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UA : L’Union Africaine doit insister pour que le Sénégal juge Hissène Habré

Les victimes de l’ex-dictateur tchadien dénoncent 3 années d’immobilisme quant à son procès

(Syrte, Libye) - Trois ans après l'immense espoir suscité par la décision de l'Union africaine de confier au Sénégal le jugement de Hissène Habré « au nom de l'Afrique », les victimes de l'ancien président tchadien et les organisations de défense des droits de l'Homme qui les soutiennent expriment leur profonde préoccupation face à l'inertie du Sénégal et à l'indifférence de l'Union africaine (UA).

L'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP), l'Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits de l'Homme (ATPDH), la Ligue tchadienne des droits de l'Homme (LTDH), la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO),  l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme (ONDH-Dakar), Human Rights Watch (HRW), la Fédération internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH) et Agir Ensemble pour les Droits de  l'Homme appellent les chefs d'Etat africains réunis à Syrte (Libye) pour le Sommet de l'Union africaine du 1 au 3 juillet à rappeler au Sénégal son engagement de juger Hissène Habré  et à soutenir concrètement le Sénégal dans cette affaire, conformément à leur décision.

En effet, la décision de l'UA du 2 juillet 2006 donne mandat au Sénégal de juger M. Habré « au nom de l'Afrique » et prévoit « d'apporter au Sénégal l'assistance nécessaire pour le bon déroulement et le bon aboutissement du procès ». Mais depuis, le Sénégal n'a entrepris aucune action significative pour débuter le procès et l'Union africaine ne lui a apporté aucune aide tangible.

« Il y a trois ans, l'Union africaine nous a donné l'espoir que M. Habré serait enfin traduit en justice. Mais de plus en plus de mes compagnons meurent sans que nous nous rapprochions du procès annoncé ! », a déclaré Clément Abaifouta, président de l'Association des Victimes des Crimes et Répressions Politiques au Tchad (AVCRP). « Est-ce que nos dirigeants soutiennent l'impunité ? Les victimes se posent la question. » En tant que prisonnier sous le gouvernement de Hissène Habré, Clément Abaifouta a été forcé d'enterrer plus de 500 codétenus.

« L'UA et le Sénégal se ridiculisent dans cette affaire et jettent le discrédit sur l'indépendance de la justice africaine », a déclaré Assane Dioma Ndiaye de l'Organisation Nationale des Droits de l'Homme basée à Dakar. « C'est honteux de la part de nos dirigeants de faire traîner ce dossier alors que c'est une occasion historique de montrer à la face du monde que l'Afrique est capable de lutter elle-même contre l'impunité. »

Devant l'immobilisme du Sénégal, le 16 septembre 2008, quatorze victimes ont déposé plainte auprès d'un procureur sénégalais, accusant Hissène Habré de crimes contre l'humanité et de torture, mais les autorités sénégalaises ont annoncé qu'elles ne prendraient aucune action tant que la totalité des fonds pour le procès, estimée à 27,4 millions d'euros, ne serait pas versée. Or l'Union européenne a déjà débloqué 2 millions d'euros pour la phase initiale de l'instruction mais elle attend depuis plus de deux ans que le Sénégal présente une proposition budgétaire raisonnable. Le Tchad a annoncé qu'il participerait à hauteur de 3 millions d'euros et plusieurs autres pays, comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et la Suisse ont déclaré qu'ils étaient prêts à soutenir financièrement le Sénégal. Seule l'Union africaine n'a pas répondu à l'appel du Sénégal.

Lors de son Sommet en janvier 2009 à Addis Abeba, l'Union africaine a lancé un appel aux Etats membres pour qu'ils contribuent au financement du procès. Malheureusement, cet appel est resté lettre morte.

« L'Union africaine et le Sénégal sont en passe de se rendre complice de l'impunité de Hissène Habré, c'est une honte pour l'Afrique ! », regrette Me Jacqueline Moudeina, avocate tchadienne des victimes et coordinatrice du Comité international pour le Jugement Equitable de Hissène Habré (CIJEHH). « L'alibi de l'absence de financement pour démarrer la procédure judiciaire est fallacieux. L'argent est disponible, le seul véritable problème c'est le manque de volonté politique ! »

« A l'UA, on s'offusque beaucoup de l'action de la justice pénale internationale contre des Africains mais le vrai problème c'est que la justice africaine est totalement impuissante devant les crimes de nos dirigeants », a déclaré Alioune Tine de la Rencontre Africaine pour la Défense des Droits de l'Homme (RADDHO) basée à Dakar. « L'affaire Habré est une occasion historique pour renverser cette tendance. »

Face aux lenteurs du Sénégal et suite aux menaces répétées du président sénégalais Abdoulaye Wade d'expulser Hissène Habré, la Belgique a décidé de porter plainte auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ) le 19 février dernier. La Belgique a demandé à la Cour d'ordonner au Sénégal de poursuive ou d'extrader M. Habré. Elle a également demandé à ce que M. Habré soit maintenu sur le territoire sénégalais tant que la Cour n'aura pas rendu son jugement. Le 28 mai, la CIJ a accepté l'engagement solennel du Sénégal de ne pas laisser Habré quitter son territoire tant que l'affaire sera pendante.

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