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La protection des défenseurs de l’environnement devrait être une question centrale lors des pourparlers sur le climat

Publié dans: OpenGlobalRights
Manifestation en faveur des droits des communautés autochtones lors de la conférence COP22 sur le changement climatique à Marrakech, en novembre 2016. © 2016 Katharina Rall / Human Rights Watch

Alors que les populations vivant aux Antilles, aux États-Unis et en Asie du Sud continuent de souffrir de l’impact dévastateur des inondations et des ouragans, les enjeux des pourparlers sur le changement climatique, prévus début novembre, sont considérables. Des délégués du monde entier vont se réunir à Bonn, en Allemagne, afin de poursuivre la discussion sur la manière dont l'accord de Paris, un accord historique sur le changement climatique adopté à Paris en 2015, devrait se traduire dans les politiques nationales et internationales.

Cette année, les défenseurs des droits humains, les populations autochtones, les groupes environnementaux, et les défenseurs des droits des femmes, demandent à leurs gouvernements d’assumer le leadership sur une problématique qui a souvent été négligée lors des discussions précédentes : incorporer les droits humains dans l’action en faveur du climat. Dans un moment véritablement historique, l’accord de Paris a été le premier accord multilatéral sur l’environnement à appeler explicitement les gouvernements à respecter et à promouvoir les droits humains, l’égalité des sexes et les droits des populations autochtones.

Les attaques et les menaces fréquentes à l’encontre des défenseurs des droits environnementaux dans le monde illustrent la raison pour laquelle les gouvernements ont besoin d’inclure la protection des droits dans leur politique sur le climat. D’après les rapports publiés par Global Witness et Front Line Defenders, le nombre de personnes tuées chaque année à cause de leur activisme environnemental est en augmentation. Harcèlement, menaces, et meurtres sont utilisés pour réduire au silence les défenseurs de l’environnement dans le monde.

En plus d’ignorer les attaques directes à l’encontre des personnes qui défendent l’environnement, certains gouvernements utilisent le droit dans le but de criminaliser les actions des défenseurs de l’environnement ou pour limiter leur marge de manœuvre. Par exemple, l’enquête de Human Rights Watch en Russie a montré comment les groupes qui acceptent les financements extérieurs et mènent des « activités politiques » sont vilipendés par le gouvernement et qualifiés « d’agents étrangers ». Les autorités ont défini le terme « activité politique » au sens très large afin d’inclure tout type d’activité visant à sensibiliser ou à informer.

En effet, depuis l’introduction de cette loi en 2012, le gouvernement russe a imposé ce label à plus de 20 groupes environnementaux. En deux occasions, les actions de sensibilisation du public se sont vues qualifiées « d’activité politique ». Ce fut notamment le cas concernant le soutien apporté à Evgeni Vitishko, un militant emprisonné pour avoir prétendument endommagé une palissade qui cachait une construction illégale dans une zone forestière protégée.

À moins que les gouvernements ne cessent de criminaliser les défenseurs de l‘environnement, ne les protègent, ne respectent les procédures juridiques et ne fassent preuve d’un engagement plus fort en faveur des droits humains, tous les efforts visant à protéger le climat seront aisément contrés.

Mais jusqu’à présent, les gouvernements ont été réticents à intégrer la protection des droits dans des sections clefs du « Rulebook » (ensemble de règles) de Paris, le document technique gouvernant la mise en œuvre  de l’accord de Paris. Inclure les droits humains dans les directives sur l’élaboration et la présentation des rapports concernant les « contributions déterminées au niveau national » (c.à.d., les plans d'action nationaux sur le changement climatique) pourrait aider à s’assurer que les actions des gouvernement en faveur du changement climatique respectent, protègent et favorisent les droits humains. De plus, alors que les fonds pour aider les pays à s’adapter au changement climatique et à mettre en œuvre les mesures pour l’atténuation sont alloués, les gouvernements ont besoin de s’assurer que les populations affectées puissent participer à la programmation, que leurs droits soient respectés, et que les fonds soient utilisés de manière transparente et responsable.

Mais les gouvernements ont été réticents à parler des droits humains dans les négociations sur le « rulebook » de Paris. Sur un plan technique, les négociations internationales sur le changement climatique sont largement centrées sur le partage du fardeau entre les États alors que le droit international relatif aux droits humains est traditionnellement axé sur la manière dont l’action gouvernementale peut nuire aux individus et aux communautés. Les grands pays émetteurs de carbone pourraient s’inquiéter du fait que le discours sur les droits humains va renforcer la probabilité qu’ils soient tenus responsables des conséquences du changement climatique. Les pays à revenu faible ou intermédiaire peuvent avoir l’impression que le droit relatif aux droits humains fait peser un fardeau excessif sur leurs épaules dans l’atteinte de leurs objectifs de développement, surtout lorsqu’on considère que la plupart d’entre eux n’ont pas contribué de manière significative au changement climatique mais qu’ils doivent en subir les conséquences. Sur un plan pratique, très peu de négociateurs sur le changement climatique ont reçu une formation sur les droits humains et les pays sont peu nombreux à compter un expert des droits humains au sein de leur délégation.

Cependant, aucun de ces obstacles n’est insurmontable et les gouvernements ont de bonnes raisons d’y parvenir. En tant que membres des Nations unies et signataires des principaux traités sur les droits humains, tous les pays représentés aux négociations internationales sur le changement climatique sont tenus de respecter le droit international relatif aux droits humains. En ne prenant pas en compte les droits humains dans leur politique climatique, ils vont systématiquement manquer à leurs obligations internationales en matière de droits humains.

Il sera également plus difficile de traiter à postériori des problématiques qui se posent en matière de droits humains que de prendre ces obligations en considération au cours de la phase de développement de ces règles. Inclure les droits dans le développement du « rulebook de Paris » renforcerait la cohérence et l’efficacité de leur politique. Enfin, mettre l’accent sur la protection des droits dans les politiques sur le climat va aider à protéger la vie et la santé de ceux qui travaillent à la protection du climat.

L’expert des Nations unies sur les droits humains, Michel Forst, a appelé l’année dernière les gouvernements à « écouter ceux qui tirent la sonnette d’alarme sur les désastres environnementaux, le changement climatique et l’exploitation irresponsable des ressources, et à ne pas les réprimer ». Les gouvernements qui se rencontrent à Bonn devraient prêter l’oreille à ses paroles.

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