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Mauritanie

Événements de 2019

Manifestation de bacheliers mauritaniens à Nouackchott, en octobre 2019, contre une mesure gouvernementale qui fixerait à 24 ans l’âge maximum pour s’inscrire à une université publique. Certains d’entre eux tiennent des pancartes où est inscrite la phrase « L'éducation est un droit pour tous ».

© 2019 Mohamed Maa al-Einein Sid El-Kheir

L’ancien ministre de la Défense, Mohamed Ould Ghazouani, a remporté l’élection présidentielle en juin, succédant à Mohamed Ould Abdel Aziz qui avait déjà effectué deux mandats. Le président sortant Abdel Aziz, arrivé au pouvoir en 2008 suite à un coup d’État, ne s’était pas représenté en 2019. S’efforçant d’écraser les protestations contre la victoire de Ghazouani au premier tour, soutenu par Abdel Aziz, les autorités ont placé en détention sans inculpation des leaders pro-opposition et arrêté des dizaines d’activistes de l’opposition, libérant la plupart d’entre eux mais condamnant les autres à des peines de prison. Le lendemain des élections, les autorités ont également suspendu les services de téléphonie mobile et fixe, et ce pendant dix jours.

Les autorités se sont servies de lois pénalisant la diffamation, la diffusion de « fausses informations » et le blasphème afin de poursuivre et d’emprisonner des défenseurs des droits humains, des activistes, des blogueurs et des opposants politiques.

Enfin l’esclavage n’a toujours pas été éliminé, en dépit des multiples lois qui l’interdisent et des tribunaux spéciaux chargés de juger ceux qui réduisent des personnes en esclavage.

Liberté d’expression

Les procureurs se servent d’une législation répressive, notamment de la criminalisation de la diffamation et de définitions très larges du terrorisme et de l’« incitation à la haine raciale », afin de censurer et de poursuivre les opposants pour des discours non violents. Une loi contre la discrimination adoptée en 2017 dispose dans son article 10 : « Quiconque encourage un discours incendiaire contre le rite officiel de la République islamique de Mauritanie sera puni d’un à cinq ans d’emprisonnement. »

Le 1er février, les autorités ont abandonné les poursuites contre l’activiste Abdallahi Salem Ould Yali et l’ont remis en liberté. Il était emprisonné depuis janvier 2018, inculpé d’incitation à la violence et à la haine raciale en vertu du code pénal, de la loi antiterrorisme et de celle sur la cybercriminalité. Yali avait été arrêté pour des messages sur WhatsApp où il appelait les Haratines, le groupe ethnique auquel il appartient, à résister à la discrimination et à réclamer le respect de leurs droits.

Le 22 mars, les autorités ont de même arrêté deux blogueurs, Abderrahmane Weddady et Cheikh Ould Jiddou, pour leurs publications Facebook critiquant la corruption, et les ont accusés de diffuser sciemment de fausses informations à propos de fonds mauritaniens qui, d’après eux, auraient été gelés aux Émirats arabes unis. Les deux hommes sont connus pour leurs critiques dirigées contre les dirigeants mauritaniens, notamment au sujet de délits présumés commis par l’ancien président Mohamed Ould Abdel Aziz. Les autorités ont accordé à Weddady et Ould Jiddou la mise en liberté avant le jugement, tout en confisquant leurs documents de voyage. À l’heure de la rédaction de ce rapport, aucune date n’avait été fixée pour ces procès.

Le 23 juin, le gouvernement a coupé les connexions Internet mobiles, et ce pendant dix jours. Même si Internet était toujours accessible depuis certains bureaux et entreprises, la plupart des Mauritaniens, qui comptent sur leur téléphone pour se connecter, ne pouvaient plus aller sur Internet. Les autorités ont justifié cette coupure en disant qu’elle était nécessaire du point de vue de la sécurité.

Le 29 juillet, les autorités ont libéré le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir, qui était en prison pour une affaire de blasphème depuis cinq ans et demi. Les autorités l’avaient arrêté en janvier 2014 pour avoir dénoncé l’instrumentalisation, selon lui, de l’islam afin de justifier la discrimination de caste en Mauritanie. Au départ un tribunal l’avait condamné à mort pour blasphème. Une cour d’appel a transformé la peine en deux ans de prison, qu’il avait déjà purgés. Mais au lieu de le libérer, les autorités l'ont maintenu arbitrairement en détention pendant 21 mois supplémentaires, à l’isolement, officiellement pour le protéger, puis l’ont transféré directement hors du territoire. Au moment où nous écrivons, il avait demandé asile en France.

En octobre, des bacheliers et étudiants ont manifesté à Nouakchott à plusieurs reprises contre un règlement de 2018 empêchant les bacheliers ayant atteint l’âge de 25 de faire une première inscription à l’université publique – règlement qui apparemment affectait de façon disproportionnée les bacheliers de faible revenu. La police a dispersé les manifestants, en faisant apparemment usage d’une force excessive à plusieurs occasions. Le 6 novembre, le gouvernement a suspendu cette règle discriminatoire pour l’année universitaire 2019-2020.

Liberté d’association

La loi sur les associations de 1964, très restrictive, exige que les associations obtiennent l’autorisation formelle d’opérer légalement et donne au ministère de l’Intérieur des pouvoirs étendus pour refuser cette autorisation en invoquant des motifs vagues tels qu’une « propagande antinationale » ou une « influence fâcheuse sur l’esprit des populations ».

Le ministère a ainsi refusé la reconnaissance légale à plusieurs associations qui font campagne sur des sujets controversés, telles que l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) et « Touche pas à ma nationalité », qui accuse le gouvernement de discriminer les personnes noires lors du processus d’enregistrement à l’état civil. Des membres de l’IRA, notamment son chef de file, Biram Dah Abeid, ont subi arrestations et harcèlements.

Des représentants de Human Rights Watch ont pu mener leurs recherches sans entraves en Mauritanie en 2019, mais n’ont pas pu rencontrer de représentants de l’État de haut niveau. Les responsables de l’aéroport de Nouakchott, en mars 2019, ont empêché une délégation d’Amnesty International d’entrer dans le pays, invoquant l’absence d’« autorisation ».

Liberté de déplacement

En octobre, les autorités mauritaniennes ont délivré un passeport à Mohamedou Ould Slahi, trois ans après son retour en Mauritanie et après qu’il a passé plus de 14 ans en arbitrairement détenu en Jordanie, en Afghanistan et dans le centre de détention de Guantanamo, géré par les États-Unis. Mohamedou a confié qu’après sa longue détention, il avait besoin de soins médicaux qui ne sont pas possibles en Mauritanie.

Opposition politique

Dans le sillage de l’élection présidentielle du 22 juin 2019 et des manifestations qui ont suivi, dont certaines ont débouché sur des affrontements avec les forces de sécurité, les autorités mauritaniennes ont temporairement détenu des personnalités publiques pro-opposition et des dizaines d’activistes de l’opposition qui clamaient que les résultats officiels étaient frauduleux.

Le ministère de l’Intérieur a annoncé le 25 juin que les forces de sécurité avaient arrêté une centaine de manifestants. Les autorités ont libéré certains d’entre eux, mais d’autres demeuraient détenus, accusés d’avoir pris part à des manifestations non autorisées, de destruction de biens publics et de perturbation de l’ordre public. Les tribunaux ont condamné au moins 13 manifestants à six mois de prison. En novembre, les autorités ont libéré toutes les personnes qui restaient détenues en lien avec les manifestations électorales. 

Le 25 juin, trois jours après l’élection présidentielle, les autorités ont arrêté Samba Thiam, un militant de l’opposition qui travaille avec un candidat de l’opposition et a fondé le parti politique non reconnu Forces progressistes pour le changement. Elles l’ont libéré sans inculpation le 3 juillet. Thiam a déclaré que les autorités avaient exigé qu'il signe un engagement à renoncer à toute activité et discours « faisant la promotion de la violence et des opinions extrêmes », ce qu’il a nié avoir jamais fait.

Par ailleurs les autorités ont arrêté le 26 juin le journaliste Seidi Moussa Camara, dont les écrits sont critiques envers les autorités, mais l’ont libéré sans inculpation le 3 juillet. Camara est un allié du groupe anti-esclavage Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), dont le leader, Biram Dah Abeid, est arrivé second lors de l’élection.

Le 3 juillet, des agents des forces de l’ordre ont arrêté le journaliste Ahmedou Ould Wedia, de la chaîne de télévision Al-Mourabitoun. Il a été interrogé par un procureur avant d’être libéré sans inculpation le 15 juillet. Wedia est dit proche du parti d’opposition Tawassoul, dont le candidat est arrivé troisième lors du scrutin.

Esclavage

La Mauritanie a aboli l’esclavage en 1981 – c’est le dernier pays à l’avoir fait – et l’a criminalisé en 2007. L’Indice mondial de l’esclavage, qui mesure le travail forcé et le mariage forcé, estime que 90 000 personnes vivent en un état d’« esclavage moderne » en Mauritanie, soit 2,4 % de la population. Trois tribunaux spéciaux poursuivent les crimes liés à l’esclavage, mais depuis qu’ils ont été créés via une loi de 2015, ils n’ont jugé que quelques affaires. D’après le rapport 2019 du département d’État des États-Unis sur le trafic d’êtres humains, la Mauritanie a procédé à quatre enquêtes judiciaires et poursuivi un trafiquant présumé, mais n’en a condamné aucun. Neuf procès en appel étaient en cours devant le tribunal anti-esclavage.

Peine de mort

Les lois mauritaniennes infligent la peine de mort pour diverses infractions, y compris, sous certaines conditions, le blasphème, l’adultère et l’homosexualité. Un moratoire de fait demeure en vigueur sur la peine capitale et sur les châtiments corporels inspirés de la charia islamique et présents dans le code pénal.

Droits des femmes

La loi 2017 sur la santé procréative la reconnaît comme un droit, pourtant la Mauritanie a maintenu son interdiction de l’avortement. Le code général de protection de l’enfance pénalise la mutilation génitale féminine (MGF), mais selon les Nations unies, elle existe toujours, surtout dans les communautés rurales.

La loi mauritanienne ne définit pas suffisamment le crime de viol et les autres formes d’agression sexuelle, même si un projet de loi sur la violence liée au genre, contenant des définitions plus spécifiques, était en attente devant le Parlement. La criminalisation des relations sexuelles consensuelles entre adultes en dehors du mariage dissuade probablement les filles et les femmes de dénoncer les agressions, puisqu’elles peuvent se trouver elles-mêmes inculpées si la justice estime que l’acte sexuel en question était consensuel.

Les lois mauritaniennes sur le divorce, la garde des enfants et l’héritage sont discriminatoires envers les femmes.

Orientation sexuelle

L’article 308 interdit les comportements homosexuels entre musulmans majeurs et les punit de mort s’il s’agit de deux hommes. On ne connaît aucun cas rendu public de personnes emprisonnées pour homosexualité et personne n’a été condamné à mort en 2019 pour comportement homosexuel.

Principaux acteurs internationaux

La Mauritanie est un membre du G5 Sahel, une alliance de cinq pays qui coopèrent sur la sécurité, notamment la lutte contre le terrorisme, dont le siège est à Nouakchott. À compter du 1er janvier 2019, la Mauritanie a perdu les avantages des préférences commerciales que lui accordaient les États-Unis en vertu de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), car « la Mauritanie a fait des progrès insuffisants pour combattre le travail forcé, en particulier la plaie qu’est l’esclavage héréditaire [... et] continue à restreindre la capacité de la société civile à travailler librement en faveur de la lutte contre l’esclavage ».

Le 17 octobre 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies a validé la candidature de la Mauritanie pour siéger au Conseil des droits de l’homme de 2020 à 2022.