz et des mines.

La Guinée équatoriale a entamé un mandat de deux ans au Conseil de sécurité en janvier 2018, après avoir fait campagne comme défenseur du développement durable, malgré son piètre bilan en matière de droits économiques et sociaux.

Droits économiques et sociaux

La Guinée équatoriale figure parmi les cinq plus grands producteurs de pétrole en Afrique subsaharienne et compte environ un million d'habitants. Bien que son mandat de deux ans au Conseil de sécurité ait été obtenu en tant que champion du développement durable, il figure au 141ème rang sur 189 pays pour l’Indice de développement humain, de loin le plus grand écart au monde entre la richesse par habitant et l’indicateur de développement humain.

En dépit de sa richesse en ressources naturelles, la Guinée équatoriale a omis de fournir des services publics essentiels et ne produit pas de données fiables relatives aux droits économiques et sociaux. Les dernières données fiables disponibles proviennent d'une enquête auprès des ménages menée en 2011, qui a ensuite montré des résultats extrêmement médiocres concernant l'accès à l'eau potable et la malnutrition infantile. Les données de 2016 indiquent qu'à 42%, la Guinée équatoriale se place au septième rang des pays du monde concernant la proportion d'enfants non-inscrits à l’école primaire, selon l'UNICEF.

En mai, la Guinée équatoriale a ratifié la Convention des Nations Unies contre la corruption, mais n'a guère progressé dans son engagement à rejoindre l'ITIE, une initiative dont elle a été exclue en 2010, en partie à cause de son incapacité à garantir un « environnement favorable » pour que la société civile participe pleinement à la mise en œuvre de l'ITIE. Cependant, le comité de pilotage de l’ITIE de la Guinée équatoriale, composé de représentants du gouvernement, de représentants de l’industrie et de la société civile, ne s’est réuni qu’une seule fois en 2018, en juillet. Le CEID, la principale organisation du pays dans le domaine des droits humains, a cessé de jouer son rôle de représentant de la société civile au sein du comité après que les autorités ont placé son président et son vice-président en détention sans inculpation pendant deux semaines.

Liberté d'expression et droit à une procédure régulière

Les quelques médias privés du pays appartiennent en grande partie à des personnes proches d'Obiang. Les libertés d'association et de réunion sont sévèrement restreintes et le gouvernement impose des conditions restrictives à l'enregistrement et au fonctionnement des organisations non gouvernementales. Les quelques activistes locaux qui travaillent sur des questions liées aux droits humains sont souvent victimes d'intimidation, de harcèlement et de représailles.

Le 27 février, un juge a classé l'affaire contre le caricaturiste politique Ramón Nsé Esono Ebalé, dont les dessins ridiculisaient fréquemment le président Obiang et d'autres hauts responsables. Des responsables de la sécurité de l'État avaient arrêté Ebalé le 16 septembre 2017 et l'avaient accusé de contrefaçon d'environ 1 800 dollars US en monnaie locale. La police l'a interrogé sur son art, n'a fourni aucune preuve crédible de son implication dans la contrefaçon et, lors du procès, le seul témoin du gouvernement a admis que les autorités lui avaient ordonné de porter cette accusation.

Le 12 décembre 2017, la police a arrêté Julián Abaga, 44 ans, enseignant, peu après qu'un message audio qu'il a envoyé à un ami vivant à l'étranger et dénonçant la corruption en Guinée équatoriale ait été mis en ligne sur Internet, selon un communiqué de presse publié par un parti politique de l'opposition. Un avocat qui a rencontré Abaga a déclaré qu'il était accusé d'avoir « insulté le président », bien qu'il n'ait jamais été traduit en justice. Il a été libéré le 4 juillet, en tant que « geste de bonne volonté » à la suite d'un événement déclenché par Obiang, censé amener le gouvernement à dialoguer avec des groupes d'opposition politique.

Un juge d'instance, José Esono Ndong Bindang, est décédé pendant sa garde à vue le 21 juillet, trois jours après son arrestation pour avoir prétendument détourné des fonds, selon un avocat au courant de son affaire. L'avocat a déclaré qu'Esono était diabétique et qu'il avait été conduit dans une clinique lorsqu'il est tombé malade peu après son arrestation, mais la police l'a ensuite renvoyé en prison en dépit d’un avis médical contraire. Il est mort quelques heures plus tard.

Répression politique

En 2018, Obiang et le parti démocratique au pouvoir (PDGE) ont renforcé leur monopole sur la vie politique après la dissolution par un tribunal du parti politique qui détenait l'unique siège de l'opposition dans le parlement bicaméral composé de 170 membres. En décembre 2017, la police a arrêté 147 membres de Citoyens pour l’Innovation (CI), dont son député Jesús Mitogo, à la suite d'un affrontement à Aconibe entre des partisans de CI participant à un rassemblement pour lequel ils détenaient une autorisation, et la police. Maria Jesus Bikene, l'un des avocats qui ont travaillé sur l'affaire, a déclaré que la confrontation avait commencé après que la police a ordonné à CI de disperser le rassemblement. Au cours de la confrontation, des membres de CI ont blessé trois policiers et leur ont pris quatre armes à feu, selon des informations parues dans la presse.

Les autorités semblent avoir utilisé l'incident pour sévir contre CI. Bikene a affirmé que la grande majorité des 147 personnes arrêtées ne se trouvaient pas à Aconibe et que presque tous les détenus avaient été battus à plusieurs reprises et, dans de nombreux cas, torturés. Un deuxième avocat, Ponciano Mbomio Nvó, représentant de Mitogo, a de même déclaré que son client n'était pas à Aconibe le jour de l'altercation et qu'il avait été torturé alors qu'il était détenu à Malabo, la capitale du pays. L'un des détenus, Santiago Ebee Ela, qui n'était pas représenté par un avocat, a été torturé à mort pendant sa détention, a indiqué Bikene. Le 23 février, un tribunal a ordonné la dissolution de CI et condamné 21 détenus, notamment Mitogo, à 30 ans de prison pour « sédition » et autres crimes, et a libéré les autres. Le 2 juillet, l'un des condamnés, Juan Obama Edu, est décédé. Bikene affirme que sa mort était due à la torture.

À partir du 16 juillet, le gouvernement a organisé un « dialogue national et une interaction politique » de cinq jours, un événement lancé par Obiang pour amener les activistes et les organisations de l'opposition politique, notamment celles se trouvant en exil, à dialoguer avec le gouvernement et le parti au pouvoir. Obiang a promis l'amnistie aux prisonniers politiques et aux membres de l'opposition condamnés par un tribunal équato-guinéen alors qu'ils vivaient en exil. Cependant, la plupart des groupes et dirigeants de l’opposition sont restés méfiants face à cette promesse et n’ont pas participé au dialogue. De plus, les membres de CI emprisonnés n'ont été libérés que le 22 octobre, date à laquelle Obiang leur a accordé leur grâce ainsi qu’à 48 autres prisonniers. Obiang n'a fourni aucune raison officielle pour cette amnistie.

Le 27 octobre, quatre hommes armés ont contraint Alfredo Okenve, vice-président du CEID, à sortir de sa voiture sous la menace d’une arme et l'ont emmené dans une zone reculée où ils l’ont violemment battu, puis abandonné. La voiture que les hommes conduisaient indiquait qu’ils étaient des agents de sécurité. Ces hommes semblent avoir confondu Okenve avec son frère, qui dirige un parti politique, bien qu'ils aient continué à le battre après s'être assuré de son identité.

Enquêtes internationales sur la corruption

Le 14 septembre, le Brésil a saisi 15 millions de dollars US en montres et 1,5 million de dollars US en espèces auprès de Teodorin, le fils aîné d’Obiang et vice-président, qui, selon les autorités, auraient amené dans le pays ces objets de valeur et les espèces dans un avion privé, sans les déclarer conformément à la loi.

Ces allégations sont les plus récentes dans une série d’enquêtes sur Teodorin pour corruption, blanchiment d’argent et détournement de fonds. En octobre 2017, un tribunal français a condamné Teodorin in absentia pour avoir blanchi des dizaines de millions de dollars US en France. Il a été condamné à une peine avec sursis et à une amende de 30 millions d'euros (35 millions de dollars US) et ses avoirs ont été saisis. Il a fait appel du jugement.

Dans une autre affaire, en 2014, le ministère de la Justice américain avait saisi un hôtel particulier de 30 millions de dollars US à Malibu et un avion privé de 38,5 millions de dollars US appartenant à Teodorin, affirmant qu'il avait été acheté avec des fonds volés. Teodorin a réglé cette affaire en acceptant la confiscation de 30 millions de dollars US par les autorités américaines qui seraient rapatriés au profit des Équatoguinéens. Les États-Unis devraient déterminer quelles organisations caritatives recevront les fonds.

Une affaire de corruption impliquant plusieurs hauts responsables du gouvernement équato-guinéen est en cours devant un tribunal espagnol. Un procès est prévu l'année prochaine. La plainte allègue que les fonctionnaires ont acheté des maisons en Espagne par l’intermédiaire d’une société privée qui, selon une enquête du Sénat américain, aurait reçu 26,5 millions de dollars US de fonds publics à peu près en même temps que les achats.

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