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(Dakar)- L’arrivée à Dakar d’une délégation de l’Union européenne (UE) pour assister le Sénégal dans la préparation du procès d’Hissène Habré, va donner un nouvel essor aux efforts entrepris pour traduire en justice l’ancien dictateur, ont déclaré aujourd’hui plusieurs organisations africaines et internationales de défense des droits humains.

Habré, qui a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 avant de se réfugier au Sénégal, est accusé de milliers de meurtres politiques, de torture systématique et de vagues de « nettoyage ethnique » durant l’exercice de son mandat. En juillet 2006, le Sénégal a accepté, à la demande de l’Union africaine, de juger Habré au Sénégal « au nom de l’Afrique ».

La délégation européenne, dirigée par Bruno Cathala, le Greffier de la Cour pénale internationale, arrive dimanche soir 20 janvier à Dakar à la suite d’une demande d’aide internationale pour préparer le procès émanant du Président du Sénégal, Me Abdoulaye Wade. Les experts de l’UE vont rencontrer les autorités ainsi que des membres de la société civile pour évaluer les besoins du Sénégal et proposer une aide technique et financière.

Les organisations de défense des droits humains ont soutenu l’appel du Sénégal à l’aide internationale et salué la visite des experts.

« Les défis sont considérables et le coût est élevé, mais si M. Habré obtient un procès équitable, cette affaire sera un précédent historique dans la lutte contre l’impunité », a déclaré Jacqueline Moudeina, Présidente de l’Association Tchadienne pour la Promotion et la Défense des Droits humains et avocate des victimes. « Les pays qui soutiennent la justice devraient aider le Sénégal à relever le défi. »

« L’engagement pris par le Sénégal de juger Hissène Habré constitue un précédent historique : c’est la première fois qu’un pays africain instruira et jugera des crimes massifs commis par un chef d’Etat étranger », a déclaré Reed Brody, conseiller juridique à Human Rights Watch.

Le gouvernement sénégalais a estimé le coût de l’instruction et du procès à 28 millions d’euros, et a indiqué la semaine dernière que 1 milliard de francs CFA (environ 1,5 millions d’euros) serait alloué au procès. Les organisations de défense des droits humains ont salué cette annonce tout en rappelant que le financement du procès n’est pas lié à la nomination d’un juge d’instruction qui devrait commencer son travail au plus vite. Elles ont également appelé le Sénégal à prendre les mesures juridiques nécessaires pour assurer la présence d’Hissène Habré au procès, comme l’exige la convention des Nations unies contre la torture.

« Cela fait 18 mois que le Sénégal a accepté de juger Habré. Il est urgent de lancer la machine judiciaire. Nous déplorons que le gouvernement du Sénégal n’ait toujours pas nommé de juge d’instruction. Rien ne l’empêche d’ouvrir une enquête demain », a déclaré Alioune Tine de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO). « Si Habré prend la tangente, le Sénégal va devoir s’expliquer devant l’Union africaine et les Nations unies ».

Outre l’Union européenne, un certain nombre de pays, à titre individuel, incluant la France et la Suisse, se sont publiquement engagés à aider le Sénégal.

En novembre dernier, les responsables du ministère de la justice sénégalaise ont promis aux avocats des victimes d’Hissène Habré qu’un juge d’instruction serait nommé pour instruire le dossier Habré « d’ici quelques mois ».

L’Union africaine a récemment nommé Robert Dossou, ancien ministre des Affaires étrangères du Bénin et ministre de la Justice, comme envoyé spécial pour le procès.

Les organisations de défense des droits humains ont noté que l’accord de partenariat stratégique signé en décembre au Sommet UE-Afrique à Lisbonne, déclare que « les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et de génocide ne sauraient rester impunis et leur poursuite judiciaire doit être assurée ».

En avril 2007, le Parlement européen a invité l’Union européenne « à encourager et à appuyer le gouvernement du Sénégal dans ses efforts en vue de préparer un procès rapide et équitable d'Hissène Habré, afin qu'il réponde devant la justice d'accusations de violation massive des droits de l'homme ».

En février, le Président sénégalais, Abdoulaye Wade, a promulgué de nouvelles lois permettant au Sénégal de juger des faits de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de torture, y compris commis en dehors du Sénégal, levant ainsi les obstacles juridiques au jugement d’Hissène Habré.

Historique

Hissène Habré a dirigé le Tchad de 1982 à 1990 jusqu’à son renversement par l’actuel président Idriss Déby Itno et sa fuite vers le Sénégal. Son régime de parti unique fut marqué par une terreur permanente, de graves et constantes violations des droits humains et des libertés individuelles et de vastes campagnes de violence à l’encontre de son propre peuple. Les archives de la police politique de Hissène Habré, découvertes par Human Rights Watch en 2001, révèlent les noms d’au moins 1208 personnes mortes en détention. Au total, 12 321 victimes de violations des droits humains ont été mentionnées.

Hissène Habré a d’abord été inculpé au Sénégal, en 2000, avant que la justice sénégalaise ne se déclare incompétente pour le juger. Ses victimes se sont alors tournées vers la Belgique et, après quatre années d’enquête, un juge belge a délivré, en septembre 2005, un mandat d’arrêt international accusant M. Habré de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et d’actes de torture. Conformément à la demande d’extradition formulée par la Belgique, les autorités sénégalaises ont arrêté M. Habré en novembre 2005.

Lorsqu’un tribunal sénégalais a refusé de statuer sur la requête d’extradition, le gouvernement sénégalais a demandé à l’Union africaine de se prononcer sur « la juridiction compétente » pour juger M. Habré. Le 2 juillet 2006, l’Union africaine, s’appuyant sur les recommandations du Comité des Éminents Juristes Africains, a demandé au Sénégal de juger Hissène Habré « au nom de l’Afrique », ce que le Président Wade, a accepté.

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