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Iran

Événements de 2016

Le président iranien Hassan Rohani passe devant une garde d'honneur lors de son arrivée à Bangkok au début d'une visite officielle en Thaïlande, le 9 octobre 2016. 

© 2016 Athit Perawongmetha/Reuters

En trois ans de mandat, le président iranien Hassan Rohani n'a toujours pas tenu sa promesse de campagne de mieux respecter les droits civils et politiques. Les exécutions se sont poursuivies à un rythme élevé, en particulier les exécutions pour infractions relatives aux drogues. Hassan Rohani est en lice pour un second mandat et doit retourner devant les électeurs en mai 2017. Mais les tenants de la ligne dure, qui dominent l'appareil de sécurité et le pouvoir judiciaire, continuent de réprimer les citoyens qui exercent leurs droits légitimes, en ignorant éhontément les normes juridiques internationales et nationales. Les Iraniens possédant la double nationalité et les ressortissants de retour de l'étranger, accusés d'être des « agents de l'Occident », courent un risque particulier d'être arrêtés par les services de renseignement.

Peine de mort, droit de ne pas être soumis à la torture, et traitements inhumains

Malgré un ralentissement des exécutions au cours des premiers mois de l’année 2016, les autorités avaient, au 25 octobre de cette année, procédé à l’exécution d’au moins 203 individus. Les organisations de défense des droits humains estiment que ce nombre pourrait même atteindre 437, la plupart des exécutions étant prévues pour la seconde moitié de l'année. Selon les autorités gouvernementales, la majorité des exécutions dans le pays font suite à des condamnations pour des infractions relatives aux drogues.

En vertu de la loi iranienne, de nombreux crimes sont passibles de la peine capitale, y compris certaines infractions ne comportant pas d'aspect violent, telles que l’« outrage au Prophète », l'apostasie, les relations sexuelles entre personnes de même sexe, l'adultère et les infractions relatives aux drogues. En décembre 2015, des députés ont présenté une proposition de loi visant à éliminer la peine de mort pour les infractions relatives aux drogues n’ayant pas donné lieu à des violences. Bien qu'elle ait été favorablement accueillie par certaines autorités, aucune mesure concrète n’a pour l’instant résulté de cette initiative.

Le 2 août, les autorités ont annoncé qu'elles avaient exécuté au moins 20 membres présumés d'un groupe considéré par l'Iran comme une organisation terroriste, suite à des accusations de moharebehhostilité envers Dieu »). Plusieurs organisations de défense des droits humains pensent que ces personnes faisaient partie d'un groupe de 33 Kurdes sunnites arrêtés en 2009 et 2010 et condamnés à mort lors de procès entachés d’irrégularités, après avoir été victimes de mauvais traitements et de torture en détention. En août, des autorités de la province du Khuzestan ont exécuté trois citoyens arabes pour des actes présumés de terrorisme dont ils avaient été accusés.

De nouveaux amendements au code pénal iranien ont donné aux juges le pouvoir discrétionnaire de ne pas condamner à mort les enfants. L'Iran a cependant continué à exécuter des enfants en 2016 : selon Amnesty International, le 18 juillet dernier les autorités ont pendu Hassan Afshar, arrêté à l'âge de 17 ans et condamné pour « relations sexuelles anales forcées entre hommes » (lavat-e be onf). Au moins 49 détenus qui se trouvent actuellement dans les couloirs de la mort ont été reconnus coupables de crimes commis lorsqu’ils avaient moins de 18 ans.

En mars, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a rappelé que la flagellation des garçons et des filles était encore légale en Iran pour punir certains crimes. Le Comité a noté que les enfants faisant partie des personnes lesbiennes, homosexuelles, bisexuelles, transsexuelles et intersexes (LGBTI) avaient été soumis à des chocs électriques pour être « guéris ».

Le 25 mai, les médias iraniens ont rapporté que les autorités avaient fouetté 17 mineurs de la province de l’Azerbaïdjan occidental poursuivis par leur employeur pour avoir protesté contre le licenciement de leurs collègues.

Procès équitables et traitement des détenus

Régulièrement, les tribunaux iraniens, en particulier les tribunaux révolutionnaires, n’ont pas garanti un procès équitable à la défense et sont accusés d’avoir utilisé des aveux obtenus sous la torture comme preuves devant la justice. La loi iranienne limite le droit pour un accusé d’avoir accès à un avocat, notamment pendant l'enquête.

Selon le code iranien de procédure pénale, les individus accusés de crimes de sécurité nationaux ou internationaux, de crimes politiques ou médiatiques, ainsi que les personnes accusées de crimes passibles de la peine capitale, de la réclusion à perpétuité ou d'une sanction rétributive (qesas) peuvent se voir refuser le droit à un conseil juridique pendant une semaine. En outre, ces personnes doivent choisir leur conseil au sein d'un groupe d'avocats approuvés en amont par le chef de la magistrature.

Plusieurs prisonniers politiques et individus accusés de crimes contre la sécurité nationale n'ont pu bénéficier de soins médicaux appropriés pendant leur détention. En avril, Omid Kokabee, un jeune physicien condamné à dix ans de prison en 2012, a dû subir une intervention chirurgicale pour se faire enlever le rein droit en raison de complications dues à un cancer, après que les autorités eurent trop tardé à lui donner accès à un traitement médical approprié.

Liberté d’expression et d’information

La liberté d’expression et le droit à la dissidence demeurent très limités et les autorités ont continué d'arrêter et d'inculper des journalistes, des blogueurs et des activistes intervenant sur des médias en ligne pour avoir exercé leur droit à la liberté d'expression.

En avril, un tribunal révolutionnaire a condamné les journalistes Afarin Chitsaz, Ehsan Mazandarani et Saman Safarzaei à respectivement dix, sept et cinq ans de prison. Davoud Assadi, frère d'Houshang Assadi, un journaliste résidant en France, a été condamné à cinq ans d'emprisonnement. Les condamnations de Mazandarani et Chitsaz ont été réduites à respectivement deux et cinq ans de prison en appel. Les services de renseignement du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) ont arrêté ces quatre individus, ainsi que le journaliste Issa Saharkhiz, pour leur appartenance à un « réseau d'infiltration » agissant en complicité avec des médias étrangers.

En juin, le pays a commencé à appliquer une loi sur le crime politique qui, bien que représentant un progrès pour l’impartialité des procès, pourrait encore limiter la liberté d'expression. Selon les termes de cette loi, l'insulte ou la diffamation de responsables publics « prononcées pour mener à bien des réformes et non pour s'attaquer au système sont considérés comme des crimes politiques ». Les prisonniers politiques doivent cependant être détenus séparément des criminels de droit commun et leurs procès être publics et se dérouler en présence d'un jury, à moins que cela ne porte préjudice à la résolution des litiges familiaux, à la sécurité nationale ou au sentiment religieux ou ethnique.

Des centaines de sites web, et parmi eux les plateformes de réseaux sociaux comme Facebook et Twitter, restent bloqués en Iran. L'appareil de renseignement surveille de près les activités des citoyens présents sur les réseaux sociaux et des centaines de personnes, en particulier les utilisateurs de l’application de messagerie Telegram et d’Instagram, ont été convoquées ou arrêtées par le CGRI pour avoir fait des commentaires sur des questions jugées controversées, y compris sur la mode.

Au cours de l'année écoulée, la police et le système judiciaire ont empêché la tenue de dizaines de concerts dans différentes provinces, en particulier ceux de chanteuses accompagnées de musiciens.

Libertés d’association, de réunion et de vote

En février, des millions d'Iraniens ont participé aux élections du Parlement et de l'Assemblée des experts. Dans la période qui a précédé ces élections, le Conseil iranien des gardiens de la Constitution, l’organe chargé de l'examen des candidats, a disqualifié la majorité des candidats associés au mouvement réformiste sur la base de critères discriminatoires et arbitraires. Après l'élection, une décision sans précédent du Conseil a disqualifié Minoo Khaleghi, élue de la ville d'Ispahan, pour avoir soi-disant échangé une poignée de main avec un homme.

Les autorités continuent de s’attaquer aux syndicalistes indépendants et de limiter la liberté de réunion et d'association.

Le 22 février, un tribunal révolutionnaire a condamné à six ans de prison Ismail Abdi, Secrétaire général de l'Association des enseignants et détenu depuis juin 2015, pour avoir entre autres organisé une manifestation d'enseignants devant le Parlement le 15 mai.

Le 27 juillet, suite à l'annulation de programmes étudiants et à l'interférence illégale dans la mise en œuvre de ces programmes par des autorités extérieures à l'université, 92 organisations étudiantes ont publié une lettre adressée au président Rohani, dénonçant la persistance d'une « atmosphère de peur et d'intimidation » dans les universités iraniennes. Alors même que Bahareh Hedayat, militante des droits des étudiants et des femmes, a été libérée après six ans et demi de prison en septembre, le militant étudiant Zia Nabavi est lui toujours en détention. Hedayat et Nabavi ont tous deux été emprisonnés en 2009 pour leur militantisme pacifique, après les élections présidentielles de cette année-là.

Défenseurs des droits humains et prisonniers politiques

Des centaines de défenseurs des droits humains et de militants politiques comme Abdolfattah Soltani restent emprisonnés pour leurs activités pacifiques. En mai, un tribunal révolutionnaire a condamné la militante iranienne des droits humains Narges Mohammadi, détenue depuis un an, à 16 ans de prison pour plusieurs chefs d'accusation, notamment pour son « adhésion à la campagne Step by Step to Stop the Death penalty » (« Pas à pas, mettons fin à la peine de mort »).

En 2010, un tribunal révolutionnaire a condamné Mohammadi à six ans de prison pour ses activités de défense des droits humains, mais les autorités l'ont libérée en raison d'une grave maladie dont elle souffre encore.

En mai, le défenseur kurde des droits humains Mohammad Sediq Kaboudvand, ancien président de l'Organisation des droits de l'homme du Kurdistan qui en est à sa neuvième année de détention, a entamé une grève de la faim pour protester contre de nouvelles accusations portées contre lui.

Les personnalités de l'opposition Mir Hossein Mousavi, Zahra Rahnavard et Mehdi Karroubi sont en résidence surveillée depuis février 2011, sans avoir été inculpés ou jugés. Le procureur de Téhéran, qui a interdit aux médias de publier le nom de l'ancien président iranien, Mohamad Khatami, lui a également interdit d'assister à plusieurs rassemblements publics.

Droits des femmes

Les femmes iraniennes se heurtent à des discriminations en ce qui concerne leur statut personnel dans les affaires de mariage, de divorce, d'héritage et de garde des enfants. Une femme doit recevoir l'autorisation de son tuteur masculin pour un mariage quel que soit son âge et ne peut pas transmettre sa nationalité à son conjoint ou à ses enfants nés à l'étranger. Les femmes mariées ne peuvent obtenir un passeport ou voyager à l'étranger sans l'autorisation écrite de leur mari.

En mars dernier, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies a indiqué que l'âge du mariage des filles était de 13 ans, que les rapports sexuels avec des filles dès l'âge de 9 ans selon le calendrier lunaire n'étaient pas pénalisés et que les juges avaient le pouvoir discrétionnaire de libérer certains auteurs de « crimes d'honneur » sans aucune forme de châtiment. Bien qu'il ne constitue pas la norme en Iran, le mariage des enfants existe toujours puisque la loi autorise les filles à se marier à 13 ans et les garçons à 15 ans – voire avant si un juge l'autorise.

Les autorités continuent d'empêcher les filles et les femmes d’assister à certains événements sportifs, y compris les matchs de football et de volley-ball masculins.

Le 31 juillet 2016, le président Rohani a suspendu l'examen d'embauche dans les emplois du secteur public afin d'enquêter sur d'apparentes discriminations contre les femmes sur le marché du travail.

Traitement des minorités

Le gouvernement refuse aux Baha'is la liberté de religion et pratique la discrimination contre les membres de cette communauté religieuse. En octobre 2016, au moins 85 Baha'is étaient détenus dans les prisons iraniennes. Les forces de sécurité ont aussi continué à prendre pour cible les Chrétiens convertis d'héritage musulman, ainsi que les membres du mouvement des « églises de maison » qui se retrouvent chez eux pour prier.

En août, un certain nombre de personnalités sunnites des régions kurdes ont été convoquées et interrogées après avoir critiqué les exécutions d'au moins 20 individus le 2 août.

Le gouvernement a restreint les activités culturelles et politiques des minorités azerbaïdjanaise, kurde, arabe et baloutche du pays. En août, les participants aux examens d'entrée nationaux des universités en Iran ont cependant été autorisés à choisir les langues kurde et turque comme matière principale au baccalauréat. L'année dernière, l'Université du Kurdistan aurait autorisé 40 étudiants à étudier la langue kurde au niveau du baccalauréat universitaire.

Principaux acteurs internationaux

Le 16 janvier, l'Iran et ses partenaires internationaux ont annoncé la « journée de mise en œuvre » de l'accord nucléaire connu sous le nom de Plan global d'action conjoint, point de départ de la levée des sanctions économiques et financières liées aux activités nucléaires de l'Iran. Depuis cet accord, plusieurs délégations commerciales ont fait la navette entre l'Iran et d'autres pays, en particulier européens.

Le gouvernement iranien a continué à fournir au gouvernement syrien une assistance militaire en 2016. Human Rights Watch a enquêté sur plusieurs attaques délibérées et aveugles contre des civils ainsi que sur des actes de torture du gouvernement syrien. Le 15 août, les médias ont affirmé que la Russie avait mené des attaques aériennes en Syrie depuis une base militaire située dans la ville iranienne d'Hamedan.

Le 16 avril, Federica Mogherini, haute représentante de l'Union européenne (UE) et vice-présidente de la Commission européenne, a annoncé lors d'une déclaration conjointe avec le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif que l'UE et l'Iran avaient l'intention de coopérer sur les droits humains, les migrations et les drogues.

Le 25 octobre, le Parlement européen a adopté un rapport sur la stratégie de l'UE à l'égard de l'Iran après l'accord nucléaire, dans lequel il a exprimé ses préoccupations sur le nombre inquiétant des exécutions en Iran et appelé à la libération de tous les prisonniers politiques.

En septembre, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a élu Asma Jahangir nouveau Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en Iran. Le prédécesseur de Mme Jahangir, Ahmed Shaheed, qui avait été nommé en 2011, n'a jamais été autorisé à visiter le pays.