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République centrafricaine

Événements de 2019

Un camp de déplacés internes à Birao, en République centrafricaine, le 6 novembre 2019. Des combats entre des anciens rebelles Seleka, des milices anti-balaka et d’autres groupes armés ont forcé des milliers de personnes à fuir leurs maisons, les combattants ayant tué des civils et pillé et brûlé des propriétés. Plus de 600 000 Centrafricains sont réfugiés à l’extérieur du pays et 600 000 autres sont déplacés à l’intérieur du pays.

© Camille Laffont/AFP via Getty Images

Un Accord politique pour la paix et la réconciliation a été signé à Bangui entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés au mois de février. Dans le cadre de cet accord, un nouveau gouvernement a été formé et plusieurs membres des groupes armés ont été nommés à des postes de hauts responsables, y compris des chefs rebelles dont la responsabilité dans les atrocités de ces dernières années est corroborée par des preuves crédibles. Cet accord est le sixième signé depuis le début de la crise fin 2012, et représente le principal effort à ce jour, de la part des acteurs locaux et internationaux, pour inclure toutes les parties concernées.

Malgré l’accord de paix, les groupes armés ont perpétré en 2019 de graves violations des droits humains à l’encontre de civils, dans l’ensemble du pays, qui demeure à plus de 70 pour cent sous leur contrôle. Les affrontements entre les rebelles principalement musulmans de la Séléka, les milices anti-balaka et d’autres groupes armés ont forcé des milliers de personnes à fuir leur domicile alors que les combattants tuaient des civils, et pillaient et incendiaient les propriétés. L’incident le plus grave s’est produit le 21 mai, quand des combattants du groupe rebelle Retour, Réclamation et Réhabilitation (3R) ont tué 46 civils lors d’attaques coordonnées dans la province d’Ouham-Pendé.

Les tensions se sont intensifiées à Bangui quand les représentants d’une plateforme politique connue sous le nom d’E Zingo Biani, qui comprend des responsables d’organisations de la société civile et de partis d’opposition, ont critiqué le gouvernement pour avoir nommé des chefs de groupes armés à des postes de fonctionnaires clés. Entre avril et juin, la plateforme a multiplié les appels à manifestation, interdites par les autorités. Au cours d’une manifestation, qui avait été interdite, des membres de l’Office central de répression du banditisme ont violemment agressé puis arrêté deux journalistes français et un opposant politique centrafricain.

En août et en septembre, deux chefs rebelles, Mahamat al-Khatim, chef du Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), ainsi que le commandant de 3R, Sidiki Abass, ont démissionné de leurs fonctions gouvernementales.

Certains tribunaux locaux ont prononcé des condamnations à l’encontre de chefs de groupes armés impliqués dans des crimes graves, et sept enquêtes étaient en instance devant la Cour pénale spéciale (CPS), un nouveau tribunal pour crimes de guerre basé à Bangui et animé par des juges et procureurs locaux et internationaux, qui mène ses opérations avec une aide substantielle de l’ONU. La CPS reste insuffisamment financée.

La Cour pénale internationale (CPI) a poursuivi sa deuxième procédure d’enquête sur les crimes commis dans le pays en lien avec le conflit actuellement en cours, qui a éclaté fin 2012. En septembre, la CPI a tenu des audiences pour décider de la confirmation des charges pesant sur deux suspects liés aux milices anti-balaka, Patrice-Edouard Ngaïssona et Alfred Yékatom.

Attaques perpétrées contre les civils

En janvier, des combats ont éclaté entre des casques bleus de l’ONU et des combattants de l’Union pour la paix en Centrafrique (UPC), quand ces derniers ont tué deux policiers à Bambari en amont d’une visite du président du pays. Les affrontements ont abouti à une attaque de l’ONU sur une importante base de l’UPC à Bokolobo, à 60 kilomètres au sud de Bambari, et ont fait plusieurs morts et blessés.

En avril, l’UPC a également attaqué plusieurs villages entre Kouango et Mobaye, dans les provinces de Ouaka et de Basse-Kotto, provoquant le déplacement de plusieurs milliers de civils au moins.

Des affrontements entre membres de l’UPC et groupes d’auto-défense à Zangba, dans la province de Basse-Kotto, entre le 17 et le 23 avril, ont fait des dizaines de morts.

Le 28 avril, des violences ont éclaté dans le village d’Amo dans la province de Kemo, quand une milice locale a attaqué des membres de la minorité peule, faisant sept morts, dont deux enfants, et forçant des centaines de civils à fuir la zone. L’attaque avait été lancée en représailles après l’agression d’un habitant du village par des Peuls le même jour.

L’incident le plus grave depuis la signature de l’accord de paix s’est produit le 21 mai, quand des combattants du groupe armé 3R ont tué au moins 46 civils au cours de trois attaques dans les villages de Bohong, Koundjili et Lemouna, dans la province d’Ouham-Pendé. Le commandant de 3R, le Général Sidiki Abass (également connu sous le nom de Bi Sidi Souleymane), a été nommé par décret présidentiel conseiller militaire auprès du premier ministre en mars, mais a démissionné de ce poste en septembre. 3R a également pillé des biens à Bohong. Le 24 mai, Abass a livré aux autorités locales et à la MINUSCA trois hommes qu’il affirmait être responsables des meurtres à Koundjili et Lemouna. Ces hommes ont été emprisonnés à Bangui dans l’attente d’un procès. En août, la Cour pénale spéciale a repris au Bureau du procureur général le dossier relatif aux crimes graves commis à Lemouna, Koundjili et Bohong.

Des violences ont éclaté en juillet à Bangui, la capitale, quand des affrontements entre commerçants et groupes d’auto-défense ont tué au moins 11 civils dans le quartier de PK5.

Attaques contre des travailleurs humanitaires

Suite à la signature de l’accord de paix, les acteurs humanitaires ont pu opérer plus librement dans le pays, et avec davantage de sécurité, et aussi apporter de l’aide dans des zones jusque-là inaccessibles. Cependant, le contexte d’intervention des humanitaires reste difficile, et la République centrafricaine reste l’un des pays les plus dangereux au monde pour les acteurs humanitaires. Selon les Nations Unies, il y a eu 244 incidents affectant directement du personnel ou des biens humanitaires entre janvier et octobre, et qui ont entraîné au moins 3 décès.

En juin, d’anciens combattants de la Séléka et d’autres de 3R ont attaqué le véhicule d’une organisation non-gouvernementale (ONG) locale qui transportait huit employés dans le village de Pougol, dans la province d’Ouham-Pendé. Les assaillants ont menacé et frappé les travailleurs humanitaires, les ont dépouillés de leurs biens, et ont volé le véhicule.

Réfugiés et personnes déplacées à l’intérieur du pays

Des retours volontaires spontanés de personnes déplacées à l’intérieur du pays ont été signalés dans certaines zones ; les combats et les attaques de groupes armés ont cependant continué à forcer des dizaines de milliers de personnes à fuir leur domicile tout au long de l’année 2019. Les affrontements à Birao en septembre entre le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC) et le Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice (MLJC) ont provoqué le déplacement d’environ 14 000 civils.

Le nombre total de personnes déplacées à l’intérieur du pays, selon les chiffres des Nations Unies, a dépassé 600 000, et le nombre total de réfugiés était également de 600 000. Les conditions de vie des déplacés internes et des réfugiés, dont la plupart vivent dans des camps, demeuraient difficiles, avec très peu voire pas d’accès à l’aide humanitaire.

Environ 2,6 millions de personnes, sur une population de 4,6 millions, avaient besoin d’aide humanitaire, mais le plan de réponse humanitaire restait insuffisamment financé, avec un trou dans le budget d’environ 206 millions de dollars US en septembre.

Forces régionales et internationales

La mission de maintien de la paix de l’ONU, la MINUSCA, a déployé 10 833 soldats de la paix et 2 050 policiers dans de nombreuses zones du pays.

En vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, la mission est autorisée à employer tous les moyens nécessaires pour protéger la population civile face aux risques de violences physiques, et à « mettre en œuvre une stratégie de protection sur toute la zone de mission ». 

En septembre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution allégeant l’embargo sur les armes appliqué par l’ONU et prolongeant un régime de sanctions modifié à l’encontre de la République centrafricaine jusqu’en janvier 2020. Cette résolution détaillait le type d’armes et de matériel létal autorisé conformément aux résolutions précédentes. En outre, elle stipulait que l’État membre fournisseur a la responsabilité première de notifier le Comité des sanctions concernant la République centrafricaine, qui est chargé de superviser les sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations Unies, et ce au moins 20 jours en amont de toute livraison de matériel. La Russie a continué à former et réarmer l’armée du pays.

En septembre, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé de renouveler le mandat de l’Experte indépendante sur la République centrafricaine pour une année supplémentaire.

Justice pour les crimes de guerre et crimes contre l’humanité

Traduire en justice les crimes graves est resté un défi majeur en 2019.

Après un démarrage au ralenti depuis la création de la CPS en 2015, le Procureur spécial de la cour a entamé quatre procédures d’enquête sur 22 dossiers prioritaires qu’il a identifié, et les juges ont enquêté sur trois cas, qui ont été transférés à des tribunaux ordinaires. Le Procureur spécial a également examiné 27 plaintes soumises par des individus auprès de la CPS.

Le niveau de personnel dédié à la supervision des enquêtes au sein de la cour est limité, et elle a besoin de procureurs et de juges supplémentaires. La cour a également besoin de programmes qui n’existent pas encore dans le système local du pays, et notamment de protection et d’aide aux témoins et aux victimes, d’aide juridique pour les accusés et les victimes, et de sensibilisation auprès des communautés affectées. Garantir une sécurité suffisante des bâtiments de la cour, du personnel, des témoins et des victimes est resté l’un des principaux défis tout au long de l’année, alors qu’une grande partie du pays demeurait sous le contrôle de groupes armés.

Au 10 juillet, il manquait à la cour un financement d’environ 1 million de dollars US pour l’exercice 2019, et il n’y avait aucun engagement de financement pour les années à venir, dont le coût est estimé environ 12,4 millions de dollars par an.

Le Bureau du Procureur de la CPI a poursuivi sa seconde enquête sur la situation en République centrafricaine, relative à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés, commis dans le pays depuis 2012. La procédure jointe engagée par la CPI contre Alfred Yékatom, connu sous le nom de « Rambo », et Patrice-Edouard Ngaïssona s’est ouverte en septembre. Les autorités centrafricaines ont livré le dirigeant anti-balaka Alfred Yékatom à la CPI en novembre 2018, et celle-ci l’a placé en détention. Patrice-Edouard Ngaïssona, autre dirigeant anti-balaka, a été transféré auprès de la CPI et placé en détention en janvier, après son arrestation en France en décembre 2018. Une décision visant à confirmer les charges retenues contre les deux accusés était attendue des juges de la CPI début 2020.