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Dur e Sharwar, second from left, vice president of the Pakistan Workders Federation during an International Women’s Day cycle rally in Lahore, Pakistan, 2023.

Championnes du changement : des activistes à la pointe du combat contre la violence basée sur le genre dans le monde du travail

Coup de projecteur sur des militantes courageuses à l’occasion des 16 jours d’activisme

Dur e Shawar (2ème à partir de la gauche), vice-présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Pakistan, photographiée avec d’autres femmes participant à la 5ème Conférence régionale Asie-Pacifique de la Confédération syndicale internationale (CSI, ou ITUC en anglais), en novembre 2023. © 2023 Dur e Shawar/ITUC-AP

Qu’il s’agisse des travailleuses du secteur informel faisant campagne pour obtenir des protections juridiques, ou des femmes qui luttent contre les abus sexuels au travail, les activistes et des syndicalistes ont influencé le débat, poussé leurs gouvernements respectifs à agir, et contribué à créer de nouvelles normes internationales pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Grâce à leurs efforts, la violence contre les femmes, qui était autrefois une pratique normalisée, est aujourd’hui largement reconnue comme une violation des droits humains, y compris dans le monde du travail.

Cette dynamique est mise en avant chaque année, pendant les 16 jours d’activisme contre la violence sur le genre, une campagne mondiale visant à promouvoir un monde sans violence à l’encontre des individus sur la base de leur genre ou de leur sexe.

Cette année, pendant les 16 jours de la campagne, Human Rights Watch rend hommage à dix militantes pleines de courage – défenseuses des droits humains, syndicalistes et leaders des droits des travailleuses du monde entier – qui se consacrent depuis des années à la lutte contre la violence sexiste dans le monde du travail.

Nous leur avons demandé d’expliquer avec leurs propres mots pourquoi la sensibilisation à la violence basée sur le genre au travail reste essentielle à leurs yeux.

En s’appuyant sur des outils puissants comme la Convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la violence et le harcèlement au travail (C190), un traité historique qui établit des normes juridiques internationales pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail et les prévenir, les efforts de ces militantes offrent une vision du changement où chaque individu peut travailler sans violence et sans harcèlement.

Lisez leurs histoires.

Lorraine Sibanda, présidente de StreetNet International et de la Chambre des associations de l’économie informelle du Zimbabwe, Zimbabwe. © 2023 Lorraine Sibanda/StreetNet International

Lorraine Sibanda (Zimbabwe) : présidente de StreetNet International et de la Chambre des associations de l’économie informelle du Zimbabwe

Lorraine Sibanda est une figure de proue des travailleur-euse-s de l’économie informelle dans le monde. Elle fait entendre une voix authentique dans ses activités de plaidoyer, qu’elle nourrit de ses expériences personnelles. Lorraine a travaillé comme enseignante, commerçante transfrontalière, vendeuse et éleveuse de chèvres au Zimbabwe, un pays où 65 % des personnes qui travaillent dans l’économie informelle sont des femmes. Son parcours témoigne non seulement de sa résilience, mais souligne également le rôle vital que les femmes jouent dans les secteurs informels, qui représentent une part importante de l’économie dans de nombreux pays, mais ne bénéficient souvent pas de protections juridiques adéquates. Avec d’autres militant-e-s et organisations, Lorraine a joué un rôle important pour faire en sorte que les travailleur-euse-s informel-elle-s soient inclus-e-s dans les protections prévues par Convention 190.

"La violence basée sur le genre est une violation flagrante des droits humains. Elle ôte [aux individus] toute dignité et toute confiance en soi, et cela vaut pour les travailleur-euse-s. Les gens ont besoin de travailler en toute confiance, en étant sûrs qu’ils sont respectés en tant qu’êtres humains et qu’ils ne seront soumis à aucune forme de violence ou de harcèlement.

Avec StreetNet International, nous menons des campagnes et nous faisons pression pour que les pays du monde entier ratifient la Convention 190. [Il s’agit] de s’assurer qu’au niveau national, les travailleur-euse-s peuvent faire valoir leurs droits et protections tels que garantis par la Convention. Cela signifie que les femmes, qui sont particulièrement touchées par la violence, peuvent alors être légalement protégées par la Convention.

Je suis heureuse de pouvoir dire que si l’économie informelle figure dans la Convention 190, c’est grâce à nos efforts de lobbying, à notre engagement et notre campagne de plaidoyer en [séance] plénière, mais aussi dans les coulisses, auprès de différents gouvernements. [Nous leur avons dit] qu’il était impératif que les gouvernements soutiennent la Convention afin que les travailleur-euse-s de l’économie informelle soient protégé-e-s, parce qu’ils et elles contribuent au développement des pays et à leur PIB, et parce qu’ils et elles sont des citoyen-ne-s de [leurs] pays. Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en œuvre les protections sur le terrain, mais nous sommes ravi-e-s d’avoir eu l’occasion de contribuer à la Convention 190."

Dur e Shawar, présidente du Comité national des femmes et vice-présidente de la Fédération des travailleurs du Pakistan, Pakistan. © 2023 Dur e Shawar

Dur e Shawar (Pakistan) : présidente du Comité national des femmes et vice-présidente de laFédération des travailleurs du Pakistan (PWF)

En tant que vice-présidente de la Fédération des travailleurs du Pakistan, Dur e défend de meilleures opportunités et politiques pour les travailleuses pakistanaises et plaide pour qu’elles soient mieux reconnues. Elle s’attache à défendre les droits des femmes dans l’économie informelle et à promouvoir l’égalité des sexes au sein de son syndicat. Dur e mène actuellement une campagne visant à ouvrir la voie à la ratification de la Convention 190 par le Pakistan, pour mettre en place des environnements de travail plus sûrs et garantir l’égalité des chances partout au Pakistan.

Dur e Shawar (quatrième en partant de la gauche), vice-présidente de la Fédération des travailleurs du Pakistan, lors d’un rassemblement à Lahore (Pakistan) à l’occasion de la journée internationale des femmes en 2023. © 2023 Dur e Shawar/ Mindful Magazine/aljalildevelopers

"La violence basée sur le genre ne se limite pas aux dommages physiques ; il s’agit d’une violence omniprésente qui ravage l’éducation, la santé, les revenus, l’inclusion, le travail décent, les opportunités et la prise de décision. La violence sexiste au travail est l’un des principaux obstacles auxquels se heurtent les femmes sur le marché du travail, et il est décourageant de constater que ce problème est souvent passé sous silence et que rien n’est fait pour le résoudre.

Nos efforts de sensibilisation ne se limitent pas à améliorer le bien-être personnel [des travailleuses], mais [ils jouent également] un rôle essentiel dans la promotion d’un environnement de travail plus inclusif et plus équitable.

Il ne s’agit pas d'une simple question d’appréciation ; c’est un élément essentiel pour créer un environnement de travail sûr et équitable qui profite à toutes les personnes concernées. La majeure partie de la main-d’œuvre féminine [au Pakistan] occupe des emplois informels et n’est pas reconnue. Cette situation affecte et limite considérablement les possibilités offertes aux femmes, ce qui les empêche d’évoluer professionnellement.

La Convention 190 est un complément bienvenu aux lois existantes sur le harcèlement au travail au Pakistan. Elle établit une plateforme pour des mécanismes efficaces de signalement et de plainte qui peuvent obliger les auteurs à rendre des comptes et permettre de protéger les droits des travailleurs, en particulier des femmes.

Je pense que cela devrait être la priorité de toutes les organisations qui œuvrent pour les travailleuses. Pour être efficaces, les mécanismes doivent impliquer activement les travailleuses. Il est temps de s'unir et d’agir."

Joanna Maranhão, nageuse olympique et coordinatrice de Sports & Rights Alliance, Brésil. © 2023 Joanna Maranhão

Joanna Maranhão (Brésil) : coordinatrice de Sports & Rights Alliance

Joanna Maranhão est une ancienne nageuse olympique, une activiste et une coordinatrice de réseau pour Sports & Rights Alliance, une coalition qui comprend Human Rights Watch et d’autres organisations non gouvernementales, ainsi que des syndicats, qui travaillent ensemble pour défendre les droits humains dans le domaine du sport. Survivante d’abus sexuels qu’elle a subis en tant que sportive, Joanna a mené avec succès une campagne visant à allonger le délai de prescription au Brésil pour permettre aux personnes victimes d’abus sexuels pendant leur enfance de disposer de plus de temps pour porter plainte, qui a abouti à l’adoption d’une loi portant son nom.

"Mon parcours de militante fait partie de mon parcours de guérison. Comme j’avais 21 ans lorsque j’ai révélé publiquement ce que j’avais subi, le délai de prescription avait déjà expiré et je n’ai pas pu porter plainte. En fin de compte, c’est [mon agresseur] qui a porté plainte contre moi, ce qui a été un cauchemar et quelque chose de tellement difficile à comprendre pour moi. Lorsque je me suis enfin sentie prête à révéler mon histoire, la justice n’était pas là pour moi. Si l’on ajoute à cela la négligence totale des instances dirigeantes du sport brésilien à l’époque, je n’avais pas d’autre choix que de faire quelque chose.

J’ai donc pris deux décisions. [Premièrement], ne pas abandonner la natation, même si je nageais lentement ou si c’était difficile pour moi de me trouver dans cet espace. [Deuxièmement], faire tout ce que je pouvais pour que d’autres ne soient pas confrontés à ce que je vivais.

Les traumatismes n’appartiennent pas au passé et les lois doivent faire en sorte que nous [puissions] prendre le temps qu’il faut pour en parler et les signaler. Lorsque la loi a été promulguée, je me suis sentie plus forte que jamais, comme si ce plaidoyer pouvait m’aider à guérir, mais je n'étais en aucun cas satisfaite. Le système de signalement actuel [du Brésil] est extrêmement violent et recrée en permanence des traumatismes chez les victimes.

Il faut continuer le travail, et c’est ce qui guide mon action."

Carolina Calle, directrice exécutive de Calle Siete, Colombie. © 2023 Carolina Calle

Carolina Calle (Colombie) : directrice exécutive de Calle Siete

Carolina Calle est directrice exécutive de Calle Siete, une organisation qui protège et fait progresser les droits des travailleur-euse-s du sexe, et dirige le syndicat colombien des travailleuses et des travailleurs du sexe, ASTRASEX. Carolina et sa communauté militent en faveur d'un projet de loi complet sur les droits du travail pour les travailleur-euse-s du sexe en Colombie. En collaboration avec d'autres organisations de travailleur-euse-s du sexe, des alliés féministes et des législateurs, elle plaide en faveur des protections offertes au travailleur-euse-s, y compris l'accès à la sécurité sociale, à la retraite, aux congés maternité et paternité, aux jours de vacances et aux allocations de chômage. En cette période charnière, Carolina et ses partenaires sont à l'avant-garde du changement législatif et participent à l’élaboration de politiques en matière de droits du travail pour les travailleur-euse-s du sexe, qui sont parmi les plus complètes au monde.

"Il est important de rendre visible la violence contre les femmes et, dans le cas du combat que je mène, la violence exercée quotidiennement à l’encontre de celles qui pratiquent le travail du sexe. Nous sommes des travailleuses et beaucoup d'entre nous sont syndiquées. Donc, comme toutes les femmes, nous recherchons des conditions dignes et équitables pour exercer notre travail

Nous permettre de travailler en sécurité dans nos espaces est le premier pas que la société peut faire pour que nous puissions, en tant que femmes de la classe ouvrière, avoir une vie plus décente, non seulement pour nous, mais aussi pour nos familles, car ce sont elles qui nous motivent à aller de l’avant et à rechercher des conditions de travail idéales.

La Convention 190 rappelle à la société que les femmes méritent également [d’avoir leur place] sur le lieu de travail et qu’en aucun cas nous ne pouvons être harcelées, maltraitées ou agressées de quelque manière que ce soit, simplement parce que nous sommes des femmes. Pendant des années [les hommes] ont voulu nous rendre insignifiantes, car [ils] ont toujours occupé une place centrale sur le lieu de travail. Mais la ratification de cette convention envoie un message clair à la société : aujourd'hui, les femmes peuvent travailler où elles veulent et [elles peuvent] identifier et dénoncer les abus."

Yang Sophorn, présidente de l’Alliance cambodgienne des syndicats, Cambodge. © 2023 Yang Sophorn

Yang Sophorn (Cambodge) : présidente de l’Alliance cambodgienne des syndicats

Yang Sophorn est depuis longtemps une voix importante du mouvement syndical indépendant au Cambodge, où elle représente les travailleur-euse-s depuis plus de 20 ans. Elle a dû faire face à de nombreux obstacles et défis dans ses fonctions de dirigeante syndicale, notamment des arrestations arbitraires et des condamnations injustes. Malgré cela, Yang Sophorn continue de promouvoir les droits des travailleur-euse-s en tant que présidente de l’Alliance cambodgienne des syndicats, un syndicat indépendant représentant les travailleur-euse-s du secteur manufacturier.

"La lutte contre la violence basée sur le genre permet à toutes les femmes d’avoir davantage confiance en elles et de se sentir fortes. Au Cambodge, certains [dictons populaires] rabaissent et dévalorisent les femmes, qui se sentent dépréciées et incapables de lutter contre ceux qui détiennent le pouvoir. Mais en tant que syndicat, nous voulons montrer à nos membres et aux autres travailleur-euse-s que nous sommes forts. Notre force vient de notre unité, et nous pensons que nous pouvons résoudre tous les problèmes lorsque nous nous donnons la main. Nous pouvons y arriver, il nous faut juste du temps, de l’engagement et de la patience. [Si le gouvernement nous soutenait] au lieu de s’immiscer dans nos affaires, l’action de défense des droits que mène le syndicat donnerait de l’espoir aux travailleurs.

Au Cambodge, le marché du travail est limité et concurrentiel, de sorte que les travailleur-euse-s qui sont victimes de violences doivent les endurer [pour conserver leur emploi] parce qu’il n'existe pas de mécanisme [indépendant ou efficace] pour résoudre leurs problèmes.

Si l’État ratifie la Convention 190, il pourra donner plus de pouvoir à toutes les femmes, y compris sur le lieu de travail, à la maison, au sein des communautés et à l’intérieur du syndicat. Le gouvernement et les employeurs devraient élaborer une stratégie visant à aider les travailleuses à trouver des solutions et à faire rendre des comptes aux auteurs [d'abus ou de harcèlement]."

Precious Modupe Ojo (Nigéria) : cheffe de section à l’Amalgamated Union of Foodstuff and Cattle Dealers of Nigeria (Syndicat unifié des négociants en denrées alimentaires et en bétail du Nigéria)

Precious Modupe Ojo, Syndicat unifié des négociants en denrées alimentaires et en bétail du Nigeria. © 2023 Precious Modupe Ojo

Precious Modupe Ojo (Iyaloja) est vendeuse sur le marché alimentaire Mile 12 de Lagos. Depuis plus de vingt ans, elle est une membre active du Syndicat unifié des négociants en denrées alimentaires et en bétail du Nigéria, au sein duquel elle joue un rôle de premier plan. Precious est également un leader communautaire, une cheffe traditionnelle et une militante de base qui défend les droits des femmes et des filles. Après la ratification de la Convention 190 par le Nigéria en novembre 2022, Precious a participé à des formations organisées par le Congrès du travail du Nigéria et le Centre de solidarité, afin de mettre en pratique les nombreuses dispositions de la Convention 190 visant à mettre fin à la violence et au harcèlement basés sur le genre (GBVH) dans le monde du travail. Precious et d’autres vendeuses du marché Mile 12 se sont inspirées de ces formations pour mettre en place un comité qui s’efforce de rendre le marché plus sûr pour tout le monde.

"La violence et le harcèlement basés sur le genre sont l’une des formes les plus répandues de violation des droits humains affectant les femmes, en particulier celles qui travaillent dans le secteur informel. Cela est dû à une législation du travail [insuffisante] et à l’exposition à des conditions de travail dangereuses, y compris le risque de harcèlement sexuel. Ma participation à l’étude du Congrès du travail du Nigéria et du Centre de solidarité a révélé que la violence et le harcèlement basés sur le genre étaient très répandus sur le marché de Mile 12, où la stigmatisation culturelle [associée à la violence sexiste] et [l’environnement] du marché dominé par les hommes désavantagent souvent les femmes.

La violence et le harcèlement basés sur le genre ont des effets négatifs sur la productivité des femmes, sur les bénéfices qu’elles réalisent et sur leur santé. Pour lutter contre ce problème, nous avons lancé une campagne de plaidoyer contre la violence sexiste, avec la participation d’alliés masculins, pour gérer les plaintes et les procédures d’enquête [liées aux cas de violence basée sur le genre sur le marché]. En outre, nous avons organisé des réunions de plaidoyer avec des décideurs clés.

Grâce aux mises en situation et aux activités menées pour lutter contre la violence et le harcèlement basés sur le genre, le marché de Mile 12 a enregistré une augmentation des signalements d’incidents liés à ce type de violence, ainsi que des arrestations et des poursuites judiciaires. Six auteurs sont actuellement jugés pour viol par le tribunal de l’État de Lagos. [Outre le fait que] les incidents liés à la violence et au harcèlement sexistes ont diminué de manière significative, les femmes ont pu accéder à des fonctions comportant davantage de responsabilités et le marché est devenu un endroit plus sûr pour tout le monde."

Marcelina Bautista (Mexique) : fondatrice du Centre de soutien et de formation pour les travailleurs domestiques (Centro de Apoyo y Capacitación para Empleadas del Hogar, CACEH)

Marcelina Bautista, Centro de Apoyo y Capacitación para Empleadas del Hogar (CACEH), Mexique. © 2023 Marcelina Bautista

Marcelina Bautista, militante mexicaine pour les droits des travailleuses domestiques et fondatrice du premier syndicat national des travailleuses domestiques, est devenue travailleuse domestique à l’âge de 14 ans. Quand elle était employée de maison, Marcelina a été victime de mauvais traitements et d’exploitation et a décidé que les choses devaient changer. Depuis, elle est devenue une militante de premier plan pour les travailleuses domestiques au Mexique et a fondé CACEH, une organisation qui promeut leur bien-être et leurs droits. L’activisme de Marcelina, aux côtés d’autres organisations, a conduit à des victoires décisives pour les droits des travailleuse domestiques, notamment la ratification par le Mexique de la Convention 189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques. De l’adolescente dont les droits ont été bafoués à la combattante acharnée en lutte contre l’injustice, le parcours de Marcelina est un témoignage puissant du pouvoir de transformation de la résilience et de l’activisme, et une grande source d’inspiration.

"La Convention 190 est un texte fondamental pour la promotion des droits des travailleurs, en particulier des femmes, car il établit un cadre clair pour lutter contre la violence et le harcèlement au travail. Sa ratification peut améliorer la situation en fournissant une base juridique solide qui oblige les pays à mettre en œuvre des mesures de prévention et de protection. Cela renforce non seulement la sécurité de l’emploi, mais contribue également à faire bouger les paradigmes qui régissent le monde du travail et à promouvoir des environnements de travail plus équitables et plus sûrs pour toutes et tous.

De nombreux travailleuses domestiques ont été victimes de harcèlement, y compris de harcèlement sexuel, sur leur lieu de travail. Grâce à la ratification de la Convention 190, et à la publicité qui a été faite autour, notre pays peut et doit mettre en œuvre des mesures préventives et des protocoles de plainte. Ces actions peuvent déboucher sur un environnement plus sûr, notamment en faisant en sorte que les travailleur-euse-s domestiques se sentent capables de dénoncer le harcèlement.

Ces mesures et la promotion des droits du travail, en lien avec la Convention 190, peuvent avoir un impact tangible sur la vie des travailleur-euse-s en leur fournissant des outils pour lutter contre la violence basée sur le genre sur le lieu de travail et pour la prévenir."

Bijaya Rai Shrestha, directrice exécutive d’Aaprabasi Mahila Kamdar Samuha (AMKAS), Népal. © 2023 Bijaya Rai Shrestha

Bijaya Rai Shrestha (Népal) : directrice exécutive du Groupe de travailleuses migrantes rapatriées (Aaprabasi Mahila Kamdar Samuha, AMKAS)

Bijaya Rai Shrestha a vécu au Japon comme travailleuse migrante sans papiers avant de rentrer au Népal, où elle a décidé de consacrer sa vie à la promotion des droits des travailleuses migrantes. Bijaya a fondé AMKAS, une organisation non gouvernementale gérée par, et pour des femmes rapatriées, afin de soutenir les travailleuses migrantes népalaises. Avec AMKAS, Bijaya ne se contente pas de soutenir les femmes migrantes qui reviennent au pays et de leur donner des moyens d’action, mais elle milite également en faveur d’un changement systémique. Par son action elle marque le paysage des droits des travailleuses migrantes au Népal d’une empreinte indélébile.

"La violence basée sur le genre est la principale cause de souffrance pour la plupart des femmes migrantes, et cela a un impact sur leur vie et leur bien-être. En tant que responsable d’une organisation de femmes migrantes rapatriées, la sécurité et le bien-être des femmes migrantes sont ma priorité. Ma mission et mon objectif sont de voir un jour les femmes migrantes jouir de tous leurs droits humains fondamentaux, sans abus ni exploitation dans leur environnement du travail.

Nous avons travaillé très dur pour faire ratifier la Convention 189 sur les travailleuses et travailleurs domestiques [au Népal], car elle protège également les droits des travailleuses domestiques migrantes. Nous travaillons également pour faire adopter la Convention 190, qui protège non seulement les droits des travailleur-euse-s domestiques, mais fait également progresser de manière significative les droits des travailleurs migrants, en particulier des femmes. La ratification [de la Convention 190] protégera les femmes migrantes contre les abus et le harcèlement sexuels et contre l’exploitation sexuelle, ce qui améliorera la situation des travailleuses migrantes dans le monde du travail.

Je suis moi-même une migrante qui est retournée dans son pays. Les histoires désespérées des travailleuses domestiques migrantes m’ont incitée à être leur porte-parole depuis vingt ans. Je les ai écoutées, j’ai pleuré avec elles, je les ai aidées à s’unir et je les ai formées. Aujourd’hui, nous luttons ensemble pour nos droits, de niveau communautaire jusqu’à l’échelon national et même sur la scène internationale, où je peux voir l’impact concret de notre travail sur la lutte contre la violence basée sur le genre et sur la promotion des droits des femmes dans le monde du travail."

Baia Pataraia (Géorgie) : avocate spécialiste des droits de l’homme et directrice exécutive de Sapari

Baia Pataraia, avocate spécialiste des droits de l’homme et activiste, Tbilissi, Géorgie. © 2023 Baia Pataraia

Baia Pataraia est à l’avant-garde de la défense des femmes en Géorgie depuis plus d’une décennie. Elle dirige Sapari, une importante organisation de femmes basée à Tbilissi, et a fondé en 2014 le Mouvement des femmes géorgiennes, le plus grand groupe féministe informel du pays. Au ministère de la Justice, où elle a travaillé, et en tant que conférencière invitée depuis 2008, Baia a défendu les droits des femmes, organisant différentes activités de plaidoyer et campagnes sociales tout en intervenant en tant qu’experte nationale pour former des juges, des procureurs et des avocats sur les principales questions liées au genre et sur la loi anti-discrimination. Dans ce qui a été considéré comme la première affaire de harcèlement sexuel en Géorgie, l’organisation Sapari de Baia a représenté les intérêts d’une journaliste qui avait porté plainte contre son ancien patron et lui a permis d’obtenir gain de cause.

"Tout le monde a besoin d’un espace de travail sûr. La violence basée sur le genre, y compris le harcèlement sexuel, crée un environnement hostile sur le lieu de travail. Si l’employeur ne se préoccupe pas de la violence sexiste sur le lieu de travail et ne dispose pas d’une structure pour y remédier, il ne peut pas garantir un environnement de travail sûr. Je connais des femmes qui ont quitté leur emploi pour cause de harcèlement sexuel ; elles n’ont pas été en mesure de protéger leurs droits, on ne leur a jamais proposé de solutions au travail, alors elles sont parties, ce qui pose un sérieux problème.

Il y a plusieurs années, notre organisation, Sapari, a obtenu gain de cause dans la toute première affaire de harcèlement sexuel en Géorgie, alors qu’il n’existait même pas de dispositions légales interdisant le harcèlement sexuel. L’affaire était stratégique et a mis en évidence la nécessité de disposer d’une réglementation et d’organismes de contrôle sur les lieux de travail, à même de traiter tous les cas de discrimination et de violence. [Bien qu’aujourd’hui il y ait des lois], très peu de gens saisissent la justice. Malheureusement, on pense encore que les femmes devraient régler leurs problèmes sans impliquer leur employeur, la police ou les tribunaux."

Lita Anggraini (Indonésie) : coordinatrice, Réseau national de défense des travailleurs domestiques (Jaringan Nasional Advokasi Pekerja Rumah Tangga, Jala PRT)

Lita Anggraini, coordinatrice, Réseau national de défense des travailleurs domestiques (Jala PRT), Indonésie. © 2023 Lita Anggraini

Lita Anggraini est une militante pionnière en Indonésie qui a consacré plus de 30 ans à la défense des droits des travailleur-euse-s domestiques. Lita est membre fondateur de la Fédération internationale des travailleuses domestiques et coordinatrice de Jala PRT à Jakarta. Elle a contribué à la rédaction et à la promotion du projet de loi sur la protection des travailleur-euse-s domestiques, dont l’élaboration, en 2004, a marqué une avancée historique pour la reconnaissance et la protection des droits de près de 5 millions de travailleurs domestiques en Indonésie, qui sont les principaux soutiens de leur famille, et dont on estime que 80 % sont des femmes. Cependant, ce projet de loi est bloqué au parlement depuis 19 ans et, pour dénoncer cette situation, Lita a coordonné une grève de la faim à l’échelle nationale afin d’obtenir l’adoption de ce projet de loi qui n’a que trop tardé.

"Le travail domestique est l’un des plus anciens métiers du monde. Les travailleur-euse-s domestiques représentent une part importante de la main-d’œuvre dans l’emploi informel et font partie des groupes de travailleur-euse-s les plus vulnérables. Employé-e-s chez des particuliers, souvent sans conditions d’emploi claires, ils-elles ne sont pas enregistrés et sont exclus du champ d’application de la législation du travail.

Les travailleur-euse-s domestiques sont des travailleur-euse-s comme les autres. Ils fournissent des services essentiels. Mais ils sont exclus du droit du travail indonésien et n’ont pas accès aux droits du travail ou aux protections accordés à la main-d’œuvre.

Cinq millions de travailleurs domestiques [en Indonésie], dont la plupart sont des femmes, travaillent dans des conditions d’esclavage moderne. Ils-elles sont confronté-e-s à des conditions de travail parmi les plus pénibles et sont exposé-e-s à l’exploitation, à la violence, au harcèlement, à la traite des êtres humains et aux restrictions de la liberté de circulation. Ils-elles travaillent et vivent en ayant faim. Pendant ce temps, l’État est absent et laisse faire.

C’est pourquoi le Jala PRT mène une grève de la faim tournante devant le parlement pour protester et faire pression sur [les législateurs] pour qu’ils délibèrent et adoptent la loi sur les travailleur-euse-s domestiques.

Cette situation est injuste et inique : l’État demande aux travailleur-euse-s domestiques de faire un travail consistant à prendre soin des autres, mais il ne prend pas soin des travailleur-euse-s domestiques."

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