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Égypte : Nouvelles mesures pour écraser la dissidence

Une accélération des mesures visant à renforcer le pouvoir autoritaire a été constatée en 2018

Des policiers égyptiens surveillent une rue d’El-Arish, la capitale provinciale du Nord-Sinaï, le 26 juillet 2018.  L'armée a mené plusieurs opérations contre des insurgés djihadistes dans cette région. © 2018 Khaled Desouki/AFP/Getty Images

(Beyrouth, le 17 janvier 2019) – En 2018, les autorités égyptiennes se sont servies de plus en plus souvent du prétexte de la lutte contre le terrorisme ainsi que des lois sur l'état d'urgence pour réprimer la dissidence pacifique, notamment en poursuivant des journalistes et  défenseurs des droits humains, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui dans son Rapport mondial 2019.

Le président Abdel Fattah al-Sissi a été réélu pour un second mandat aux élections de mars dans un contexte largement contrôlé et inéquitable. Et le Parlement a publié une nouvelle série de lois extrêmement restrictives sur les médias afin de faire taire les dernières critiques internes à l’égard de son régime autocratique.

« Utiliser la lutte antiterroriste pour écraser toutes les formes de dissidence pourrait être la marque de fabrique de l'Égypte en 2018 », a déclaré Michael Page, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord au sein de Human Rights Watch. « Il n’existe tout simplement plus de marge de manœuvre suffisante pour défier pacifiquement le gouvernement sans être arrêté et poursuivi injustement en tant que « terroriste ». »

Rapport mondial (ANG) complet >> Rapport mondial (FRA) abrégé >>
Dans la 29e édition de son Rapport mondial annuel (version intégrale en anglais 674 pages  – version abrégée en français 233 pages), Human Rights Watch examine les pratiques en matière de droits humains dans plus de 100 pays au cours de l’année 2018. Kenneth Roth, le directeur exécutif, affirme dans son essai introductif que les populistes qui répandent la haine et l'intolérance dans de nombreux pays sont confrontés à une résistance croissante. De nouvelles alliances de gouvernements respectueux des droits, souvent inspirées et rejointes par des organisations de la société civile et par le public, sont en train d’accroître le prix à payer pour les abus commis par des dirigeants autocratiques. Les succès de leurs démarches illustrent la possibilité de défendre les droits humains - voire la responsabilité de le faire – y compris aux heures les plus sombres.

L’Agence de sécurité nationale, qui dépend du ministère de l’Intérieur, ainsi que la police ont procédé à des disparitions forcées systématiques et généralisées ainsi qu’à la torture de détenus. La campagne indépendante « Halte à la disparition forcée » a répertorié 230 cas de disparition forcée entre août 2017 et août 2018.

Les autorités ont placé des centaines de personnes et d’entités sur la liste de terrorisme du pays et ont saisi leurs biens pour cause de liens présumés avec le terrorisme sans audience ni procédure régulière.

À la fin des mois de janvier et février, les forces de sécurité ont procédé à une série d'arrestations arbitraires dans le cadre d'une répression grandissante à l’encontre des opposants politiques pacifiques contre al-Sissi avant le vote présidentiel. Parmi les personnes arrêtées, figuraient celles qui avaient appelé au boycott du processus, tels que le candidat à la présidence de 2012 et le président du parti Égypte forte, Abdel Moneim Aboul Fotouh. Il est toujours en détention provisoire malgré une maladie cardiaque.

Une vague d'arrestations en mai a touché plusieurs personnes, dont Hazem Abd al-Azim, activiste politique ; Wael Abbas, éminent défenseur des droits humains ; Shady al-Ghazaly Harb, chirurgien ; Amal Fathy, une activiste ; et l’humoriste satirique Shady Abu Zaid. Une autre série d'arrestations en août a inclus un ancien ambassadeur, Ma’soum Marzouk, qui a appelé à un référendum public pour la démission d'al-Sissi. En octobre et novembre, les autorités ont arrêté au moins 40 militants des droits humains et volontaires, dont plusieurs étaient impliqués dans la Coordination égyptienne pour les droits et libertés, une organisation indépendante. Les autorités ont fait disparaître le dirigeant de cette organisation, Ezzat Ghoniem, depuis septembre.

Les autorités ont également continué d’engager des poursuites contre un grand nombre des principaux militants et organisations de défense des droits humains du pays dans « l'affaire 173 de 2011 », connue sous le nom de « affaire de financement extérieur ». La rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit au logement, qui s'est rendue en Égypte en septembre, a déclaré que le gouvernement avait procédé à des démolitions de maisons, à des arrestations, pour exercer des représailles contre des citoyens ayant coopéré avec son équipe.

En 2018, les tribunaux égyptiens ont condamné des centaines de personnes à la peine capitale, lors de procès de grande ampleur présentant des vices de forme, dans des affaires de violence politique et de liens au terrorisme présumés. Les cours d'appel civiles et militaires ont confirmé au moins 51 condamnations à mort. En outre, les autorités ont procédé à au moins 46 exécutions dans d’autres affaires. Les autorités ont poursuivi des centaines de civils devant les tribunaux militaires et de sécurité de l'État, qui ne respectent pas les normes minimales de procédure régulière.

La loi restrictive 80 de 2016 sur la construction d'églises a permis, en 2018, de légaliser sous condition un petit nombre d'églises fonctionnant sans permis officiel, mais les restrictions à la construction d'églises restent largement en place. Les autorités ont obligé 14 églises à fermer en 2018, a révélé l'organisation Initiative égyptienne pour les droits de la personne.

En mai, les autorités ont organisé les premières élections syndicales en Égypte en 12 ans, laissant ainsi à la Fédération des syndicats égyptiens (FSE), affiliée au gouvernement, le contrôle effectif des syndicats. Un groupe de défense des droits a déclaré que le gouvernement avait exclu des centaines de candidats non alignés avec le gouvernement.

Dans le nord du Sinaï, où les forces gouvernementales ont combattu un groupe affilié à l'État islamique appelé « Province du Sinaï » (Wilayat Sinai), l'armée a commis des violations flagrantes équivalentes dans certains cas à une punition collective. À partir de janvier, l'armée a lancé la vague de démolitions de maisons la plus intensive dans le Sinaï depuis des années, détruisant au moins 3 600 maisons et autres bâtiments.

Les alliés internationaux de l’Égypte continuent de se concentrer sur la coopération dans les domaines du terrorisme et des migrations, tout en émettant rarement des critiques publiques. Lors de la visite d'Al-Sissi à New York en septembre dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, a déclaré qu'al-Sissi avait accompli « un travail exceptionnel » dans la lutte contre le terrorisme.

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