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Maroc et Sahara occidental

Événements de 2024

Le journaliste Marocain Omar Radi étreintson ami après sa sortie de prison à Rabat, le 29 juillet 2024. 

© 2024 Fadel Senna/AFP via Getty Images.

Les autorités marocaines ont continué à réprimer la dissidence et les forces de sécurité ont dispersé par la force des manifestations pacifiques. Le roi Mohammed VI a gracié près de 5 000 cultivateurs de cannabis et 708 personnes qui avaient été détenues pour d’autres délits, mais n’a rien fait pour les activistes du mouvement Hirak qui purgeaient jusqu’à 20 ans de prison pour avoir protesté pour dénoncer les conditions de vie. Pour commémorer les 25 ans de son intronisation, le roi a également gracié près de 2 500 détenus en juillet, dont trois critiques virulents de la politique gouvernementale.

Liberté d’expression

Le 11 novembre, un tribunal de Rabat a condamné un journaliste, Hamid Mahdaoui, à 18 mois de prison pour diffamation présumée à l’encontre du ministre de la Justice et lui a infligé une amende de 1,5 million de dirhams marocains (environ 150 000 dollars).

Le 30 octobre, la police marocaine a arrêté Fouad Abdelmoumni, éminent militant des droits humains et de la démocratie, avant de le libérer le 1er novembre provisoirement. Le 1er novembre, un tribunal de Casablanca l’a inculpé pour « outrage aux corps constitués [institutions], diffusion d’allégations mensongères et signalement d’un crime fictif dont il sait l’inexistence ». Au 11 décembre, Abdelmoumni était en attente de son procès.

Les journalistes Omar Radi, Soulaiman Raissouni et Taoufik Bouachrine ont été libérés de prison en juillet avec 2 500 autres personnes, après avoir bénéficié d’une grâce royale. Tous trois avaient été arrêtés, jugés ou emprisonnés sur la base d’accusations douteuses d’inconduite sexuelle, une tactique utilisée par les autorités ces dernières années pour discréditer les dissidents.

Les autorités ont continué à réprimer la dissidence. En mars, elles ont arrêté le blogueur Youssef El Hireche pour une publication Facebook jugée insultante à l’égard du dirigeant des Émirats arabes unis (EAU), et en mai, le tribunal de première instance de Qunaitra l’a condamné à 18 mois de prison pour des publications Facebook « insultant un représentant de l’État, insultant des corps organisés et diffusant des informations confidentielles sans le consentement de leur propriétaire ».

En mars, les autorités ont arrêté le blogueur Abderrahman Zankad, affilié à un parti islamiste, en raison de publications sur Facebook critiquant la décision du Maroc de « normaliser » les relations avec Israël. Abderrahman Zankad a ensuite été condamné à cinq ans de prison pour insulte au roi, considérée comme une « insulte à une institution constitutionnelle et une provocation ».

Dans une affaire similaire, une cour d’appel a confirmé en novembre 2023 la condamnation du blogueur Said Boukioud pour « insulte au roi » dans des messages Facebook publiés en 2020, dans lesquels il critiquait l’accord de normalisation du Maroc avec Israël. La peine a cependant été réduite, passant de cinq à trois ans.

Liberté d’association

Les forces de sécurité ont dispersé par la force des manifestations pacifiques. Il a notamment été fait usage de la force pour réprimer une manifestation organisée par des groupes de défense des droits des personnes handicapées devant le parlement en mai, ainsi que des manifestations organisées par des travailleurs du secteur de la santé en juillet.

Un groupe de 40 manifestants du Hirak, dont les leaders Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, est resté emprisonné, purgeant des peines de plusieurs dizaines d’années après qu’une cour d’appel a confirmé leurs condamnations en 2019, malgré des allégations crédibles d’aveux obtenus sous la torture.  

Code pénal

Le Code pénal criminalise plusieurs aspects de la vie privée. L’avortement est criminalisé, la peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement pour la personne avortant, et cinq ans pour quiconque procure un moyen d’avortement. Les exceptions prévues à l’article 453 ne s’appliquent que lorsque la santé de la mère est menacée. En 2021, le ministre de la Justice a retiré de l’examen parlementaire un projet d’amendement qui aurait légalisé l’avortement en cas de viol, d’inceste, de « maladie mentale de la mère » et de « déficience du fœtus ».

Les relations sexuelles hors mariage sont passibles d’au moins un an d’emprisonnement (art. 490), peine qui peut être portée à deux ans en cas d’adultère (art. 491). Les relations entre personnes de même sexe sont également criminalisées et passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans (art. 489).

Droits des femmes et des filles

Le Code de la famille de 2004 prévoit que le père d’un enfant est son représentant légal par défaut, même si la mère a la responsabilité de l’enfant après un divorce. Les femmes et les filles héritent de la moitié de ce que reçoivent les hommes de leur famille. Les juges peuvent accorder des « dérogations » à l’âge minimum de 18 ans pour le mariage, et les familles peuvent demander l’autorisation de marier leurs filles dès l’âge de 15 ans. Le viol conjugal n’est pas explicitement criminalisé et les personnes qui dénoncent un viol hors mariage risquent d’être poursuivies pour relations sexuelles illégales.

Une loi de 2018 sur la violence à l’égard des femmes criminalise certaines formes de violence domestique et établit des mesures de prévention et de protection. Cependant, elle crée également des obstacles à l’accès des survivantes aux protections, elle ne définit pas de devoir de protection pour la police, les procureurs et les juges d’instruction, et n’alloue pas de fonds aux centres d’hébergement pour femmes.

Migrants et réfugiés

En septembre, les forces de sécurité marocaines ont repoussé des milliers de Marocains et d’autres ressortissants africains qui tentaient d’entrer dans la ville frontalière espagnole de Ceuta suite à une mobilisation massive sur les réseaux sociaux encourageant les gens à partir en raison de la détérioration de la situation économique du Maroc. À la suite de cet épisode, les autorités marocaines ont arrêté 152 personnes accusées d’avoir rassemblé des gens pour tenter de migrer en masse.

Au mois d’août, on comptait au Maroc près de 18 000 réfugiés et demandeurs d’asile enregistrés auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR).

Le parlement marocain doit encore approuver un projet de loi de 2013 sur le droit d’asile. Une loi sur l’immigration de 2003, qui criminalise l’entrée irrégulière dans le pays sans prévoir d’exceptions pour les réfugiés et les demandeurs d’asile, reste entre temps en vigueur.

Concernant le contrôle de l’immigration, l’Union européenne a continué à coopérer avec le Maroc malgré des préoccupations relatives aux droits humains.

Sahara occidental

En juillet, la France a reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en rupture avec les politiques passées. Cette position marque un tournant dans l’acceptation, par la communauté internationale, de la proposition d’autonomie marocaine de 2007, qui accorderait au Maroc le contrôle de la sécurité nationale et des affaires étrangères du Sahara occidental. La France a ainsi rejoint 37 autres nations, quatre ans après que Donald Trumpa proclamé la proclaimedreconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, en échange de quoi, le Maroc devait nouer des liens diplomatiques et économiques complets avec Israël. En signe de protestation, l’Algérie, soutien indéfectible de l’indépendance sahraouie, a retiré son ambassadeur de France, déclarant que la mesure « bafoue la légalité internationale » et « prend fait et cause pour la négation du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination ».

La majeure partie du Sahara occidental est sous contrôle marocain depuis 1975. En 1991, le Maroc et le Front Polisario, un mouvement de libération qui cherche à obtenir l’autodétermination pour le Sahara occidental, ont accepté un cessez-le-feu négocié par l’ONU en prévision d’un référendum sur l’autodétermination incluant l’indépendance en tant qu’option, que le Maroc a refusé d’organiser.

En 2020, le Front Polisario, basé en Algérie, a annoncé la fin du cessez-le-feu avec le Maroc et a repris la lutte armée. En mai, il a tenté d’attaquer la ville de Smara, sous contrôle marocain, mais les roquettes n’ont pas atteint leur cible et n’ont pas causé de dégâts.

Dans son rapport de juillet sur le Sahara occidental, le Secrétaire général de l’ONU a dénoncé le fait que depuis 2015, le Maroc n’a pas autorisé le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) à se rendre dans le Sahara occidental. Il a déclaré que le HCDH « a continué de recevoir des allégations faisant état de violations des droits humains, notamment des actes d’intimidation, de surveillance et de discrimination contre des Sahraouis, en particulier lorsqu’ils plaident en faveur de l’autodétermination ». Citant les préoccupations constantes soulevées par le Secrétaire général des Nations Unies et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, un groupe interrégional de pays a lancé un appel pour une surveillance et un rapport indépendants sur la situation des droits humains au Sahara occidental.

Dans un arrêt d’octobre 2024, la Cour européenne de justice a confirmé l’annulation d’un accord d’association entre l’Union européenne et le Maroc en cas d’inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d’application dudit accord. Cet arrêt fait suite aux pourvois de la Commission européenne et du Conseil européen contre l’arrêt de la Cour de 2021, qui énonçait que le Sahara occidental était une entité distincte du Maroc et que le consentement de son peuple était nécessaire pour que l’accord d’association s’applique à ce territoire. L’arrêt d’octobre 2024 annule donc les accords commerciaux qui permettaient au Maroc d’exporter vers l’UE du poisson et des produits agricoles provenant de la région du Sahara occidental, estimant qu’il s’agit d’une violation du « droit à l’autodétermination » du peuple de cette région.

Dix-neuf hommes sahraouis restent emprisonnés après avoir été jugés coupables, à l’issue de procès inéquitables qui se sont tenus en 2013 et 2017, d’avoir tué 11 membres des forces de sécurité marocaines en 2010, sur fond d’allégations d’aveux forcés et de torture.

En mars, on comptait 173 600 réfugiés sahraouis vivant dans cinq camps près de la ville de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie.