Le Liban a élu un président le 31 octobre 2016, mettant fin à une vacance du pouvoir présidentiel de 29 mois pendant lequel les institutions politiques sont restées paralysées. Un projet de loi visant à améliorer le traitement des travailleurs domestiques migrants a été bloqué au parlement. Le gouvernement n’a pas pris de mesures pour mettre fin aux dispositions discriminatoires encore en vigueur dans les lois libanaises sur le statut personnel.
L’incapacité du gouvernement à fournir des services élémentaires, dont le ramassage des ordures, continue à soulever des vagues de manifestations. Certains manifestants ont été poursuivis devant des tribunaux militaires alors que d’autres, qui se sont exprimés contre le gouvernement, ont été poursuivis pour diffamation au pénal. Les détenus ont continué à subir des mauvais traitements et des tortures. Toutefois, en octobre, le parlement a pris une mesure à saluer, consistant dans la création d’un Institut national des droits humains et l’établissement d’un mécanisme de prévention contre la torture.
Alors que la crise des réfugiés syriens s’est poursuivie, les nouvelles politiques d’autorisations de séjour introduites en janvier 2015 ont causé la perte de leur statut légal pour ’environ 70 pour cent des Syriens, restreignant ainsi leur liberté de mouvement, leur capacité à trouver du travail, leur accès aux soins de santé et leur possibilité de scolariser leurs enfants. Avec un soutien international limité, le gouvernement a eu beaucoup de difficultés à répondre aux besoins des réfugiés.
Détentions provisoires prolongées, mauvais traitements et torture
Dans un climat de menaces sécuritaires persistantes, les suspects arrêtés ont fait l’objet de longues périodes de détention provisoire et ont témoigné avoir été victimes de mauvais traitements et de torture. Suite au décès d’un détenu à la prison de Roumieh le 25 mai, les détenus ont lancé un mouvement de protestations alléguant un manque de soins.
En octobre, le parlement a adopté une législation visant à établir un mécanisme national de prévention pour surveiller et enquêter sur l'utilisation de la torture, comme le prévoit le Protocole facultatif à la Convention contre la torture que le Liban a ratifié en 2008.
Hannibal Kadhafi, fils du défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, est demeuré en détention « préventive » depuis décembre 2015. Il fait face à des accusations de rétention d’informations prétendument au sujet de la disparition de l’imam Moussa Sadr en 1978. L’avocat de Kadhafi a exprimé des inquiétudes concernant une possible extradition vers la Lybie, où Kadhafi risquerait emprisonnent et torture.
Liberté de réunion, liberté d’expression et recours aux tribunaux militaires
Alors que la liberté d'expression est généralement respectée au Liban, diffamer ou critiquer le président ou l'armée libanaise est considéré comme un acte criminel. Le 22 août 2016, une femme a été condamnée par un tribunal militaire à un mois de prison pour avoir « offensé l'institution militaire » suite à ses accusations selon lesquelles des membres du service de renseignement militaire l’avaient violée et torturée durant sa détention en 2013. De telles mesures de rétorsion peuvent dissuader d'autres victimes de signaler des abus.
Le code pénal libanais criminalise également la diffamation et la calomnie à l’encontre des fonctionnaires publics, autorisant des peines de prison allant jusqu’à un an. Le 30 mai 2016, les autorités libanaises ont arrêté Nabil al-Halabi, un avocat et militant des droits humains, pour avoir publié un message sur Facebook critiquant des responsables du gouvernement. Il a été détenu pendant trois jours puis relâché après avoir signé un « document de soumission ».
Quatorze manifestants, arrêtés en 2015 pour avoir participé à des manifestations contre l’incapacité du gouvernement à résoudre la crise des ordures ainsi que contre la corruption, ont été référés à des tribunaux militaires pour émeute et actes de violence et de destruction de biens. Leurs procès sont prévus pour janvier 2017. S’ils sont reconnus coupables, ils encourent jusqu’à trois ans de prison. En règle générale, les tribunaux militaires ne respectent pas les normes internationales en matière de procès équitable ; l’on ne devrait donc pas y avoir recours pour poursuivre des civils pour des infractions pénales.
Travailleurs migrants
Environ 250 000 travailleurs domestiques migrants, provenant principalement du Sri Lanka, d’Éthiopie, des Philippines et du Népal, ne sont pas couverts pas le droit du travail libanais. Ils sont soumis au système de « kafala » (parrainage) qui leur impose des règles d’immigration restrictives et les expose à des risques d’exploitation et d’abus.
Les plaintes les plus courantes documentées par les ambassades des pays d’origine de ces travailleurs et par les organisations de la société civile comprennent le non-paiement et le retard du paiement des salaires, la réclusion forcée sur les lieux du travail, le refus d’accorder des jours de congé et des abus verbaux et physiques. Les travailleurs domestiques migrants qui poursuivent leurs employeurs en justice pour des abus font face à des obstacles juridiques et risquent la détention et la déportation en raison du système restrictif des visas. Plusieurs travailleurs domestiques au Liban se sont suicidés ou ont tenté de le faire en 2016.
Droits des femmes
Malgré la participation active des femmes dans tous les domaines de la société libanaise, des dispositions discriminatoires sont encore en vigueur dans les lois sur le statut personnel, les lois sur la nationalité et le code pénal.
Un manque de coordination dans la réponse du gouvernement à la traite sexuelle continue à exposer les femmes et les filles à des risques d’exploitation et d’abus. Les femmes syriennes semblent être particulièrement exposées à la prostitution forcée et à l’exploitation sexuelle pratiquées par des réseaux de trafic d’êtres humains à des fins sexuelles. En mars 2016, les agents de sécurité ont libéré de deux maisons closes non moins de 75 femmes syriennes. Bien que la loi du pays contre la traite des êtres humains promulguée en 2011 ordonne au Ministère des affaires sociales de créer un fonds pour les victimes, le Ministère n’a pas encore agi dans ce sens.
Promulguée en 2014, la Loi sur la protection des femmes et des membres de la famille contre la violence conjugale a institué des mesures de protection importantes ainsi que des réformes concernant la police et les tribunaux, mais elle ne criminalise pas toutes les formes de violence domestique, dont le viol conjugal. La loi prévoyait la mise en place de services de lutte contre la violence familiale au sein de la police ainsi qu’un fonds d'aide aux victimes de violence domestique, ce qui n’a pas encore été accompli. Certaines femmes continuent de faire face à des obstacles dans l’instruction de plaintes criminelles pour violences conjugales, notamment les délais très longs. En 2016, un homme inculpé pour avoir battu sa femme à mort a été condamné à seulement trois ans et neuf mois de prison. L’affaire était en appel au moment de la rédaction du présent rapport.
Selon les 15 différentes lois libanaises relatives au statut personnel, qui s’appliquent en fonction de l’appartenance religieuse de l’individu, les femmes continuent de subir des discriminations, y compris l’inégalité dans l’accès au divorce, à la garde des enfants et aux droits de propriété. Contrairement aux hommes libanais, les femmes libanaises ne peuvent pas transmettre leur nationalité à des maris étrangers et à leurs enfants et continuent d’être soumises à des lois discriminatoires concernant les droits de succession.
Orientation sexuelle et identité de genre
Le code pénal libanais criminalise les relations sexuelles hors mariage (tant l’adultère que la « fornication »). De plus, l’article 534 du code pénal punit « les relations sexuelles contre nature » d’une période d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an. Au cours des dernières années, les autorités ont mené des raids afin d’arrêter des individus présumés impliqués dans des rapports sexuels entre personnes de même sexe, dont certains ont été soumis à la torture, y compris des examens anaux forcés.
En février, un réfugié syrien, arrêté par des officiers du renseignement militaire libanais, aurait été torturé lors de sa détention par le service de renseignement militaire, le Ministère de la défense, la police militaire et la police de la ville de Jounieh.
Réfugiés
Plus d’un million de réfugiés syriens sont enregistrés au Liban auprès du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le gouvernement estime que leur nombre réel est de 1,5 million.
La politique du Liban en matière de séjour rend difficile pour les Syriens de conserver un statut légal, accroît les risques d’exploitation et d’abus et restreint l’accès des réfugiés au travail, à la scolarisation et aux soins de santé. Environ 70 pourcent des réfugiés syriens au Liban ne possèdent pas actuellement de permis de séjour en règle. Le Liban n’est pas signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, et les réfugiés n’ayant pas de statut légal encourent donc le risque d’être détenus pour présence illégale dans le pays.
Environ 250 000 enfants syriens en âge scolaire n’ont pas été scolarisés durant l’année scolaire 2015-2016, en grande partie en raison de l’incapacité des parents à couvrir les frais de transport, du travail des enfants, des exigences arbitraires pour être inscrit imposées par des directeurs d’écoles ainsi que de l’absence de soutien linguistique. Les enfants en âge d’aller à l’école secondaire ainsi que les enfants handicapés font face à des obstacles particulièrement difficiles – seuls 5 pourcent des enfants syriens âgés de 15 à 18 ans étaient inscrits dans les écoles secondaires l’année passée.
Certaines municipalités ont imposé un couvre-feu aux réfugiés syriens et les forces de sécurité ont arrêté des centaines de Syriens pour non-possession de permis de séjour Plusieurs incidents d’agressions contre des Syriens par des membres des forces de sécurité ou des civils ont été rapportés suite à une série de huit attentats-suicides perpétrés dans le village d’Al-Qaa le 27 juin, et des photos datant de juillet 2016 semblent montrer des membres de la police municipale d’Amchit en train d’humilier des réfugiés syriens. Cinq officiers ont été soumis à des interrogatoires, mais tous ont été relâchés et le responsable de la municipalité d’Amchit aurait déclaré « qu’ils n’avaient commis aucune infraction ».
Human Rights Watch a également documenté quelques cas isolés de déportation de syriens et de palestiniens vers la Syrie, leur faisant encourir des risques de détention arbitraire, de tortures et d’autres persécutions. En janvier 2016, les autorités libanaises, en violation de leurs obligations internationales, ont déporté des centaines de Syriens vers la Syrie à travers l’aéroport de Beyrouth sans évaluer à l’avance les risques qu’ils pourraient encourir une fois rentrés dans leur pays.
En 2016, le Liban a continué d’imposer des procédures d’entrée qui ont, de fait, empêché de nombreux demandeurs d’asile fuyant la Syrie d’entrer au Liban.
Environ 45 000 Palestiniens en provenance de Syrie vivent au Liban. Ils sont venus s’ajouter aux quelques 260 à 280 000 réfugiés palestiniens qui vivaient déjà dans le pays, où ils subissent différentes restrictions, parmi lesquelles la restriction de leur droit au travail.
Séquelles des conflits passés et des guerres
En octobre 2012, le ministre de la Justice Chakib Qortbawi a présenté au cabinet un projet de décret visant à créer une commission nationale pour enquêter sur le sort des « disparus » pendant la guerre civile du pays (1975-1990) et ses contrecoups, mais aucune mesure ultérieure n’a été prise. En septembre 2014, le gouvernement a finalement fourni aux familles des disparus les dossiers de la Commission officielle chargée d’enquêter sur les disparitions forcées au Liban, créée en 2000. Ces dossiers ont révélé que le gouvernement n’avait mené aucune enquête sérieuse.
Principaux acteurs internationaux
La Syrie, l’Iran et l’Arabie saoudite maintiennent une forte influence sur les politiques libanaises par l’intermédiaire de leurs alliés locaux, ceci d’autant plus que le conflit syrien se prolonge.
Un grand nombre de pays, y compris les États-Unis, le Royaume-Uni, les pays de l'Union européenne, le Canada et divers pays du Golfe ont largement soutenu le Liban pour faire face à la crise des réfugiés syriens et pour renforcer la sécurité au milieu de ce débordement de violence, même si ces efforts sont demeurés insuffisants.
Les Forces armées et la police libanaises ont également reçu des aides d’un large éventail de bailleurs de fonds, y compris des Etats-Unis, de l’Union européenne, du Royaume-Uni, de la France et de l'Arabie saoudite. Certains de ces bailleurs de fonds ont pris des mesures pour tenter de s’assurer que ces forces respectent les droits humains internationaux, mais cette conformité demeure faible.