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République centrafricaine

Événements de 2024

La Cour Pénale Spéciale (CPS) à Bangui, en République Centrafricaine, le 19 avril 2022. La CPS est une cour pour les crimes de guerre intégrée au système judiciaire national centrafricain, mais dont le personnel est à la fois national et international. Elle bénéficie d'une assistance importante de la part des Nations Unies et d'autres organisations internationales

© 2022 Barbara Debout via Getty Images

Les combats opposant l’armée nationale, aux côtés des mercenaires russes et des forces rwandaises, aux éléments de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) se sont poursuivis à l’extérieur des grandes villes du pays. Les civils continuent d’être pris pour cible et les violences, bien qu’en recul, ont touché la moitié de la population, soit 2,8 millions de personnes, dont 1,3 million d’enfants, qui ont besoin d’une aide humanitaire directe. D’après les Nations Unies, sept enfants sur dix ne vont pas régulièrement à l’école et environ 1,2 million d’enfants rencontrent des difficultés d’accès à l’éducation. 

 

Les conditions sécuritaires ont entravé l’acheminement de l’aide humanitaire, en particulier dans la partie orientale du pays.  

 

Des mercenaires de Wagner, une société militaire privée financée par l’État russe, sont déployés dans le pays. L’ONU a signalé plusieurs cas dans lesquels des mercenaires Wagner ont participé à des combats et ont été impliqués dans de graves atteintes aux droits humains. 

Espace civique, politique et médiatique 

L’espace politique s’est davantage fermé depuis qu’un référendum constitutionnel en 2023 a supprimé les limites de mandat pour le président, une fonction actuellement occupée par Faustin-Archange Touadéra. Les opposants politiques ont été ciblés en 2024, au lendemain de la campagne référendaire, qui a été marquée par la répression de la société civile, des médias et des partis politiques d’opposition. Les élections locales, initialement prévues pour octobre 2024 et les premières du pays depuis plus de 36 ans, ont été reportées au moins jusqu’en avril 2025 en raison d’un manque de financement. Des élections présidentielles sont aussi prévues en 2025. La principale coalition d’opposition a annoncé qu’elle boycottera les élections locales et présidentielles en l’absence de réforme significative. 

Conditions sécuritaires 

Le pays est resté un lieu dangereux pour les acteurs humanitaires, avec 97 incidents recensés entre janvier et août, allant du harcèlement aux vols à main armée de travailleurs humanitaires. 

 

Un embargo sur les armes du Conseil de sécurité de l’ONU, imposé au pays depuis 2013, a été levé en juillet.  

 

La mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, a déployé 13 394 Casques bleus et 2 415 policiers dans de nombreuses régions du pays. En vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU, la mission est autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la population civile du risque de violences physiques. En novembre 2023, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé d’une année le mandat de la mission. En septembre, le gouvernement a signé un protocole de transfert avec l’ONU afin que les enfants associés aux forces et groupes armés soient transférés aux autorités civiles. 

 

Tant l’Azande Ani Kpi Gbe, une milice ethnique à majorité Zandé basée dans le sud-est du pays, que l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC), membre de la coalition CPC, ont pris pour cible des civils dans la région frontalière du sud-est. L’Azande Ani Kpi Gbe a spécifiquement ciblé des musulmans considérés comme des sympathisants de l’UPC. 

 

Le groupe armé Retour, Réclamation et Réhabilitation, ou 3R, a lancé des attaques contre des civils hors des villes, le long de la frontière nord-ouest avec le Cameroun. En juillet, le groupe a tué au moins une dizaine de personnes à l’extérieur de Bocaranga. En avril, il a exécuté au moins 16 fermiers à l’extérieur de Bohong. 

 

Un rapport de la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales a indiqué qu’en février, les forces russes ont tiré sur des détenus dans une prison de Bambari, tuant deux prisonniers et en blessant deux autres. 

 

Une attaque visant une mine d’or à Koki en octobre 2023, qui aurait été menée par des mercenaires de Wagner, a fait au moins une dizaine de morts parmi les mineurs, mais aucune enquête n’a encore été ouverte.

Justice pour les crimes graves 

En septembre, la Cour pénale spéciale (CPS) – un tribunal pour crimes de guerre qui fait partie du système judiciaire national, mais qui dispose d’un personnel national et international et bénéficie d’un important soutien de l’ONU et d’autres formes d’assistance internationale – a arrêté et inculpé Abakar Zakaria Hamid, connu sous le nom de « SG », un ancien leader de la Séléka, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre présumés en lien avec l’attaque en 2014 contre l’église Notre-Dame, qui servait de camp de déplacés à Bangui, la capitale du pays. Abakar Zakaria Hamid a rejoint sept autres personnes qui avaient déjà été arrêtées et inculpées dans le cadre de cette affaire. 

 

En septembre, les juges d’instruction de la CPS ont renvoyé l’affaire contre François Bozizé, Eugène Barret Ngaïkosset, Vianney Semndiro et Firmin Junior Danboy devant la chambre de première instance de la Cour. Eugène Barret Ngaïkosset, Vianney Semndiro et Firmin Junior Danboy étaient en détention provisoire en 2024 et ont fait appel du renvoi. François Bozizé, qui a fui une première fois en 2013, est rentré en République Centrafricaine en 2019 et est devenu un leader clé de la CPC avant de retourner se cacher en Guinée-Bissau, où il se trouve toujours. Conformément aux règles de la CPS, il peut être jugé par contumace. 

 

En juillet, la CPS a arrêté trois suspects, Yvon Nzelété, Narcisse Christian Gomani Niakari et Roger Linet, pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre présumés commis dans la province de Mboumou en 2017. En septembre, la Cour a prolongé d’un an la détention provisoire d’Abdoulaye Hissène, qui avait été arrêté en 2023 dans le cadre de la même affaire. Celui-ci a fait appel de la décision. 

 

En juin, la CPS a arrêté un ancien leader anti-balaka, Edmond Beïna, pour des accusations de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre qui auraient été commis en 2014 à Guen, Gadzi et Djomo, dans la province de Mambéré-Kadéï, dans la partie sud-ouest du pays. Edmond Beïna est accusé aux côtés d’un autre chef de groupe armé, Maturin Kombo, qui a été arrêté en 2022, et trois autres prévenus qui ont été inculpés pour des crimes découlant des mêmes faits. En novembre, la Cour pénale internationale (CPI) a fait savoir qu’elle avait également émis un mandat d’arrêt à l’encontre d’Edmond Beïna en 2018. Les autorités centrafricaines ont contesté la recevabilité de l’affaire devant la CPI. 

 

Toujours en juin, la CPS a ouvert son troisième procès, qui porte sur les crimes qui auraient été commis par le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), en 2020 dans la ville de Ndélé. 

 

En avril, la Cour a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de l’ancien président François Bozizé. Celui-ci est accusé de crimes contre l’humanité qui auraient été commis entre 2009 et 2013 par la Garde présidentielle et d’autres services de sécurité au centre d’entraînement militaire de Bossembélé. Ce centre était surnommé « Guantanamo » et se trouve au nord de Bangui.  

 

À la CPI, les procès distincts du commandant de la Séléka Mahamat Said Abdel Kani, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à Bangui en 2013, et des leaders anti-balaka Patrice-Édouard Ngaïssona et Alfred Yékatom, tous deux inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis entre 2013 et 2014, se sont poursuivis.  

 

En septembre, les juges de la CPI ont tenu une audience pour déterminer une éventuelle compensation pour Maxime Mokom, ancien coordinateur militaire d’un groupe de milices anti-balaka. Maxime Mokom a été libéré par la CPI en octobre 2023 après que le procureur de la Cour a retiré les charges portées contre lui, invoquant un manque de preuves et la difficulté de réunir des témoins.  

 

En avril, Dieudonné Ndomaté, chef anti-balaka et ancien ministre du tourisme, a été arrêté au Cameroun et extradé vers la République centrafricaine où il attend d’être jugé par un tribunal pénal national.  

Déplacement et besoins humanitaires 

La population civile a continué à payer un lourd tribut du fait des violences en 2024. Le nombre total de personnes déplacées est resté élevé en raison des combats. En juin, plus de 1,2 million de Centrafricains, d’après les Nations Unies, étaient soit des réfugiés dans les pays voisins (750 000), soit des déplacés internes (451 000). Les conditions de vie des personnes déplacées internes et des réfugiés, dont beaucoup vivent dans des camps, ne sont pas adéquates. En date de septembre 2024, plus de 29 000 réfugiés soudanais avaient fui en République centrafricaine après le début du conflit au Soudan en avril 2023. L’assistance aux personnes déplacées internes a été sérieusement entravée par des attaques contre les travailleurs humanitaires et l’insécurité générale dans le pays.  

 

Environ 2,8 millions de personnes, sur une population de 6,1 millions, avaient besoin d’une aide humanitaire. Le plan de réponse humanitaire était sous-financé, avec un déficit budgétaire d’environ 175 millions de dollars américains en septembre.