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Il faut transférer un commandant de la LRA à la Cour pénale internationale

Dominic Ongwen devrait en outre bénéficier d’un accès immédiat à un avocat

(Nairobi, le 10 janvier 2015) – Les États-Unis, l'Ouganda et la République centrafricaine devraient assurer le transfert rapide d'un commandant rebelle de l’Armée de résistance du seigneur (Lord’s Resistance Army, LRA) à la Cour pénale internationale (CPI), a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. En 2005, la CPI a émis un mandat d'arrêt à l’encontre de Dominic Ongwen pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

Le 6 janvier 2015, des conseillers militaires américains travaillant avec la Force régionale d’intervention de l'Union africaine (UA) en République centrafricaine ont placé Ongwen en garde à vue. La Force régionale d’intervention de l'UA se compose presque entièrement de militaires ougandais. Les autorités américaines, ougandaises et centrafricaines négocient actuellement le sort d’Ongwen, selon les médias. Il devrait immédiatement avoir accès à un avocat et pouvoir communiquer dans une langue qu'il comprend, a déclaré Human Rights Watch.

« Avec Dominic Ongwen en garde à vue, la porte est ouverte pour que les victimes de crimes de la LRA obtiennent en partie la justice attendue depuis longtemps », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Ongwen devrait être rapidement transféré à la CPI, qui a émis un mandat pour son arrestation. »

Originaire de Gulu, dans le nord de l'Ouganda, Ongwen était un commandant de la LRA. Ce groupe armé dirigé par le seigneur de guerre ougandais Joseph Kony a tué, mutilé et enlevé des milliers de civils, dont de nombreux enfants, dans des régions reculées du nord de l'Ouganda, du nord-est de la République démocratique du Congo, du Soudan du Sud (précédemment le sud du Soudan), et de la République centrafricaine depuis plus de deux décennies. En décembre 2003, le président ougandais Yoweri Museveni a déféré la situation de la LRA à la CPI, qui a ouvert une enquête sur la situation dans le nord de l'Ouganda et a émis des mandats d’arrêt à l’encontre d’Ongwen et de quatre autres dirigeants de la LRA, notamment Joseph Kony, en 2005. Depuis lors, trois suspects auraient été tués. Kony est toujours en fuite.

Ongwen a été lui-même enlevé et enrôlé dans les rangs de la LRA à l’âge de 10 ans, alors qu'il était sur le chemin de l'école. Des hauts dirigeants de la LRA lui ont donné une formation militaire et il a fini par être connu comme l'un des commandants les plus impitoyables. Après que les forces ougandaises eurent chassé la LRA hors du nord de l'Ouganda en 2005 et 2006, des combattants qui auraient été sous le commandement d’Ongwen, ainsi que d'autres forces de la LRA, ont commis des attaques brutales et terrorisé les communautés dans les districts du Bas-Uélé et du Haut-Uélé de la RD Congo pendant plusieurs années.

Les États-Unis avaient offert une récompense allant jusqu’à 5 millions de dollars US pour toute information menant à l'arrestation d’Ongwen. Bien que ce pays ne soit pas partie à la CPI, il peut fournir une assistance relative au transfert à la Cour d’Ongwen et d'autres suspects recherchés par la CPI. Une action de ce type a déjà été menée en 2013 quand un autre fugitif de la CPI, Bosco Ntaganda, un ancien général de l'armée congolaise et chef de guerre, s’est présenté à l'ambassade américaine à Kigali, au Rwanda. La République centrafricaine et l'Ouganda sont tous les deux membres de la CPI, ayant donc l'obligation de coopérer avec la CPI dans le cadre du traité fondateur de la CPI, le Statut de Rome.

Selon le Statut de Rome, la CPI ne poursuit des affaires que lorsque les tribunaux nationaux n’ont pas la capacité ou la volonté d’entamer de poursuites. Une fois qu'une affaire a été reprise par la Cour, comme dans le cas d’Ongwen, elle ne reviendrait aux juridictions nationales qu’en cas d’exception d'irrecevabilité, selon laquelle un État est en mesure de prouver qu’il mène déjà une enquête et des poursuites à l’encontre du suspect pour les mêmes crimes.

En 2011, l'Ouganda a créé une unité judiciaire, la Division des crimes internationaux (International Crimes Division), ayant le pouvoir de juger les crimes graves commis en violation du droit international. Dans le même temps, une amnistie générale pour toute personne qui « renonce et abandonne ... la rébellion » reste en vigueur dans le pays. Cela a soulevé des questions quant à l'engagement du gouvernement à poursuivre les crimes graves commis dans le nord de l'Ouganda.

« La justice pour les victimes de la LRA et une procédure équitable pour Ongwen devraient être la priorité en ce moment », a déclaré Daniel Bekele. « Les autorités qui négocient l'avenir d’Ongwen devraient respecter le mandat d’arrêt de la CPI. La place d’Ongwen est à La Haye, et tout pays qui cherche à le poursuivre devrait alors soulever la question auprès de la CPI. »

Parmi les suspects faisant l’objet accusations émises par la CPI, Ongwen est considéré comme le seul ayant été enlevé en tant qu’enfant. Des poursuites judiciaires contre Ongwen soulèveraient des questions importantes concernant un accusé qui était lui-même un ancien enfant soldat, même si les crimes dont Ongwen est accusé ont été commis à l'âge adulte. L'enlèvement d’Ongwen était un crime de guerre. Il a été privé de soins parentaux et a passé des années pendant lesquelles se développe la personnalité sous le contrôle d'un groupe connu pour son extrême brutalité. Ce sont des circonstances atténuantes qui devraient être prises en compte lors de la prononciation du verdict dans l’éventualité d’un procès et d’une condamnation, et elles peuvent également être pertinentes pour sa défense juridique.

« Dominic Ongwen est à la fois une victime et un responsable présumé d’atrocités commises par la LRA », a conclu Daniel Bekele. « La procédure judiciaire doit prendre en compte non seulement ses crimes présumés, mais également l'endoctrinement brutal d'enfants par la LRA et son impact potentiel sur Ongwen. »
 

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