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Burkina Faso

Événements de 2021

Un manifestant passe devant des pneus et d’autres objets incendiés lors d’une manifestation contre la violence et l’insécurité à Ouagadougou, au Burkina Faso, le 27 novembre 2021.

© 2021 AP Photo/Sophie Garcia

L’année 2021 a été marquée par une nette détérioration de la situation sécuritaire et du respect des droits humains au Burkina Faso, avec une intensification des attaques et des atrocités perpétrées par des groupes armés islamistes, une persistance des exécutions extrajudiciaires commises par les forces de sécurité étatiques et des milices progouvernementales lors d’opérations de lutte contre le terrorisme, et une aggravation de la situation humanitaire.

Le gouvernement du Président Roch Marc Kaboré, élu en novembre 2020 pour un second mandat, a peiné à répondre aux différentes crises qui se sont conjuguées en 2021. La violence, y compris le massacre en juin de plus de 135 civils à Solhan, attaque la plus meurtrière que ce pays ait connue depuis que le conflit armé a éclaté en 2016, a entraîné des manifestations visant à réclamer l’arrêt de cette effusion de sang. Plusieurs activistes et membres de l’opposition politique ont été interrogés ou détenus après avoir critiqué la réponse du gouvernement à l’insécurité croissante.

Peu de progrès ont été réalisés en termes de justice rendue pour les meurtres présumés de centaines de suspects lors d’opérations plus anciennes menées par les forces de sécurité, même si quelques procès ont eu lieu pour des crimes perpétrés par des combattants islamistes allégués. Les institutions chargées du respect de l’État de droit sont restées inefficaces ; cependant, le gouvernement a pris des mesures pour réduire le nombre de suspects en détention provisoire.

Les attaques lancées par des groupes armés ont contraint plus de 237 000 personnes à fuir leur domicile en 2021, portant le nombre total de personnes déplacées internes depuis 2016 à plus de 1,4 million, soit six pour cent de la population. Le gouvernement a peiné à prendre en charge le nombre croissant de personnes déplacées.

Une loi promulguée en 2019 qui érige en infraction certains aspects de la présentation d’informations sur les opérations des forces de sécurité a eu pour effet de brimer la liberté de la presse, les journalistes rechignant à rendre compte d’allégations d’exactions commises par les forces progouvernementales. Le gouvernement a imposé une interdiction de fait des visites de journalistes dans les camps de personnes déplacées internes, et exercé des pressions sur les journalistes et les victimes qui ont signalé des allégations relatives à un chantage « rapports sexuels contre aide humanitaire ».

Les partenaires internationaux du Burkina Faso, dont l’Union européenne, la France, les Nations Unies et les États-Unis, ont ouvertement dénoncé la violence des groupes armés islamistes, mais ont en grande partie rechigné à dénoncer les exactions des forces gouvernementales ou à réclamer des enquêtes sur ces abus.

Exactions perpétrées par les groupes armés islamistes

Des groupes armés islamistes alliés à Al-Qaïda et à l’État islamique au Grand Sahara ont tué plus de 350 civils. Leur présence et les attaques visant des cibles militaires et des civils se sont étendues depuis le nord et l’est du Burkina Faso vers le sud et l’ouest du pays. Leurs attaques ont en grande partie ciblé des communautés qui avaient formé des groupes locaux de défense civile.

Le 1er novembre, des islamistes armés ont tué une dizaine de civils du village de Dambam qui se rendaient à un marché local près de la frontière nigérienne. Le 18 août, des islamistes armés ont pris en embuscade un convoi de commerçants près d’Arbinda, dans le nord du Burkina Faso, tuant 59 civils et plusieurs membres des forces de sécurité progouvernementales. Les 4 et 5 juin, ils ont tué au moins 137 civils lors d’une attaque ciblant le village de Solhan, dans le nord du pays.

Le 3 mai, des combattants islamistes armés ont tué 30 villageois lors d’une attaque visant le village de Kodyel. Le 26 avril, ils ont pris en embuscade une patrouille de lutte contre le braconnage, tuant deux journalistes espagnols et un défenseur de l’environnement irlandais. Lors d’une attaque distincte perpétrée le même jour, des islamistes armés ont tué 18 villageois dans le village de Yattakou, au nord du pays. Entre février et mai 2021, ils ont tué au moins 30 civils dans la province d’Oudalan, dans le nord du pays, dont des commerçants qui se rendaient à un marché en février, ainsi que 15 autres lors d’un baptême en mai.

Tout au long de l’année 2021, des groupes armés islamistes ont enlevé des dizaines de civils dans des villages, à bord de véhicules et dans les camps de personnes déplacées. Parmi les victimes figuraient des travailleurs d’organisations religieuses et de services sanitaires, des chefs de villages, des commerçants et des personnes déplacées. Un grand nombre des personnes enlevées, dont un prêtre, ont par la suite été tuées, tandis qu’au moins 27 villageois enlevés alors qu’ils se trouvaient à bord de véhicules de transport public entre les villes de Dablo et de Barsalogho en juin et juillet n’avaient toujours pas été retrouvés au moment de la publication des présentes.

Les combattants des groupes islamistes ont aussi incendié des villages, des marchés et des commerces ; imposé leur version de la charia (droit musulman) par le biais de tribunaux qui ne respectent pas les normes internationales requises en matière de procédure équitable ; et empêché des agriculteurs d’accéder à leurs champs.

Exactions perpétrées par les forces de sécurité de l’État et des milices progouvernementales

Plusieurs allégations ont été faites concernant des exécutions extrajudiciaires de suspects par les forces de sécurité burkinabè lors d’opérations de lutte contre le terrorisme, qui ont pour la plupart ciblé des personnes issues du groupe ethnique peul. Cependant, le bilan des meurtres extrajudiciaires a été inférieur à ceux de 2019 et 2020.

En réponse à la hausse du nombre d’attaques perpétrées par les groupes armés islamistes, le Président burkinabè a démis le ministre de la Défense de ses fonctions à la suite d’un remaniement ministériel. Il a aussi instauré par décret une force spéciale de lutte contre le terrorisme dont les membres « ne peuvent être poursuivis pour des actes accomplis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions ».

Des groupes d’auto-défense soutenus par l’État, notamment les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), créés en 2020, ont été impliqués dans de nombreux crimes graves, dont des détentions arbitraires, des actes de torture et des meurtres extrajudiciaires ciblant des personnes soupçonnées d’être des islamistes armés et des criminels.

Certaines allégations ont impliqué une collaboration entre les VDP et les forces de sécurité, notamment le meurtre de six hommes, dont un étudiant, qui aurait été commis à la mi-septembre, et la disparition forcée de cinq autres lors d’une opération conjointe dans la région des Cascades, dans l’ouest du pays.

Obligation de rendre des comptes pour les exactions commises

Peu de progrès ont été réalisés au niveau des enquêtes sur des atrocités plus anciennes perpétrées par les services de sécurité, notamment le meurtre en 2018 et 2019 de dizaines de suspects dans la région burkinabè du Sahel ; la mort de plus de 200 hommes à Djibo en 2020 ; et la mort de 12 hommes détenus par des gendarmes à Tanwalbougou.

La direction de la justice militaire, chargée d’enquêter sur les incidents impliquant les forces de sécurité, a continué de pâtir d’un manque de ressources.

La prison haute sécurité qui abrite des détenus ayant commis des délits liés au terrorisme reste surpeuplée ; au moment de la rédaction des présentes, quelque 876 individus occupaient un espace prévu pour 448 personnes. La durée de détention d’une grande majorité d’entre eux dépasse largement les limites légales. Le gouvernement a pris des mesures pour régler les dossiers en souffrance et assurer le respect de la loi en libérant des dizaines de suspects accusés d’avoir commis des délits liés au terrorisme faute de preuves suffisantes et en ouvrant des procès. Rares sont les détenus qui ont eu accès à un avocat.

Un tribunal dédié aux délits liés au terrorisme a été instauré et des affaires y sont traitées depuis la mi-2021. En août, un procès a entraîné la condamnation de deux membres du groupe armé islamiste Ansaroul Islam pour l’attaque d’une école primaire en 2018 ; cependant, la procédure a soulevé des inquiétudes quant au respect de la légalité, notamment le fait que les accusés n’avaient pas été informés de leur droit à un avocat conformément à la loi.

Le procès tant attendu des personnes impliquées dans l’assassinat, en 1987, du Président Thomas Sankara et de 12 autres individus s’est ouvert le 11 octobre. Parmi les 14 accusés figure l’ancien Président Blaise Compaoré, qui a fui en Côte d’Ivoire en 2014 après avoir été renversé par une insurrection populaire. Lui et plusieurs autres hommes seront jugés par contumace. En juillet, la France a approuvé une demande d’extradition du Burkina Faso concernant François Compaoré, le frère de l’ancien président, pour son implication alléguée dans le meurtre en 1998 de Norbert Zongo, journaliste d’investigation de premier plan.

Droits des enfants et attaques contre le système éducatif

Le recrutement d’enfants et leur utilisation se sont intensifiés parmi les groupes armés, nomment les islamistes armés. Au moins 15 enfants faisaient partie des individus détenus dans la prison haute sécurité. En mai, plus de 300 000 enfants étaient déscolarisés du fait de la fermeture de 2 244 écoles suite à l’insécurité, soit environ 10 % des écoles du pays, d’après le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). En 2021, au moins 30 attaques perpétrées par des groupes armés islamistes contre le système éducatif, notamment le pillage et d’autres dommages causés à des établissements scolaires ainsi que l’enlèvement et la détention d’enseignants ou des actes de menace à leur encontre, ont été documentées par Human Rights Watch ou signalées par le ministère burkinabè de l’Éducation ou le projet ACLED (Armed Conflict Location and Event Data, qui travaille sur le suivi des conflits et de leurs victimes).

Principaux acteurs internationaux

La détérioration rapide de la situation sécuritaire et humanitaire a attiré une attention significative de la part des principaux partenaires internationaux du Burkina Faso. Ceux-ci ont émis plusieurs déclarations dénonçant les exactions perpétrées par les groupes armés islamistes, sans pour autant mettre en cause les forces progouvernementales ni exhorter publiquement les autorités nationales à enquêter sur les allégations.

Les bailleurs de fonds, notamment la France, les Pays-Bas, les Nations Unies et les États-Unis, ont appuyé des programmes visant à améliorer le secteur judiciaire, à résoudre les problèmes de surpopulation carcérale et de détention provisoire prolongée des individus soupçonnés de terrorisme, et à former les forces de sécurité à la question des droits humains.

Le G5 Sahel, une force régionale de lutte contre le terrorisme créée en 2017, qui inclut le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie et le Niger, a mené des opérations le long des frontières septentrionales du Burkina Faso avec le Mali et le Niger, certaines de ces opérations ayant impliqué des troupes françaises.

En octobre, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a signé un accord concernant l’ouverture d’un bureau national chargé de surveiller le déroulement des opérations des forces de sécurité lors des travaux du G5 Sahel et, d’une manière plus générale, d’appuyer la Commission nationale des droits humains et la société civile. 

Les États-Unis ont délivré des programmes de formation d’un montant de 2 millions de dollars pour lutter contre les engins explosifs improvisés (EEI), et apporté 5 millions de dollars au titre du financement de la lutte contre le terrorisme pour renforcer les capacités permettant de faire respecter la loi afin d’enquêter sur les dossiers complexes liés au terrorisme. En juillet, les États-Unis s’étaient engagés à octroyer au Burkina Faso 69 millions de dollars pour soutenir l’assistance humanitaire, la santé, la paix et la sécurité, les programmes, et les secteurs clés du développement économique.

L’UE a fourni au Sahel une assistance humanitaire de 188,6 millions d’euros ainsi que 4,5 milliards d’euros pour appuyer la force conjointe de lutte contre le terrorisme du G5 Sahel, y compris au titre du cadre dédié à la diligence raisonnable en matière de droits de l’homme, qui exhorte les gouvernements à s’assurer que leurs forces respectent les droits humains lors de leurs opérations.

La France, premier donateur bilatéral du Burkina Faso, dispense une formation militaire aux troupes burkinabè et a appuyé les opérations de sécurité dans la région du Sahel au moyen de son opération de lutte contre l’insurrection forte de 5 100 membres, l’Opération Barkhane, dont le retrait est prévu pour 2022.

En réponse à la gravité et au nombre des attaques perpétrées contre les écoles, ainsi qu’au meurtre et à la mutilation d’enfants, le Secrétaire général de l’ONU a ajouté le Burkina Faso à la liste des situations préoccupantes pour le mécanisme de surveillance et d’information des Nations Unies sur les graves violations commises contre les enfants en temps de conflits armés.

Correction

Une version précédente de la légende photo a incorrectement identifié la personne sur la photo comme un membre des forces de sécurité. La légende photo a été corrigée afin de décrire la personne qui passe devant le feu comme étant un manifestant.