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Pologne

Événements de 2021

Par des températures glaciales dans la forêt de Pologne, un réfugié syrien sous une tente en plastique improvisée demande l'asile. Il a traversé la frontière entre la Pologne et le Bélarus à plusieurs reprises après avoir été renvoyé au Bélarus par les gardes-frontières polonais.

© 2021 Photo by Celestino Arce/NurPhoto via AP

Le gouvernement polonais a continué de fragiliser l’État de droit en renforçant son emprise sur le système judiciaire et en dénigrant les journalistes et les défenseurs des droits humains qui critiquent ses actions. Une décision rendue en octobre par le Tribunal constitutionnel, un organe politiquement biaisé, qui a rejeté la primauté du droit de l’Union européenne (UE), a envenimé la crise politique et juridique entre Varsovie et l’UE. Les attaques et le harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits des femmes et des personnes lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT) se sont multipliées, et plusieurs ont été arrêtés au cours de l’année. Le gouvernement polonais a déclaré l’état d’urgence à la frontière avec le Bélarus, invoquant l’afflux considérable de migrants en provenance de ce pays. Il s’est livré à des refoulements illégaux, parfois violents, alors que le nombre de tentatives de franchissements irréguliers de la frontière augmentait.

Indépendance de la justice

Le gouvernement a poursuivi ses attaques contre l’indépendance du pouvoir judiciaire. Le Tribunal constitutionnel, dont la composition et l’indépendance continuent d’être compromises, a rendu une décision en juillet selon laquelle les mesures provisoires ordonnées en octobre 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour protéger l’indépendance de l’appareil judiciaire polonais étaient contraires à la Constitution polonaise. Toujours en juillet, la CJUE a ordonné la suspension temporaire de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise, estimant qu’elle ne pouvait être considérée comme un organe judiciaire impartial et indépendant au sens du droit européen. En août, le gouvernement polonais a notifié l’UE qu’il allait démanteler la chambre disciplinaire, mais ne l’a pas fait, ce qui a incité la Commission européenne, en septembre, à demander à la CJUE l’imposition d’astreintes journalières pour non-respect de l’ordonnance de la Cour.

Juges et procureurs ont continué de faire l’objet de procédures disciplinaires arbitraires pour avoir exprimé des préoccupations relatives à l’État de droit et à des réformes judiciaires lacunaires, une violation flagrante de leur indépendance.

En avril, le Tribunal constitutionnel dont l’indépendance est compromise a ordonné la révocation  du commissaire aux droits humains du pays, Adam Bodnar qui a pris effet trois mois plus tard. Le Parlement n’avait pas réussi à nommer son successeur au terme de son mandat de cinq ans, en septembre 2020. Adam Bodnar, qui a fréquemment critiqué les attaques contre l’état de droit et les violations des droits humains par le gouvernement, aurait dû rester en poste jusqu’à la nomination de son successeur. Au lieu de quoi le gouvernement s’est adressé au Tribunal constitutionnel, lui demandant de déclarer inconstitutionnelle la disposition relative à la continuité de son mandat, mettant ainsi fin prématurément à ses fonctions. En juillet, l’avocat et universitaire Marcin Wiącek est devenu commissaire aux droits humains après une vacance de huit jours à la suite de la révocation de Adam  Bodnar.

En octobre, à la suite d’une requête déposée par le Premier ministre polonais, le Tribunal constitutionnel a rendu une décision selon laquelle l’interprétation par la CJUE des articles 1 et 19 du traité de l’UE n’était pas compatible avec la Constitution polonaise, rejetant la nature contraignante du droit européen et suscitant les inquiétudes de la Commission européenne et d’un certain nombre d’autres États membres de l’Union.

Liberté des médias et pluralisme

Le gouvernement a poursuivi ses attaques contre les médias indépendants. Selon Reporters sans frontières (RSF), depuis l’arrivée au pouvoir en 2015 du parti Droit et justice (PiS), la Pologne est passée de la 18e à la 64e place dans le classement de la liberté de la presse, en raison des campagnes de dénigrement et des poursuites judiciaires visant des journalistes et des médias.

En avril, la chambre basse du Parlement, contrôlée par le parti PiS au pouvoir, a adopté un projet de loi empêchant les actionnaires non européens de détenir une participation majoritaire dans les médias polonais, ce qui a eu un impact sur la chaîne indépendante TVN, détenue par les États-Unis, et sa chaîne d’information en continu, TVN24. L’adoption de ce texte intervient après la suspension de la licence permettant à  TVN d’émettre en juillet par le Conseil de l’audiovisuel. En septembre, la chambre haute du parlement a rejeté le projet de loi et, au moment de la rédaction du présent rapport, la loi était de nouveau soumise à l’examen de la chambre basse du parlement. À la suite des critiques de l’UE, le Conseil de l’audiovisuel a prolongé la licence fin septembre.

L’état d’urgence déclaré à la frontière polonaise avec le Bélarus en septembre, devant l’afflux considérable de migrants et de réfugiés, interdit aux journalistes de pénétrer dans un rayon de deux kilomètres autour de la frontière, les empêchant de couvrir des informations d’intérêt public.

Orientation sexuelle et identité de genre

Le gouvernement a poursuivi son offensive contre les droits des personnes LGBT dans le cadre de sa rhétorique relative à l’« idéologie antigenre ». Les activistes LGBT ont fait état d’un environnement de plus en plus hostile dans lequel les membres de cette communauté ne se sentent pas en sécurité. Nombreux sont celles et ceux qui ont quitté la Pologne au cours de l’année en raison de l’augmentation de l’homophobie et de la transphobie.

Les dispositions du code pénal relatives aux crimes de haine n’incluent pas ceux commis sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre et les personnes LGBT ont signalé que la réponse de l’État aux menaces ou aux attaques signalées les concernant était faible.

Une centaine de régions et de gouvernements locaux en Pologne continuent de se déclarer « zones exemptes d’idéologie LGBT ». Craignant de perdre des fonds européens, quatre régions polonaises ont toutefois révoqué en septembre leurs déclarations anti-LGBT.

En août, un tribunal local de la ville de Plock a acquitté trois activistes LGBT, dont Elzbieta Podlesna, qui étaient accusés d’avoir heurté le sentiment religieux. Ils avaient affiché publiquement des images de la Vierge Marie et de l’enfant Jésus sur fond d’auréoles aux couleurs de l’arc-en-ciel. Le juge a estimé que l’intention n’était pas ici d’offenser les croyances de quiconque, mais de témoigner un soutien aux personnes LGBT et à l’égalité de leurs droits.

Migration et asile

Face à la hausse, depuis le mois de mai, du nombre de migrants traversant irrégulièrement la frontière entre le Bélarus et la Pologne, le gouvernement polonais a déclaré en septembre l’état d’urgence à la frontière avec le Bélarus, interdisant l’accès à la zone frontalière aux journalistes, militants et travailleurs humanitaires, entre autres. À partir du mois d’août, des informations crédibles faisant état de refoulements, parfois violents, de migrants et de demandeurs d’asile vers le Bélarus par des gardes-frontières polonais se sont multipliées, cinq décès de migrants ayant été confirmés dans les bois à proximité de la frontière entre les deux pays.

Les autorités polonaises ont tenté de justifier leur politique migratoire abusive en affirmant qu’il s’agissait d’une réponse à la politique délibérée du président bélarusse Alexandre Loukachenko de laisser les migrants entrer librement dans son pays et de se déplacer vers les frontières de l’UE, en représailles aux sanctions européennes imposées au Bélarus. Ces justifications ne tiennent pas compte du fait que les actions de Varsovie violent les obligations qui lui incombent en vertu du droit européen et international et mettent les migrants en danger, y compris de mort, et que sa pratique du refoulement préexistait à la crise avec le Bélarus.

Droits des femmes

Une décision rendue en octobre 2020 par le Tribunal constitutionnel qui rend quasiment impossible l’accès à l’avortement légal est entrée en vigueur en janvier. Les organisations de défense des droits des femmes Abortion Without Borders (Avortement sans frontières), Abortion Dream Team et la Federation for Women and Family Planning (Fédération internationale pour la planification familiale) ont signalé une hausse significative du nombre de femmes et de jeunes filles les contactant pour demander de l’aide pour accéder à un avortement et à d’autres soins de santé sexuelle et reproductive au cours de l’année. Les restrictions imposées en raison de la pandémie de Covid-19 ont continué à rendre particulièrement difficiles et onéreux les déplacements transfrontaliers pour obtenir un accès à l’avortement.

En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a annoncé qu’elle examinerait les plaintes de Polonaises susceptibles d’avoir été victimes de violations de leurs droits en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, suite à la décision du Tribunal constitutionnel sur l’avortement. Le gouvernement polonais n’a pas mis en œuvre  les précédents arrêts de la CEDH concernant l’accès à l’avortement légal.

En septembre, un nouveau projet de loi prévoyant de punir les femmes qui avortent d’une peine pouvant aller jusqu’à 25 ans de prison a été présenté. Un projet de loi, qui criminaliserait l’éducation sexuelle et qui est soutenu par le gouvernement, est toujours à l’examen en commission parlementaire.

Au moment de la rédaction du présent rapport, une demande adressée par le gouvernement en juillet 2020 au Tribunal constitutionnel pour examiner la compatibilité avec la Constitution polonaise de la Convention d’Istanbul, un instrument du Conseil de l’Europe visant à combattre et à prévenir la violence à l’encontre des femmes, était toujours en attente d’examen.

Les menaces et le harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits des femmes se sont poursuivis. À l’approche de la Journée internationale des droits des femmes en mars, les membres du personnel de sept organisations ont fait état d’alertes à la bombe et de menaces de mort, en raison de leur travail ou de leur soutien présumé aux droits des femmes et à l’avortement. Quatre d’entre elles ont porté plainte auprès de la police, affirmant que, dans de nombreux cas, celle-ci avait minimisé les menaces ou n’avait pas mené d’enquête véritable. En octobre, l’escalade des menaces à l’encontre de Marta Lempart, cofondatrice d’Ogólnopolski Strajk Kobiet (Grève des femmes de toute la Pologne), a conduit la police à lui offrir une protection lors de ses apparitions publiques.

Les organisations de défense des droits des femmes ont fait état d’une augmentation des cas de violence domestique signalés à la suite des confinements et des restrictions de mouvement imposés par la pandémie de Covid-19, avec pour conséquence que certaines femmes et filles se sont retrouvées piégées avec leurs agresseurs au sein du même foyer et peu de possibilités véritables d’obtenir de l’aide.