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Canada

Événements de 2021

Une femme s'agenouille devant un monument commémoratif sur la colline du Parlement à Ottawa, en Ontario, pour se recueillir après la découverte de centaines de tombes anonymes sur le site d'un ancien pensionnat pour enfants autochtones à Kamloops, en Colombie-Britannique.

© 2021 Adrian Wyld/The Canadian Press via AP

Depuis sa prise de fonctions en 2015, le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a fait d’importants efforts pour faire progresser les droits humains au Canada. Malgré ces progrès, de graves défis en matière de politique intérieure et étrangère perdurent, notamment de nombreux abus à l’encontre des peuples autochtones et des détenus de l’immigration, dont des personnes handicapées. Le manque de mesures nécessaires pour limiter l’impact du changement climatique et fournir un soutien gouvernemental conduisent aussi à des violations des droits des communautés autochtones dans tout le pays et à l’aggravation des risques pour les personnes handicapées et les personnes âgées. Le Canada est également confronté à de graves problèmes de droits humains à l’étranger en raison du manque de responsabilité concernant les violations commises par les entreprises extractives canadiennes et de mesures significatives pour rapatrier les citoyens canadiens détenus illégalement au nord-est de la Syrie car suspectés de liens avec l’état islamique (EI).

Droits des peuples autochtones

De nombreuses violations contre les peoples autochtones subsistent dans tout le Canada s’accompagnant d’importants défis pour remédier à des décennies de discrimination structurelle et systémique.

L’accès insuffisant à l’eau potable constitue encore un risque important de santé publique dans de nombreuses communautés autochtones et continue à retarder les efforts pour faire progresser les droits des autochtones au Canada, pourtant l’un des pays les plus riches en eau du monde.

Le gouvernement s’est engagé à mettre fin à tous les avis sur la qualité de l’eau potable dans les réserves des Premières Nations d’ici 2021, mais en septembre, plus de 30 communautés de Premières Nations au Canada étaient encore soumises à des avis à long terme sur la qualité de l’eau, avis qui alertent les communautés lorsque leur eau n’est pas potable. Un accord d’un montant de 8 millions de dollars canadiens a été conclu en juillet, à l’issue de deux recours collectifs intentés contre le gouvernement fédéral par les communautés des Premières Nations visées par des avis sur la qualité de l’eau.

En septembre, le Tribunal canadien des droits de la personne a rejeté la demande formulée par le gouvernement fédéral de réviser deux décisions judiciaires relatives à des enfants autochtones. En 2019, le tribunal avait conclu qu’Ottawa avait « traité de manière discriminatoire délibérée et inconsidérée des enfants autochtones de la réserve en ne finançant pas des services sociaux à l’enfance et à la famille ». Le tribunal a ordonné au gouvernement de fournir jusqu’à 40 000 dollars canadiens à chaque enfant autochtone inutilement pris en charge par le gouvernement à partir du 1er janvier 2006.

De mai à juillet, des centaines de tombes anonymes ont été découvertes sur les lieux d’anciens pensionnats financés par le gouvernement et gérés par l’église dans les provinces de Colombie-Britannique et de Saskatchewan. Environ 150 000 enfants autochtones avaient été retirés à leur famille et à leur communauté et placés dans des pensionnats où il leur était interdit de parler leur langue ou de pratiquer leurs traditions. Un grand nombre d’entre eux ont aussi subi des violences physiques et sexuelles dans les pensionnats qui ont fonctionné jusque dans les années 1990.

Le premier ministre Trudeau a appelé l’église catholique romaine qui dirigeait les pensionnats au Canada à présenter des excuses formelles et à publier tous leurs documents. Les groupes autochtones et l’ancien président de la Commission de vérité et de réconciliation ont réclamé au gouvernement une enquête indépendante et des ressources en vue de poursuivre les enquêtes médico-légales effectuées sur les lieux de sépulture des anciens pensionnats.

En juin, le gouvernement canadien a adopté la loi C-15 (Bill C-15), qui établit un cadre permettant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP en anglais) dans la législation fédérale. La législation exige que tous les niveaux du gouvernement garantissent la protection des droits des autochtones selon les normes internationales en matière de droits humains.

Violences à l’encontre des femmes et des filles autochtones

Selon les récentes données publiées en mai par Statistiques Canada, plus de six femmes autochtones sur 10 ont indiqué avoir été victimes d’agression physique ou sexuelle à un moment de leur vie. D’après ce rapport, 83 % des femmes autochtones qui s’identifient comme lesbiennes, bisexuelles ou transgenres ont connu des violences dans leurs relations avec leur partenaire.

En juin, le gouvernement fédéral a publié un rapport promettant une série de « changements profonds » visant à répondre à la discrimination et à la violence persistante à l’encontre des femmes autochtones et des personnes de diverses identités de genre. En juin, le premier ministre Justin Trudeau a promis  $2,2 milliards de nouvelles dépenses  sur cinq ans, pour s’attaquer aux causes profondes de la violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones. Le Canada n’a toujours pas publié de plan d’action fédéral de lutte contre la violence à l’encontre des femmes et des filles autochtones.

Détention liée à l’immigration

Depuis le début de la pandémie de Covid-19, les autorités canadiennes ont procédé à un nombre sans précédent de libérations de personnes migrantes détenues. D’après une étude conjointe de Human Rights Watch et Amnesty International publiée en juin, le Canada continue de détenir dans des conditions souvent abusives, les personnes pour des raisons liées à l’immigration. Les personnes en détention liée à l’immigration, y compris celles en situation de handicap et celles fuyant les persécutions et cherchant protection au Canada sont régulièrement menottées, enchaînées et détenues avec peu, voire aucun contact avec le monde extérieur. Leur date de libération n’étant pas définie, cette détention peut durer des mois ou des années. Nombre de personnes migrantes sont incarcérées dans des prisons provinciales aux côtés de la population carcérale générale et parfois mises en isolement cellulaire.

L’agence des services frontaliers du Canada (ASFC) reste le seul organisme de sécurité majeur à ne pas être soumis à une surveillance civile indépendante. L’exercice  non contrôlé de son mandat étendu et de ses pouvoirs de police a causé, à de multiples reprises, des violations graves des droits humains dans le cadre de la détention de personnes migrantes.

Responsabilité des entreprises

Le Canada possède la moitié des entreprises extractives du monde exerçant leurs activités dans près de 100 pays. Malgré son influence,  le gouvernement canadien n’a jamais réussi à mettre en œuvre les réformes promises pour tenir les entreprises extractives canadiennes responsables des abus commis à l’étranger. L’Ombudsman canadien de la responsabilité des entreprises (OCRE) établi en 2018 ne dispose toujours pas du pouvoir d’enquêter indépendamment ou de faire des rapports publics sur les violations des droits humains mettant en cause des entreprises extractives et ses capacités pour faire rendre des comptes aux parties responsables sont limitées.

En juin, le sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes a déposé un rapport demandant aux pouvoirs publics de proposer un projet de loi qui exigerait des entreprises canadiennes de mener une diligence raisonnable afin « d’identifier, d’empêcher, d’atténuer et de rendre compte de toute possible répercussion néfaste sur les droits humains, l’environnement et le genre » causée par leurs chaînes d’approvisionnement et leurs activités. Le comité a aussi demandé aux pouvoirs publics d’envisager de renforcer les pouvoirs de l’OCRE en lui permettant d’exiger la comparution de témoins et la remise de documents.

En février, un membre du parlement canadien a présenté une pétition à la Chambre des communes demandant au gouvernement d’enquêter sur le rôle des entreprises extractives dans les exécutions extrajudiciaires de défenseurs de l’environnement et des droits humains aux Philippines.

En mars, un professeur de droit canadien a intenté un procès contre le gouvernement fédéral, accusant ce dernier d’avoir indûment dissimulé des informations sur ses interventions diplomatiques pour le compte d’une société minière canadienne accusée de violations de droits humains dans sa mine du Guatemala.

En mai, plus de 80 organismes de la société civile ont publié une lettre exhortant la société minière canadienne Barrick Gold ainsi que le gouvernement de la République dominicaine, de revenir sur l’expansion prévue de la mine d’or de Pueblo Viejo en raison de préoccupations concernant ses répercussions néfastes sur l’environnement et les droits humains.

Lutte contre le terrorisme

Près d’une cinquantaine de Canadiens, hommes, femmes et enfants restent illégalement et indéfiniment détenus au nord-est de la Syrie dans des camps du désert et dans des prisons prévues pour ceux qui sont suspectés d’appartenir à l’état islamique (EI) et à leur famille. Le gouvernement du premier ministre Trudeau ne prend toujours aucune mesure adéquate pour aider et rapatrier ces ressortissants qui ont passé plus de deux ans dans des conditions insalubres, profondément dégradantes, dangereuses et souvent inhumaines. Aucun de ces Canadiens n’a été poursuivi pour un crime, ni présenté à un juge dans le but d’examiner la légalité et la nécessité de leur détention.

En mars, le Canada, avec l’aide d’un ancien diplomate américain, a rapatrié de ces camps une enfant de 4 ans mais a refusé de ramener au pays sa mère canadienne. La mère a réussi à quitter le nord-est de la Syrie mais est restée coincée au Kurdistan d’Irak en attendant pendant plus de quatre mois les documents de voyage que devait lui fournir le Canada pour lui permettre de rentrer. À la suite d’une requête au tribunal déposée pour elle en octobre contre le gouvernement fédéral, un passeport lui a été délivré et elle a pu rentrer au Canada fin novembre. Au moment où nous rédigeons ce chapitre, la COVID-19 se répandait rapidement au nord-est de la Syrie où plus de 30 000 cas ont été signalés dans la région rien qu’en septembre. L’Organisation mondiale de la santé a averti d’un « risque conséquent » de transmission élevée dans les camps.

En juin, le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a publié un rapport  à la suite d’une audition parlementaire sur les répercussions de la COVID-19 sur les enfants vivant dans des situations de crise et appelé le gouvernement à « poursuivre toutes les options possibles » pour rapatrier les enfants canadiens détenus dans le nord-est de la Syrie. Le comité a exhorté le gouvernement à « faire tous les efforts possibles » pour fournir une assistance consulaire à tous les Canadiens détenus. Les parlementaires d’opposition siégeant au comité ont déposé un rapport complémentaire recommandant une action immédiate du gouvernement en vue de faciliter le rapatriement rapide des enfants canadiens et la mise à disposition de services consulaires aux détenus.

En septembre, 26 détenus du nord-est de la Syrie et leur famille au Canada ont déposé auprès du tribunal fédéral une requête contre le gouvernement pour ne pas avoir rapatrié ou aidé à obtenir la libération de ces citoyens. En septembre, Kimberly Polman, l’une des détenues canadiennes a débuté une grève de la faim pour protester contre le manque de soins médicaux dont elle est victime.

Les politiques contre le changement climatique et leurs répercutions

Le Canada, l’un des 10 plus gros émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, contribue à la crise climatique, dont les effets sont de plus en plus nuisibles pour les droits humains dans le monde. Depuis son élection en 2015, le gouvernement Trudeau s’est engagé à maintes reprises à prendre des mesures ambitieuses pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, le Canada reste le seul pays du G7 dont les émissions de gaz à effet de serre ont fortement augmenté depuis l’adoption de l’Accord de Paris.

Le Canada est en tête des pays du monde concernant le financement public par tête de combustibles fossiles et prévoit une augmentation de sa production de pétrole jusqu’en 2050. Selon le Climate Action Tracker, l’engagement du Canada à réduire de 40 à 50 % d’ici 2030, ses émissions par rapport au niveau de 2005 n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement mondial à 1,5°C  au-dessus des niveaux d’avant la révolution industrielle. Et le Canada n’est même pas sur la voie  pour atteindre cet objectif.

L'incapacité des gouvernements du monde entier à lutter contre le changement climatique fait déjà payer un tribut de plus en plus lourd aux populations marginalisées du Canada. Le réchauffement des températures et l’imprévisibilité croissante des conditions météorologiques réduisent la disponibilité des ressources alimentaires traditionnelles des Premières nations, et augmentent la difficulté et le danger associés à la récolte de nourriture.

Les mesures mises en place au niveau fédéral et provincial pour soutenir l’adaptation des Premières Nations aux répercussions actuelles et anticipées du changement climatique ont été largement insuffisantes et n’ont tenu aucun compte de l’incidence du changement climatique sur le droit à l’alimentation des Premières Nations. Bien qu’en 2021, le gouvernement fédéral a pris des engagements historiques pour soutenir la sécurité alimentaire des peuples autochtones et la surveillance du climat par les collectivités autochtones, il faudra beaucoup plus pour faire face aux répercussions de la crise climatique sur les Premières Nations et garantir à tous ceux qui en ont besoin, des subventions alimentaires et des ressources sanitaires.

Le soutien insuffisant des pouvoirs publics a aussi aggravé les risques pour les personnes handicapées et les personnes âgées pendant le « dôme de chaleur » de juin 2021, une vague de chaleur extrême et prévisible, qui a tué des centaines de personnes dans la province canadienne de Colombie-Britannique. Le manque de préparation pour faire face à la chaleur et d’accès à des lieux frais ainsi qu’à du soutien spécifique pour les populations à risque, ont contribué à des souffrances inutiles et peut-être à des décès.

Acteurs internationaux clés

Le secrétaire général de l’ONU António Guterres a exhorté maintes fois les pays à rapatrier leurs ressortissants suspectés d’appartenance à l’EI et les membres de leur famille détenus dans le nord-est de la Syrie et en mars, il a déclaré « absolument essentiel » que le Canada le fasse. En février, la Rapporteure spéciale de l’ONU sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, avait placé le Canada sur « une liste de la honte » de 57 pays pour ne pas avoir rapatrié les ressortissants canadiens du nord-est de la Syrie. Les États-Unis ont aussi appelé plusieurs fois les pays à rapatrier leurs ressortissants.

Politique étrangère

Le premier ministre Trudeau a reconnu la nécessité de négociations à l’Organisation mondiale du commerce pour « résoudre » les questions de propriété intellectuelle qui entravent la fourniture de produits sanitaires liés à la COVID-19 dans le monde, mais le Canada n’a pas soutenu la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud de suspendre certaines dispositions de l’accord ADPIC et n’a fait que soutenir des négociations basées sur un texte visant à un résultat fondé sur le consensus.

En janvier, le Canada a rendu public un avis destiné aux entreprises canadiennes, pour souligner les risques juridiques et réputationnels, de travailler au Xinjiang (Chine), où les chaînes d’approvisionnement peuvent être impliquées dans du travail forcé. Lors de la session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies de juin, le Canada a été le porte-parole d’une déclaration conjointe de la part de 44 pays exprimant leur inquiétude concernant les abus perpétrés au Xinjiang et la dégradation des droits à Hong Kong et au Tibet.

Lors de la session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies de février, le Canada en qualité de membre du groupe restreint sur le Sri Lanka a soutenu l’adoption d’une résolution établissant un nouveau mécanisme de responsabilisation permettant de recueillir, analyser et conserver les preuves de crimes internationaux utilisables lors de poursuites ultérieures.

En mars, le Canada s’est joint à plus de 30 pays pour soutenir une déclaration conjointe condamnant les violations de droits humains en Égypte, notamment les mesures de répression de la société civile et de l’opposition politique et a appelé à « la responsabilité et à la fin immédiate de l’impunité. »

En avril, le Canada a annoncé des sanctions supplémentaires à l’encontre des personnes et des entités associées au régime militaire du Myanmar et a publié un avis aux entreprises faisant affaire avec des entités liées au Myanmar. En juillet et en août, le Canada a aussi imposé des sanction ciblées sur des personnes au Nicaragua et au Bélarus respectivement, en réponse aux violations actuelles de droits humains.

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