(Nyon, Suisse, le 17 décembre 2021) – L’Union des associations européennes de football (UEFA) devrait assumer ses responsabilités en matière de droits humains et remédier d’urgence aux lacunes et aux incohérences de sa nouvelle Stratégie de Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE) du football 2030 publiée hier, a déclaré aujourd’hui l’Alliance Sport & Droits (Sports & Rights Alliance, SRA). La stratégie a été approuvée par le Comité exécutif de l’UEFA sur la base de recommandations reçues dans le cadre d’un processus de consultation des parties prenantes inadéquat.
Cette stratégie ne répond pas aux responsabilités de l’UEFA en vertu des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme pour « protéger, respecter, réparer » les droits humains dans le cadre de ses opérations. Au lieu de cela, ces droits semblent être traités par l’UEFA uniquement comme une question de relations publiques.
« Quoi que prétende l’UEFA, sa stratégie relative aux droits humains n’a pas été élaborée sur la base d’un processus de consultation légitime et ne respecte aucune norme internationale ou européenne », a déclaré Minky Worden, directrice des Initiatives mondiales à Human Rights Watch. « La consultation des parties prenantes est un élément essentiel de l’élaboration d’une politique des droits humains. Ne pas écouter là où il y a de graves risques pour les droits humains signifie seulement que vous serez dans l’incapacité d’y faire face. Si vous ne savez pas où sont vos problèmes, vous avez un problème. »
La finale de la Ligue des champions 2022 de l’UEFA aura lieu à Saint-Pétersbourg en Russie, la finale de 2023 se jouera à Istanbul en Turquie et la finale de la ligue Europa 2023 aura lieu à Budapest. La stratégie de l’UEFA en matière de droits humains annoncée aujourd’hui ne précise pas comment elle abordera la liberté de la presse et la protection des journalistes.
Le Comité pour la protection des journaliste (CPJ) a fait savoir en juin 2021 que l’UEFA avait refusé leur accréditation à au moins six journalistes désireux de couvrir le Championnat d’Europe de football 2020 (désormais prévu en 2021), citant l’échec des journalistes en question à être accrédités par les autorités russes et azerbaidjanaises. A la suite de protestations, l’UEFA était ensuite revenue sur deux de ces décisions.
« Lorsque l’UEFA envisage d’organiser des tournois dans des pays qui musèlent régulièrement les médias indépendants, ce risque doit être pris en compte dans la planification et le problème résolu », a déclaré Tom Gibson, représentant pour l’Union européenne du Comité pour la protection des journalistes. « La liberté de la presse est absolument essentielle pour une évaluation complète et indépendante des faits concernant l’impact de l’UEFA. Le respect de la responsabilité sociale et environnementale est impossible si des militants et des journalistes sont arrêtés ou empêchés de faire leur travail. »
L’Alliance Sport & Droits a exprimé ses inquiétudes à plusieurs reprises durant le processus d’élaboration de la stratégie de l’UEFA en matière de droits humains, citant à la fois un manque d’engagement significatif avec des parties prenantes potentiellement concernées, et de dangereuses failles dans la décision de l’UEFA de ne pas consulter certains groupes impactés, tels que des syndicats de sportifs, des personnes LGBT+, des travailleurs, supporters et journalistes. Parce que le processus n’a pas été transparent, l’Alliance Sport & Droits ne le considère pas comme légitime et a demandé à être retirée de la liste des organisations participantes.
« Des milliers de travailleurs dépendent de l’UEFA et de ses évènements pour leur emploi, depuis les chaines d’approvisionnement fournissant les marchandises de l’UEFA jusqu’aux personnes employées dans le cadre des évènements eux-mêmes », a déclaré Tim Noonan, Directeur des campagnes et de la communication à la Confédération syndicale internationale. « Le manque de consultation et d’engagement de l’UEFA ne permet pas de garantir que les droits fondamentaux de ces travailleurs seront respectés. »
La FIFPRO, l’organisation mondiale qui représente les joueurs professionnels, n’a pas été consultée, pas plus que les syndicats ou les représentants de travailleurs. Dans le schéma « écosystème du football » de la Stratégie de l’UEFA pour 2030, les travailleurs ne sont pas mentionnés parmi les parties prenantes clefs.
L’UEFA est membre du Conseil consultatif de l’Alliance Sport & Droits Humains et s’est engagée à mettre en œuvre les principes Sporting chance, qui incluent l’engagement de donner aux personnes impactées par le sport une voix dans la prise de décision grâce à un engagement significatif et continu.
Après s’être engagée à respecter les droits humains, sa nouvelle Stratégie montre que l’UEFA a fait un pas en arrière significatif par rapport au progrès réalisé lorsqu’elle s’est engagée à inclure des critères relatifs aux droits humains dans le cadre du processus de candidature pour l’UEFA EURO 2024. Jusqu’à présent, l’UEFA n’a pas non plus précisé si les droits humains feront partie des critères de sélection pour l'UEFA EURO 2028.
L’Alliance Sport & Droits a écrit à l’UEFA à plusieurs reprises, le 7 septembre 2021, le 18 octobre et le 30 novembre pour exprimer sa préoccupation quant au manque de transparence et aux informations nécessaires pour avoir un processus de consultation significatif. Il lui a été répondu qu’il n’était pas possible d’ouvrir tout l’éventail des droits humains en raison de contraintes de calendrier.
« Sans supporters, joueurs, journalistes, travailleurs et autres parties prenantes, l’UEFA n’a pas de tournoi », a déclaré Andrea Florence, directrice par intérim de l’Alliance Sport & Droits humains. « Ce ne sont pas des groupes que vous pouvez simplement ignorer tout en élaborant soi-disant une stratégie en matière de droits humains. Un résultat qui respecte les droits humains ne peut être obtenu que par un processus qui respecte véritablement les droits humains. La consultation des personnes potentiellement impactées par les activités de l’UEFA ne peut pas se limiter à cocher des cases—il doit s’agir d’un processus continu, fondé sur l’ouverture et la transparence. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous avons vu de la part de l’UEFA. »
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