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Sénégal

Événements de 2021

Des manifestants scandent des slogans contre l’arrestation du leader de l’opposition et ancien candidat à l’élection présidentielle Ousmane Sonko, lors d’un rassemblement devant le Palais de Justice de Dakar, au Sénégal, le 8 mars 2021.

© 2021 AP Photo/Sylvain Cherkaoui

Arrestations arbitraires de figures de l’opposition, usage excessif de la force par les forces de sécurité, espace civique restreint, viols et d’autres violations graves des droits humains se sont poursuivis toute l’année au Sénégal. Le 25 juin, l’Assemblée nationale sénégalaise a adopté deux projets de loi antiterroristes défectueux et d’une portée trop vaste, qui prévoient la réclusion à perpétuité pour les personnes enfreignant ces lois. 

Le viol, l’exploitation sexuelle et les abus d’élèves restent des préoccupations graves dans le milieu scolaire sénégalais. Les filles sénégalaises sont confrontées à des niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, notamment d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus, de la part d’enseignants et d’autres responsables scolaires. Certaines élèves ont également été violées et abusées sexuellement par d’autres. La plupart de ces cas ne sont pas signalés et les auteurs restent souvent impunis. Le 29 juin, un élève de 19 ans a été placé en détention par la police après une accusation de viol sur une fille âgée de 15 ans, qui fréquentait la même école.

Les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT) ainsi que les activistes luttant pour leurs droits ont continué à subir des campagnes de dénigrement et des abus, notamment des menaces et des agressions physiques. D’après les comptes-rendus des médias et de groupes locaux de défense des droits, des dizaines d’agressions contre des personnes homosexuelles ont été recensées au Sénégal pendant la première moitié de l’année.

L’exploitation, la maltraitance et la négligence d’enfants vivant dans les écoles coraniques traditionnelles sénégalaises se sont perpétuées. Ces élèves, appelés talibés, sont des milliers à vivre dans des conditions extrêmement sordides, tout en étant privés d’une nourriture appropriée et de soins médicaux adéquats.

Usage excessif de la force

Au cours de manifestations en mars et en juin, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive pour maintenir l’ordre public.

Le 3 mars, des mouvements de contestation ont éclaté dans tout le pays à la suite de l’arrestation d’Ousmana Sonko, principale figure de l’opposition, à Dakar. Les forces de sécurité ont dispersé les manifestants à coup de gaz lacrymogène et par tirs de balles réelles ; elles ont interpellé 100 personnes et en ont laissé des centaines d’autres blessées. Ousmane Sonko, dirigeant du parti politique Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF), a été arrêté après avoir été accusé de viol par une femme, accusation qu’il a niée, affirmant qu’il s’agissait d’une manœuvre politique. Son arrestation a déclenché des manifestations de masse, avec des milliers de jeunes principalement, mais aussi des membres des partis de l’opposition et de la société civile déferlant dans les rues du pays. Dans une allocution du 5 mars, le ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome a déclaré que les manifestations étaient des « actes de terrorisme », d’« insurrection », de « vandalisme » et de « banditisme », et qu’elles étaient illégales compte tenu de l’état de catastrophe sanitaire instauré en réponse à la pandémie de Covid-19.

Radio France Internationale (RFI) a signalé qu’au moins 10 personnes étaient mortes lors de cet incident. Des organisations internationales de défense des droits humains ont recensé au moins huit morts au cours des manifestations, certaines « en raison du recours excessif à la force et de l’usage d’armes à feu par les forces de sécurité ». La Croix-Rouge sénégalaise a rapporté 6 morts et au moins 590 personnes blessées, dont 232 ont été évacuées vers des centres de soins. Les groupes de l’opposition ont signalé 11 morts.

Le 25 juin, la population est descendue dans les rues de Dakar, à l’appel du Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D), regroupement de partis d’opposition et d’organisations de la société civile, pour protester contre l’adoption de deux projets de loi antiterroristes controversés par l’Assemblée nationale. Les médias ont rapporté que la police avait répondu par des tirs de gaz lacrymogène et interpellé au moins 20 manifestants. Toutes les personnes arrêtées ont été libérées, dont un homme qui a accusé la police de l’avoir frappé et brutalisé. 

Lois antiterroristes

L’Assemblée nationale a adopté deux projets de loi antiterroristes, par 70 voix contre 11. Ces nouvelles lois bancales portent modification au code pénal et au code de procédure pénale. Le gouvernement a affirmé qu’elles visaient à « renforcer la lutte contre le terrorisme, la piraterie maritime et la criminalité transnationale organisée », mais les organisations de la société civile et les partis d’opposition leur ont reproché d’être trop vagues et de menacer les libertés et les droits fondamentaux.

Selon ces lois, les « actes terroristes » incluent les actes ayant pour but de « troubler gravement l’ordre public », « l’association de malfaiteurs » et « les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication », tous étant passibles de réclusion à perpétuité. De plus, ces lois érigent en infraction pénale le fait « d’inciter à la commission d’un acte terroriste », sans toutefois définir clairement la notion d’incitation, ce qui met en danger la liberté d’expression, notamment celle des médias, en rendant ces formes d’expression passibles de poursuites.

Aux termes de ces lois, les dirigeants d’associations, de syndicats ou de partis politiques seraient pénalement responsables des « délits commis » par leurs organisations, ce qui menace le droit d’association. Dans le cas où une organisation serait reconnue coupable, ces lois autoriseraient la confiscation des biens des dirigeants et de l’organisation. Les textes confèrent également des pouvoirs supplémentaires aux responsables de l’application des lois pour effectuer la surveillance des personnes suspectées de terrorisme sans demander l’autorisation d’un juge.

Le 30 juin, les membres de partis d’opposition ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel, soutenant que ces lois sont inconstitutionnelles et contraires aux obligations juridiques nationales et internationales du pays. Le 30 juillet, le Conseil constitutionnel a rejeté le recours, décrétant qu’elles n’étaient pas inconstitutionnelles. Cependant, il a réduit à 12 mois, au lieu de 24 dans le texte initial, la durée du contrôle administratif et des mesures de surveillance pouvant être appliqués aux personnes accusées d’actes terroristes en vertu de ces lois.

Droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT)

Les personnes LGBT ainsi que les activistes luttant pour leurs droits ont continué à subir des campagnes de dénigrement et des abus. Aux termes de l’article 319 du code pénal sénégalais, les « actes contre nature » avec une personne du même sexe peuvent être punis d’une peine de prison allant jusqu’à cinq ans. D’après les comptes-rendus des médias et de groupes locaux de défense des droits, des dizaines d’agressions contre des personnes LGBT ont été recensées au Sénégal pendant la première moitié de l’année.

Le 23 mai, le collectif « And Samm Jikko Yi », soutenu par le rassemblement islamique sénégalais, a organisé une manifestation anti-LGBT à Dakar, demandant à ce que la loi sanctionnant les « actes contre nature » soit durcie. En juin, d’après les médias, un employé du ministère de l’Éducation sénégalais a été renvoyé pour avoir proposé aux élèves un sujet sur l’homosexualité lors d’un examen d’anglais dans un lycée de Dakar.

Abus perpétrés contre des enfants talibés dans les écoles coraniques

La maltraitance, l’exploitation et la négligence d’enfants vivant dans les internats coraniques traditionnels, encore non réglementés au Sénégal (appelés « daaras ») se sont poursuivies à des niveaux alarmants. Human Rights Watch a estimé que plus de 100 000 enfants talibés au Sénégal sont forcés par leurs maîtres coraniques à mendier quotidiennement pour de l’argent, de la nourriture, du riz ou du sucre. De nombreux maîtres coraniques (aussi nommés « marabouts ») et leurs assistants continuent de fixer des quotas de mendicité quotidiens, qu’ils imposent par des passages à tabac, et de faire preuve de négligence envers les talibés. D’autres formes d’abus sont également perpétrées, notamment l’enchaînement des talibés. 

Chaque année, des milliers d’enfants talibés, sénégalais ou étrangers, migrent vers les grandes villes pour se rendre dans des daaras. Des milliers d’entre eux sont victimes de traite. Selon la loi sénégalaise, la traite des personnes inclut l’exploitation d’enfants pour de l’argent par la mendicité forcée, ainsi que le recrutement ou le transport d’enfants à cette fin.

Malgré des lois nationales strictes interdisant la maltraitance des enfants et la traite des personnes, et les efforts du gouvernement pour remédier à ces problèmes, l’engagement soutenu des autorités sénégalaises pour mettre fin à la mendicité forcée et aux abus des talibés s’est avéré peu concluant. En 2021, il y a eu quelques poursuites et condamnations de maîtres coraniques pour maltraitance sur des talibés, notamment pour avoir frappé et enchaîné des enfants et pour avoir causé la mort d’un garçon à la suite de coups en 2020. Toutefois, les lois existantes sur l’exploitation par la mendicité forcée restent peu appliquées. Le gouvernement a continué ses programmes de « modernisation » et de soutien des daaras. En 2021, certains gouvernements locaux ont poursuivi leurs efforts pour réduire la mendicité des enfants et « retirer les enfants de la rue », dans le prolongement du déploiement national de la troisième phase du programme prévu à cet effet par le gouvernement en 2020.

Violences sexuelles et sexistes

Les filles sénégalaises sont confrontées à des niveaux élevés de violence sexuelle et sexiste, notamment d’exploitation sexuelle, de harcèlement et d’abus, de la part d’enseignants et d’autres responsables scolaires, mais aussi à des viols et des abus sexuels de la part d’autres élèves.

Le 29 juin, un élève de 19 ans a été placé en détention par la police et accusé d’avoir violé une fille âgée de 15 ans, qui fréquentait la même école. L’accusé aurait diffusé une vidéo du viol, largement relayée sur WhatsApp et d’autres réseaux sociaux. Ceci a entraîné des réactions condamnant le viol et l’accusé, mais aussi des tentatives de calomnie et de discrédit du récit du viol fait par la survivante. Le gouvernement refuse encore de reconnaître l’ampleur des violences sexuelles à l’école et n’a pas encore pris de mesures concrètes pour remédier à ce problème ni pour protéger les survivantes au moment de la dénonciation des abus et après.