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Burundi

Événements de 2021

Le président du Burundi, Évariste Ndayishimiye, prononce un discours lors de la 76ème session de l'Assemblée générale des Nations Unies au siège de l'ONU à New York, le jeudi 23 septembre 2021.

© 2021 AP Photo/Mary Altaffer

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Évariste Ndayishimiye en juin 2020, la situation des droits humains au Burundi a connu des progrès limités. Son administration a relâché quatre journalistes et trois défenseurs des droits humains emprisonnés sur la base d’accusations infondées. Les autorités ont levé certaines restrictions pesant sur les médias et la société civile, et ont promis de réfréner la ligue des jeunes du parti au pouvoir, les Imbonerakure.

Cependant, bien que le président Ndayishimiye se soit engagé à plusieurs reprises à rendre justice et encourager la tolérance politique, la plupart de ses promesses ne sont pas tenues à ce jour. Le président a nommé à des postes clés des tenants de la ligne dure du parti au pouvoir. Les sanctions contre le Premier ministre et d'autres personnes ont été levées par les États-Unis en novembre. Le ministre de l'Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique reste sous les sanctions ciblées de l'Union européenne. Les organisations de défense des droits humains internationales comme burundaises ont documenté des meurtres, disparitions, actes de torture et mauvais traitements, des cas d’arrestations et de détention arbitraires, ainsi que des violences sexuelles et sexistes. Des cadavres non-identifiés, souvent mutilés ou ligotés, ont été découverts à intervalles réguliers dans différentes provinces, souvent enterrés par les autorités locales, des membres des Imbonerakure ou des policiers, sans qu’il y ait eu d’enquête.

Le président Ndayishimiye s’est montré plus ouvert envers la communauté internationale que son prédécesseur. En février, le gouvernement burundais et des représentants de l’Union européenne et de ses États membres ont repris le dialogue politique, qui était suspendu depuis 2016. Le gouvernement burundais a produit une feuille de route technique relative aux droits humains et à d’autres réformes, mais celle-ci reste vague, sans engagements réels, et esquive la question de l’impunité pour les nombreux crimes commis depuis 2015.

Situation sécuritaire et répression politique

Depuis le mois d’août 2020, plusieurs incidents de sécurité ont été signalés, impliquant des affrontements entre les forces de sécurité et des groupes armés, ainsi que des attaques commises par des agresseurs non identifiés. Des attaques par des groupes armés ont été signalées à Cibitoke et dans d’autres provinces frontalières de la République démocratique du Congo. Lors de certaines d’entre elles, des membres des Imbonerakure sont intervenus en appui à l’armée nationale. Des attaques indiscriminées commises par des groupes d’hommes armés non identifiés, qui ont fait des victimes civiles, ont également été signalées. Les autorités burundaises ont dénoncé ces actes « terroristes » ou « criminels », et perpétré des exactions contre leurs auteurs présumés ainsi que des civils.

Selon le rapport de la Commission d’enquête sur le Burundi établie par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, des hommes soupçonnés d’appartenir à des groupes armés ou de les soutenir ont été exécutés par la police ou des agents du Service national de renseignement (SNR), tout au long de l’année 2021. Des dizaines de membres réels ou présumés de groupes d’opposition ont été victimes de disparitions forcées. De nombreuses personnes ont également été emprisonnées par le Service national de renseignement, et auraient subi de graves actes de tortures, des viols et des mauvais traitements.

Des organisations de défense des droits humains locales et internationales, y compris Human Rights Watch, ont documenté des cas de torture sur des personnes soupçonnées d’avoir collaboré avec les groupes armés. La Commission d’enquête sur le Burundi a documenté des cas où les victimes sont mortes en détention.

Malgré une certaine accalmie des exactions perpétrées contre les membres de l’opposition dans la foulée des élections de mai 2020, l’année 2021 a vu perdurer les meurtres, disparitions, actes de torture ainsi que la détention arbitraire et le harcèlement subis par les personnes considérées comme des opposants au gouvernement. Les autorités ont fait quelques efforts limités pour réfréner les Imbonerakure. Certains des membres de cette ligue de jeunesse ont été poursuivis en justice, cependant rarement pour des crimes graves et par le biais de procès qui manquaient souvent de transparence. Fabien Banciryanino, ancien député et ardent défenseur des droits humains, a été condamné le 7 mai sur la base de chefs d’accusation sécuritaires abusifs, et condamné à un an de prison et une amende de 100 000 Francs burundais (soit environ 51 dollars US). Il a été relâché après avoir purgé sa peine, le 1er octobre.

Le 5 mars, un décret présidentiel a proclamé la grâce ou la libération anticipée de 5 000 détenus. Cependant, ce décret excluait beaucoup de prisonniers en détention provisoire, ou accusés de crimes liés à la sécurité, des personnes qui ont été arrêtées pour la plupart dans la foulée des manifestations de 2015 contre l’ancien président Pierre Nkurunziza, qui briguait alors un troisième mandat. Ces prisonniers sont détenus pour des motifs politiques.

Société civile et médias

De nombreux membres de la société civile et journalistes qui ont fui en 2015 sont toujours en exil. Au cours du troisième et dernier mandat de l’ancien président Nkurunziza, la société civile indépendante et les médias ont subi des attaques incessantes, et leurs membres ont été tués, victimes de disparitions forcées, emprisonnés et menacés.

Si le gouvernement d’Évariste Ndayishmiye a levé certaines restrictions, parmi lesquelles la suspension de l’organisation de lutte contre la corruption PARCEM (Parole et Action pour le Réveil des Consciences et l’Évolution des Mentalités), les autorités ont continué à multiplier les interférences injustifiées et à surveiller les activités de la société civile et des médias.

Depuis l’élection d’Évariste Ndayishimiye, plusieurs journalistes et défenseurs des droits de l’homme injustement emprisonnés ont été libérés. Quatre journalistes travaillant pour Iwacu, journal indépendant très lu au Burundi, ont été graciés et libérés le 4 décembre 2020. Leur grâce ne signifie pas leur acquittement, suite à leur condamnation sur la base de motifs politiques pour complicité de « tentative impossible » d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État.

Nestor Nibitanga, un défenseur des droits humains arrêté en novembre 2017 et condamné pour des chefs d’accusation liés à la sécurité, a été gracié et libéré le 27 avril. Le verdict de culpabilité de Germain Rukuki, membre d’ACAT-Burundi arrêté en juillet 2017 et condamné à 32 ans de prison en avril 2018 pour « rébellion », « menace contre la sûreté de l’État », « participation à un mouvement insurrectionnel » et « attaques contre le chef de l’État », a été annulé en appel au mois de juin. Germain Rukuki a été libéré le 21 juin, le jour même où le chef de la délégation de l’UE annonçait l’ouverture du processus pour lever les sanctions contre le Burundi.

Malgré ces libérations bienvenues, l’espace d’action de la société civile et des médias fait toujours l’objet de restrictions sévères. Un avocat et ancien défenseur des droits humains, Tony Germain Nkina, a été condamné à cinq ans de prison en juin, vraisemblablement à cause de son travail passé sur les droits humains. Le 29 septembre, sa condamnation a été confirmée en appel. Le 2 février, la Cour Suprême du Burundi a rendu public le verdict de culpabilité – daté du 23 juin 2020 – dans le procès de 34 personnes accusées d’avoir participé à une tentative de coup d’état en mai 2015, parmi lesquelles figurent 12 défenseurs des droits humains et journalistes en exil. À l’issue d’un procès au cours duquel les accusés étaient absents et n’avaient aucune représentation légale, le groupe a été déclaré coupable d’« attaques contre l’autorité de l’État », « assassinats » et « destructions ».

Le 11 février, le CNC a levé l’interdiction des commentaires publics sur Iwacu, en place depuis avril 2018, et s’est engagé à rétablir l’accès au site web au Burundi. Le 22 février, le CNC a levé l’interdiction de Bonesha FM, qui a dû signer un accord similaire à ceux exigés de la station privée Isanganiro et de Rema FM, une station favorable au parti au pouvoir, et qu’elles avaient signé au moment de reprendre leurs émissions, en février 2016. Le 21 avril, le CNC a autorisé plusieurs nouvelles radios et chaînes de télévision à démarrer leurs activités. Cependant, les médias internationaux font toujours l’objet de restrictions, et la BBC et Voice of America restent suspendues depuis 2018.

Droits des lesbiennes, gays, personnes bisexuelles et transgenres

Le Burundi punit les relations sexuelles consensuelles entre adultes du même sexe d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison, aux termes de l’article 567 du code pénal.

Droits des réfugiés

Les autorités burundaises ont évoqué à de nombreuses reprises la nécessité de voir les réfugiés rentrer d’exil. Au 30 septembre, 269 330 burundais étaient toujours officiellement réfugiés dans les pays voisins, avec plus de 170 000 réfugiés burundais rapatriés dans le cadre du programme tripartite de rapatriement volontaire lancé en 2017. Human Rights Watch a rassemblé des informations sur la manière dont les autorités tanzaniennes ont obligé des réfugiés à signer pour un rapatriement « volontaire », par la force ou la coercition.

Dans son rapport de septembre 2021, la Commission d’enquête sur le Burundi a souligné que malgré un certain apaisement du climat d’hostilité envers les exilés rapatriés sous la présidence d’Évariste Ndayishimiye, certaines personnes autrefois politiquement actives ont été accusées de collaboration avec les groupes armés, arrêtées et détenus arbitrairement, puis torturées en prison. Certains réfugiés qui étaient rentrés ont de nouveau fui le Burundi en 2021, craignant d’être pris pour cibles. Un groupe de huit réfugiés burundais qui ont été torturés et renvoyés de force au Burundi par des responsables de la sécurité tanzaniens ont été acquittés en août de chefs d’accusation liés à la sécurité. À l’heure où nous écrivons, l’accusation a fait appel du verdict.

Covid-19

Bien que la réaction du gouvernement à la pandémie de Covid-19 ait été initialement marquée par la répression et la désinformation, depuis l’arrivée d’Évariste Ndayishimiye au pouvoir, les autorités ont pris des mesures pour freiner la propagation du Covid-19. En juillet, le gouvernement a annoncé qu’il allait commencer à vacciner la population, et le programme en question a démarré en octobre.

La coopération avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a repris, avec l’arrivée de ses nouveaux représentants en avril 2021. En 2020, le gouvernement Nkurunziza avait refusé de suivre les lignes directrices de l’OMS pour empêcher la propagation du virus, et avait déclaré le directeur pays de l’OMS et trois de ses experts persona non grata.

Principaux acteurs internationaux

La Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi, créée en septembre 2016 pour rassembler des informations sur les graves violations des droits humains commises dans le pays, a conclu le 16 septembre que de telles exactions avaient toujours cours au Burundi, et qu’« aucune réforme structurelle n’a été entreprise engagée pour améliorer durablement la situation ».

Malgré ces constatations, l’UE a proposé une résolution lors de la session de septembre du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, adoptée par un vote, et qui met un terme au mandat de la Commission pour la remplacer par un mandat de rapporteur spécial. Les autorités burundaises ont annoncé leur refus de coopérer même avec ce mandat plus limité, et continuent de refuser également de coopérer avec les autres mécanismes internationaux ou régionaux des droits humains.

En 2021, l’UE et le gouvernement du Burundi ont entrepris de mettre en place une série de dialogues politiques destinés à développer une « feuille de route » pour les réformes, alors que les autorités pressent l’UE de lever la suspension de tout soutien budgétaire direct de l’union, en vigueur depuis 2016. Alors que le gouvernement n’a pas encore atteint la plupart des critères fixés par l’UE en 2016, notamment ceux touchent aux médias et à la société civile, le chef de la délégation européenne a annoncé en juin que le processus visant à lever ces mesures avait démarré.

Malgré l’absence de progrès substantiels en matière de droits humains, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a mis un terme le 27 avril à sa mission d’observateurs des droits humains, et appelé à lever toutes les sanctions internationales contre le Burundi. En décembre 2020, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait également mis un terme à ses briefings spéciaux consacrés au Burundi.