Les droits humains existent pour protéger les individus de la négligence et des abus des gouvernements. Ils limitent ce qu’un État a le droit de faire et lui imposent des obligations. Voilà qu’aujourd’hui une nouvelle génération de populistes cherche à renverser ces protections. Prétendant parler pour « le peuple », ils traitent les droits humains d’entrave à la volonté de la majorité et d’obstacle inutile à la défense de la nation face à ce qui est perçu comme étant un mal ou une menace. Au lieu de reconnaître que les droits humains sont là pour la protection de tous, ces politiciens privilégient les intérêts ostensibles de la majorité et encouragent les gens à croire qu’eux-mêmes n’auront jamais besoin d’invoquer les droits humains contre un gouvernement abusif qui prétendrait agir en leur nom.
L’attrait que représentent les populistes s’est accru avec le mécontentement grandissant de la population vis-à-vis du statu quo. Dans les pays occidentaux, nombreux sont ceux qui se sentent laissés pour compte par les changements technologiques, la mondialisation et les inégalités croissantes. D’odieuses attaques terroristes engendrent peur et appréhension. Certains sont mal à l’aise dans des sociétés devenues plus diverses, au plan ethnique, religieux et racial. La population a de plus en plus le sentiment que les gouvernements et les élites ignorent ses problèmes.
Dans cette atmosphère de mécontentement, certains politiciens gagnent du terrain et vont jusqu’à accéder au pouvoir en présentant les droits humains comme des règles qui profiteraient uniquement aux individus suspects de terrorisme et aux demandeurs d’asile, aux dépens de la sécurité, du bien-être économique et des préférences culturelles de la majorité présumée. Ils s’en prennent aux réfugiés, aux immigrés et aux minorités et les accusent de tous les maux. La vérité est souvent l’une de leurs premières victimes. La xénophobie, le nativisme (mouvement s’opposant à l’immigration), le racisme et l’islamophobie progressent.
Cette dangereuse tendance est une menace pour le mouvement des droits humains et ses conquêtes des soixante-dix dernières années. Dans les premières années, ce mouvement s’est préoccupé des atrocités de la deuxième guerre mondiale et des répressions associées à la guerre froide. Ayant vu de quelles horreurs les gouvernements étaient capables, les États ont adopté une série de traités relatifs aux droits humains pour empêcher que des abus ne se reproduisent à l’avenir. La protection de ces droits était considérée comme indispensable pour que les individus puissent vivre dans la dignité. Un respect grandissant pour les droits humains a permis de construire des sociétés plus libres, plus sûres et plus prospères.
Mais aujourd’hui, un nombre croissant de personnes en est venu à voir les droits humains non plus comme une protection contre les abus étatiques, mais comme un obstacle aux efforts du gouvernement pour les protéger contre des menaces extérieures. Aux Etats-Unis et en Europe, l’immigration est perçue comme étant la menace principale, à la croisée de l’identité culturelle, des opportunités économiques et du terrorisme. Encouragée par les populistes, une partie grandissante de la population voit les droits humains comme ne protégeant que ces « autres » personnes, pas eux-mêmes, et donc comme étant superflus. Aux yeux des populistes, si la majorité désire restreindre les droits des réfugiés, des migrants et des minorités, elle devrait être libre de le faire. Le fait que les institutions et les traités internationaux relatifs aux droits humains s’y opposent ne fait qu’intensifier l’antipathie à l’égard des droits humains, dans un monde où la préférence nationale l’emporte trop souvent sur le cosmopolitisme.
Peut-être est-il dans la nature humaine de s’identifier plus difficilement à des personnes qui ne nous ressemblent pas, et donc d’accepter plus facilement la violation de leurs droits. L’on éprouverait une forme de réconfort dans l’hypothèse pourtant hasardeuse qu’une application sélective des droits est possible – nos droits pourraient continuer d’être protégés même si ceux des autres sont enfreints.
Mais par définition, les droits humains ne se prêtent pas à une application à la carte. Peut-être n’appréciez-vous pas vos voisins, mais si vous acceptez que leurs droits soient sacrifiés aujourd’hui, vous prenez un risque pour votre avenir, parce qu’au bout du compte les droits humains sont fondés sur le principe de la réciprocité : l’autre doit être traité comme on voudrait l’être soi-même. Porter atteinte aux droits de certains revient à éroder le corpus de droits qui, un jour ou l’autre, s’avèreront inévitablement nécessaires pour la majorité présumée au nom de laquelle les violations d’aujourd’hui sont commises.
C’est à notre propre péril que nous oublions les démagogues d’hier : les fascistes, les communistes et leurs semblables, qui prétendaient avoir une vision privilégiée des intérêts de la majorité mais ont fini par opprimer les individus. Lorsque les populistes traitent les droits humains comme un obstacle à la volonté de la majorité, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne s’en prennent à ceux qui sont en désaccord avec leur programme. Le risque est encore plus grand quand les populistes attaquent l’indépendance du pouvoir judiciaire et sa capacité à défendre l’État de droit - autrement dit, sa capacité à faire respecter les limites que les droits humains imposent aux gouvernements.
Cet appel au pouvoir absolu de la majorité, doublé d’attaques envers les institutions chargées de contrôler et d’équilibrer les pouvoirs des gouvernements, représente peut-être le plus grand danger à l’heure actuelle pour l’avenir des démocraties occidentales.
Menace croissante et faiblesse de la réaction
Plutôt que de s’opposer à cette montée des populismes, trop de responsables politiques paraissent avoir perdu confiance dans les valeurs portées par les droits humains et ne les soutiennent que timidement. Peu de dirigeants ont encore le courage de les défendre vigoureusement, à l’exception notable de personnalités comme la chancelière allemande Angela Merkel, le premier ministre canadien Justin Trudeau ou le président américain Barack Obama.
Certains dirigeants paraissent s’être enfoui la tête dans le sable, dans l’espoir que la tempête populiste s’essouffle. D’autres, quand ils ne cherchent pas à profiter des passions populistes, semblent espérer que l’émulation entre populistes finira par tempérer l’ascendant de ces derniers sur les électeurs. Au Royaume-Uni, la première ministre Theresa May a ainsi dénoncé « les juristes activistes et droits-de-l’hommistes de gauche » qui osent s’en prendre aux forces britanniques en dénonçant des cas de torture en Irak. En France, le Président François Hollande s’est inspiré du Front national pour proposer de déchoir des binationaux de leur nationalité française au nom de la politique de lutte contre le terrorisme – une initiative qu’il a abandonnée par la suite et dit regretter. Aux Pays-Bas, le gouvernement soutient des mesures restrictives quant au port du voile intégral par les femmes musulmanes. De nombreux dirigeants européens soutiennent désormais l’appel à fermer les frontières européennes lancé par le premier ministre hongrois Viktor Orban, abandonnant les réfugiés à leur sort. Imiter ainsi les populistes ne fait que renforcer et légitimer les politiciens qui s’attaquent aux valeurs des droits humains.
On retrouve la même tendance en-dehors des pays occidentaux. De fait, la montée des populistes en occident semble avoir encouragé bien des dirigeants dans leur mépris des droits humains. Le Kremlin, par exemple, a ardemment défendu le régime autoritaire du président Poutine comme n’étant « pas pire » que le bilan de plus en plus troublé des pays occidentaux en matière de droits humains. En Chine, le président Xi Jinping, à l’instar de Poutine, exerce la répression la plus terrible contre les dissidents depuis vingt ans. En Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a profité d’une tentative de coup d’Etat pour écraser les voix de l’opposition. En Egypte, le président Abdel Fattah al-Sissi a intensifié la répression commencée après son propre coup d’Etat. Aux Philippines, le président Rodrigo Duterte a publiquement appelé à l’exécution sommaire des individus soupçonnés de trafic ou de consommation de drogue -et même des activistes qui les défendent. En Inde, le premier ministre Narendra Modi tente de faire taire les associations qui le critiquent, alors qu’il ferme les yeux sur les tactiques d’intimidation et les crimes racistes perpétrés par des groupes nationalistes hindous à l’encontre des minorités ethniques et religieuses.
Pendant ce temps en Syrie, persuadé de n’avoir pas grand-chose à craindre des protestations occasionnelles des pays occidentaux, le président Bachar Al-Assad, avec l’appui de la Russie, de l’Iran et du Hezbollah libanais, piétine le droit international humanitaire en attaquant sans merci les populations civiles dans les zones du pays tenues par l’opposition, notamment à Alep. De leur côté, plusieurs dirigeants africains, craignant des poursuites nationales ou internationales à leur encontre, ont sévèrement critiqué la Cour pénale internationale et, dans trois cas, annoncé leur intention de s’en retirer.
Pour contrer ces évolutions, une réaffirmation vigoureuse des droits humains s’impose de toute urgence. La montée des populistes doit certes amener les politiques des partis traditionnels à une introspection, mais ne saurait conduire à l’abandon de ces valeurs par les autorités publiques et la population. Les gouvernements qui s’engagent à respecter les droits humains servent mieux leur population, étant plus à même d’éviter la corruption, l’auto-glorification et l’arbitraire qui accompagnent si souvent l’autocratie. Les gouvernements respectueux des droits humains sont plus susceptibles d’écouter leurs citoyens, de reconnaître leurs problèmes et d’y remédier. Enfin, les gouvernements respectueux des droits humains sont plus facilement remplacés lorsque les électeurs sont insatisfaits de leur bilan.
Mais si l’attrait pour les « hommes forts » et pour l’intolérance prévaut, le monde risque de connaître des heures sombres. Il ne faut jamais sous-estimer la tendance des démagogues, qui sacrifient aujourd’hui les droits des autres en notre nom, à sacrifier demain nos propres droits, lorsque leur véritable priorité, à savoir conserver le pouvoir, sera menacée.
La dangereuse rhétorique de Donald Trump
La campagne de Donald Trump pour l’élection présidentielle américaine illustre bien cette politique de l’intolérance. En réponse au mécontentement qu’éprouvent de nombreux Américains face à leurs difficultés économiques et au multiculturalisme croissant de la société américaine, Donald Trump n’a cessé de bafouer – parfois ouvertement, parfois de manière plus codée ou détournée – les principes les plus basiques de dignité et d’égalité. Il a stéréotypé les migrants, diffamé les réfugiés, mis en doute la neutralité d’un juge d’origine mexicaine, s’est moqué d’un journaliste en situation de handicap, a balayé d’un revers de main de multiples accusations de violence sexuelle, et promis de revenir sur le droit des femmes à décider de leur propre fertilité.
Pour couronner le tout, il a souvent employé une rhétorique dénuée de tout fondement pratique. Par exemple, il a consacré une large part de sa campagne à combattre les traités de libre-échange et l’économie mondialisée, mais il a aussi accusé les immigrés sans papiers de voler leurs emplois aux Américains, et a promis de renvoyer plusieurs millions d’immigrés dans leurs pays d’origine, y compris des gens bien établis aux Etats-Unis et dont la contribution économique est reconnue. Pourtant ces déportations massives ne feront rien pour ramener aux Etats-Unis des emplois industriels perdus de longue date. Le nombre d’offres d’emploi continue d’augmenter aux Etats-Unis, et quand bien même certains Américains connaissent une stagnation économique, celle-ci peut difficilement être attribuée aux immigrés sans papiers. La balance nette entre immigration et émigration n’a pas varié de façon significative ces dernières années, et les immigrés sont souvent prêts à occuper des emplois dont les Américains ne veulent pas.
Le programme de Donald Trump pour lutter contre le terrorisme islamiste s’est révélé tout aussi futile – voire contre-productif – puisqu’il a diabolisé la communauté musulmane dans son ensemble alors que la coopération de celle-ci est essentielle pour identifier d’éventuels projets d’attentats. Il a dépeint les réfugiés comme présentant un risque sécuritaire, alors qu’ils sont soumis à des contrôles autrement plus approfondis que le nombre infiniment plus grand d’individus qui viennent aux Etats-Unis pour affaires, pour leurs études ou comme touristes. Trump n’a montré aucune volonté de limiter les mesures de surveillance de masse qui constituent une intrusion majeure dans la vie privée et qui ne se sont pas montrées plus efficaces qu’une surveillance ciblée sous contrôle judiciaire.
Trump a même joué avec l’idée de réintroduire la torture, notamment le simulacre de noyade par « waterboarding », ignorant apparemment que les « techniques d’interrogation améliorées » du président Bush ont constitué une aubaine pour les recruteurs de terroristes. Il aura fallu une discussion post-électorale avec le général Mattis, son futur secrétaire d’Etat à la Défense, pour que Donald Trump découvre que la torture est inefficace, ce qui ne l’a pas empêché de déclarer qu’il était néanmoins disposé à l’autoriser « si c’est ce que veut le peuple américain ». On présume qu’il se ferait l’interprète de ce désir, en foulant aux pieds les lois et les traités qui interdisent d’infliger de telles brutalités et souffrances, quelles que soient les circonstances.
La vague populiste en Europe
En Europe, une vague populiste similaire cherche à rejeter la responsabilité de la stagnation économique actuelle sur les migrants, qu’ils viennent d’Europe ou d’ailleurs. L’illustration la plus flagrante de cette tendance est sans doute le récent scrutin sur le Brexit. De fait, ceux qui ont espéré mettre fin à l’immigration en votant pour le Brexit font prendre le risque à l’économie britannique de se détériorer encore davantage.
Sur tout le continent européen, dirigeants et politiques évoquent la nostalgie de temps anciens, parfois même imaginaires, d’une prétendue pureté ethnique nationale, malgré la présence dans la plupart de ces pays de communautés immigrées bien établies et là pour rester. Leur intégration en tant que membres productifs de la société est compromise par cette hostilité venue d’en haut. Une ironie tragique réside dans la politique anti-refugiés de certains dirigeants. Pour ne prendre qu’un exemple, alors que l’Europe a autrefois accueilli les réfugiés hongrois qui fuyaient la répression soviétique, le gouvernement de Viktor Orban fait tout son possible pour rendre la vie misérable à ceux qui sont juste les derniers en date à fuir la guerre et les persécutions.
Aucun gouvernement n’est obligé de laisser entrer tous ceux qui viennent frapper à sa porte. Mais le droit international limite ce qui peut être fait pour contrôler l’immigration. Les demandeurs d’asile doivent tous avoir accès à des procédures justes et efficaces pour déterminer leur statut et, si leur demande d’asile s’avère justifiée, le statut de réfugié doit leur être octroyé. Nul ne peut être refoulé vers une zone de guerre, de persécution ou de torture. De manière générale, à de rares exceptions près, lorsque des immigrés sont installés de longue date dans un pays et y ont formé des liens familiaux, un moyen de régulariser leur situation doit leur être fourni. Leur détention ne doit pas être arbitraire, et les procédures de reconduite à la frontière doivent se faire à l’issue d’une procédure équitable.
À ces conditions, les gouvernements peuvent refuser des migrants économiques et les renvoyer dans leur pays.
Contrairement à ce que proposent les populistes, les communautés immigrées vivant légalement dans un pays devraient voir leurs droits pleinement respectés. Personne ne devrait subir de discrimination, en matière de logement, d’éducation ou d’emploi. Tout individu, quel que soit son statut juridique, a droit à la protection de la police et à un système judiciaire équitable.
Les gouvernements devraient investir pour aider les immigrés à s’intégrer et à prendre pleinement part à la société. Les représentants de l’État, notamment, ont le devoir de rejeter la haine et l’intolérance des populistes, ainsi que de réaffirmer leur soutien envers un système judiciaire indépendant et impartial qui puisse veiller au respect des droits humains. C’est le meilleur moyen de s’assurer que, même si les nations deviennent multiculturelles, elles maintiennent les traditions démocratiques qui se sont historiquement montrées comme la meilleure voie vers la prospérité.
En Europe tout particulièrement, certains politiciens justifient leur hostilité envers les immigrés, particulièrement les musulmans, en suggérant que ces communautés veulent reproduire dans le pays d’accueil la répression – envers les femmes ou les homosexuels – existant dans certains de leurs pays d’origine. Mais la bonne réponse à ces pratiques répressives est de les rejeter – c’est à cause d’elles que bien des immigrés ont quitté leur pays – et de s’assurer que tous les membres de la société font preuve de respect les uns envers les autres. La réponse n’est pas de rejeter les droits d’une partie de la population – typiquement, dans le climat actuel, les musulmans – au nom de la protection des droits des autres. Une telle application sélective est contraire au principe d’universalité, essence même des droits humains.
La montée de l’autoritarisme en Turquie et en Égypte
En Turquie, le régime de plus en plus autoritaire du président Erdogan montre le danger de laisser un dirigeant fouler aux pieds les droits humains au nom de la majorité. Depuis plusieurs années, il fait preuve d’une intolérance grandissante envers ceux qui s’opposent à ses projets, qu’il s’agisse de la construction d’un parc au centre d’Istanbul ou d’amender la constitution pour mettre en place un système de présidence exécutive.
Au cours de l’année dernière, Erdogan et son Parti de la justice et du développement ont utilisé la tentative de coup d’État et ses centaines de victimes pour réprimer non seulement les putschistes associés selon eux au chef religieux en exil Fethullah Gülen, mais aussi des dizaines de milliers d’individus accusés d’être ses sympathisants. L’état d’urgence a permis de museler d’autres voix critiques, notamment en fermant par décret l’essentiel des journaux indépendants et en interdisant de nombreuses organisations de la société civile. De plus, sous prétexte de lutter contre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le gouvernement a fait emprisonner les dirigeants et les députés du principal parti pro-Kurde au parlement, et suspendu ses maires au niveau local.
Le soulagement collectif ressenti par beaucoup en Turquie lors de l’échec de la tentative de putsch a bénéficié au gouvernement d’Erdogan qui a obtenu le soutien d’un large éventail de partis. Mais avec la répression qui préexistait, et une indépendance des tribunaux et d’autres institutions déjà décimée, plus rien ne s’opposait à ce qu’Erdogan étende encore sa répression. On aurait pu espérer que les dirigeants européens réagiraient rapidement et fermement, mais d’autres intérêts, que ce soit l’arrêt du flot des réfugiés ou la lutte contre l’auto-proclamé Etat islamique (EI), y ont souvent fait obstacle.
L’Egypte, sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi, a connu une évolution similaire. Insatisfaits du bref pouvoir des Frères musulmans sous la présidence de Mohammed Morsi, bien des Égyptiens ont accueilli favorablement le coup d’État dirigé par al-Sissi en 2013. Mais son régime s’est avéré plus répressif encore que la longue dictature du président Hosni Moubarak, renversée lors du printemps arabe. Par exemple, al-Sissi est responsable de l’exécution en août 2013 d’au moins 817 manifestants des Frères musulmans en une seule journée. C’est l’un des plus grands massacres contemporains de manifestants.
Beaucoup d’Égyptiens croyaient que seuls les islamistes seraient ciblés, mais al-Sissi a complètement verrouillé l’espace politique, en interdisant de nombreuses associations de défense des droits humains, les media indépendants et les partis politiques d’opposition, et en faisant emprisonner des dizaines de milliers de personnes, dont beaucoup ont subi des tortures, et des procès au mieux expéditifs, au pire inexistants.
L’image séduisante mais superficielle de « l’homme fort »
La vague populiste en train de grandir au nom d’une prétendue majorité se double d’un nouvel engouement pour les « hommes forts », phénomène que nous avons vu à l’œuvre de manière particulièrement puissante durant la campagne électorale américaine. Puisque la seule chose qui compte est la volonté déclarée de la majorité, pourquoi, se disent les électeurs, ne pas voter pour l’autocrate qui n’aura aucun scrupule à mettre en œuvre la vision « majoritaire » – surtout si elle coïncide avec ses propres intérêts – en soumettant ceux qui ne sont pas d’accord ?
Mais les passions populistes du moment ont tendance à masquer les dangers à plus long terme d’un régime autoritaire pour une société. Poutine, par exemple, a présidé sur une économie russe en perte de vitesse, rongée par une corruption clientéliste massive et affaiblie par sa dépendance aux exportations de produits gaziers et pétroliers. L’incapacité de la Russie à se diversifier lorsque les prix des hydrocarbures étaient élevés l’a rendue vulnérable à la chute des prix qui a suivi. Craignant que le mécontentement populaire ne ramène les gens dans la rue à Moscou et dans d’autres grandes villes du pays comme ce fut le cas en 2011, Poutine a cherché à l’anticiper, en restreignant de manière draconienne le droit de manifester et la liberté d’expression, en imposant des sanctions inédites à ceux qui expriment des opinions critiques sur Internet et en écrasant les organisations de la société civile.
Le Kremlin a renforcé l’autocratie de Poutine et boosté sa popularité en berne en mobilisant le nationalisme populaire autour de l’occupation de la Crimée par la Russie. Cette dernière a provoqué les sanctions de l’Union européenne qui n’ont fait qu’aggraver le déclin économique du pays. En Syrie, le soutien que la Russie a apporté aux massacres de civils par Assad et la participation russe aux bombardements font que la levée des sanctions européennes est plus qu’improbable. Jusqu’à présent, les propagandistes professionnels du Kremlin ont habilement tenté de justifier les difficultés économiques grandissantes par le besoin de contrer les prétendues tentatives des pays occidentaux pour affaiblir la Russie. Mais au fur et à mesure que l’économie se dégrade, il est de plus en plus difficile aux prosélytes de faire avaler ce message à la population russe.
En Chine, le président Xi Jinping s’est lui aussi embarqué sur le chemin de la répression. La Chine a connu une croissance économique spectaculaire depuis que ses dirigeants précédents ont libéré le peuple chinois des errements du règne du parti communiste, responsables des tragédies du Grand Bond en avant et de la révolution culturelle. Mais la libération économique ne s’est pas accompagnée de réformes politiques, tuées dans l’œuf dès 1989 avec la répression sanglante du mouvement démocratique de la place Tiananmen. Depuis, les gouvernements successifs ont suivi une politique économique guidée avant tout par le désir du parti de soutenir la croissance à tout prix, afin d’étouffer tout mécontentement populaire. La corruption a prospéré tandis que les inégalités sociales se creusaient dangereusement et que l’environnement se dégradait.
La croissance ayant ralenti, Xi Jinping, qui craignait lui aussi que le mécontentement ne s’amplifie, s’est livré à la répression la plus intense depuis l’époque de Tiananmen pour protéger son gouvernement des critiques, éloignant toujours plus son gouvernement de la justice. Bien qu’il s’octroie chaque jour davantage de titres honorifiques, cet « homme fort » apparaît de plus en plus affaibli. Quant aux revendications du peuple chinois – une meilleure qualité de l’air, une nourriture saine, un système judiciaire juste, un gouvernement responsable –, elles continuent de rester sans réponse.
Des tendances similaires caractérisent le régime de bien d’autres autocrates. Au Venezuela, la révolution bolivarienne initiée par le défunt président Hugo Chavez, et désormais reprise à son compte par son successeur, Nicolas Maduro, est un désastre économique pour les couches les plus vulnérables de la société, pourtant censées être la priorité du régime. Pour toute récompense, elles auront eu l’hyperinflation, une pénurie de vivres et de médicaments, et une nation, pourtant la plus riche du monde en réserves d’hydrocarbures, réduite à la pénurie. Le gouvernement a également effectué des raids policiers et militaires dans des quartiers pauvres et peuplés d’immigrés à la suite desquels de nombreuses allégations de violations graves des droits humains ont été rapportées, y compris des exécutions extra-judiciaires, des déportations abusives, des expulsions et des destructions d’habitations.
Pendant ce temps, le président Maduro, qui contrôle les tribunaux, a fait appel à ses services secrets pour poursuivre et faire emprisonner illégalement opposants politiques et voix dissidentes. Il a aussi réussi à empêcher l’opposition, pourtant majoritaire à l’Assemblée nationale, de légiférer, et à empêcher la tenue du référendum révocatoire prévu par la constitution.
L’Histoire regorge d’exemples d’autocrates qui se sont appliqués à servir leurs intérêts plutôt que ceux de leur peuple. Même les modèles supposés d’autocratie éclairée, comme l’Éthiopie et le Rwanda, quand on les examine de plus près, sont entachés de souffrances imposées par les gouvernements à leurs peuples. Le gouvernement éthiopien, par exemple, a forcé des agriculteurs et éleveurs à quitter leurs terres et à se regrouper dans des villages démunis de tous services pour faire place à de grands projets agricoles. Au Rwanda, le gouvernement a fait arrêter les sans-abris et les vendeurs à la sauvette et les a enfermés dans des centres de détention répugnants, où ils sont battus et maltraités, au nom de la propreté des rues. L’Asie centrale regorge « d’hommes forts » dont les pays continuent de stagner sous des régimes de style soviétique. En Asie du sud-est, des pays pourtant relativement dynamiques voient leurs progrès économiques menacés par des régimes soit étouffants, comme celui de la junte militaire en Thaïlande, soit corrompus, comme en Malaisie sous le régime de l’actuel premier ministre, Najib Razak.
Attaques contre les organisations de la société civile et la Cour pénale internationale
En Afrique, certaines des pires violations des droits humains sont celles commises par des « hommes forts » qui refusent de céder le pouvoir pacifiquement et font taire les critiques par tous les moyens, violents ou législatifs. Un nombre déconcertant de dirigeants africains ont supprimé ou rallongé les limitations constitutionnelles au nombre maximal de mandats présidentiels lors de « coups d’État constitutionnels » – tandis que d’autres ont violemment réprimé l’opposition politique et les manifestations populaires survenues à la suite d’élections faussées ou inéquitables. Au moins trois dirigeants africains, à la tête de leurs États depuis plus de trente ans, ont amendé la constitution nationale pour rester au pouvoir : Teodoro Obiang Nguema Mbasogo en Guinée équatoriale ; Yoweri Museveni en Ouganda ; et Robert Mugabe au Zimbabwe.
Ces dernières années, nombre de présidents cherchant à renouveler leur mandat y sont parvenus en muselant toute opposition, comme au Rwanda, ou en réprimant violemment les protestations, comme au Burundi et en République démocratique du Congo. Plusieurs de ces gouvernements ont usé de tactiques similaires pour museler les organisations de la société civile et les media, pour couper l’accès aux réseaux sociaux et à Internet, et pour faire taire l’opposition. Les attaques contre les organisations de la société civile ont avant tout ciblé leur financement – des gouvernements qui sollicitent activement les pays étrangers pour des aides, des investissements et des accords commerciaux s’en prennent soudain aux organisations de la société civile qui recherchent des financements étrangers. L’Ethiopie était pionnière en la matière.
Les efforts des autocrates pour rester en place se conjuguent souvent avec la crainte d’être poursuivis pour les crimes qu’ils ont commis au pouvoir. Le président du Burundi Pierre Nkurunziza a été le premier à annoncer que son pays allait se retirer de la Cour pénale internationale (CPI), la violente répression mise en œuvre sous son régime faisant de lui une cible de choix pour d’éventuelles poursuites. Il a rapidement été imité par le président gambien, Yahya Jammeh, un dictateur réputé pour sa brutalité - mais peu après battu à l’élection présidentielle et dont le successeur élu, Adama Barrow, a annoncé qu’il reviendrait sur la décision de se retirer de la CPI. Quant à l’Afrique du Sud, elle a longtemps été un leader en Afrique en matière de justice et de droits humains, mais le président Jacob Zuma a lancé le processus qui permettra à son pays de se retirer de la CPI, alors qu’il était accusé de corruption et craignait d’être poursuivi pour son rôle dans la fuite du président soudanais Omar el-Béchir en dépit du mandat d’arrêt international de la CPI à son encontre pour génocide et crime contre l’humanité. Pendant ce temps, le président du Kenya Uhuru Kenyatta, que la CPI a renoncé à poursuivre pour crimes contre l’humanité tant le gouvernement exerçait de pressions sur les témoins et mettait d’entraves aux investigations de la Procureure, a alimenté les attaques contre la CPI de la part de l’Union africaine.
Mais ces quelques dirigeants africains ne parlent pas au nom de tous les Africains : des organisations de la société civile de tout le continent ont réaffirmé leur soutien à la CPI, soutenues par de nombreux États dont le Nigéria, la Tanzanie, le Sénégal et le Ghana. Ces derniers ne se laissent pas abuser par l’argument fallacieux selon lequel la CPI serait anti-africaine, alors qu’elle est dirigée par une procureure africaine qui se bat pour mettre fin à l’impunité, dont souffrent de nombreux Africains privés de tout recours face aux atrocités qu’ils ont subies.
La CPI est également affaiblie par le refus d’États puissants, tels les Etats-Unis, la Chine et la Russie, de la rejoindre. Jusqu’en 2015, le Bureau du procureur a concentré ses investigations sur des crimes commis en Afrique. En novembre 2016, il lui restait toujours à ouvrir des enquêtes formelles à la suite d’enquêtes préliminaires sur des affaires extérieures à l’Afrique, comme celles impliquant des militaires américains dans des actes de torture restés impunis, ou des officiels israéliens pour leur politique de transfert illégal d’Israéliens dans des colonies en Cisjordanie occupée.
Si ceux qui critiquent la CPI veulent vraiment une justice équitable, ils devraient se joindre aux efforts pour que ses investigations aboutissent, ou encore faire pression sur la Russie et sur la Chine pour qu’elles cessent d’utiliser leur véto au Conseil de sécurité afin d’empêcher la CPI de se saisir des atrocités commises en Syrie. Le silence des opposants à la CPI sur ces questions révèle leur véritable préoccupation : empêcher que justice ne soit rendue dans leur pays. Le projet de plusieurs nations africaines de lui substituer une Cour africaine qui exempterait les dirigeants et autres hauts responsables en exercice en dit long sur le sujet.
Il n’y a pas qu’en Afrique que la CPI est attaquée, mais toutes les attaques ont un point commun : l’impunité. La Russie n’avait jamais rejoint la Cour, puisqu’elle n’avait jamais ratifié le traité de Rome après l’avoir signé, mais elle a récemment retiré sa signature, après que la Cour a ouvert une enquête au sujet de crimes qui auraient été commis durant le conflit russo-géorgien de 2008 et placé la situation en Ukraine sous examen préliminaire. Aux Philippines, le président Duterte a congédié la CPI estimant qu’elle était « inutile » après que la procureure l’a averti que ses incitations aux exécutions sommaires pourraient relever de sa compétence de la Cour.
Vu le mandat de la CPI, qui est de rendre justice pour les crimes les plus graves là où les tribunaux nationaux n’en sont pas capables, il est inévitable qu’elle se frotte à des intérêts politiques puissants qui s’opposent à ce que justice soit faite. Il lui faut pour réussir un soutien politique et matériel sans faille de la part de ses partisans afin de contrebalancer ces pressions.
Attaques contre les civils en Syrie
La Syrie représente peut-être la pire menace contre les règles internationales en matière de droits humains. Il n’y a pas de règle plus fondamentale dans le droit de la guerre que l’interdiction des attaques contre les civils. Et pourtant la stratégie militaire du président Assad est précisément de frapper – délibérément et de façon indiscriminée – les civils qui vivent dans les zones contrôlées par l’opposition armée, en allant jusqu’à prendre délibérément pour cible des structures civiles telles que des hôpitaux.
Au moyen de frappes aériennes larguant notamment des « bombes barils », des bombes à sous munitions, des barrages d’artillerie et même des armes chimiques, Assad a littéralement dévasté des pans entiers de plusieurs villes syriennes, avec l’objectif de les dépeupler pour que les forces de l’opposition ne puissent plus y opérer. À cette stratégie se sont ajoutés des sièges, destinés à affamer la population civile pour l’amener à se rendre.
Depuis septembre 2015, en dépit de ces crimes de guerre caractérisés, Assad reçoit l’appui de forces militaires russes qui ont considérablement renforcé sa puissance militaire sans infléchir sa stratégie. La stratégie russo-syrienne ressemble d’ailleurs à s’y méprendre à celle employée par le Kremlin pour dévaster Grozny, la capitale tchétchène, en 1999 et 2000, afin d’y écraser la rébellion armée.
Ces crimes de guerre, commis contre des civils sans que la communauté internationale ne fasse de réels efforts pour traduire leurs auteurs devant la justice, sont la raison principale pour laquelle tant de Syriens ont fui leur pays. La moitié de la population syrienne a été contrainte de fuir ; près de 4,8 millions de Syriens ont fui dans les pays voisins, notamment au Liban, en Turquie et en Jordanie, et environ un million ont fui en Europe. Pourtant, quand il s’agit de la Syrie, les pays occidentaux restent focalisés sur l’Etat islamique (EI). Il est vrai que l’EI est responsable d’atrocités innommables et représente une menace bien au-delà de la Syrie et de l’Irak, mais en Syrie, le nombre de victimes civiles d’Assad excède de très loin celui de l’EI. Les sources présentes dans le pays estiment qu’Assad et ses alliés sont responsables de 90% des décès de civils.
Puisqu’aujourd’hui, la survie politique d’Assad dépend de l’appui militaire de la Russie, Vladimir Poutine dispose d’un énorme levier pour influencer sa conduite. Pourtant, rien n’indique que le Kremlin en ait jamais fait usage pour mettre fin aux massacres de civils. Au contraire, des bombardiers russes ont régulièrement participé aux bombardements de civils, notamment dans le cas tragique d’Alep.
Face à cette situation, l’administration du président Obama a déçu par sa réticence à faire pression sur le Kremlin, choisissant au lieu de cela de se concentrer sur le rôle de la Russie en tant que partenaire des négociations de paix. Or ces pourparlers interminables n’ont mené à rien ou presque, et les attaques contre les civils rendent l’éventualité d’un accord entre les forces de l’opposition et le gouvernement plus improbable que jamais.
Si l’on en juge par ses propos durant la campagne électorale, le président américain élu Donald Trump semble déterminé à concentrer plus encore les efforts des Etats-Unis sur la lutte contre l’EI. Il est allé jusqu’à proposer de se joindre aux efforts de Poutine et d’Assad contre l’EI, visiblement sans se rendre compte que l’EI est loin d’être leur cible principale, ni comprendre à quel point les atrocités russo-syriennes sont un moteur de recrutement pour cette organisation. Même si l’EI finit par être vaincu militairement, ces atrocités pourraient facilement donner naissance à de nouveaux groupes extrémistes, tout comme des atrocités similaires ont permis l’émergence de l’EI sur les ruines d’Al Qaeda en Irak.
La nécessité de réaffirmer les valeurs des droits humains
Face à cet assaut d’ampleur mondiale contre les droits humains, il est urgent de réaffirmer et de défendre vigoureusement les valeurs fondamentales qui les sous-tendent.
De nombreux acteurs ont un rôle important à jouer. Les organisations de la société civile, particulièrement celles qui se consacrent à la défense des droits humains, doivent se battre pour protéger l’espace civique là où il est menacé, bâtir des alliances entre les communautés pour souligner que les droits humains sont leur intérêt commun, et réduire les divisions Nord-Sud pour unir nos forces contre les autocrates qui eux, de toute évidence, apprennent les uns des autres.
Les médias devraient contribuer à mettre en lumière les dangereuses tendances en cours, en modérant leur couverture des évènements et déclarations du jour par une analyse de leurs ramifications à long terme. Ils devraient également s’efforcer de dénoncer et réfuter la propagande et les « intox » répandues par certains.
Les gouvernements qui affirment ostensiblement leur attachement aux droits humains doivent défendre plus souvent les principes essentiels. Cela concerne également des démocraties d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, qui votent régulièrement de façon positive sur des initiatives proposées par d’autres pays à l’ONU, mais ne prennent pas encore assez souvent l’initiative, ni à l’ONU, ni dans leurs relations avec d’autres pays.
Mais, en fin de compte, la responsabilité principale reste celle du public. Les démagogues sont experts dans l’art de proposer de fausses explications et de fausses solutions à des problèmes bien réels afin de remporter l’adhésion du public. Le meilleur antidote est d’exiger des politiques basées sur la vérité et sur les valeurs fondamentales sur lesquelles la démocratie a été bâtie. Les populistes prospèrent en l’absence d’opposition. Une réaction populaire forte, reposant sur tous les moyens possibles – organisations de la société civile, partis politiques, media traditionnels et réseaux sociaux – est la meilleure défense des valeurs que tant d’entre nous continuent à chérir, en dépit des problèmes auxquels nous faisons face.
Les mensonges ne se transforment pas en vérité simplement parce qu’ils sont propagés par des armées de trolls sur Internet ou par une légion de partisans. Le bourrage de crâne à coups de fausses informations n’est pas une fatalité. Les faits demeurent un outil puissant ; c’est bien la raison pour laquelle les autocrates se donnent tant de mal pour censurer ceux qui rapportent des vérités dérangeantes, particulièrement s’il s’agit de violations des droits humains.
Les valeurs sont fragiles. C’est parce que les valeurs des droits humains reposent principalement sur notre capacité d’empathie avec les autres – notre capacité à reconnaître l’importance de traiter les autres comme nous voudrions l’être nous-mêmes – qu’elles sont tout particulièrement vulnérables aux appels à l’exclusion lancés par les démagogues. La culture du respect des droits humains doit être constamment entretenue, à défaut de quoi les peurs du moment viendront balayer la sagesse sur laquelle s’est bâtie la démocratie.