Un travail inabouti

Des lacunes à combler dans la sélection des affaires traitées par la CPI

Un travail inabouti

Des lacunes à combler dans la sélection des affaires traitées par la CPI

Introduction
I. Une justice efficace, impartiale et indépendante
Efficacité
Impartialité
Indépendance
II. République démocratique du Congo
Remonter la chaîne de commandement en Ituri
Enquêter sur toutes les parties au conflit dans les Kivus
Garantir que justice soit rendue aux victimes
Cibler les crimes gouvernementaux, un élément clé pour préserver l’image d’indépendance de la cour
Préserver le principe d’impartialité
III. Ouganda
Enquêter sur les forces ougandaises
Apporter une réponse aux nouvelles victimes de l’Armée de résistance  du Seigneur
IV. République centrafricaine
V. Darfour
VI. Kenya
Traduire en justice les auteurs d’exactions policières
Étendre l’enquête à la région du mont Elgon
Conclusion
Recommandations au Bureau du Procureur de la CPI
République démocratique du Congo
Ouganda
République centrafricaine
Darfour (Soudan)
Kenya
Remerciements

Introduction

En mars 2011, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a ouvert la dernière enquête en date de la cour—en Libye. Le mois précédent, le Conseil de sécurité des Nations Unies (ONU) avait, par un vote à l’unanimité, déféré la situation en Libye au procureur de la CPI alors que les forces gouvernementales libyennes se livraient à une répression brutale du mouvement de contestation qui avait gagné le pays. En juin 2011, le procureur a déposé une requête auprès d’une chambre préliminaire de la CPI pour obtenir l’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en Côte d’Ivoire. Cette demande a fait suite à une requête émanant du nouveau président ivoirien, Alassane Ouattara, priant la CPI d’ouvrir une enquête sur les crimes commis dans la foulée de l’élection controversée qui s’était tenue dans le pays en novembre 2010. Si la chambre préliminaire fait droit à la demande du procureur, la Côte d’Ivoire deviendra la septième « situation faisant l’objet d’une enquête » de la CPI.

Pour une cour qui compte moins de dix années d’existence, la CPI gère déjà un grand nombre d’enquêtes et d’affaires. Celles qui visent la Libye et la Côte d’Ivoire font suite à l’ouverture d’enquêtes en République démocratique du Congo (RDC), dans le nord de l’Ouganda, dans la région soudanaise du Darfour, en République centrafricaine (RCA) et au Kenya. Les ajouts récents du Kenya (où des enquêtes ont été ouvertes en mars 2010) et de la Libye, ainsi que l’ajout probable de la Côte d’Ivoire dans un proche avenir, entraînent une augmentation considérable de la charge de travail de la cour.

Dans un certain nombre de pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les autorités gouvernementales continuent de soumettre les contestataires à une répression brutale. Alors qu’aucune de ces nations ne figure parmi les États parties au Statut de Rome de la CPI, la cour ne pouvant donc pour l’instant exercer aucune compétence à leur égard en l’absence d’une saisine par le Conseil de sécurité de l’ONU, il semble probable que les revendications en matière de justice dans la région se feront plus intenses. Huit autres situations—la Colombie, l’Afghanistan, la Guinée, le Honduras, le Nigeria, la Géorgie, la Corée du Sud et Gaza—attendent déjà la décision du procureur de la CPI de demander ou non l’autorisation d’ouvrir une enquête. Certaines, notamment la Colombie et l’Afghanistan, font l’objet d’un examen depuis plusieurs années.

La cour se voit de plus en plus sollicitée alors qu’elle arrive à un moment crucial de son parcours. Moreno-Ocampo a été élu par les États parties à la CPI pour un mandat de neuf ans et il est entré en fonction en juin 2003. Son mandat arrivera dès lors à son terme dans moins d’un an. Les États parties devraient élire un nouveau procureur lors de leur prochaine session annuelle en d écembre 2011.

Tandis que Moreno-Ocampo se prépare à quitter ses fonctions et à passer le relais à un nouveau procureur, l’un des défis que doivent relever les États parties est de doter la CPI des ressources nécessaires pour répondre à des attentes accrues. Alors que la cour est invitée à se charger de situations supplémentaires, le risque existe de voir la CPI et son procureur « vider de sa substance » leur approche des situations faisant l’objet d’une enquête. En d’autres termes, la CPI risque de s’occuper de davantage de situations, mais de réduire de plus en plus ses travaux dans chaque situation afin de concilier la demande avec ses ressources limitées—tout particulièrement en une période économique difficile.

En fait, l’expérience dans les situations actuellement examinées par la CPI montre qu’il conviendrait de faire tout le contraire—il faut que davantage d’enquêtes et de poursuites soient entamées dans chacune de ces situations afin de mener à bien le mandat de la cour. Cela requerra probablement des ressources supplémentaires, mais plus fondamentalement, cela exigera un changement dans la pratique du Bureau du Procureur. 

La tâche du premier procureur de la CPI consistait à mettre en place une nouvelle institution crédible, tout en s’attelant à la traduction en justice des auteurs des crimes les plus graves perpétrés dans le monde dans le cadre sui generis du Statut de Rome. En tout état de cause, cette tâche allait s’avérer ardue. Moreno-Ocampo a opéré des progrès significatifs. Les enquêtes menées dans six pays ont débouché sur des mandats d’arrêt à l’encontre de 17 personnes ainsi que sur des citations à comparaître volontairement pour neuf autres suspects. En août 2011, la cour a entendu les déclarations de clôture dans le premier procès de la CPI, celui de Thomas Lubanga Dyilo, un ancien chef de milice congolais, et des procès sont en cours concernant deux autres affaires. Le Bureau du Procureur (BdP) a également publié un certain nombre de documents importants en matière de stratégie et de politique générale destinés à orienter ses travaux.

Néanmoins, sous Moreno-Ocampo, les enquêtes et poursuites engagées par la CPI n’ont pas fait la preuve de stratégies cohérentes et efficaces permettant de rendre véritablement justice aux communautés affectées. De l’avis de Human Rights Watch, pareilles stratégies exigeraient l’ouverture de multiples enquêtes, profondément ancrées dans le contexte spécifique du pays concerné et conçues pour traduire en justice les personnes portant la plus grande part de responsabilité dans les crimes les plus graves, représentatifs des schémas sous-jacents des crimes relevant de la compétence de la CPI. Bien que la CPI ne puisse agir seule—des poursuites nationales devant effectivement être engagées en complément des poursuites intentées par la CPI—son intervention suscite de fortes attentes au sein des communautés affectées. En tant qu’institution jouant un rôle d’avant-garde dans la justice internationale, il incombe à la CPI de répondre à ces attentes.

Des lacunes demeurent qui empêchent de mener à bien le mandat de la CPI dans certaines situations où la cour a ouvert des enquêtes et engagé des poursuites. Dans quatre situations—la RDC, l’Ouganda, la RCA et le Darfour—l’absence de stratégies plus cohérentes et plus efficaces a mis à mal l’image d’une institution indépendante et impartiale, menaçant ainsi la crédibilité de la cour.

Le présent rapport évalue la sélection des affaires par le Bureau du Procureur dans le cadre des cinq premières enquêtes de la cour. Plus particulièrement, nous analysons ces choix afin de déterminer dans quelle mesure ils étaient les plus appropriés pour aider la cour à rendre une justice efficace et crédible. Nous commençons par expliquer ce que signifie une justice efficace et soulignons qu’il est important de respecter le principe d’impartialité et d’indépendance pour atteindre cet objectif. Nous effectuons ensuite une analyse pays par pays, l’accompagnant de recommandations relatives aux mesures qu’il conviendrait de prendre dans chaque situation. Nos recommandations reposent sur notre observation attentive des travaux du Bureau du Procureur au cours des huit dernières années, ainsi que sur notre expertise dans les pays où ont été perpétrés les crimes faisant l’objet d’une enquête de la CPI.

La mise en pratique de nos recommandations prendra du temps. Elle risque également de requérir des ressources supplémentaires et une définition rigoureuse des priorités, d’autant que certains États parties à la CPI insistent de plus en plus sur une « croissance zéro » du budget de la cour. Dans notre conclusion, nous formulons des recommandations d’une portée plus large concernant la façon dont le BdP pourrait envisager la sélection de priorités, soulignant qu’il est nécessaire que les États parties appuient la CPI en lui allouant des ressources supplémentaires et en lui apportant un soutien dans l’exécution des mandats d’arrêt.

I. Une justice efficace, impartiale et indépendante

L’administration d’une justice efficace pour les crimes relevant de la compétence de la cour est au cœur du mandat du procureur de la CPI. Elle requiert des stratégies cohérentes et efficaces conçues pour garantir que les enquêtes et les poursuites seront au diapason des préoccupations des victimes et des communautés affectées. L’exercice du pouvoir que détient le procureur de sélectionner les affaires les plus susceptibles de déboucher sur une justice efficace devrait être guidé par deux principes fondamentaux : l’impartialité—c’est-à-dire mener des enquêtes sur les allégations visant toutes les parties ; et l’indépendance—c’est-à-dire n’être soumis à aucune influence extérieure. Certes, les principes d’impartialité et d’indépendance revêtent une importance cruciale pour toute procédure judiciaire crédible, mais ils sont d’autant plus cruciaux pour la CPI. En tant qu’institution internationale encore jeune et située en dehors des systèmes de justice nationaux, l’image d’impartialité et d’indépendance de la CPI s’avère capitale pour sa crédibilité et, par ailleurs, pour sa capacité à remplir le mandat qui lui est confié de rendre la justice efficacement.

Efficacité

Lorsqu’il s’agit des intérêts des personnes les plus affectées par les crimes faisant l’objet d’une enquête—le premier des nombreux publics concernés par les travaux de la cour—le procureur devrait veiller à ce que les affaires qu’il choisit de traiter ciblent bien les schémas sous-jacents des crimes relevant de la compétence de la CPI qui sont commis dans les communautés affectées. Là où les affaires traitées par la CPI ne s’attaquent pas à ces schémas sous-jacents, l’action de la cour risque de manquer de pertinence, même si son impartialité et son indépendance demeurent intactes. Au moment de choisir les affaires à traiter, le procureur devrait être guidé par le souci de rendre la justice efficacement.

Dans la pratique, cela signifie que la CPI devrait juger les personnes qui portent la plus grande part de responsabilité pour les crimes les plus graves sur la base de chefs d’accusation représentatifs des schémas sous-jacents des crimes relevant de la compétence de la CPI. En règle générale, cela impliquera l’ouverture de plusieurs enquêtes et le jugement de plusieurs affaires dans une situation donnée. L’identification de ces affaires devrait découler d’enquêtes fondées sur une évaluation approfondie du contexte dans lequel opère la CPI, l’accent étant mis sur les responsables et les incidents qui cadrent avec les schémas de crimes sous-jacents, et une attention spéciale étant accordée à certaines affaires qui sont les moins susceptibles d’être traitées efficacement par les autorités nationales, soit parce que ce sont les plus complexes, soit parce qu’elles visent des accusés de haut niveau.[1]

Impartialité

La CPI a été instituée dans le but de rendre justice pour les violations graves du droit pénal international lorsque les tribunaux nationaux n’ont pas la volonté ou sont dans l’incapacité de mener à bien des enquêtes ou des poursuites. La cour est dès lors censée adhérer aux principes d’équité procédurale et d’égalité devant la loi, ce qui n’est pas toujours possible dans des tribunaux nationaux. Plutôt que de dispenser la « justice du vainqueur », la CPI est tenue d’enquêter et de réprimer les crimes commis par toutes les parties relevant de sa compétence, même lorsqu’une action en ce sens s’avère politiquement gênante ou à tout le moins difficile. Il est rare que les crimes ne soient perpétrés que par des membres de l’une des parties à un conflit violent, même si les exactions sont souvent attribuées à un camp plus qu’à l’autre. Il y a de fortes chances, et ce n’est guère surprenant, que les enquêtes de la CPI aient lieu dans des situations fortement polarisées, marquées par de profondes divisions entre les communautés. Les communautés affectées ont parfaitement conscience des violations perpétrées par les diverses parties ; par conséquent, ne pas réprimer certains crimes graves—ou ne pas expliquer pourquoi ils ne sont pas réprimés—peut miner la légitimité de la cour aux yeux de ces communautés. Il est dès lors indispensable pour la crédibilité de la CPI, au moment de rendre une justice efficace, qu’elle agisse de manière impartiale et que son impartialité soit clairement visible.

L’expérience d’autres tribunaux pénaux internationaux met en lumière l’importance de l’impartialité. [2] Le fait que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) ait réussi à réprimer les crimes commis par toutes les factions impliquées dans les guerres des Balkans vient contredire ceux qui affirment qu’il a manqué d’impartialité à l’égard d’un groupe particulier. Dans le cas du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, des chefs d’accusation ont également été portés contre toutes les parties au conflit. Les poursuites intentées à l’encontre de Sam Hinga Norman, le dirigeant de la Force de défense civile, un groupe qui s’est battu aux côtés du gouvernement, ont renforcé la compréhension du mandat de la cour et sa crédibilité au sein des communautés locales, dans un pays où la justice avait longtemps été compromise par l’ingérence politique et la partialité. [3]

En revanche, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) n’a engagé de poursuites qu’à l’encontre des membres d’un seul camp, l’ethnie hutue, pour des crimes commis au Rwanda. Bien que la plupart des violences aient de très loin été perpétrées dans le cadre du génocide contre l’ethnie tutsie, de nombreux civils ont aussi été tués par le Front patriotique rwandais (FPR). Parmi les crimes perpétrés par le FPR figurent notamment des attaques délibérées contre la population civile et des personnes civiles, ainsi que des exécutions extrajudiciaires. Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés a estimé que le FPR avait tué entre 25 000 et 45 000 civils en 1994. [4] Ces crimes sont bien connus à l’intérieur du Rwanda, et pourtant personne n’a été tenu de répondre de ces actes, que ce soit devant des tribunaux nationaux rwandais ou devant le TPIR. La non-répression de ces crimes par le tribunal risque de donner l’impression que le TPIR est une illustration de la justice du vainqueur. [5]

Indépendance

La crédibilité de la CPI dépend également du sentiment qu’aura le public que la cour exécute son mandat en toute indépendance. Pour le procureur, cette obligation est énoncée à l’article 42(1) du Statut de Rome, qui dispose que « [l]es membres [du Bureau du Procureur] ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucune source extérieure ». Le procureur a développé davantage la signification du terme « indépendance » :

Le devoir d’indépendance dépasse le simple fait de ne pas solliciter ou accepter d’instructions. Il implique également que la procédure de sélection ne soit pas influencée par les présumés souhaits d’une quelconque source extérieure, ni par l’importance de la coopération avec une quelconque partie déterminée, ni par la qualité de la coopération fournie. La procédure de sélection est indépendante de la procédure de demande de coopération.[6]

Préserver le sentiment que la cour agit en toute indépendance n’est pas une tâche aisée. La compétence de la CPI se heurte à certaines limites. Ainsi, les possibilités qu’a la cour de réprimer des crimes dans des États non encore parties au statut de la CPI sont restreintes, et la cour ne peut remonter aux crimes commis avant 2002, date à laquelle le Statut de Rome est entré en vigueur. Ces limites peuvent conduire à des accusations de parti pris dans la sélection de situations aux fins d’enquête. D’ailleurs, la crainte que la lutte contre l’impunité ne soit pas menée de façon cohérente partout dans le monde repose sur des faits concrets. Les responsables d’États puissants ou appuyés par des États puissants ont été en mesure d’éviter des poursuites internationales. Les victimes des crimes internationaux les plus graves commis par exemple en Birmanie, dans le Sud-Liban, à Gaza, en Tchétchénie, en Irak et au Sri Lanka, n’ont pas eu accès à la justice.

Par ailleurs, la CPI dépend de la coopération des États et d’une assistance pratique de leur part pour mener ses enquêtes et poursuites ainsi que pour faire appliquer ses décisions, entre autres pour exécuter les mandats d’arrêt. La dépendance par rapport à la coopération des États, en particulier la coopération et l’assistance de responsables des États dans lesquels la CPI mène des enquêtes, comporte de sérieux risques sur le plan de la crédibilité de la CPI. Elle peut mettre à mal l’image d’une cour indépendante, surtout lorsque les responsables de l’État auraient eux-mêmes commis des violations des droits humains. Intenter des poursuites contre des responsables risque de compromettre la volonté du gouvernement national de coopérer avec la CPI, mettant ainsi en péril les enquêtes de la cour et sa capacité d’agir dans une situation donnée.

Il s’agit de défis réels et difficiles pour la cour. Une stratégie pour préserver la coopération pourrait consister à choisir soigneusement le moment de mener les enquêtes, à savoir reporter les enquêtes visant de hauts responsables gouvernementaux jusqu’à ce que les autres enquêtes aient été menées à leur terme. Mais cela implique de déployer des efforts vigoureux en matière de sensibilisation et d’information du public, d’une part pour signaler que les enquêtes de la cour pourraient, en fin de compte, viser des crimes commis par les forces gouvernementales et, d’autre part, pour renforcer l’image d’indépendance de la cour. Cependant, à un moment donné, l’absence prolongée de toute enquête visant des responsables gouvernementaux qui auraient commis des exactions—ou d’explication suffisante à propos des raisons pour lesquelles ces affaires ne donnent pas lieu à des poursuites—risque de mettre en péril l’indépendance de la cour.

En raison de la nécessité de dépendre de la coopération des États, il s’avère d’autant plus important pour le procureur de la CPI de gérer les enquêtes et les informations publiques relatives à ces enquêtes de façon à faire clairement ressortir l’indépendance de la cour. Compte tenu des nombreuses mises en question de la légitimité de la CPI à l’échelle mondiale, il s’agit d’un antidote nécessaire, le meilleur qui soit, contre les allégations d’ingérence ou d’influence politiques.

* * *

Dans un projet de document politique datant de 2006 sur les critères relatifs à la sélection des situations et affaires, le BdP a énoncé des « principes directeurs » similaires : l’indépendance, l’impartialité, l’objectivité et la non-discrimination.[7] Plus récemment, dans un document de politique générale relatif aux examens préliminaires conduisant à la sélection de situations aux fins d’enquêtes, le BdP a réaffirmé que les trois premiers [de ces] points constituaient des « principes généraux ». [8] Par ailleurs, dans un document de stratégie, le BdP précise que les « enquêtes et poursuites ciblées » constituent l’un des quatre « principes fondamentaux » de la stratégie de poursuites du BdP afin de procéder à une utilisation efficace de ses ressources limitées. Dans la sélection de faits en vue d’un procès, l’objectif déclaré du BdP est d’ « offrir un échantillon représentatif des faits les plus graves et des principaux types de persécutions ».[9] Ces choix en matière de politique générale devraient permettre à la CPI de rendre efficacement la justice pour les communautés affectées et ils sont en accord avec un autre principe fondamental identifié par le BdP pour sa stratégie en matière de poursuites, à savoir « la prise en considération des intérêts des victimes ». [10]

La difficulté s’est posée au moment de mettre en œuvre ces principes sur fond de multiples pressions contradictoires. La compétence géographique étendue de la CPI signifie que le procureur peut agir simultanément, et il le fait, dans un certain nombre de situations sans rapport les unes avec les autres. Il court alors le risque d’adopter une approche qui manque de profondeur. Dans chaque situation, les difficultés pratiques sont considérables et les contraintes sur le plan des ressources sont réelles. Pour mener des enquêtes efficaces sur le terrain, constituer des dossiers en vue de procès et communiquer avec les victimes et les témoins, le personnel du Bureau du Procureur devrait acquérir une connaissance approfondie de l’histoire des conflits respectifs, de la législation pénale nationale applicable, ainsi que des normes culturelles à prendre en compte. Dans certaines situations, le conflit en cours présente des obstacles logistiques, des risques réels pour le personnel, ainsi que des défis sur le plan de la protection des témoins, des victimes et autres personnes exposées en raison de leur interaction avec la cour. Certes, les procureurs d’autres tribunaux internationaux ont été confrontés à des défis analogues, mais la tâche du procureur de la CPI se révèle encore plus complexe. La portée mondiale de la compétence de la cour signifie que les décisions qu’elle prend font l’objet d’une attention beaucoup plus grande.

Dans ce contexte difficile, l’administration d’une justice efficace dans le respect des principes d’impartialité et d’indépendance est d’autant plus importante pour établir la légitimité de la CPI. Comme nous l’expliquons plus loin, en RDC, en Ouganda, en RCA, au Darfour et au Kenya, les choix opérés à ce jour dans les enquêtes de la CPI n’ont pas encore été le reflet de stratégies cohérentes et efficaces à cet égard, et dans quatre de ces situations, ils ont mis à mal l’image d’une CPI impartiale et indépendante.

II. République démocratique du Congo

L’est du Congo touché par des années de violence a été le théâtre d’effroyables exactions perpétrées contre les civils, qu’il s’agisse de massacres, d’actes de torture et de violences sexuelles, ou du recrutement forcé et de l’utilisation d’enfants soldats.[11] L’impunité pour ces crimes internationaux graves a été l’un des principaux obstacles à la paix et à la stabilité en République démocratique du Congo.[12] De nouveaux actes de violence continuent d’être commis, entre autres des meurtres et des viols perpétrés dans le Nord et le Sud-Kivu (région est du Congo) par les Forces démocratiques de libération du Congo (FDLR), un groupe rebelle principalement composé de Hutus rwandais, par d’autres groupes armés, ainsi que par des soldats de l’armée nationale congolaise, notamment des éléments récemment intégrés provenant du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et d’autres groupes armés. Dans la région reculée qui constitue le point de rencontre des frontières de la RDC, de la RCA et du Sud-Soudan, l’Armée de Résistance du Seigneur, un groupe rebelle ougandais, continue de se livrer à des enlèvements et à des meurtres à grande échelle. [13]

Le procureur de la CPI a commencé à enquêter en RDC en juin 2004, à la suite du renvoi, par le gouvernement congolais, de la situation en RDC pour tout crime relevant de la compétence de la cour et commis sur son territoire depuis l’entrée en vigueur du statut de la CPI le 1er juillet 2002. Depuis lors, le BdP a mené trois enquêtes.

Au départ, le bureau s’est focalisé sur le district de l’Ituri, où le conflit a vu le jour en 1999 lorsqu’un long différend foncier opposant les éleveurs hemas aux cultivateurs lendus a dégénéré, alimenté par des acteurs locaux et internationaux impliqués dans la guerre touchant plus largement le Congo.[14] Le BdP a tout d’abord enquêté sur les crimes perpétrés par l’Union des Patriotes Congolais (UPC), une importante milice d’Ituri à majorité hema, débouchant sur la délivrance, en 2006, de mandats d’arrêt à l’encontre du dirigeant de l’UPC, Thomas Lubanga Dyilo, et de son ancien chef d’état-major adjoint pour les opérations militaires, Bosco Ntaganda. Lubanga a été transféré à La Haye en 2006, et son procès y a débuté en janvier 2009. Ntaganda—qui a par la suite rejoint les rangs du CNDP de Laurent Nkunda, avant d’évincer Nkunda en 2009 en échange d’un poste de général au sein de l’armée congolaise—est toujours en liberté.

Des mandats d’arrêt ont ensuite été délivrés en 2007 à l’encontre des dirigeants de deux milices lendues, Germain Katanga, chef d’état-major des Forces de résistance patriotique en Ituri (FRPI), une milice majoritairement ngitie mais entretenant des liens étroits avec les Lendus, et Mathieu Ngudjolo Chui, ancien chef d’état-major du Front nationaliste et intégrationniste (FNI) à majorité lendue. Katanga a été arrêté en 2007 et Ngudolo en 2008 ; leur procès conjoint a commencé fin 2009.

Le BdP mène actuellement une enquête dans les Kivus. Comme dans l’Ituri, des violences généralisées visant les civils ont été commises dans le Nord et le Sud-Kivu, deux provinces lourdement affectées par les guerres destructrices dont le Congo est le théâtre depuis 1996. Dans ces deux provinces, les violences ont été marquées par d’effroyables attaques contre les civils, notamment des meurtres, des viols généralisés, des actes de tortures, ainsi que par l’utilisation d’enfants soldats. Tous les groupes armés, tant étrangers que congolais, opérant dans les Kivus se sont rendus responsables d’atteintes graves aux droits humains.[15]

L’enquête menée par le BdP dans les Kivus semble s’être focalisée sur des crimes commis par le groupe rebelle hutu rwandais, les FDLR. En octobre 2010, la police française a exécuté le premier mandat d’arrêt délivré par la CPI dans le cadre de l’enquête effectuée dans les Kivus, procédant à l’arrestation de Callixte Mbarushimana, le secrétaire exécutif des FDLR. Une décision d’une chambre préliminaire de la CPI statuant sur le renvoi en jugement de l’affaire Mbarushimana—pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité perpétrés dans l’est de la RDC en 2009—est attendue d’ici la fin 2011. Au moment du transfert de Mbarushimana à La Haye, le procureur a indiqué qu’il envisageait d’inclure des charges supplémentaires à son encontre pour des viols à grande échelle commis en août 2010 sur le territoire de Walikale, si les éléments de preuve le permettaient. [16] L’enquête de la CPI dans les Kivus est toujours en cours.

Les enquêtes du BdP en RDC contribuent déjà à endiguer la culture de l’impunité omniprésente au Congo. Par exemple, nos recherches indiquent que les enquêtes congolaises de la CPI ont sensibilisé la population au fait que l’enrôlement, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats étaient constitutifs d’infractions pénales.[17] Le rapport des Nations Unies d’octobre 2010 cartographiant les atrocités commises en RDC entre 1993 et 2003 (Rapport du Projet Mapping de l’ONU), tout en se montrant critique par rapport à certains aspects des travaux de la CPI en RDC, relève que les activités de la CPI dans ce pays ont « contribué à relancer le débat sur la lutte contre l’impunité en RDC. Elle [la cour] a ainsi suscité de nombreux espoirs chez toutes les victimes des violations commises, même celles qui remontent avant juillet 2002. La Cour a aussi inspiré certains acteurs du système judiciaire congolais qui ont puisé dans les dispositions du Statut de Rome de la CPI pour compléter et préciser le droit congolais applicable en ce domaine ».[18]

Toutefois, à ce jour, le bilan de la CPI en RDC est, au mieux, mitigé. Les procès des suspects congolais placés en détention provisoire doivent encore être menés à leur terme conformément aux normes internationales en matière de procès équitable, et le mandat d’arrêt à l’encontre de Bosco Ntaganda doit encore être exécuté. Les enquêtes menées en Ituri et dans les Kivus n’ont pas encore fait la preuve d’une stratégie cohérente pour traduire en justice les personnes portant la plus grande part de responsabilité dans les crimes les plus graves commis dans ces régions et relevant de la compétence de la CPI. Les stratégies en matière de poursuites que la CPI applique en RDC ont également soulevé des questions quant à l’indépendance et à l’impartialité de la cour. Des enquêtes supplémentaires sont nécessaires pour garantir que la CPI laissera en héritage à la RDC une justice efficace et crédible.

Remonter la chaîne de commandement en Ituri

Les mandats d’arrêt de la CPI visant quatre chefs de milices ethniques rivales de l’Ituri (et l’arrestation de trois de ces dirigeants, Thomas Lubanga, Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo) ont bien évidemment contribué favorablement à rendre la justice en RDC, mais ces commandants rebelles n’ont pas agi seuls pour terroriser les civils. Nos recherches au Congo, qui couvrent la période allant de 1998 à ce jour, semblent indiquer que des personnages clés du monde politique et militaire à Kinshasa, ainsi qu’en Ouganda et au Rwanda, ont joué un rôle de premier plan dans la création, le soutien et l’armement des milices associées, entre autres, à Lubanga, Ntaganda, Katanga et Ngudjolo.

L’Ouganda, puissance d’occupation en Ituri d’août 1998 à mai 2003, a ordonné d’importants changements dans les groupes armés basés dans cette région. Il a notamment remplacé le leader de l’un des groupes rebelles, appuyé la création de deux coalitions de mouvements et groupes rebelles et, comme analysé plus loin, soutenu l’éviction d’un groupe rebelle au profit de l’installation d’un groupe rival à Bunia. Les dirigeants de l’Ituri se sont rendus plus de 15 fois à Kampala pour des négociations politiques et se sont fréquemment réunis avec le Président Yoweri Museveni ou avec son frère, le Gén. Caleb Akandwanaho, également connu sous le nom de Salim Saleh. [19] Le rapport final du Groupe d’experts de l’ONU sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo (Groupe d’experts de l’ONU) conclut qu’un réseau d’élite—dirigé par Salim Saleh et l’ancien Général de division James Kazini—composé de soldats, d’officiels et de politiciens ougandais, ainsi que de rebelles locaux et d’hommes d’affaires internationaux, a pillé le Congo pour servir leurs intérêts personnels et pour financer la guerre. [20]

L’armée ougandaise basée à Bunia a opéré aux côtés de l’UPC pour déloger un groupe rival armé en août 2002. De nombreux civils ont délibérément été tués par les combattants de l’UPC au cours de l’opération. L’armée ougandaise a appuyé l’UPC au moyen d’armes lourdes et de chars d’assaut. Dans la plupart des cas, elle s’est aussi mise en défaut de fournir une protection aux civils qui étaient pris pour cible par les attaques meurtrières de l’UPC à l’intérieur et autour de la ville, alors qu’elle disposait d’un grand nombre de soldats disponibles à moins de deux kilomètres de là. [21]

L’armée ougandaise s’est ensuite retournée contre son ancien allié et, en mars 2003, elle a chassé l’UPC de Bunia avec l’aide des milices lendues, dont le FNI. Un ex-dirigeant lendu qui avait pris part à l’opération a déclaré que lui et ses hommes y avaient participé à la demande du Brigadier de l’armée ougandaise (aujourd’hui Général de division) Kale Kayihura (actuellement inspecteur général de la police). [22] Des centaines de civils ont perdu la vie dans la bataille, beaucoup ayant été pris pour cible par le FNI en raison de leur appartenance ethnique.

Les forces ougandaises et lendues ont ensuite attaqué d’autres villes alors qu’elles cherchaient à chasser l’UPC des zones situées à l’extérieur de Bunia. L’une des villes attaquées était Kilo. C’est l’armée ougandaise qui a planifié l’assaut de Kilo et tout organisé pour que son allié, le FNI, emprunte la route d’accès au sud de la ville, tandis que les forces armées ougandaises empruntaient la voie d’accès à l’ouest. Les forces lendues sont arrivées plusieurs heures avant les Ougandais et ont commencé à tuer des civils. Après leur arrivée, les soldats ougandais ont tenté de mettre un terme aux tueries perpétrées par le FNI, mais ils n’ont pris aucune mesure significative pour empêcher le FNI de commettre d’autres atrocités ou pour punir les auteurs de ces actes. En collaboration avec le FNI, les forces armées ougandaises ont poursuivi leurs attaques contre d’autres villes et lieux contrôlés par l’UPC.

Au cours de ces opérations militaires conjointes, l’armée ougandaise a assuré la responsabilité du commandement et du contrôle des forces lendues du FNI. Les commandants ougandais ont parfois cherché à réduire au minimum les exactions du FNI en organisant des patrouilles conjointes et en demandant que les combattants du FNI déposent leurs armes traditionnelles. Mais ils n’ont pris aucune autre mesure visant à dissuader la commission d’exactions ou à faire en sorte que les responsables de violations graves des droits humains soient amenés à répondre de leurs actes. [23] Il ne s’agit que de quelques exemples de l’implication ougandaise, directe ou indirecte, dans des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés en Ituri depuis le début de la compétence de la CPI en juillet 2002. [24]

Vers la fin de l’année 2002, l’UPC de Lubanga a quitté le camp de l’Ouganda pour faire allégeance au Rwanda. En novembre 2003, le Groupe d’experts de l’ONU a rapporté au Conseil de sécurité que les commandants de l’UPC se trouvaient directement sous les ordres du haut commandement de l’armée rwandaise, notamment du chef d’état-major de l’armée rwandaise, le Gén. James Kabarebe, et du chef des services de renseignement, le Gén. Jack Nziza. Selon un supplément confidentiel élaboré par le Groupe d’experts de l’ONU, le Rwanda a entraîné plus de 100 combattants UPC au centre d’entraînement de Gabiro (Rwanda) entre septembre et décembre 2002, et formé d’autres officiers du renseignement directement à Bunia. Le Groupe d’experts a également confirmé que des mortiers, des fusils-mitrailleurs et des munitions avaient été envoyés à l’UPC à Mongbwalu, depuis le Rwanda, entre novembre 2002 et janvier 2003. [25] Le soutien rwandais s’est avéré crucial dans les efforts déployés par l’UPC pour s’emparer de Mongbwalu en novembre 2002 et pour attaquer et prendre le contrôle des villages voisins de Kilo, Kobu, Lipri, Bambu et Mbijo début décembre 2002 et début 2003. Au cours de ces opérations militaires, les forces de l’UPC ont massacré des Lendus et d’autres civils en raison de leur origine ethnique, pourchassant ceux qui avaient fui dans la forêt, attrapant et tuant d’autres civils aux barrages routiers. [26]

À Kinshasa, le gouvernement congolais a œuvré en étroite collaboration avec le Rassemblement congolais pour la démocratie – Mouvement de libération (RCD-ML), un groupe rebelle dirigé par Mbusa Nyamwisi et basé à l’extérieur de Beni dans le Nord-Kivu. Nyamwisi a occupé par la suite le poste de ministre congolais des Affaires étrangères et il est aujourd’hui ministre de la Décentralisation et de l’Aménagement du territoire. En septembre 2002, des combattants ngitis opérant conjointement avec les soldats du RCD-ML ont massacré de manière systématique au moins 1 200 civils hemas, gegeres et biras à Nyakunde, en l’espace de 10 jours. Parmi les morts se trouvaient de nombreux patients et travailleurs d’un grand hôpital financé par l’église. Nyamwisi était apparemment au courant de l’attaque et quelques jours plus tard, il a envoyé l’un de ses officiers pour évaluer la situation et aider à évacuer les médecins et le personnel médical de l’hôpital. Mais les personnes évacuées ne comptaient dans leurs rangs que quelques Hemas, Gegeres ou Biras qui avaient réussi à cacher leur origine ethnique. Après l’évacuation, le massacre ethnique s’est poursuivi et Nyamwisi semble n’avoir pris aucune mesure efficace pour y mettre fin. [27]

Le soutien politique et militaire prodigué par ces acteurs externes a considérablement accru la puissance militaire des milices locales en Ituri et encouragé leurs dirigeants à former des mouvements plus structurés, augmentant ainsi le nombre de victimes et l’ampleur des atteintes aux droits humains. À nos yeux, en fournissant un appui politique et militaire et en n’usant pas de leur influence sur les groupes rebelles pour qu’ils mettent fin aux violations des droits humains, les responsables politiques et militaires à Kinshasa, Kampala et Kigali ont probablement leur part de responsabilité dans les crimes commis en Ituri, en vertu, respectivement, des articles 25 et 28 du Statut de Rome relatifs à la responsabilité individuelle et la responsabilité de commandement. Nous avons invariablement recommandé au procureur d’enquêter sur le mode et l’étendue du soutien fourni par ces hauts responsables et, si les éléments de preuve le permettent, d’engager des poursuites à leur encontre pour les crimes perpétrés en Ituri.[28]

Les hauts dirigeants considérés comme portant la plus grande part de responsabilité sont souvent hors de portée des autorités judiciaires nationales en raison de leur position officielle. Il est dès lors d’autant plus indispensable que la CPI les poursuive. Le BdP a en fait adopté une politique consistant à se focaliser sur « les personnes portant la plus lourde responsabilité »,[29] mais il arrive souvent que ces responsables ne soient pas directement impliqués dans la perpétration des crimes—en d’autres termes, ce ne sont pas eux qui « ont appuyé sur la gâchette ». Par conséquent, la constitution de dossiers établissant leur responsabilité représente une tâche complexe. Prouver la culpabilité de ces acteurs exige donc de remonter la chaîne de commandement jusqu’à leur niveau de responsabilité, souvent au moyen d’éléments de preuve indirects. Bien qu’ardue, cette tâche se révèle néanmoins capitale pour mener à bien le mandat de la CPI.

Comme l’a précisé le Rapport du Projet Mapping de l’ONU :

[L]a CPI devrait s’intéresser particulièrement aux cas des crimes les plus graves qui pourraient difficilement faire l’objet de poursuites en RDC en raison de leur complexité ou de l’impossibilité d’obtenir l’extradition des auteurs. Le Procureur avait déclaré dès sa prise de fonction qu’il s’intéresserait aux réseaux de financement et d’armement des groupes impliqués dans les crimes relevant de son mandat. Pareille enquête est particulièrement complexe. Les personnes impliquées dans ces activités n’ont qu’une participation indirecte dans les crimes et les appuis politiques, militaires ou économiques dont elles jouissent dans leur propre pays sont importants. Il en va de même des individus, nationaux ou étrangers, qui portent la plus grande responsabilité des crimes commis en RDC, mais qui se trouvent aujourd’hui à l’extérieur du territoire, hors de portée de la justice de la RDC. Il apparaît important que le Procureur de la CPI accorde une attention particulière à ce genre de cas afin qu’ils n’échappent pas complètement à la justice.[30]

Début 2008, au moment du transfèrement de Ngudjolo à La Haye, le BdP a effectivement indiqué qu’il « clôtur[ait] une première phase de son enquête en RDC » et que « les agissements des groupes armés toujours en activité et qui, selon certaines sources, continueraient de commettre des crimes dans l’Est de la RDC et plus particulièrement dans les provinces du Kivu, de même que la situation des personnes qui pourraient avoir assumé un rôle d’appui et de soutien aux groupes armés de la RDC comptent parmi les principales options sur lesquelles le Bureau du Procureur concentre son attention pour cette troisième enquête ».[31] Comme indiqué plus haut, il a pourtant choisi la première de ces deux options pour sa troisième enquête en RDC. Bien que l’on ignore si le BdP envisage sérieusement de mener une enquête sur les « personnes qui pourraient avoir assumé un rôle d’appui et de soutien aux groupes armés de la RDC » en Ituri, nombreuses étaient les personnes que nous avons interrogées en Ituri qui ont déclaré que pour que justice soit rendue, c’est exactement ce que doit faire la cour.[32]

Le procureur de la CPI a démontré qu’il avait la volonté de s’attaquer aux crimes commis par des responsables gouvernementaux dans les situations au Darfur, au Kenya et en Libye, mais dans la situation en RDC—tout comme en Ouganda et en RCA—aucune enquête n’a donné lieu à une action judiciaire contre des responsables gouvernementaux. Dans ces trois situations, 11 mandats d’arrêt ont été délivrés au total, mais les personnes visées par lesdits mandats sont, en fait, toutes des dirigeants rebelles. L’absence de poursuites à l’encontre de responsables gouvernementaux ajoute foi à l’image d’une CPI incapable de s’attaquer à ceux dont elle est tributaire pour ses enquêtes. Même s’il s’agit davantage d’un problème d’image que d’un réel problème d’indépendance compromise, il n’en demeure pas moins qu’il a profondément entamé la crédibilité de la CPI dans chacune de ces trois situations.

Nous recommandons dès lors vivement au procureur de faire part au plus tôt de son intention d’ouvrir une enquête supplémentaire pour monter plus haut dans la chaîne de commandement en Ituri—enquête qui devrait probablement être poursuivie par son successeur—ou d’expliquer pourquoi son bureau ne mène pas pareille enquête. Nous analysons les cas de l’Ouganda et de la RCA plus loin.

Enquêter sur toutes les parties au conflit dans les Kivus

Nos recherches dans les Kivus révèlent que depuis 2002, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité dans le Nord et le Sud-Kivu ont été commis par des combattants des quatre principaux groupes belligérants :

  • Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) ;
  • Les Maï Maï (terme générique qui englobe plusieurs groupes armés plus petits opérant souvent indépendamment dans le Nord et le Sud-Kivu) ;
  • Les forces autrefois fidèles à Laurent Nkunda, notamment celles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), passées ensuite sous le commandement de Bosco Ntaganda, déjà recherché en vertu d’un mandat d’arrêt de la CPI pour des crimes commis en Ituri et aujourd’hui intégré au sein de l’armée congolaise[33] ; et
  • Les forces armées congolaises, les FARDC.

Nous avons recommandé au BdP d’enquêter sur tous les groupes responsables de crimes dans les Kivus,[34] mais à ce jour, les enquêtes de la CPI semblent, du moins selon les informations mises à la disposition du public, s’être concentrées sur les crimes perpétrés par les FDLR. Comme noté plus haut, depuis l’ouverture de l’enquête dans les Kivus en septembre 2008, un seul mandat d’arrêt a été délivré, débouchant sur l’arrestation, en octobre 2010, de Callixte Mbarushimana par les autorités françaises.

Nul ne sait si le BdP envisage d’ouvrir des enquêtes supplémentaires sur les crimes commis par d’autres groupes dans la région. Dans des déclarations antérieures, le BdP avait indiqué que « [n]ous nous intéressons à tous les groupes ayant des activités dans la région ».[35] Des déclarations plus récentes ont mis exclusivement l’accent sur les FDLR. [36] Le BdP a également qualifié son enquête dans les Kivus d’exemple de « complémentarité », voulant dire par là que le BdP cherchait à ce que d’autres autorités judiciaires traitent des affaires supplémentaires :

Dans cette affaire, nous tenons à coordonner nos efforts de manière à ce que les autorités judiciaires nationales sur place et ailleurs, le cas échéant, puissent se saisir d’affaires afin que tous les criminels soient poursuivis. La communication des informations que nous aurons recueillies dans le cadre de nos enquêtes dépendra des efforts déployés sur place pour assurer la protection des témoins et des juges.[37]

Outre ses encouragements à une coopération avec les autorités de la région, le BdP a fait publiquement allusion à sa coopération avec les autorités allemandes dans les poursuites que celles-ci ont intentées à l’encontre des dirigeants des FDLR—Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni. Ceux-ci vivaient en Allemagne depuis plusieurs années lorsqu’ils ont été arrêtés par les autorités allemandes, le 17 novembre 2009, pour terrorisme et crimes contre l’humanité liés à leur implication dans les activités des FDLR dans l’est du Congo.[38] Le procès des deux dirigeants a débuté à Stuttgart en mai 2011. [39]

En théorie, une approche basée sur la division du travail et faisant usage des juridictions nationales lorsque celles-ci ont la capacité et la volonté d’agir est conforme au statut de la CPI et pourrait déboucher sur des poursuites à l’encontre des personnes qui portent la plus grande part de responsabilité dans les crimes les plus graves commis dans les Kivus. En effet, les besoins de justice sont tellement grands en RDC qu’à elles seules, les enquêtes de la CPI sur toutes les parties au conflit resteront insuffisantes ; comme analysé plus haut, les efforts déployés par les autorités nationales compétentes exigeront de combler des lacunes sur le plan de la lutte contre l’impunité.

Néanmoins, dans la pratique, cette approche axée sur la division du travail—surtout si le BdP venait à poursuivre des criminels affiliés à un seul groupe, laissant entièrement aux autorités nationales le soin de poursuivre ceux qui sont affiliés aux autres groupes—présente de sérieux risques tant sur le plan de l’administration d’une justice efficace dans les Kivus que sur le plan de l’image d’indépendance et d’impartialité de la CPI, et elle reproduirait les erreurs cruciales commises dans l’enquête en Ituri.

Garantir que justice soit rendue aux victimes

Le principe de complémentarité au cœur du Statut de Rome—à savoir que la CPI ne peut agir qu’en dernier recours, n’intervenant que si les autorités nationales ne mènent pas d’enquêtes ou de procès crédibles—n’exige pas que la CPI s’abstienne d’agir rien que parce que la possibilité existe de voir des poursuites engagées au niveau national. En fait, compte tenu de l’opposition souvent affichée par les responsables politiques nationaux à l’égard des procès pour des crimes internationaux, il se peut que la CPI ait besoin de mener un nombre considérable d’enquêtes afin de contribuer à catalyser une volonté politique suffisante pour la tenue de procès nationaux. Si les autorités nationales sont conscientes que la CPI n’ouvrira qu’un nombre très limité d’enquêtes ou n’enquêtera pas du tout sur les crimes commis par certains groupes, elles seront très peu motivées pour étendre le champ d’application de la lutte contre l’impunité. Par contre, les enquêtes de la CPI qui mettent en évidence des schémas de crimes, préservent les éléments de preuve et révèlent des chaînes de commandement ou d’autorité en visant les personnes portant la plus lourde responsabilité peuvent contribuer à créer des conditions plus favorables aux poursuites nationales.

Lorsqu’elle agit dans une situation déterminée, la CPI a également le devoir particulier de s’intéresser aux affaires qui sont les moins susceptibles d’être traitées par les autorités nationales, en raison, par exemple, de la fonction de haut niveau qu’occupent les accusés, ou en raison des capacités limitées existant au niveau national pour réprimer les crimes internationaux. Il existe de bonnes raisons de douter que les autorités rwandaises ou congolaises agiront rapidement pour réclamer des comptes pour les crimes perpétrés dans les Kivus, surtout pour ce qui touche aux accusés de haut niveau.[40] Comme le reconnaît la déclaration du BdP mentionnée plus haut, certaines préoccupations importantes en matière de protection des témoins peuvent également limiter sa capacité à partager activement les informations provenant de ses enquêtes avec les autorités de la région. Le procureur de la CPI devrait dès lors viser toutes les parties au conflit dans le cadre des enquêtes de la cour dans les Kivus afin de veiller à ce que le plus grand nombre possible de victimes puissent obtenir justice pour les crimes perpétrés dans leurs communautés.

Cibler les crimes gouvernementaux, un élément clé pour préserver l’image d’indépendance de la cour

Les groupes qui auraient perpétré des crimes dans les Kivus sont notamment l’armée congolaise et les forces autrefois fidèles à Laurent Nkunda, entre autres celles du CNDP. Nkunda, pour sa part, a bénéficié du soutien des autorités rwandaises. [41] En omettant de mener une enquête sur les responsables gouvernementaux ou sur des personnes qu’ils soutiennent, la CPI risque de reproduire l’erreur qu’elle a commise dans l’enquête en Ituri en ne montant pas plus haut dans la chaîne de commandement. En d’autres termes, elle risque de renforcer le sentiment que la CPI ne peut pas poursuivre les responsables des gouvernements dont elle dépend pour la coopération, compromettant ainsi son image d’institution indépendante.

Préserver le principe d’impartialité

Au stade actuel, l’expérience de l’enquête menée par la cour en Ituri semble indiquer que le fait de ne cibler ou de sembler ne cibler qu’un seul des différents groupes responsables d’atrocités est une stratégie qui comporte de sérieux risques. L’impartialité est essentielle pour la légitimité et la crédibilité de la CPI. La pratique du procureur consistant à « séquencer » les enquêtes—c’est-à-dire à terminer les enquêtes de terrain menées sur un groupe déterminé avant d’examiner si d’autres groupes justifient l’ouverture d’autres enquêtes—a posé un défi de taille, celui de préserver le sentiment d’impartialité.[42]

Comme mentionné plus haut, début 2006, les autorités congolaises ont exécuté un mandat d’arrêt délivré par la CPI à l’encontre de Thomas Lubanga, le dirigeant de l’UPC, une milice importante à majorité hema. Près de 18 mois plus tard, la CPI a arrêté Germain Katanga, chef d’état-major d’une milice majoritairement ngitie (les Ngitis entretiennent des liens étroits avec les Lendus). En février 2008, Mathieu Ngudjolo, ancien chef d’état-major du FNI, une milice majoritairement lendue, a été remis à la CPI et placé en détention.[43]

L’arrestation de hauts responsables à la fois de la milice à majorité hema et de la milice à majorité lendue a été le signe d’une évolution importante. Néanmoins, les recherches de terrain effectuées par Human Rights Watch pendant les près de 18 mois qui ont suivi l’arrestation de Lubanga ont invariablement montré que l’absence de mandats d’arrêt contre les dirigeants des milices ngities et lendues engendrait, au sein de la communauté hema, le profond sentiment que la CPI rendait une « justice sélective ».[44] À son tour, le sentiment que la CPI rend une « justice sélective » a probablement exacerbé les tensions ethniques en Ituri. Bien que les arrestations de Katanga et de Ngudjolo aient peut-être contribué quelque peu à corriger cette perception, les charges limitées portées contre Lubanga et Ntaganda par comparaison avec celles portées contre Katanga et Ngudjolo continuent de soulever des questions quant à l’impartialité de la cour.

En dépit des nombreuses allégations recueillies par Human Rights Watch et d’autres sources selon lesquelles la milice UPC de Lubanga avait commis une série de crimes effroyables, dont des meurtres, des actes de torture et des viols,[45] la CPI n’a inculpé que Lubanga et son ex-compagnon de l’UPC Ntaganda de crimes de guerre pour avoir recruté et enrôlé des enfants de moins de 15 ans comme soldats et les avoir utilisés pour participer activement aux hostilités en 2002-2003.[46] Par contre, la CPI a retenu un ensemble plus complet de chefs d’accusation à l’encontre de Katanga et de Ngudjolo. Cette approche déséquilibrée risque d’exacerber les tensions existant entre les communautés lendue et hema. Au sein des Hemas, les leaders d’opinion affirment que l’absence d’autres chefs d’accusation contre Lubanga (et, par voie de conséquence, contre Ntaganda) montre que le Bureau du Procureur n’a pas réussi à trouver des éléments prouvant d’autres crimes, ce qui implique dès lors qu’ils sont innocents.[47] Les charges plus complètes retenues par la CPI contre Katanga et Ngudjolo alimentent le sentiment que les Lendus ont perpétré davantage de crimes et que, par conséquent, ils portent une plus grande part de responsabilité dans les horribles exactions commises lors du conflit en Ituri. Ce sentiment est erroné et particulièrement problématique dans une région touchée depuis longtemps par des hostilités à caractère ethnique.

Le sentiment qui prévaut est que la CPI a « trahi ses promesses » en Ituri. [48] Au cours de nos recherches sur le terrain, des représentants de la société civile, des chefs de communautés et des observateurs étrangers présents dans la région ont fait part de leur déception et de leur incrédulité face au fait que les seules charges portées à ce moment-là par le procureur contre Lubanga concernaient l’enrôlement, le recrutement et l’utilisation d’enfants soldats.[49] Les recherches que nous avons réalisées à Kinshasa ont révélé que nombreux étaient ceux qui estimaient que les charges retenues contre Lubanga et Ntaganda avaient une portée trop limitée et ne reflétaient pas la gravité des crimes qu’aurait perpétrés l’UPC. Le Rapport du Projet Mapping de l’ONU critique la portée limitée des charges retenues dans les affaires Lubanga et Ntaganda « qui ne rendent pas justice aux centaines, voire milliers de civils tués par l’UPC et ne reflètent pas l’ensemble des activités criminelles des accusés ».[50]

La lenteur considérable avec laquelle la CPI avance en ce qui concerne les charges visant les dirigeants des milices rivales, conjuguée à ce déséquilibre dans les charges retenues, risque d’avoir porté irrémédiablement préjudice à l’image d’impartialité de la CPI en RDC. L’accent mis au départ exclusivement sur les crimes commis par les FDLR dans l’enquête ouverte dans les Kivus—même si, ultérieurement, une enquête a été ouverte sur d’autres groupes—menace d’aggraver le préjudice causé.

Afin d’éviter de mettre davantage à mal l’image d’indépendance et d’impartialité de la CPI en RDC, et afin de rendre efficacement justice aux victimes des crimes internationaux graves perpétrés dans les Kivus, il est indispensable, à nos yeux, que le BdP élabore une stratégie visant à poursuivre les quatre groupes. Il s’agirait notamment de poursuivre les hauts commandants des FARDC en collaboration avec la cour spécialisée mixte (voir plus haut), si ladite cour venait à être établie par la législation congolaise. Dans la mesure où il pourrait s’avérer impossible d’enquêter sur différents groupes simultanément—compte tenu de l’enquête en cours sur les FDLR—, le procureur devrait se préparer à expliquer les lacunes dans les enquêtes visant différents groupes. Il devrait également chercher à réparer en partie le tort causé par la portée limitée de son enquête en Ituri en rouvrant l’enquête sur Bosco Ntaganda, qui est toujours en liberté et dont le mandat d’arrêt ne reflète que le recrutement d’enfants soldats en Ituri alors qu’il occupait un poste de haut commandant au sein de l’UPC. Ajouter de nouvelles charges pour les crimes que Ntaganda a commis en Ituri avec l’UPC, ainsi que pour les crimes qu’il a perpétrés par la suite en tant que chef d’état-major du CNDP dans les Kivus et actuellement en tant que général au sein de l’armée congolaise, contribuerait fortement à corriger le déséquilibre qui marque les enquêtes ouvertes dans les Kivus et en Ituri.

III. Ouganda

Le procureur de la CPI a commencé à enquêter dans le nord de l’Ouganda en 2004 suite à un renvoi de la situation par le Président Yoweri Museveni fin 2003.

Le conflit opposant les forces gouvernementales ougandaises à l’Armée de Résistance du Seigneur (Lord’s Resistance Army, ou LRA), dirigée par Joseph Kony, dure depuis plus de 20 ans, au cours desquels il a connu des degrés d’intensité variés. Ce conflit a été marqué par les effroyables atrocités perpétrées par la LRA, mais les forces gouvernementales ont, elles aussi, commis des violations graves des droits humains. En Ouganda, la LRA a enlevé des milliers d’enfants et s’est livrée à un nombre incalculable de meurtres délibérés, d’actes de torture et de mutilations dans le cadre de sa stratégie visant à soumettre la population civile par la terreur. [51] Elle a par ailleurs étendu le champ d’application de sa tactique au-delà des frontières ougandaises, en RDC, en RCA et au Sud-Soudan, les pays voisins.[52] De son côté, le gouvernement ougandais a recouru à une stratégie de déplacements forcés entre 1996 et 2008 afin de couper la LRA de la population civile. Ce faisant, il a forcé ses citoyens à s’installer dans des camps sordides et peu sûrs, où ils étaient exposés aux attaques de la LRA et aux fréquentes exactions des forces gouvernementales.[53] Les civils accusés d’être des « collaborateurs des rebelles » ont fréquemment été maintenus en détention et parfois torturés ou violemment frappés à coups de bâton dans le cadre des procédures d’interrogatoire. [54]

En juillet 2005, après environ un an d’enquête, la CPI a délivré des mandats d’arrêt sous scellés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à l’encontre de cinq dirigeants de la LRA : Joseph Kony, Vincent Otti, Okot Odhiambo, Raska Lukwiya et Dominic Ongwen. Ces mandats d’arrêt n’ont pas encore été exécutés. Lukwiya a été tué en 2006 et Otti en 2007. Bien que la LRA ait quitté le nord de l’Ouganda, comme expliqué plus loin, les recherches de Human Rights Watch montrent que Kony, Odhiamb et Ongwen, entre autres, continuent d’être impliqués dans des atrocités commises contre les populations civiles dans le nord-est de la RDC, en RCA et au Sud-Soudan.[55]

L’arrestation et le procès des trois dirigeants de la LRA sont nécessaires pour rendre justice aux victimes des atrocités perpétrées par la LRA dans le nord de l’Ouganda. Mais la CPI est entièrement tributaire des États pour l’exécution de ses mandats. Nous avons à maintes reprises invité les gouvernements régionaux et leurs partenaires internationaux, dont les États parties à la CPI, les États-Unis, ainsi que les Nations Unies, à contribuer à mettre fin aux crimes de la LRA en mettant au point une stratégie globale visant à protéger les civils et à obtenir l’arrestation des dirigeants rebelles.[56] À ce jour, aucune stratégie efficace ne s’est encore concrétisée.

Le legs de la CPI en Ouganda sera mis en péril tant que les dirigeants de la LRA recherchés par la cour ne seront pas arrêtés.[57] Mais l’exécution des mandats d’arrêt de la CPI ne constitue pas l’unique facteur qui déterminera si la cour atteindra ou non l’objectif fixé de rendre une justice efficace en Ouganda. Comme nous l’expliquons dans les sections qui suivent, la cour doit également s’attaquer de front à deux autres lacunes en matière de lutte contre l’impunité : la justice pour les crimes commis par les forces de sécurité ougandaises d’une part, et la justice pour la nouvelle génération de victimes de la LRA en RDC, en RCA et au Sud-Soudan d’autre part. Comme nous l’expliquons plus loin, étant donné les graves problèmes d’image créés en Ouganda par l’absence de charges à l’encontre des forces gouvernementales, combler ces lacunes devrait maintenant être considéré comme une priorité par le procureur.

Enquêter sur les forces ougandaises

Dans le cadre de leurs campagnes de contre-insurrection contre la LRA, les soldats des Forces de défense populaires de l’Ouganda (Uganda Peoples’ Defence Forces, ou UDPF) ont commis des violations graves des droits humains. Même si ces violations ont peut-être été d’une ampleur bien moindre que celles perpétrées par la LRA, il n’en demeure pas moins que les forces gouvernementales se sont rendues responsables de meurtres délibérés, de passages à tabac fréquents, de viols et de détentions arbitraires prolongées de civils. Par ailleurs, sous l’effet conjugué d’une politique gouvernementale de déplacements forcés et des actions de la LRA, en 2005, pratiquement toute la population rurale des trois districts acholis du nord de l’Ouganda—soit quelque 1,9 million de personnes—vivait dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Pendant de nombreuses années, les habitants des camps ont vécu sans services de base tels que l’éducation et la santé, et les camps étaient loin d’être sûrs ; ils demeuraient exposés aux attaques et aux exactions tant de la LRA que de l’armée ougandaise.[58]

En dépit de la brutalité des attaques de la LRA, et au vu des exactions commises par le personnel gouvernemental et de l’incapacité du gouvernement à protéger ses citoyens dans le nord, il n’est pas surprenant que le renvoi par l’Ouganda de la situation à la CPI en 2003 soit apparu aux yeux de beaucoup comme n’étant rien d’autre qu’un stratagème pour renforcer la position du gouvernement vis-à-vis d’une rébellion dont il n’avait pu venir à bout pendant près de deux décennies. [59] La décision du procureur de la CPI d’annoncer le renvoi volontaire de la situation par le gouvernement lors d’une conférence de presse tenue conjointement avec le Président Museveni n’a fait qu’alimenter les soupçons selon lesquels la CPI était un outil du gouvernement ougandais et qu’elle ne garantirait pas une justice impartiale. [60] Cela a porté atteinte, dès le départ, à l’image d’une cour indépendante et impartiale.

Le procureur a fourni certains efforts pour combattre cette image préjudiciable, mais ces efforts n’ont pas suffi. La décision du procureur d’ouvrir une enquête en Ouganda fait référence à la « situation dans le nord de l’Ouganda », par opposition à la « situation concernant l’Armée de résistance du Seigneur » proposée dans le renvoi de l’Ouganda, signalant ainsi clairement que la portée de l’enquête de la CPI n’est pas limitée aux auteurs présumés appartenant à un groupe déterminé.[61] Lorsque des mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre des dirigeants de la LRA, le procureur a souligné l’impartialité de ses enquêtes et indiqué que le recueil d’informations sur les allégations portées contre tous les groupes se poursuivait.[62] L’équipe de sensibilisation de la cour a œuvré à l’intérieur du territoire ougandais pour rectifier les informations erronées parues dans les médias nationaux selon lesquelles, par exemple, les enquêtes de la CPI avaient disculpé les responsables gouvernementaux.[63] Le projet de budget 2011 de la cour a fait allusion aux enquêtes menées en Ouganda, « port[ant] sur tous les crimes relevant de la compétence de la Cour, quels que soient les individus susceptibles de les avoir commis »,[64] mais ces propos n’ont pas été réitérés dans le tout dernier projet de budget de la cour. [65] En quelques occasions—mais pas au cours des dernières années—le procureur a aussi fait part plus explicitement de son intention de continuer à explorer ou examiner les exactions commises par l’UPDF.[66]

Toutefois, nombreux sont ceux qui, en Ouganda et parmi les autres observateurs de la CPI, estiment que les assurances souvent répétées selon lesquelles les enquêtes en Ouganda ne sont pas terminées ou ne se limitent pas à des mandats d’arrêt visant la LRA ont perdu de leur vraisemblance. L’absence de justice pour les crimes commis par les deux parties au conflit a sérieusement porté atteinte à l’image d’une cour indépendante et a miné sa crédibilité au sein des communautés ougandaises affectées. Les ressources allouées au BdP pour la situation ougandaise a diminué, passant de 3,5 millions d’euros et d’un effectif de 27 personnes en 2006 à une demande de 111 200 euros et un effectif d’une seule personne pour 2012.[67] Cela ne signifie toutefois pas la fin de toute activité d’enquête, le BdP ayant clairement adopté une politique d’alternance des ressources entre les enquêtes et les situations en fonction des besoins. Mais la forte diminution des ressources, associée à des déclarations publiques faisant état d’enquêtes « en cours » sans explication de fond compréhensible sur l’état d’avancement ou la nature de ces enquêtes, soulève des questions quant à la rigueur avec laquelle les allégations visant les forces ougandaises continuent d’être examinées par le procureur de la CPI.

Certes, le BdP n’engage de poursuites que si les preuves le permettent et que les critères de recevabilité de la cour sont remplis. D’aucuns se posent légitimement la question de savoir si les crimes qui auraient été commis par des membres de l’armée ougandaise relèvent de la compétence de la cour. Il se peut que les enquêtes du BdP aient révélé, par exemple, que même si certains crimes sont effectivement à imputer aux forces de l’UPDF, ces crimes échappent à la compétence temporelle de la cour—qui n’a commencé qu’en 2002, assez tard dans la période de conflit avec la LRA et après qu’eurent probablement été commises certaines des exactions les plus graves dans lesquelles auraient été impliquées les forces ougandaises. Il est possible que les enquêtes aient indiqué que les crimes n’étaient pas suffisamment graves pour retenir l’attention de la cour.[68]

Le procureur a mis en lumière certains de ces points en expliquant pourquoi la cour s’est focalisée sur les crimes commis par la LRA. Ainsi, le BdP a indiqué que les crimes perpétrés par les forces ougandaises étaient moins graves que ceux imputés à la LRA et, conformément à son approche « séquentielle », il s’est dès lors concentré sur les crimes de la LRA.[69]Néanmoins, six ans déjà se sont écoulés depuis la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre des dirigeants de la LRA, délai suffisant, semble-t-il, pour arriver à déterminer s’il convient d’engager également des poursuites visant les forces de sécurité ougandaises.

En l’absence d’explications plus claires, mises plus largement à la disposition du public, on comprend aisément pourquoi d’aucuns sont arrivés à la conclusion que le procureur avait choisi délibérément de ne pas engager de poursuites à l’encontre des autorités civiles et militaires ougandaises pour des motifs politiques. Cette perception a causé un tort considérable à la réputation de la CPI en Ouganda.[70] Le silence relatif de la CPI à propos d’une éventuelle enquête sur les crimes perpétrés par l’UPDF n’a pas aidé à endiguer la culture de l’impunité prévalant pour les crimes commis par les forces de sécurité, tant dans le nord de l’Ouganda que lors d’opérations plus récentes menées ailleurs.[71] Des lacunes considérables doivent encore être comblées en ce qui concerne la lutte contre l’impunité pour les crimes graves commis par des responsables gouvernementaux, ce qui n’a guère contribué à enrayer la diminution de la protection des droits humains. [72] Cette impunité persistante dont jouissent depuis longtemps les hauts gradés de l’armée ougandaise qui ont mené des opérations, particulièrement pendant la guerre contre la LRA, continue de saper la réputation de l’UPDF en tant qu’armée crédible et professionnelle. Ainsi, de sérieuses questions se posent à propos de la raison pour laquelle le Général de brigade Charles Awany Otema, qui est actuellement à la tête de la Quatrième Division militaire et reste commandant des troupes ougandaises pourchassant la LRA en dehors de l’Ouganda, n’a jamais fait l’objet de poursuites judiciaires pour avoir ordonné l’exécution extrajudiciaire d’un prisonnier à Gulu en 2002, en dépit d’un jugement rendu par la Haute Cour. [73]

Par ailleurs, on ignore si le gouvernement cherchera à engager des poursuites contre des acteurs étatiques pour des crimes perpétrés pendant la guerre dans le nord de l’Ouganda devant la Division des crimes internationaux (ICD) récemment mise en place, bien que des responsables aient indiqué que les membres de l’armée ougandaise ne seront pas jugés devant l’ICD mais qu’ils pourraient être traduits devant les tribunaux militaires. [74]

À plusieurs reprises, Human Rights Watch a invité le BdP à expliquer publiquement l’état d’avancement de ses enquêtes sur les actes commis par les forces UPDF.[75] Même si de nombreux aspects des enquêtes sont confidentiels, il devrait être possible de partager des informations de base à propos des efforts déployés pour enquêter sur les accusations d’exactions visant l’UPDF. Si le BdP est arrivé à la conclusion que les forces gouvernementales n’ont pas commis de crimes relevant de la compétence de la CPI dans le nord de l’Ouganda, ou qu’il existe d’autres éléments juridiques justifiant de ne pas engager de poursuites à l’encontre des responsables gouvernementaux ou des forces gouvernementales, cela devrait être clairement précisé. Aucune explication ne pourra éliminer toutes les critiques, mais si une décision de ne pas poursuivre apparaît clairement comme découlant de critères objectifs, elle pourrait contribuer à restaurer l’image d’indépendance de la cour. La clarté autour de ce que la CPI envisage de faire à propos des exactions de l’UPDF pourrait également aider à mettre suffisamment la pression sur les autorités nationales pour rendre des comptes dans la transparence pour les violations des droits humains bien établies, même si elles ne relèvent pas de la compétence de la CPI. En l’occurrence, si le BdP décide de ne pas engager d’action judiciaire contre l’UPDF, mais qu’il recueille des preuves relatives à des crimes qui pourraient faire l’objet de poursuites au niveau national, il devrait envisager de partager ces informations avec l’ICD ou d’autres autorités nationales compétentes. Même si ce partage d’informations devrait faire l’objet de garanties importantes, notamment en matière de protection des témoins, et qu’il devrait s’étendre aux avocats de la défense, il pourrait donner une impulsion considérable aux procédures nationales. [76]

Apporter une réponse aux nouvelles victimes de l’Armée de résistance du Seigneur

La LRA a commis des crimes au-delà des frontières du nord de l’Ouganda. Pendant une grande partie de son existence, la LRA s’est souvent déplacée entre le nord de l’Ouganda et le sud du Soudan, lançant des attaques dans les deux pays. En 2005 et 2006, la reprise des campagnes militaires ougandaises a forcé la LRA à transférer ses forces d’Ouganda et du sud du Soudan vers la région reculée du Parc national de la Garamba, dans le nord-est du Congo. Depuis lors, la LRA est devenue une menace régionale opérant dans les zones frontalières isolées qui séparent le Sud-Soudan, la RDC et la RCA.

La LRA est toujours capable de mener de vastes attaques dévastatrices contre les populations civiles. Selon les informations recueillies par Human Rights Watch et l’ONU, depuis septembre 2008, la LRA a tué près de 2 400 civils et en a enlevé 3 400 autres. Ces atrocités se poursuivent dans le nord de la RDC, dans l’est de la RCA et au Sud-Soudan. Au cours des quatre premiers mois de l’année 2011, la LRA a mené au moins 120 attaques, tuant 81 civils et en enlevant 193 autres, dont de nombreux enfants. Quatre-vingt-dix-sept de ces attaques ont eu lieu au Congo, soit près de la moitié du nombre total des attaques rapportées en 2010. Plus de 38 000 civils congolais supplémentaires ont été déplacés en 2011 par les attaques de la LRA, s’ajoutant aux centaines de milliers d’autres habitants de la région qui avaient déjà quitté leur maison pour fuir. [77]

Les associations de la société civile présentes dans les zones du Congo affectées par la LRA et les victimes des crimes de la LRA ont exprimé leur profond souhait de voir les commandants de la LRA traduits en justice. [78] À ce jour, ces vœux sont en grande partie restés inexaucés.[79]

Le procureur de la CPI devrait enquêter sur ces crimes récents dans le double but d’étendre les charges portées contre les dirigeants de la LRA faisant déjà l’objet de mandats d’arrêt de la CPI, et d’engager des poursuites contre d’autres commandants, si les preuves le permettent. D’aucuns se demanderont si l’ouverture d’enquêtes supplémentaires alors que Kony est toujours en liberté s’avère être le moyen d’utiliser au mieux les ressources de la CPI. Mais de nouvelles poursuites sont nécessaires pour garantir que les dossiers ouverts par la CPI restent représentatifs des personnes portant la plus lourde responsabilité dans les crimes les plus graves commis par ce groupe rebelle. Les massacres perpétrés au cours des dernières années en RDC comptent parmi les plus effroyables de toute l’histoire sanglante de la LRA. De nouveaux commandants ont également fait leur apparition au sein du leadership de la LRA. Outre Dominic Ongwen, nos recherches mettent en lumière l’implication du Lt. Col. Binansio Okumu, aussi connu sous le nom de Binany, et d’un commandant connu sous le nom d’Obol dans une attaque de quatre jours menée en décembre 2009 et au cours de laquelle 321 civils ont été tués et 250 autres ont été enlevés . [80] Selon des responsables de l’armée ougandaise, le Lt. Col. Charles Arop commandait le groupe de combattants LRA qui a attaqué la ville de Faradje le 25 décembre 2008, tuant au moins 143 personnes, pour la plupart des hommes, et enlevant 160 enfants ainsi que des dizaines d’adultes. [81]

Il existe peut-être certaines options nationales pour engager des poursuites contre les commandants de la LRA par le canal des tribunaux congolais ou ougandais, mais les capacités s’avèrent être sérieusement limitées dans ces deux juridictions.[82] La CPI est on ne peut mieux placée pour réclamer des comptes pour les crimes qui traversent les frontières internationales, et pour veiller à ce qu’une nouvelle génération de victimes de la LRA puisse accéder à la justice.[83]

IV. République centrafricaine

Comme en RDC et en Ouganda, le procureur de la CPI a ouvert une enquête en République centrafricaine suite à un renvoi de la situation par le gouvernement. Dès l’annonce faite par le procureur au moment de l’ouverture de l’enquête en 2007, il est apparu clairement qu’il avait l’intention de se concentrer sur les crimes commis pendant le coup d’État de 2002-2003 dirigé par François Bozizé, le chef d’état-major de l’armée du président de l’époque, Ange-Félix Patassé. Bozizé a saisi le procureur de la CPI de la situation après s’être emparé du pouvoir une fois son coup d’État réussi.[84]

L’enquête de la CPI en RCA n’a débouché que sur un seul mandat d’arrêt, à l’encontre de Jean-Pierre Bemba Gombo.

Bemba, un ressortissant congolais et ancien vice-président de la RDC, se trouvait en RCA après que Patassé l’eut invité lui et les forces de son Mouvement de libération du Congo (MLC) appuyé par l’Ouganda, ainsi que des mercenaires tchadiens, à réprimer la tentative de coup d’État de Bozizé. En RCA, les forces MLC de Bemba se seraient livrées à des viols massifs, des meurtres et des pillages contre la population civile. Bemba a été arrêté en Belgique en 2008 et son procès a débuté à La Haye en 2010.[85]

La décision du BdP de ne pas poursuivre Bemba pour les crimes commis par ses forces au Congo, où elles auraient également mené des attaques généralisées contre la population civile, n’a cessé de soulever des questions. [86] En fait, deux victimes ont demandé à la chambre préliminaire d’examiner la décision du procureur de ne pas mettre en cause Bemba pour les crimes commis en RDC. Leur demande invoque le fait que, pendant les procédures préliminaires pour confirmer les charges contre Bemba, le procureur s’était fondé sur des preuves montrant que les forces placées sous le commandement de Bemba s’étaient rendues responsables d’atrocités lors d’une campagne menée en Ituri en octobre 2002. Il s’agissait d’éléments présentés par le procureur pour montrer que le caractère systématique des atrocités perpétrées en RDC signifiait que Bemba savait, ou aurait dû savoir, que ses forces commettraient des crimes similaires en RCA.[87] La demande a été déboutée au motif que le procureur n’avait pas pris de décision finale statuant contre une enquête sur Bemba pour les crimes commis en RDC et que, par voie de conséquence, aucune décision ne pouvait être examinée par la chambre préliminaire.[88] Cela démontre toutefois le vif intérêt chez les victimes d’obtenir justice pour lesdits crimes. [89]

Jusqu’au décès de Patassé en avril 2011, nombreux sont ceux qui ont également contesté la décision du procureur de ne pas engager de poursuites à son encontre en plus de celles engagées contre Bemba. [90] En fait, lors du procès de Bemba et peu avant la mort de Patassé, le procureur général de la RCA, Firmin Feindiro, a témoigné qu’une enquête nationale avait impliqué à la fois Bemba et Patassé, mais aucun des deux n’a été jugé en RCA. [91]

Human Rights Watch n’a pas recueilli d’informations sur les violations des droits humains perpétrées pendant la rébellion de 2002-2003 en RCA, mais nous avons recueilli des informations sur les exactions commises par les troupes MLC au Congo. Nous ne disposons pas de renseignements de première main sur le caractère des crimes commis ou l’identité des possibles auteurs. Toutefois, comme analysé plus haut, le BDP est tenu, dans chaque situation où il intervient, de mettre en place une stratégie en matière d’enquête et de poursuites, visant à traduire en justice ceux qui portent la plus grande part de responsabilité dans les crimes les plus graves sur la base de chefs d’accusation représentatifs des schémas sous-jacents des crimes relevant de la compétence de la CPI. Dans le cas de la RCA, on voit mal comment cet objectif pourrait être atteint avec la délivrance d’un seul mandat d’arrêt.

Par ailleurs, d’aucuns en RDC ont l’impression que le procureur a pris Bemba pour cible parce qu’il voulait obtenir la coopération du Président congolais Joseph Kabila dans les enquêtes ouvertes par la CPI en RDC. Bemba était le principal adversaire politique de Kabila en RDC au moment de son arrestation, laquelle a eu lieu peu de temps après les attaques menées contre lui et ses partisans à Kinshasa. Le tort causé à l’image d’indépendance et d’impartialité de la CPI a été aggravé par le fait que la cour n’a, à ce jour, pas examiné de façon approfondie les crimes commis par les troupes de Bozizé. Cela rappelle les lacunes constatées dans l’approche de la CPI par rapport à la RDC et à l’Ouganda, où les forces de sécurité affiliées au gouvernement ayant saisi la CPI semblent avoir échappé à un examen minutieux de la cour.

Les poursuites engagées contre Bemba pour les crimes commis en RCA sont importantes en tant que telles. Mais vues dans le contexte des autres crimes perpétrés en RCA d’une part, et de la dynamique régionale d’autre part, elles ont accru les préoccupations concernant l’indépendance et l’impartialité de la cour, ainsi que celles concernant son engagement à rendre justice efficacement pour les crimes commis tant en RCA qu’en RDC. Nous recommandons dès lors que le BdP revoie sa stratégie relative à la RCA et entame de nouvelles enquêtes, ou qu’il communique clairement aux communautés affectées et au grand public les raisons pour lesquelles il a conclu qu’il ne convenait pas d’engager de nouvelles poursuites en ce moment.

V. Darfour

Depuis le début de l’année 2003, les forces gouvernementales soudanaises et les milices connues sous le nom de Janjawids ont perpétré des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre à grande échelle dans le cadre d’opérations de contre-insurrection visant les mouvements rebelles du Darfour, une région occidentale du Soudan limitrophe du Tchad. [92] Depuis février 2003, plus de deux millions de personnes, sur une population darfourienne estimée à six millions, ont été déplacées par la force de chez elles à la suite d’une campagne de « nettoyage ethnique » appuyée par le gouvernement et menée dans le contexte d’un conflit armé interne. En dépit d’éléments accablants mettant en évidence son rôle dans la commission d’atrocités aux côtés de ses alliés janjawids, le gouvernement soudanais a nié le rôle qu’il a joué dans les exactions et a minimisé l’ampleur de la crise. Bien que le conflit connaisse une accalmie, depuis décembre 2010, une vague d’attaques menées par le gouvernement sur des zones peuplées et une campagne de bombardements aériens ont tué et blessé des dizaines de civils, détruit des biens et déplacé plus de 70 000 personnes, en grande partie originaires des communautés zaghawa et four liées aux groupes rebelles.[93]

En mars 2005, le Conseil de sécurité de l’ONU a déféré la situation au Darfour à la CPI, autorisant celle-ci à exercer sa compétence bien que le Soudan ne soit pas un État partie à la cour. Après avoir établi que les crimes du Darfour relevaient de la compétence de la CPI, le procureur a commencé à enquêter en juin 2005.

Depuis lors, Le BdP a mené deux enquêtes sur des responsables gouvernementaux qui ont donné lieu à quatre mandats d’arrêt : deux mandats à l’encontre du Président soudanais Omar Hassan Ahmed el-Béchir pour génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité ; et deux autres mandats d’arrêt, l’un contre Ahmed Muhammad Haroun, gouverneur de l’État du Sud-Kordofan, et l’autre contre Ali Muhammad Ali Abd-Al-Rahman (Ali Kosheib), un chef de milice janjawid, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Le BdP a également mené une enquête sur l’attaque rebelle lancée contre une mission de maintien de la paix de l’Union africaine dans la ville de Haskanita, débouchant sur trois citations à comparaître visant des dirigeants rebelles, à savoir Bahr Idriss Abu Garda, Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo Jamuson. Tous trois ont comparu volontairement à La Haye pour répondre des accusations portées contre eux, mais une chambre préliminaire a refusé de confirmer les charges portées contre Abu Garda. [94] Le procès est en cours de préparation dans l’affaire Banda et Jerbo.

À la suite des mandats d’arrêt (délivrés au départ comme citations à comparaître) visant Haroun et Kosheib, Human Rights Watch a recommandé au procureur de la CPI de poursuivre ses investigations et d’enquêter sur les personnes qui, au sein de la hiérarchie militaire et politique, étaient responsables des atrocités les plus graves perpétrées au Darfour. [95] Selon nos recherches, la responsabilité des exactions généralisées et systématiques commises au Darfour se situe au plus haut niveau. Des décideurs au plus haut niveau du Soudan ont joué un rôle clé dans la conception et la mise en œuvre d’une campagne qui a impliqué l’utilisation de responsables civils et militaires pour recruter, appuyer et coordonner les milices janjawids. [96]

Le premier mandat d’arrêt à l’encontre d’el-Béchir a été délivré en 2008 et reflétait l’engagement pris par le procureur de rechercher les responsables en remontant la chaîne de commandement. Les recherches de Human Rights Watch ont révélé qu’el-Béchir, en sa qualité de commandant en chef des forces armées soudanaises, a joué un rôle dirigeant de premier plan dans la campagne militaire au Darfour. Ses déclarations publiques ont précédé les opérations militaires et les moments où les forces de sécurité soudanaises ont commis le plus d’exactions. Il semblerait que ces déclarations se faisaient l’écho de directives privées transmises aux responsables de l’administration civile, de l’armée et des services de sécurité.[97]

Néanmoins, les mandats d’arrêt à l’encontre d’el-Béchir n’ont pas permis de refléter l’ampleur de l’implication de hauts dirigeants dans les crimes commis. Outre el-Béchir, nous avons recommandé qu’un certain nombre d’autres hauts responsables fassent l’objet d’enquêtes, dont le deuxième Vice-président Ali Osman Taha, le Général de division Abduraheem M. Hussein, le Général de division Bakri Hassan Salih, le Général Salah Abdallah Ghosh et Abbas Arabi.[98]

Comme dans la situation en RCA, cibler un seul haut responsable—même lorsqu’il s’agit du chef de l’État—ne garantit pas d’atteindre l’objectif fixé de réclamer des comptes à ceux qui portent la plus lourde responsabilité dans les crimes graves perpétrés au Darfour. Passer directement d’individus qui se situent à un niveau de responsabilité intermédiaire, tels que Haroun et Kosheib, à el-Béchir sans élargir le cercle des responsables visés n’est guère le reflet d’une stratégie cohérente visant à traduire en justice les personnes portant la plus grande part de responsabilité dans les crimes graves commis au Darfour. Cette démarche jette le doute sur la crédibilité de la stratégie du BdP au Soudan.

Dans son tout dernier rapport au Conseil de sécurité sur la situation au Darfour, le procureur de la CPI a indiqué que son bureau envisageait de soumettre aux juges de la CPI une quatrième affaire concernant le Darfour, après avoir clôturé son enquête en octobre 2011. [99] Il s’agit d’une évolution favorable qui démontre que le procureur s’engage à élargir la portée de son action de façon à cibler d’autres responsables des atrocités commises au Darfour. Nous invitons le procureur à aller au bout de cet engagement et, si les éléments de preuve le permettent, à intenter de nouvelles poursuites à l’encontre d’autres hauts responsables gouvernementaux.

VI. Kenya

L’enquête de la CPI au Kenya—ouverte en mars 2010—s’est focalisée sur les crimes commis dans trois des huit provinces du pays lors des violences qui ont suivi le scrutin présidentiel kényan en décembre 2007. Les violences ont éclaté à la suite d’allégations généralisées selon lesquelles l’élection avait été truquée au profit du président sortant, Mwai Kibaki. Les chercheurs de Human Rights Watch ont répertorié plusieurs types d’exactions, entre autres des exécutions extrajudiciaires et l’usage excessif de la force par la police, ainsi que des attaques à caractère ethnique et des actes de représailles menés par des milices de chaque côté de l’échiquier politique.[100] Plus de 1 100 personnes ont été tuées[101] et au moins 650 000 autres ont été forcées de fuir leur domicile. [102]

L’enquête de la CPI est la première initiative sérieuse pour traduire en justice les responsables des violences postélectorales dont le Kenya a été le théâtre. Les auteurs des vagues antérieures de violence électorale—en 1992 et 1997—sont demeurés impunis.[103] L’enquête de la CPI au Kenya marque également la première utilisation du pouvoir proprio motu du procureur, c’est-à-dire son pouvoir d’ouvrir une enquête de sa propre initiative avec l’accord d’une chambre préliminaire de la cour au titre de l’article 15 du Statut de Rome. Le Kenya a ratifié le Statut de Rome en 2005 et les autorités kényanes se sont un jour engagées à juger les responsables des violences de 2007-2008 au niveau national ou à déférer la situation à la CPI.[104] Les dirigeants kényans s’étant mis en défaut d’honorer l’une et l’autre de ces promesses, le procureur de la CPI est intervenu.[105]

L’enquête a débouché sur des citations à comparaître à l’encontre de six individus pour répondre du chef de crimes contre l’humanité : William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey, Joshua arap Sang, Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali.[106] Ils se sont présentés tous les six volontairement à La Haye lors des audiences de comparution initiale en avril 2011, et les audiences visant à déterminer s’il convient de renvoyer les affaires en jugement devraient se tenir en septembre 2011.

L’enquête de la CPI au Kenya diffère de façon significative de la pratique adoptée par le procureur dans d’autres situations. Primo, pour faire la preuve de l’indépendance de la cour par rapport aux autorités gouvernementales, étant donné qu’il s’agit de la première enquête proprio motu du procureur, il a eu moins de difficulté au Kenya que dans les situations en RDC, Ouganda et RCA déférées par les États eux-mêmes. Secundo, le procureur de la CPI semble avoir rejeté l’approche « séquentielle ». Les six personnes citées à comparaître comptent autant d’individus affiliés au Parti de l’unité nationale (Party of National Unity, ou PNU) de Kibaki (Muthaura, Kenyatta et Ali) que d’individus affiliés au Mouvement démocratique orange (Orange Democratic Movement, ou ODM) (Ruto, Kosgey et Sang), le parti politique de l’adversaire de Kibaki à la course présidentielle, Raila Odinga. Tertio, les poursuites ont, dès le départ, visé de hauts responsables. Ruto et Kosgey sont des membres de premier plan de l’ODM, ils sont parlementaires, et, jusqu’à il y a peu, ils étaient membres du Conseil des ministres au sein du gouvernement de coalition PNU-ODM. Dans le cas du PNU, Muthaura est directeur de la fonction publique et secrétaire général du gouvernement, tandis que Kenyatta est vice-premier ministre et ministre des finances. Ali était le chef de la police kényane au moment des violences.

En prenant pour cible des acteurs gouvernementaux, dont deux des principaux candidats au prochain scrutin présidentiel, Kenyatta et Ruto, le procureur a renforcé l’image d’indépendance de la cour. Et en examinant sans parti pris les crimes commis des deux côtés de l’échiquier politique, il a renforcé l’image d’impartialité de la cour. Selon un sondage effectué en décembre 2010, une majorité écrasante (78 pour cent) des Kényans appuyaient l’enquête de la CPI.[107] Ce sondage a été réalisé avant ou au moment de la requête déposée en décembre par le procureur aux fins de délivrance de citations à comparaître, mais le BdP avait souligné, dès le départ, son intention d’enquêter à la fois sur les hauts dirigeants de l’ODM et sur ceux du PNU.[108] Ceci a peut-être contribué au taux de soutien élevé enregistré à l’époque. Le taux de soutien enregistré depuis lors est redescendu à 51 pour cent. Les sondeurs attribuent cette chute à un certain nombre de facteurs, notamment la lassitude de la population face à la longueur de la procédure, le fait qu’aucun autre responsable de violences n’ait eu à répondre de ses actes, et la politisation des procédures de la CPI au Kenya. [109]

Si les affaires en cours sont menées à bonne fin, cela pourrait contribuer à tourner la page de la culture de l’impunité au Kenya. Mais le BdP a encore fort à faire pour garantir que la CPI se montre à la hauteur de ses responsabilités au Kenya. D’autres enquêtes sont nécessaires pour que justice soit rendue pour les crimes les plus graves représentatifs des schémas sous-jacents des crimes relevant de la compétence de la CPI, et ces enquêtes doivent viser ceux qui sont les moins susceptibles d’être traduits en justice devant un tribunal national. Comme expliqué plus loin, cela signifie que le procureur de la CPI devrait poursuivre son enquête sur les crimes perpétrés par la police kényane au cours des violences postélectorales. Cela signifie aussi qu’il devrait envisager d’élargir son enquête aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre commis par une milice locale et par les forces de sécurité kényanes dans la région du mont Elgon, des actes qui présentent bon nombre des caractéristiques des violences postélectorales faisant actuellement l’objet d’une enquête.

Traduire en justice les auteurs d’exactions policières

Un nombre considérable de meurtres commis dans le cadre des violences postélectorales de 2007-2008 seraient à imputer à la police. Selon la Commission d’enquête sur les violences postélectorales (également appelée Commission Waki, du nom de son président, le Juge Philip Waki), sur un total de 1 100 personnes tuées pendant les violences, la police en a tué 405 et elle en a blessé 557 autres.[110]

Au Kenya, nombreux sont ceux qui réclament que la police soit tenue de rendre des comptes. Des victimes des violences postélectorales ont déposé une requête auprès de la chambre préliminaire, lors de ses délibérations pour établir s’il convenait d’autoriser une enquête, demandant que la police et les « brutalités policières » ou les « tirs policiers » fassent l’objet de l’enquête de la CPI.[111]

La traduction en justice de policiers a toutefois une signification plus large pour le Kenya et la population kényane, en raison d’une longue tradition de criminalité policière qui sort du cadre des violences postélectorales. Les exécutions extrajudiciaires auxquelles se livre la police sont endémiques. Lors d’une mission effectuée en 2009, le rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a recueilli des éléments prouvant « l’existence d’exécutions extrajudiciaires systématiques, généralisées et soigneusement planifiées, perpétrées régulièrement par la police kényane », notamment mais pas exclusivement des « escadrons de la mort » spécialement mis sur pied pour tuer des membres d’une organisation criminelle connue sous le nom de Mungiki.[112]

Le rapporteur a également fait état de l’impunité dont jouissent les policiers ayant tiré sur des personnes. Il a expliqué que « les policiers kényans établissent leur propre loi et tuent souvent et en toute impunité, hormis dans les rares cas où leurs actions sont filmées ou enregistrées d’une manière ou l’autre par des témoins externes, présentant ainsi des preuves indéniables ».[113] Nos propres recherches semblent indiquer que les tirs policiers qui ont fait des morts et des blessés lors des violences postélectorales ont rarement donné lieu à des enquêtes, même lorsqu’ils ont été signalés à la police.[114] Vu l’impunité qui règne depuis longtemps pour les violences policières, il est particulièrement important qu’outre les hauts dirigeants politiques et du monde des affaires, les membres de la police soient amenés à répondre des crimes qu’ils ont perpétrés lors des violences postélectorales.

La traduction en justice de policiers devant la CPI présente clairement des défis. Les actes individuels de brutalité policière ne relèvent pas nécessairement de la compétence de la cour. Plus exactement, ils doivent être constitutifs de crimes contre l’humanité, et il faut pour cela qu’ils soient commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, s’inscrivant dans une politique mise en place par un État ou une organisation. Human Rights Watch a relevé que la réaction de la police face aux violences était sélective ou partiale. Dans certaines régions, les policiers avaient pour dessein de tirer pour tuer sans justification aucune, alors que dans d’autres, elle restait sans rien faire et ne prévenait pas les attaques, même dans des circonstances où l’usage meurtrier de la force aurait pu se justifier pour protéger des vies humaines.[115] Diverses raisons peuvent être à l’origine de cette réaction inégale, mais il se peut que ce comportement soit le reflet d’une politique de la police consistant à abattre des personnes illégalement et à refuser de protéger les citoyens contre la violence. Dans ce cas, ces actes pourraient correspondre à la définition du crime contre l’humanité énoncée dans le Statut de Rome, le critère étant que les attaques soient lancées contre une population civile en application de la politique d’un État ou d’une organisation. [116] Nous avons recommandé qu’une enquête complémentaire soit menée sur le lien entre les dirigeants du PNU ou de l’ODM et la réaction de la police.

Prenant une décision opportune, le BdP a signalé au départ qu’il examinerait les violences policières.[117] Il a cherché à interroger neuf hauts responsables de la police dans le cadre de l’enquête. [118] Comme mentionné plus haut, l’un des six individus finalement cités à comparaître, Mohammed Hussein Ali, était chef de la police au moment des violences postélectorales. La requête du BdP aux fins de délivrance de citations à comparaître à des personnes affiliées au PNU comprenait des charges en rapport avec le rôle joué par la police dans les violences. Le procureur a invoqué le fait que Muthaura et Ali avaient donné pour consigne à la police de prendre pour cible les personnes perçues comme étant des sympathisants de l’ODM et de réprimer leurs manifestations à Kisumu, ville de la province de Nyanza et bastion traditionnel de Raila Odinga, ainsi qu’à Kibera, une implantation sauvage de Nairobi. Le procureur a également affirmé que Muthaura et Ali avaient ordonné à la police de ne pas intervenir dans les attaques lancées par des membres des Mungiki et autres jeunes pro-PNU à Nakuru et Naivasha.[119] Dans l’affaire concernant l’ODM, le procureur a mis en avant le fait que des « anciens membres et dirigeants de certains secteurs militaires et de police du Kenya » faisaient partie du réseau criminel qui avait mené des attaques contre les partisans du PNU dans la vallée du Rift, mais à la différence de ses allégations dans l’affaire concernant le PNU, il ne semble pas avoir invoqué la mobilisation directe des forces de police dans des attaques contre la population civile. [120]

Lors de son examen de la requête du procureur aux fins de délivrance de citations à comparaître dans l’affaire concernant le PNU, la chambre préliminaire n’a pas conclu qu’il existait des motifs raisonnables à l’appui des charges relatives à la réaction de la police à Kisumu et Kibera. La chambre préliminaire a toutefois conclu qu’il existait des motifs raisonnables de croire qu’Ali avait ordonné à la police de ne pas intervenir à Naivasha et à Nakura, gardant ainsi un important moyen de mettre en lumière le rôle de la police dans les violences postélectorales.[121] Mais les chefs d’accusation retenus dans les citations à comparaître pour les suspects appartenant au PNU n’incluent pas l’utilisation excessive de la force par la police. Même si la non-intervention de la police pour mettre fin aux violences demeure l’un des éléments de l’affaire, le Bureau du Procureur n’a pas cherché à réintroduire des charges liées à l’usage exagéré de la force par la police préalablement à l’audience de septembre 2011 qui déterminera s’il convient de renvoyer l’affaire en jugement. [122]

La décision de la chambre préliminaire montre qu’il est difficile, d’une part, de faire le lien entre des actes individuels d’usage excessif de la force et l’application d’une politique, et d’autre part, d’établir les responsabilités. Néanmoins, compte tenu du rôle important joué par la police dans les violences postélectorales et du nombre élevé de victimes tombées sous les balles de la police, nous invitons le Bureau du procureur à poursuivre son enquête sur les violences policières et, si les éléments de preuve le permettent, à réintroduire les charges appropriées. Si, au bout du compte, le procureur conclut que les éléments de preuve sont insuffisants pour porter des accusations de crimes contre l’humanité pour l’usage excessif de la force par la police, il devrait néanmoins déclarer clairement qu’il incombe aux autorités kényanes d’enquêter sur les allégations d’exécutions illégales auxquelles se serait livrée la police et de traduire les responsables de ces actes devant des tribunaux kényans.

Étendre l’enquête à la région du mont Elgon

Comme indiqué dans la décision de la chambre préliminaire prise à la majorité de ses membres et autorisant l’enquête au Kenya, les crimes qui se sont trouvés au cœur de l’examen et de l’enquête du procureur ne sont pas les seuls crimes contre l’humanité qui auraient eu lieu au Kenya depuis sa ratification du Statut de Rome en 2005.[123] Les violences survenues dans la région du mont Elgon, dans l’ouest du pays, ressortent clairement par leur ampleur et leur nature.

Le conflit dans la région du mont Elgon a éclaté en 2006 lorsque les Forces de défense des terres des Saboat (Saboat Land Defense Forces, ou SLDF), une milice locale, ont commencé à résister aux tentatives du gouvernement d’expulser les squatters de la zone de Chebyuk située dans ladite région. Très vite, les SLDF ont perçu les élections prévues en décembre 2007 comme une occasion de s’emparer de terres par la force et comme une possibilité d’assurer l’élection de candidats favorables à leur cause. Les SLDF étaient financées et contrôlées par des candidats de l’opposition ODM. Elles ont agi comme ils le leur demandaient, intimidant les opposants et les électeurs avant le scrutin de décembre 2007 et les punissant ensuite s’ils n’avaient pas voté pour l’ODM. [124] En mars 2008, l’armée et la police ont mené une opération répressive conjointe, baptisée Okoa Maisha (Sauver des vies), visant à écraser la milice SLDF.

Tant les SLDF que les forces de sécurité kényanes ont commis de nombreuses atrocités dans la région du mont Elgon entre 2006 et 2008. Les SLDF ont tué, violé et mutilé des milliers de personnes. Lors de l’opération Okoa Maisha, les forces de sécurité se sont livrées à des centaines d’exécutions extrajudiciaires et à des milliers d’actes de torture et de détentions arbitraires, notamment lors de rafles d’hommes et de garçons. [125] Depuis 2008, les familles de victimes, pourtant elles-mêmes exposées à des menaces et à des intimidations, ont commencé progressivement à se manifester, informant les organisations locales de défense des droits humains que leurs proches avaient soit été enlevés par les SLDF, soit été victimes de disparitions forcées aux mains de l’armée lors de l’opération Okoa Maisha. [126]

Les atrocités perpétrées dans la région du mont Elgon ont pris fin mi-2008, après que les organisations nationales et internationales de défense des droits humains eurent attiré l’attention sur l’insurrection et sur les brutalités commises par l’armée lors de sa répression. Le gouvernement kényan a annoncé que l’armée allait renoncer à ses opérations actives dans la région kényane du mont Elgon, décision influencée par l’annonce faite par le gouvernement britannique qu’il allait suspendre le programme d’entraînement militaire comme le recommandait Human Rights Watch. [127] L’armée et la police ont affirmé qu’elles avaient ouvert des enquêtes sur le comportement des unités opérant dans la région du m ont Elgon, mais au final, elles ont rejeté les allégations d’exactions, et personne n’a jamais été traduit en justice. [128] Par ailleurs, plus de 3 000 hommes (soupçonnés d’être membres ou sympathisants des SLDF) ont été appréhendés au cours d’une rafle et placés en détention. Quelque 800 d’entre eux ont été inculpés de crimes. [129] La plupart ont été acquittés ou ont bénéficié d’un non-lieu faute de preuves. [130] Les auteurs des centaines de meurtres, disparitions forcées, viols et actes de torture perpétrés par les SLDF dans la région du mont Elgon entre 2006 et 2008 demeurent impunis, à l’exception de quatre individus qui ont été reconnus coupables du chef d’homicide involontaire. [131]

L’histoire, l’organisation et le financement des SLDF illustrent bien le rapport existant entre les griefs fonciers et la manipulation de l’ethnicité et de la violence à des fins politiques. Ce rapport est malheureusement un élément ancré depuis longtemps dans le processus politique kényan. Cette dynamique a été mise en lumière lors des violences postélectorales qui font actuellement l’objet d’une enquête de la CPI. Néanmoins, même si le gouvernement a consacré d’importants moyens pour enquêter sur les violences postélectorales par le canal de la Commission Waki—mais sans finalement engager de poursuites contre les personnes portant la plus grande part de responsabilité—il n’a pas enquêté sur les exactions perpétrées dans la région du mont Elgon ni considéré que la situation dans ladite région faisait partie des violences postélectorales. [132]

En l’absence d’enquêtes nationales crédibles, Human Rights Watch recommande que le procureur de la CPI examine si des crimes relevant de la compétence de la CPI ont également été commis dans la région du mont Elgon, et qu’il envisage d’ouvrir des enquêtes complémentaires pour traduire en justice les personnes qui portent la plus lourde responsabilité dans les crimes perpétrés par les SLDF et par les forces de sécurité kényanes.[133] Les crimes dont la région du mont Elgon a été le théâtre partagent un certain nombre de caractéristiques avec ceux qui font actuellement l’objet d’une enquête de la CPI. Primo, les crimes commis dans la région du mont Elgon ont été orchestrés par des personnalités politiques. Secundo, les efforts brutaux déployés par le gouvernement pour réprimer l’insurrection ont impliqué l’utilisation des forces de sécurité contre une milice affiliée au parti ODM.

L’ampleur des crimes commisdans la région du mont Elgon et l’impunité dont jouissent tant les politiciens qui ont agi derrière les SLDF que les responsables gouvernementaux qui ont autorisé les exactions militaires justifient une action judiciaire de la CPI pour rendre véritablement justice aux victimes. Vue dans le contexte des enquêtes en cours, la région du mont Elgon offre également l’occasion d’étendre la lutte contre l’impunité à des crimes qui présentent des liens importants avec les violences postélectorales, et de rendre véritablement justice aux victimes qui ne font actuellement pas partie du champ d’application de ces enquêtes. Une enquête sur les crimes commis par les forces de sécurité pourrait, par ailleurs, apporter de nouveaux éléments de preuve à propos de la chaîne de commandement, susceptibles d’être à la base de poursuites à l’encontre de policiers pour de possibles crimes contre l’humanité commis lors des violences postélectorales. Si les éléments de preuve montrent que les exactions policières perpétrées lors des violences postélectorales étaient constitutives de crimes contre l’humanité, le BdP devrait veiller à ce que ces crimes soient poursuivis en tant que tels par la CPI.

 Conclusion

Afin de mener à terme les travaux commencés par le Bureau du Procureur en RDC, en Ouganda, en RCA, au Darfour et au Kenya, et afin d’approfondir la stratégie de la CPI en matière de poursuites, il est nécessaire d’ouvrir des enquêtes complémentaires dans chacune de ces situations. Sans enquêtes complémentaires ou, dans certains cas, sans explications claires concernant les décisions de ne pas poursuivre, la CPI ne sera pas à même de rendre justice de façon crédible et efficace. Les décisions prises à ce jour dans les situations en RDC, en Ouganda, en RCA et au Darfour ont déjà porté atteinte à la crédibilité et à la légitimité de la CPI, surtout en Afrique, et elles risquent de nuire à sa mission à long terme, à savoir la lutte contre l’impunité. Certaines décisions ont fait naître le sentiment que le BdP ne répond pas de façon appropriée aux besoins en matière de justice identifiés par les communautés affectées—en d’autres termes, que le BdP ne « saisit » tout simplement pas ce qui s’avère nécessaire pour réparer les crimes graves qui ont été perpétrés.

Il est évident que la sélection d’affaires spécifiques ne constitue pas l’unique facteur qui déterminera le legs laissé par la cour dans un pays donné. L’exécution des mandats d’arrêt de la CPI, pour laquelle la cour est entièrement tributaire des États, est d’une grande importance. Tout comme l’est la capacité de la cour à faire connaître ses activités de manière à s’assurer non seulement que justice est faite, mais qu’elle est perçue comme telle par les communautés affectées, tout en permettant aux victimes d’exercer leur droit de participation. La cour devrait par ailleurs adapter ses activités à chaque nouvelle situation. Pour ce faire, elle doit améliorer sa présence sur le terrain et la participation de son personnel en poste sur le terrain dans l’élaboration des politiques. Mais les enquêtes et les poursuites menées par le Bureau du Procureur constituent le pivot autour duquel tourne le reste des travaux de la cour. Au bout du compte, c’est de la stratégie en matière d’enquête et de poursuites dont dépend le succès ou l’échec de la mission qu’a la cour de rendre efficacement justice aux communautés affectées tout en asseyant sa crédibilité.

Il est dès lors crucial pour le BdP de faire le bilan des progrès opérés et d’élaborer des stratégies plus cohérentes et plus efficaces dans chaque situation. Comme nous l’avons reconnu au début du présent document, la mise en pratique de nos recommandations prendra du temps et exigera des moyens. Du reste, les recommandations que nous formulons ici ne sont ni exhaustives, ni détaillées. Toutefois, à nos yeux, elles sont le reflet du besoin le plus pressant, à savoir des enquêtes et des explications complémentaires.

Certes, nous avons accueilli avec satisfaction l’ouverture d’une enquête par le procureur en Libye et l’initiative qu’il a prise de demander l’autorisation d’ouvrir une enquête en Côte d’Ivoire, et nous reconnaissons que ces démarches répondent à des besoins authentiques de justice pour les crimes graves commis dans ces pays, mais il s’agit de concilier l’achèvement des travaux de la CPI dans les enquêtes et poursuites en cours avec les décisions d’en ouvrir de nouvelles. Pour que le travail soit réalisé correctement, il faudra davantage d’efforts de la part du Bureau du Procureur, mais également des États parties et des autres gouvernements concernés.

Les États parties doivent fournir un soutien plus important à la mise en œuvre des mandats d’arrêt de la CPI. Neuf fugitifs sont toujours en liberté dans quatre des situations examinées par la cour. Bien que des défis différents se posent à l’exécution des mandats d’arrêt dans les différentes situations et qu’ils exigent des stratégies différentes, il est clair qu’il ne peut y avoir de justice sans arrestations, quelle que soit la qualité des enquêtes menées par le procureur de la CPI. Les États parties à la CPI doivent également fournir davantage de ressources pour le budget de la cour. Ils devraient être disposés à apporter leur appui à la cour afin qu’elle mène à bien son mandat dans toutes les situations faisant l’objet d’une enquête, sans exiger de compromis sur le plan de la qualité de la justice rendue par la cour pour s’acquitter de dotations budgétaires arbitraires.

Au cours des trois dernières années, certains États parties ont exercé des pressions sur la cour pour qu’elle présente des budgets reflétant une « croissance zéro », en dépit de l’augmentation de sa charge de travail. En tant que membres de la cour, ils doivent comprendre l’ampleur des travaux entrepris par la CPI dans chaque situation faisant l’objet d’une enquête et faire en sorte que la cour soit suffisamment financée pour pouvoir poursuivre avec succès et, au bout du compte, conclure ces travaux.

Il n’en demeure pas moins que, même avec des moyens supplémentaires, il faudra établir des priorités parmi les enquêtes actuelles et complémentaires. À nos yeux, les besoins les plus pressants subsistent en RDC, et nous invitons le procureur à se pencher en premier lieu sur la stratégie à adopter pour poursuivre les enquêtes en Ituri et pour veiller à enquêter sur tous les groupes armés responsables des crimes perpétrés dans les Kivus. Par ailleurs, il conviendrait également d’accorder son attention à un autre besoin prioritaire qui requerra peu de moyens : expliquer publiquement et clairement les décisions prises concernant l’enquête sur le comportement des forces ougandaises au cours de leurs opérations militaires contre la LRA. Bien que le report de nouvelles enquêtes dans d’autres situations ne soit pas idéal, si ce nouveau retard s’avérait nécessaire, le BdP devrait mettre en place des stratégies de communication claires—notamment en menant des efforts d’information du public et de sensibilisation à tous les niveaux de la cour—pour expliquer ce qu’il projette d’entreprendre à l’avenir.

Recommandations au Bureau du Procureur de la CPI

République démocratique du Congo

  • Enquêter en toute impartialité sur les crimes internationaux graves perpétrés par les quatre groupes armés (FDLR, CNDP, Maï Maï, FARDC) impliqués dans des exactions dans la région congolaise des Kivus. S’employer à intenter des poursuites à l’encontre de criminels provenant des quatre groupes dans des délais aussi rapprochés que possible, notamment en utilisant des mandats d’arrêt qui peuvent rester sous scellés jusqu’à ce que les dossiers visant des criminels d’autres groupes soient prêts. Lorsque les ressources consacrées aux enquêtes ou d’autres facteurs rendent impossible l’engagement immédiat de toutes les poursuites, appliquer une stratégie de communication pour expliquer les délais enregistrés entre les affaires.
  • Mener des enquêtes complémentaires afin de monter plus haut dans la chaîne de commandement pour les crimes commis dans la région de l’Ituri, entre autres pour examiner si certains responsables ougandais, rwandais et congolais peuvent être tenus pour responsables aux termes des articles 25 et 28 du Statut de Rome, respectivement en vertu de leur responsabilité individuelle ou de commandement. Faire part, dans les plus brefs délais, de ses intentions à propos de ces nouvelles affaires ou expliquer pourquoi ces affaires ne donnent pas lieu à des poursuites.
  • Rouvrir l’enquête sur Bosco Ntaganda et, si les éléments de preuve le permettent, ajouter des charges supplémentaires pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité qu’il aurait commis en Ituri de 2002 à 2005, dans le Nord-Kivu de 2006 à 2008, et en tant que général de l’armée congolaise dans l’est du Congo de 2009 à ce jour.

Ouganda

  • Fournir—en priorité—une explication concernant les décisions prises par rapport à l’enquête sur les forces gouvernementales ougandaises et concernant les perspectives de futures poursuites à l’encontre de certains responsables gouvernementaux.
  • Enquêter sur les crimes internationaux qui auraient été perpétrés récemment par les forces de l’Armée de résistance du Seigneur dans le nord-est de la RDC, en République centrafricaine et dans le Sud-Soudan afin, d’une part, d’étendre les charges portées contre les dirigeants de la LRA déjà visés par un mandat d’arrêt de la CPI et, d’autre part, d’engager des poursuites contre d’autres commandants.

République centrafricaine

  • Élargir la portée des enquêtes en RCA afin d’engager des poursuites contre d’autres individus qui portent la plus grande part de responsabilité dans les crimes internationaux commis lors de la rébellion de 2002-2003.
  • Continuer à examiner les crimes internationaux qui auraient été perpétrés par les forces gouvernementales dans le nord de la RCA en 2007.

Darfour (Soudan)

  • Élargir la portée de l’enquête au Darfour afin d’engager des poursuites contre d’autres hauts responsables gouvernementaux, si les éléments de preuve le permettent.

Kenya

  • Poursuivre l’enquête sur les liens entre la réaction de la police face aux violences postélectorales et les dirigeants du PNU et de l’ODM. Si les preuves existantes se révèlent insuffisantes pour établir que l’utilisation excessive de la force par la police a donné lieu à la commission de crimes contre l’humanité, demander aux autorités kényanes de traduire en justice les auteurs de ce qui demeure néanmoins des violations graves des droits humains.
  • Examiner si des crimes relevant de la compétence de la CPI ont été perpétrés dans la région du mont Elgon, et si tel est le cas, envisager d’ouvrir

Remerciements

Le présent rapport a été élaboré par Elizabeth Evenson, juriste senior au Programme de justice internationale de Human Rights Watch. Il est basé sur les recherches et analyses réalisées depuis un certain nombre d’années par plusieurs collègues du Programme de justice internationale et de la Division Afrique de Human Rights Watch. Il s’inspire aussi fortement de rapports et autres documents publiés antérieurement par Human Rights Watch, notamment Une Cour pour l’Histoire : Les premières années de la Cour pénale internationale à l’examen, juillet 2008, http://www.hrw.org/fr/reports/2008/07/11/une-cour-pour-l-histoire.

Richard Dicker, directeur du Programme de justice internationale, a fourni des conseils en matière de recherches et assuré la révision générale du rapport sur le plan rédactionnel. Géraldine Mattioli-Zeltner, directrice du plaidoyer, Elise Keppler et Param-Preet Singh, juristes seniors au Programme de justice internationale, ainsi que Maria Burnett, Jehanne Henry et Anneke Van Woudenberg, chercheuses seniors, et Neela Ghoshal, chercheuse à la Division Afrique, ont revu certaines parties du rapport.

James Ross, directeur du Bureau juridique et politique, et Tom Porteous, directeur adjoint du Bureau du programme, ont assuré la relecture du point de vue du programme. Maya Taal, assistante senior au Programme de justice internationale et à la Division communications, a apporté son concours à la production du présent document, et Grace Choi, Anna Lopriore et Fitzroy Hepkins ont préparé le rapport en vue de sa publication. Jana Panakova et Isabel Robinson, stagiaires au Programme de justice internationale, ont apporté leur aide dans le cadre des recherches et de la production. La traduction en français a été réalisée par Françoise Denayer, et revue par Peter Huvos.


[1] Il s’agira généralement des individus qui portent la plus lourde responsabilité dans les crimes commis et qui figurent parmi les personnes les plus difficiles à poursuivre pour les autorités nationales. Toutefois, cette norme devrait parfois être appliquée avec flexibilité lorsque, par exemple, l’engagement de poursuites à l’encontre de responsables de rang inférieur pourrait dissuader d’autres responsables de même rang de commettre des crimes relevant de la compétence de la CPI, avec un impact immédiat pour les victimes sur le terrain. Pour une analyse plus détaillée, voir Human Rights Watch, Selection of Situations and Cases for Trial before the International Criminal Court: A Human Rights Watch Policy Paper, no. 1, octobre 2006, http://www.hrw.org/en/news/2006/10/26/selection-situations-and-cases-trial-international-criminal-court, pp. 7-15.

[2] Voir analyse dans Leslie Haskell et Lars Waldorf, « The Impunity Gap of the International Criminal Tribunal for Rwanda: Causes and Consequences »,Hastings International and Comparative Law Review, vol. 34 (2011), pp. 70-76.

[3] Voir Human Rights Watch, Bringing Justice: The Special Court for Sierra Leone, 7 septembre 2004, http://www.hrw.org/reports/2004/09/08/bringing-justice-special-court-sierra-leone, pp. 18-19 & n.75. Des membres de la société civile ont expliqué que la cour « avait gagné en crédibilité avec l’inculpation de Sam Hinga Norman » et que « personne n’aurait jamais cru que Sam Hinga Norman serait inculpé un jour. Nous pensions qu’[il] allait [être épargné] grâce à l’intervention de Kabbah ». Ibid. n.75.

[4] Voir Alison Des Forges, Leave None to Tell the Story (New York: Human Rights Watch/Int’l Fed. Of Human Rights, 1999), p. 727.

[5] Voir Haskell et Waldorf, « The Impunity Gap of the International Criminal Tribunal for Rwanda: Causes and Consequences », pp. 75-76 ; voir également Lettre de Human Rights Watch au Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda concernant les crimes commis par le FPR, 26 mai 2009, http://www.hrw.org/fr/news/2009/05/26/lettre-au-procureur-g-n-ral-du-tribunal-p-nal-international-pour-le-rwanda-concernan.

[6] Bureau du Procureur, Cour pénale internationale (BdP), « Criteria for Selection of Situations and Cases », projet de document de politique générale en possession de Human Rights Watch, juin 2006, pp. 1-2 (« Draft Policy Paper »). [Traduction de Human Rights Watch]

[7] Ibid., pp. 1-3.

[8] BdP, « Document de politique générale relatif aux examens préliminaires (PROJET) », 4 octobre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/E278F5A2-A4F9-43D7-83D2-6A2C9CF5D7D7/282549/PPFRE.pdf (consulté le 26 avril 2011), paras. 33-44.

[9] BdP, « Stratégie en matière de poursuites 2009-2012 », 1er février 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/66A8DCDC-3650-4514-AA62-D229D1128F65/281895/Strat%C3%A9gieenmati%C3%A8redepoursuites_20092012.pdf (consulté le 26 avril 2011), paras. 18-21

[10] Ibid., para. 22.

[11] Human Rights Watch a publié de nombreux rapports décrivant les violations des droits humains dans l’est du Congo, entre autres dans le district de l’Ituri qui fait partie de la province Orientale, où des dizaines de milliers de personnes ont été massacrées pour des motifs ethniques entre 1999 et 2009, et dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, où le conflit se poursuit à ce jour. Voir, par exemple, Human Rights Watch, Vous serez punis : Attaques contre les civils dans l’est du Congo, décembre 2009, http://www.hrw.org/fr/reports/2009/12/13/vous-serez-punis-0; Les soldats violent, les commandants ferment les yeux : Violences sexuelles et réforme militaire en RD Congo, juillet 2009, http://www.hrw.org/fr/reports/2009/07/16/les-soldats-violent-les-commandants-ferment-les-yeux-0; Massacres à Kiwanja : L’incapacité de l’ONU à protéger les civils, décembre 2008, http://www.hrw.org/fr/reports/2008/12/11/massacres-kiwanja ; Nouvelle crise au Nord-Kivu, octobre 2007, http://www.hrw.org/fr/reports/2007/10/23/nouvelle-crise-au-nord-kivu ; Le fléau de l’or, juillet 2005, http://www.hrw.org/fr/reports/2005/06/01/le-fl-au-de-l-or-0 ; Ituri : « Couvert de sang » - Violence ciblée sur certaines ethnies dans le Nord-Est de la RDC, juillet 2003, http://www.hrw.org/en/reports/2003/07/07/covered-blood-0.

[12] Voir Human Rights Watch, Selling Justice Short: Why Accountability Matters for Peace, juillet 2009, http://www.hrw.org/en/reports/2009/07/07/selling-justice-short-0, pp. 43-54.

[13] Voir plus loin, partie III.

[14] Voir Human Rights Watch, Couvert de sang, pp. 5-19.

[15] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Vous serez punis ; Human Rights Watch, Nouvelle crise au Nord-Kivu.

[16] Voir « Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale sur le transfèrement de Callixte Mbarushimana à La Haye », communiqué de presse du BdP, 25 janvier 2011, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/news%20and%20highlights/statement%20by%20icc%20prosecutor%20on%20transfer%20of%20callixte%20mbarushimana%20to%20the%20hague?lan=fr-FR (consulté le 17 juillet 2011).

[17] L’effet n’a pourtant pas été entièrement positif. L’affaire Lubanga a, du moins à la base, modifié l’approche adoptée par les chefs de milices vis-à-vis des enfants soldats. Auparavant, ces dirigeants reconnaissaient ouvertement la présence d’un nombre approximatif d’enfants soldats au sein de leurs rangs et ils les remettaient à la Mission des Nations Unies (ONU) en République démocratique du Congo et au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans le cadre du processus de démobilisation. Mais à la suite de la confirmation des charges contre Lubanga début 2007, beaucoup ont nié avoir des enfants sous leur commandement. Ils ont également négocié la disposition relative aux enfants soldats dans l’accord de paix de novembre 2006 de façon à ce qu’elle ne puisse pas être interprétée comme un aveu de cette pratique. Fait inquiétant, les enfants ont été cachés ou chassés des milices, et certains ont été abandonnés plutôt que d’être amenés aux cérémonies de démobilisation. Par ailleurs, à la suite de l’arrestation de Lubanga, des agents de la protection de l’enfance ont été menacés par certains chefs de groupes armés. Ces faits posent un défi de taille aux agences œuvrant pour le bien-être des enfants dans la région. Mais ils sont également révélateurs de la capacité qu’a la CPI de changer le comportement d’auteurs présumés de crimes relevant de sa compétence. Voir analyse de Human Rights Watch, Une Cour pour l’Histoire : Les premières années de la Cour pénale internationale à l’examen, juillet 2008, http://www.hrw.org/fr/reports/2008/07/11/une-cour-pour-l-histoire, pp. 77-78.

[18] Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), « Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo », août 2010, http://www.ohchr.org/Documents/Countries/ZR/DRC_MAPPING_REPORT_FINAL_FR.pdf (consulté le 19 juillet 2011), para. 1022 (« Rapport du Projet Mapping de l’ONU »). Ce rapport dresse une cartographie détaillée des violations graves des droits humains commises en RDC entre 1999 et 2003, incluant par conséquent certaines violations perpétrées après le 1er juillet 2002, date à partir de laquelle s’exerce la compétence de la CPI en RDC. Le rapport met en avant le besoin d’accroître l’engagement national à travers les initiatives dites de « complémentarité » entreprises par la CPI, notamment « des échanges d’information, des séances de formation et éventuellement des enquêtes conjointes avec du personnel judiciaire congolais ». (Ibid., para. 1024 ; voir également Géraldine Mattioli et Anneke Van Woudenberg, « Global Catalyst for national prosecutions? The ICC in the Democratic Republic of Congo », dans Nicholas Waddel et Phil Clark, eds., Courting Conflict? Justice, Peace and the ICC in Africa (Londres : Royal African Society, 2008), pp. 57-61.) Nous sommes entièrement d’accord avec l’idée que des efforts nationaux sont nécessaires pour compléter le travail qu’effectue la CPI afin de traduire en justice les responsables des crimes commis au Congo. À cette fin, Human Rights Watch appelle à l’instauration d’une cour spécialisée mixte au sein du système judiciaire congolais, qui, avec l’aide internationale, pourrait réprimer des crimes internationaux (entre autres ceux qui ont été commis avant que la compétence de la CPI ne commence) et contribuer à combler les nombreuses lacunes dans la lutte contre l’impunité. Nous estimons que l’assistance internationale est nécessaire temporairement pour renforcer l’indépendance des tribunaux nationaux et leur capacité à gérer, tout spécialement, des accusés de haut niveau qui ont à ce jour échappé aux poursuites. Human Rights Watch s’emploie activement à promouvoir le cadre juridique le plus solide possible pour une cour mixte, indépendante. Voir « RD Congo : Établissement d’une cour spécialisée mixte pour la répression des graves internationaux – Position commune résultant de l’atelier organisé à Goma le 6-8 avril 2011 », http://www.hrw.org/fr/news/2011/04/15/rd-congo-tablissement-d-une-cour-sp-cialis-e-mixte-pour-la-r-pression-des-crimes-gra ; « RD Congo : Le parlement devrait adopter la loi créant une cour spécialisée mixte », communiqué de presse de Human Rights Watch, 17 août 2011, http://www.hrw.org/fr/news/2011/08/17/rd-congo-le-parlement-devrait-adopter-la-loi-cr-ant-une-cour-sp-cialis-e-mixte (appelant à retirer du texte la peine de mort comme peine applicable pour les personnes reconnues coupables de crimes par la cour mixte) ; Lettre de Human Rights Watch au ministre de la Justice, Son Excellence Luzolo Bambi Lessa, 14 mars 2011, http://www.hrw.org/fr/news/2011/03/14/rd-congo-il-faut-amender-le-projet-de-loi-sur-les-chambres-sp-cialis-es-afin-de-renf.

 [19] Human Rights Watch, Couvert de sang, p. 7-8.

[20] Conseil de sécurité de l’ONU, « Rapport final du Groupe d’experts sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres formes de richesse de la République démocratique du Congo », S/2002/1146, 16 octobre 2002, http://www.voltairenet.org/IMG/pdf/fr-S-2002-1146_fr.pdf (consulté le 29 août 2011), paras. 97-131. Kazini a été tué à Kampala en novembre 2009. Voir « Kazini killed », New Vision, 10 novembre 2009, http://www.newvision.co.ug/D/8/12/700754 (consulté le 12 août 2011).

[21] Human Rights Watch, Couvert de sang, pp. 22-24.

[22] Human Rights Watch, Le fléau de l’or, p. 40.

[23] Ibid., pp. 40-44.

[24] La Cour internationale de Justice a établi que l’armée ougandaise avait commis des violations massives des droits humains et des violations graves du droit international humanitaire en RDC, et elle a cité certains incidents qui relèveraient de la compétence temporelle de la CPI. Voir Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), Cour internationale de Justice, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 168, http://www.icj-cij.org/docket/files/116/10455.pdf (consulté le 4 septembre 2011), pp. 239-45.

[25] Human Rights Watch, Le fléau de l’or, pp. 26-28.

[26] Ibid., pp. 28-34.

[27] Human Rights Watch, Couvert de sang, pp. 34-39.

[28] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Une cour pour l’Histoire, p. 68.

[29] BdP, « Draft Policy Paper », p. 13.

[30] HCDH, « Rapport du Projet Mapping de l’ONU », para. 1025.

[31] « Déclaration du Bureau du Procureur donnant suite au transfèrement à La Haye de Mathieu Ngudjolo Chui », communiqué de presse du BdP, 7 février 2008, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/situations%20and%20cases/situations/situation%20icc%200104/related%20cases/icc%200104%200107/press%20releases/statement%20by%20the%20office%20of%20the%20prosecutor%20following%20the%20transfer%20to%20the%20hague%20of%20mathieu%20ngudjolo%20ch?lan=fr-FR (consulté le 8 décembre 2010). Le Rapport du Projet Mapping de l’ONU fait remarquer que « la déclaration publique du Procureur selon laquelle la première phase de son enquête sur la RDC était terminée a déçu, notamment du fait que les réseaux qui ont financé et armé les groupes armés de l’Ituri n’ont pas été mis en cause bien qu’il ait indiqué qu’il s’y intéresserait », HCDH, « Rapport du Projet Mapping de l’ONU », para. 1023.

[32] Entretiens séparés de Human Rights Watch avec des organisations non gouvernementales congolaises, des observateurs internationaux et des journalistes congolais, Bunia, 1-3, 5 et 7 mai 2007.

[33] Bosco Ntaganda commandait les soldats du CNDP accusés d’avoir massacré 150 civils à Kiwanja dans la province du Nord-Kivu en novembre 2008. Voir Human Rights Watch, Massacres à Kiwanja, pp 9-12. Human Rights Watch a également recueilli des informations sur une vague de recrutements forcés, y compris d’enfants, opérés entre septembre et décembre 2010 par Ntaganda et des officiers qui lui étaient fidèles, montrant une réitération des crimes pour lesquels Ntaganda est recherché par la CPI depuis 2006. Voir « RD Congo : Des officiers de l’armée dirigeant des unités parallèles ainsi que des rebelles enrôlent de force des jeunes », communiqué de presse de Human Rights Watch, 20 décembre 2010, http://www.hrw.org/fr/news/2010/12/20/rd-congo-des-officiers-de-l-arm-e-menant-des-actions-autonomes-et-des-rebelles-enr-l.

[34] Voir, par exemple, « France: L’arrestation du chef rebelle rwandais Callixte Mbarushimana envoie un message fort – Cette arrestation fait suite au premier mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale pour des crimes commis dans les Kivus, région de l’est du Congo », communiqué de presse de Human Rights Watch, 11 octobre 2010, http://www.hrw.org/fr/news/2010/10/11/france-l-arrestation-du-chef-rebelle-rwandais-callixte-mbarushimana-envoie-un-messag.

[35] « Déclaration de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint de la Cour pénale internationale lors de la seizième séance d’information à l’intention du corps diplomatique », Bruxelles, 26 mai 2009, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/302CA5E0-E2B5-4663-96DE-93E55B1FD26C/282663/Statementdiplobriefing_260509FRA1.pdf (consulté le 8 décembre 2010), p. 2.

[36] Voir, par exemple, « Statement by Mr. Luis Moreno-Ocampo, Prosecutor of the ICC to the Ninth Session of the Assembly of States Parties », New York, 6 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP9/Statements/ICC-ASP9-statements-LuisMorenoOcampo-ENG.pdf (consulté le 17 juillet 2011), pp. 2-3.

[37] « Déclaration de Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint de la Cour pénale internationale lors de la seizième séance d’information à l’intention du corps diplomatique », p. 2.

[38] Voir, par exemple, « Statement by Mr. Luis Moreno-Ocampo, Prosecutor of the ICC to the Ninth Session of the Assembly of States Parties », p. 3.

[39] Voir Human Rights Watch, « Allemagne : Questions-réponses sur le début du procès de deux dirigeants rebelles rwandais à Stuttgart », 2 mai 2011, http://www.hrw.org/fr/news/2011/05/02/allemagne-questions-r-ponses-sur-le-d-du-proc-s-de-deux-dirigeants-rebelles-rwandais. Ce procès est le premier à être intenté en Allemagne en vertu de son Code sur les crimes violant le droit international, adopté en juin 2002. Ledit code intègre dans le droit pénal allemand les crimes relevant du Statut de la CPI et il autorise les tribunaux allemands à ouvrir des enquêtes sur ces crimes et à les réprimer quel que soit l'endroit où ils ont été commis dans le monde, en raison de leur extrême gravité.

[40] Les alliances entre les gouvernements congolais et rwandais et les divers groupes qui se seraient rendus responsables de crimes dans les Kivus réduisent les possibilités de lutte contre l’impunité. Par exemple, les autorités congolaises refusent d’exécuter le mandat d’arrêt à l’encontre de Bosco Ntaganda. Bien que les charges retenues par la CPI contre Ntaganda concernent des crimes commis durant le conflit antérieur en Ituri, Ntaganda est devenu par la suite chef d’état-major militaire du CNDP de Laurent Nkunda. Ntaganda a évincé Nkunda avec le soutien du Rwanda dans le cadre d’un accord qui a amené le Rwanda à arrêter Nkunda, dont les forces n’avaient pu être défaites militairement par Kabila. En échange, le Rwanda a été autorisé à envoyer ses troupes au Congo pour pourchasser son ennemi, les FDLR, et Ntaganda s’est installé en tant que commandant militaire du CNDP. Il a été récompensé par un poste de général au sein de l’armée congolaise. Kabila a déclaré que sa liberté était le prix à payer pour une paix encore insaisissable dans les Kivus. Entre-temps, Nkunda demeure assigné à résidence au Rwanda, sans avoir accès à des avocats ; aucune charge n’a été portée contre lui. La RDC a réclamé son extradition afin de le juger pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, mais à ce jour, le Rwanda a refusé de l’extrader. Voir Human Rights Watch, Selling Justice Short, pp. 50-54.

[41] « Rapport final du Groupe d’experts sur la République démocratique du Congo », 21 novembre 2008, annexé à la Lettre datée du 10 décembre 2008, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1533 (2004) concernant la République démocratique du Congo, S/2008/773, http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/2008/773 (consulté le 12 août 2011), paras. 61-68.

[42] BdP, « Draft Policy Paper », pp. 12-13. Le terme « séquencer » n’apparaît pas dans les récentes déclarations de politique générale du BdP et il semble avoir été rejeté en tant que stratégie dans la situation au Kenya, où le procureur a engagé simultanément deux procédures à l’encontre d’individus affiliés aux deux parties impliquées dans les violences postélectorales de 2007-2008. (Voir plus loin, partie VI). Dans la deuxième enquête de la CPI en Libye couvrant de possibles crimes de guerre commis après que la répression du mouvement de contestation eut déclenché une guerre civile, et dans la perspective d’une possible enquête en Côte d’Ivoire, il sera important que le procureur de la CPI enquête sur toutes les parties au conflit et évite ou explique tout « séquençage » imposé par des contraintes sur le plan des ressources de façon à préserver l’image d’impartialité de la cour.

[43] La cour a par la suite levé les scellés sur le mandat d’arrêt du BdP visant Bosco Ntaganda, l’ancien chef des opérations militaires de l’UPC. Voir « RD Congo : La CPI recherche un quatrième suspect », communiqué de presse de Human Rights Watch, 29 avril 2008, http://www.hrw.org/fr/news/2008/04/29/rd-congo-la-cpi-recherche-un-quatri-me-suspect.

[44] Entretien de groupe de Human Rights Watch avec des dirigeants de la communauté hema, Bunia, 2 mai 2007, et entretiens séparés avec un dirigeant de la communauté hema, Bunia, 8 mai 2007, et un intellectuel hema, Goma, 9 mai 2007.

[45] Voir Human Rights Watch, Couvert de sang ; Le fléau de l’or ; Lettre du Secrétaire général de l’ONU au Président du Conseil de sécurité, « Rapport spécial sur les événements d’Ituri (Janvier 2002-décembre 2003) », S/2004/573, 16 juillet 2004, http://daccess-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N04/430/64/IMG/N0443064.pdf?OpenElement (consulté le 2 juin 2008), paras. 68-70.

[46] Selon le BdP, la décision de se concentrer sur un ensemble limité de charges contre Lubanga a été provoquée par sa possible libération imminente alors qu’il se trouvait en détention provisoire au Congo depuis un an environ en lien avec d’autres charges. Mais le procureur a annoncé l’ouverture d’une enquête au Congo en juillet 2004 ; Lubanga a été arrêté en mars 2006. Après pratiquement deux ans d’enquête, il est décevant de constater qu’il n’y a pas eu suffisamment d’éléments de preuve pour inclure des charges supplémentaires dans le mandat d’arrêt initial. Pour expliquer le nombre limité de charges, de nombreuses sources que nous avons consultées ont mis en avant, entre autres facteurs, le manque d’enquêteurs pour rassembler les preuves suffisantes d’autres crimes. (Entretiens de Human Rights Watch avec d’ex-membres du personnel du BdP, 2 janvier 2006, 12 mai 2007 et 1er mai 2008.) Suite à l’arrestation et à la remise de Lubanga à la cour, le procureur a indiqué à plusieurs reprises qu’il voulait porter d’autres charges contre Lubanga, mais il ne l’a pas encore fait. Voir, par exemple, Katy Glassborow, « NGOs defend ICC role in Lubanga case », Institute for War and Peace Reporting, 1er décembre 2006, http://iwpr.net/report-news/ngos-defend-icc-role-lubanga-case (consulté le 3 juin 2008) ; « International Prosecutor says Congolese warlord may face additional war crimes charges », Associated Press, 7 août 2006, en possession de Human Rights Watch.

[47] Entretien de groupe de Human Rights Watch avec des dirigeants de la communauté hema, Bunia, 2 mai 2007.

[48] Par ailleurs, la décision du procureur de ne pas porter de chefs d’accusation supplémentaires a pour conséquence de faire abstraction de la souffrance des victimes lendues : les principales victimes concernées par les chefs d’accusation retenus par la CPI contre Lubanga sont des enfants hemas, en raison de la pratique de l’UPC consistant à recruter et enrôler des enfants au sein de la communauté hema (Voir Human Rights Watch, Couvert de sang, p. 52), et les charges portées contre Katanga et Ngudjolo sont également liées à des crimes qui auraient été commis contre des victimes hemas. Selon la jurisprudence de la cour, s’il n’existe pas de lien avec les crimes retenus dans les charges, les victimes lendues du conflit n’ont pas le droit de participer à la procédure. (Voir Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, « Arrêt relatif aux appels interjetés par le Procureur et la Défense contre la Décision relative à la participation des victimes rendue le 18 janvier 2008 par la Chambre de première instance I », 11 juillet 2008, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc549362.PDF (consulté le 19 juillet 2011) paras. 57-58.) L’exclusion d’une catégorie importante de victimes de la procédure judiciaire engagée par la CPI est un autre facteur qui porte sérieusement atteinte à la crédibilité de la cour en Ituri.

[49] En fait, en 2009, des victimes participant au procès de Lubanga avait déposé, avec succès, une requête auprès de la chambre de la CPI aux fins d’examiner la possibilité de faire usage d’une règle unique de la CPI et d’autoriser une requalification juridique des faits présentés au procès pour inclure l’esclavage sexuel et les traitements inhumains et/ou cruels, étant donné la portée limitée des charges retenues par le procureur. Mais la décision à 2 contre 1 de la chambre a été infirmée en appel. Voir Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, ICC-01/04-01/06, «  Arrêt relatif aux appels interjetés par Thomas Lubanga Dyilo et par le Procureur contre la Décision informant les parties et les participants que la qualification juridique des faits peut être modifiée conformément à la norme 55-2 du Règlement de la Cour », 8 décembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc827390.pdf (consulté le 19 juillet 2011).

[50] HCDH, « Rapport du Projet Mapping de l’ONU », para 1023.

[51] Voir Human Rights Watch, Uprooted and Forgotten: Impunity and Human Rights Abuses in Northern Uganda, septembre 2005, http://www.hrw.org/en/reports/2005/09/19/uprooted-and-forgotten-0 ; Abducted and Abused: Renewed War in Northern Uganda, juillet 2003, http://www.hrw.org/en/reports/2003/07/14/abducted-and-abused-0 ; The Scars of Death: Children Abducted by the Lord's Resistance Army in Uganda, septembre 1997, http://www.hrw.org/en/reports/1997/09/18/scars-death.

[52] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Le chemin de la mort : Atrocités commises par la LRA dans le nord-est du Congo, mars 2010, http://www.hrw.org/fr/reports/2010/03/28/le-chemin-de-la-mort-0 ; LesMassacres de Noël : Attaques de la LRA contre les civils dans le nord du Congo, février 2009, http://www.hrw.org/fr/reports/2009/02/18/les-massacres-de-no-l.

[53] Human Rights Watch, Uprooted and Forgotten, p. 8.

[54] Ibid., pp. 30-32.

[55] Voir, par exemple, « USA/Afrique centrale : Il faut protéger les civils contre les exactions de la LRA », communiqué de presse de Human Rights Watch, 23 mai 2011, http://www.hrw.org/fr/news/2011/05/23/usaafrique-centrale-il-faut-prot-ger-les-civils-contre-les-exactions-de-la-lra ; « RCA/RD Congo : La LRA mène une campagne massive d’enlèvements », communiqué de presse de Human Rights Watch, 11 août 2010, http://www.hrw.org/fr/news/2010/08/11/rcard-congo-la-lra-m-ne-une-campagne-massive-d-enl-vements.

[56] Voir, par exemple, « USA/Afrique centrale : Il faut protéger les civils contre les exactions de la LRA », communiqué de presse de Human Rights Watch.

[57] La procédure engagée par la CPI a servi à attirer davantage l’attention à l’intérieur du pays sur la lutte contre l’impunité pour les crimes graves commis pendant le conflit avec la LRA. Lors des pourparlers de paix de Juba de 2006-2008 entre le gouvernement et la LRA, les mandats d’arrêt de la CPI visant les dirigeants de la LRA ont été présentés comme un obstacle à la paix. Le besoin pressant de trouver une alternative aux mandats de la CPI a donné lieu à de vastes consultations sans précédent à travers le pays pour déterminer les préférences locales en matière de justice. Bien qu’aucun accord de paix final n’ait été signé, les parties ont convenu, à Juba, de l’établissement d’une division spéciale au sein de la haute cour en tant qu’alternative possible aux procès de la CPI pour les crimes perpétrés par la LRA. La division spéciale—aujourd’hui appelée Division des crimes internationaux (ICD)—a été créée en 2009 et son premier procès—celui d’un combattant de la LRA, Thomas Kwoyelo, inculpé de violations graves des Conventions de Genève—a débuté en juillet 2011. Un certain nombre de défis doivent être relevés pour garantir que les procès tenus par l’ICD seront crédibles, équitables et fondés sur le droit national et international. (Voir Human Rights Watch, « Uganda: Q&A on the trial of Thomas Kwoyelo », 7 juillet 2011, http://www.hrw.org/en/news/2011/07/07/uganda-qa-trial-thomas-kwoyelo#_Toc297802923.). Il reste à voir si le gouvernement ougandais fera preuve d’une volonté politique et d’un sens de la justice nécessaires pour venir à bout de ces défis. Mais, comme au Congo, ces efforts nationaux s’avèrent cruciaux pour que la lutte contre l’impunité s’étende au-delà des individus recherchés par la CPI.

[58] Voir Human Rights Watch, Uprooted and Forgotten, pp. 13, 24-37, 62-71 ; voir également Chris Dolan, Social Torture, The Case of Northern Uganda 1986-2006 (New York : Berghahn Books, 2009) ; Sverker Finnstrom, Living with bad surroundings: war, history, and everyday moments in northern Uganda (Durham : Duke University Press, 2008).

[59] Chris Dolan, « Understanding War and its Continuation: The Case of Northern Uganda », présenté pour son doctorat, Development Studies Institute, London School of Economics and Political Science, University of London, 2005, en possession de Human Rights Watch, pp. 125-30,347 ; Adam Branch, « International Justice, Local Injustice », été 2004, http://www.dissentmagazine.org/article/?article=336 (consulté le 12 août 2011). Branch a affirmé que les mandats d’arrêt de la CPI étaient susceptibles de fournir à Museveni une « légitimité internationale » pour les efforts de contre-insurrection du gouvernement qui, comme noté plus haut, ont été marqués par des violations des droits humains. Pour Dolan, le fait que le gouvernement ougandais ait recouru à la CPI était une suite de son refus de négocier une issue au conflit avec la LRA et de sa stratégie consistant à prolonger la guerre à des fins politiques.

[60] Voir Dolan, « Understanding War and its Continuation », p. 125 ; voir également Tim Allen, Trial Justice: The International Criminal Court and the Lord’s Resistance Army (London : Zed Books, 2006), pp. 96-102.

[61] Voir « Le président ougandais renvoie la situation concernant l’Armée de résistance du Seigneur (ARS) à la CPI », communiqué de presse de la CPI , 29 janvier 2004, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/2004/president%20of%20uganda%20refers%20situation%20concerning%20the%20lord_s%20resistance%20army%20_lra_%20to%20the%20icc?lan=fr-FR (consulté le 13 décembre 2010) ; « Le Procureur de la Cour pénale internationale ouvre une enquête sur le nord de l’Ouganda », communiqué de presse du BdP, 29 juillet 2004, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/2004/prosecutor%20of%20the%20international%20criminal%20court%20opens%20an%20investigation%20into%20nothern%20uganda?lan=fr-FR (consulté le 13 décembre 2010) .

[62] « Statement by the Chief Prosecutor on the Uganda Arrest Warrants », La Haye, 14 octobre 2005, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/3255817D-FD00-4072-9F58-FDB869F9B7CF/143834/LMO_20051014_English1.pdf (consulté le 13 décembre 2010), p. 2 (« Statement on Uganda Arrest Warrants »).

[63] « Corrections Column », New Vision, 1er septembre 2008, copie en possession de Human Rights Watch (rétractant les informations selon lesquelles les enquêtes de la CPI avaient disculpé l’UPDF des crimes commis dans le nord de l’Ouganda).

[64] Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale (AEP), « Projet de budget-programme pour 2011 de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/9/10, 2 août 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP9/ICC-ASP-9-10-FRA.pdf (consulté le 21 août 2011), para. 15.

[65] AEP, « Projet de budget-programme pour 2012 de la Cour pénale internationale », ICC-ASP/10/10, 21 juillet 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/ASP10/ICC-ASP-10-10-FRA.pdf (consulté le 21 août 2011) (« Projet de budget 2012 »).

[66] Voir « Allocution de M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur de la Cour pénale internationale, à l’Assemblée des États parties », 30 novembre 2007, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/library/asp/OTP-ST-20071130-LMO-FRA.pdf (consulté le 13 décembre 2010), p. 4 ; Situation en Ouganda,ICC-02/04, « OTP Submission Providing Information on Status of the Investigation in Anticipation of the Status Conference To Be Held on 13 January 2006 », 11 janvier 2006, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc97243.PDF (consulté le 19 juillet 2011), paras. 7-8 ; Luis Moreno-Ocampo, « Integrating the Work of the ICC into Local Justice Initiatives », American University International Law Review, vol. 21 (2006), p. 501. Plus récemment, dans des interviews accordées à la presse lors de la conférence de révision tenue par les États parties à la CPI à Kampala, le procureur a déclaré que son bureau était disposé à recevoir des allégations concernant les crimes commis par les forces de sécurité ougandaises, aussi longtemps qu’elles se rapportaient à des événements survenus après 2002, date à partir de laquelle peut s’exercer la compétence de la cour en Ouganda. Voir Samson Ntale, « ICC to investigate Ugandan army », CNN, 3 juin 2010, http://edition.cnn.com/2010/WORLD/africa/06/03/uganda.army.icc (consulté le 17 juillet 2011).

[67] AEP, « Projet de budget 2012 », p. 34 tableau 12.

[68] Une affaire est jugée irrecevable lorsqu’elle « n’est pas suffisamment grave pour que la cour y donne suite ». (Statut de Rome de la Cour pénale internationale, Doc. ONU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, entré en vigueur le 1er juillet 2002, art. 17(1)(d).) Le BdP a indiqué que lorsqu’il évalue la gravité, il examine l’ampleur, la nature et le mode de commission, ainsi que l’impact des crimes. Ces critères sont pris en compte conjointement et la gravité est déterminée en fonction des faits et circonstances. BdP, « Draft Policy Paper », pp. 5-6.

[69] Voir « Statement on Uganda Arrest Warrants », pp. 2-3, Luis Moreno-Ocampo, « Integrating the Work of the ICC into Local Justice Initiatives », p. 501.

[70] Par exemple, des représentants de la société civile et d’organisations locales que nous avons interrogés à Kampala et dans le nord de l’Ouganda en 2007 ont invariablement critiqué le fait que la CPI n’ait pas ouvert d’enquêtes ni réprimé les exactions de l’UDPF, ou expliqué pourquoi elle ne le faisait pas. Entretiens séparés de Human Rights Watch avec sept représentants de la société civile ougandaise, Kampala, 27 février et 1er mars, Gulu, 7 mars, et Lira, 11 et 13 mars 2007.

[71] Pour des recherches de Human Rights Watch sur les violations des droits humains commises par les forces de sécurité ougandaises en dehors de tout contexte lié à la LRA, voir Human Rights Watch, « Uganda: Launch Independent Inquiry into Killings », communiqué de presse de Human Rights Watch, 8 mai 2011, http://www.hrw.org/news/2011/05/08/uganda-launch-independent-inquiry-killings ; Violence Instead of Vigilance: Torture and Illegal Detention by Uganda’s Rapid Response Unit, mars 2011, http://www.hrw.org/en/reports/2011/03/23/violence-instead-vigilance ;« Uganda: Investigate Use of Lethal Force during Riots », communiqué de presse de Human Rights Watch, 1er octobre 2009, http://www.hrw.org/news/2009/10/01/uganda-troops-killed-unarmed-people-riot-period ; Open Secret: Illegal Detention and Torture by the Joint Anti-terrorism Task Force in Uganda, avril 2009, http://www.hrw.org/en/reports/2009/04/08/open-secret-0 ; Get the Gun: Human Rights Violations by Uganda’s National Army in Law Enforcement Operations in Karamoja Region, septembre 2007, http://www.hrw.org/en/reports/2007/09/10/get-gun.

[72] Le Président Museveni avance souvent que 22 soldats ougandais ont été exécutés pour meurtres et que 127 ont été condamnés à mort. (Voir, par exemple, discours de Yoweri Kaguta Museveni, Président de la République d’Ouganda, lors de la cérémonie d’ouverture de la Conférence de révision de la Cour pénale internationale, 31 mai 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/RC2010/Statements/ICC-RC-statements-Museveni-ENG.pdf (consulté le 12 août 2011), p.2.) Human Rights Watch a demandé au Bureau des affaires juridiques de l’UPDF des informations détaillées à propos de ces affaires, plus récemment le 5 juillet 2011. Aucune réponse ne nous est parvenue.

[73] Voir Human Rights Watch, Abducted and Abused, p 42 ; Mao c. Le Procureur General, Requête constitutionnelle 9 de 2002, République d’Ouganda, 17 mars 2003, http://www.kituochakatiba.org/index2.php?option=com_docman&task=doc_view&gid=511&Itemid=36 (consulté le 12 août 2011).

[74] Voir Paul Amuro, « Local War Crimes Court Excludes UPDF from Trial », The Monitor, 18 septembre 2008 http://allafrica.com/stories/200809180042.html (consulté le 12 août 2011).

[75] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Une cour pour l’Histoire, p. 47 ; Benchmarks for Justice for Serious Crimes in Northern Uganda, 2 septembre 2008, http://www.hrw.org/en/news/2008/09/01/benchmarks-justice-serious-crimes-northern-uganda, pp. 24-25, 33, 44 ; Uprooted and Forgotten, p. 57.

[76] Le BdP a déjà indiqué qu’il avait coopéré avec le parquet ougandais dans l’affaire Kwoyelo. Voir BdP, « Bulletin d’information hebdomadaire », 23-29 novembre 2010, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/7105B39A-2F30-43FF-9222-D7349BF15502/282733/WBFREN.pdf (consulté le 12 août 2011).

[77] Voir « USA/Afrique centrale : Il faut protéger les civils contre les exactions de la LRA », communiqué de presse de Human Rights Watch.

[78] Voir, par exemple, Human Rights Watch, Le chemin de la mort, pp. 22, 56-59.

[79] Comme indiqué plus haut, le procès de Thomas Kwoyelo, un commandant de la LRA capturé par les forces ougandaises en RDC début 2009, vient de commencer en Ouganda. Mais les chefs d’accusation portent sur des crimes commis en Ouganda, et non sur ceux perpétrés plus récemment au Congo. Voir Human Rights Watch, « Uganda: Q&A on the Trial of Thomas Kwoyelo ».

[80] Human Rights Watch, Le chemin de la mort, pp. 49-51.

[81] Voir Human Rights Watch, Les massacres de Noël, pp. 38-42. En 2009, Arop s’est rendu aux soldats ougandais et a été transféré en Ouganda. Depuis lors, il a été amnistié et se bat contre la LRA dans le cadre d’opérations de l’UPDF. Voir Ledio Cakaj, « Too Far from Home: Demobilizing the Lord’s Resistance Army », Enough, février 2011, http://www.enoughproject.org/files/Too%20Far%20From%20Home%20FINAL.pdf (consulté le 22 août 2011), p. 9 n. 20.      

[82] Human Rights Watch, Le chemin de la mort, pp. 52-60.

[83] Si les paramètres des renvois actuels pour l’Ouganda, la RCA et la RDC s’avèrent insuffisants pour étayer ces enquêtes, le procureur pourrait demander l’autorisation à la chambre préliminaire d’ouvrir une nouvelle enquête de sa propre initiative. Ces trois pays sont des États parties à la CPI, tandis que les crimes commis au Sud-Soudan pourraient faire l’objet d’une enquête s’ils ont été perpétrés par des ressortissants d’États parties à la CPI. Voir Statut de Rome, arts. 12(2)(b), 13(c), 15.

[84] « Le Procureur ouvre une enquête en République centrafricaine », communiqué de presse du BdP, 22 mai 2007, http://www.icc-cpi.int/menus/icc/press%20and%20media/press%20releases/2007/prosecutor%20opens%20investigation%20in%20the%20central%20african%20republic?lan=fr-FR (consulté le 17 juillet 2011). Le communiqué de presse annonçant la décision d’ouvrir une enquête précisait que les enquêtes se focaliseraient sur les crimes présumés avoir été commis en 2002 et 2003 dans le cadre du conflit armé entre le gouvernement et des forces rebelles. Il indiquait par ailleurs que le BdP portait également son attention sur la violence et les crimes commis dans les régions du nord du pays, aux confins du Tchad et du Soudan. (Ibid.) Les recherches menées par Human Rights Watch dans ces régions en 2007 ont révélé que les troupes gouvernementales—en particulier celles de la garde présidentielle—avaient tué des centaines de personnes illégalement et incendié des milliers de maisons au cours de la campagne de contre-insurrection. (Voir Human Rights Watch, État d’anarchie : Rébellions et exactions contre la population civile, septembre 2007, http://www.hrw.org/fr/reports/2007/09/14/tat-d-anarchie, pp. 46-73, 90-96.) Dans une lettre adressée au Président Bozizé, le procureur a indiqué que le gouvernement centrafricain devait prêter une « attention soutenue » aux actes de violence commis dans le nord. Cela a poussé Bozizé à adresser un courrier au secrétaire général de l’ONU en août 2008, demandant aux Nations Unies d’intervenir dans toute éventuelle enquête de la CPI sur les crimes perpétrés dans le nord du pays, se basant sur le fait que les tribunaux de la République centrafricaine étaient compétents pour juger les auteurs de ces crimes. (Lettre de François Bozizé à Ban Ki-moon, 1er août 2008, en possession de Human Rights Watch.) Si aucune action judiciaire n’est engagée et que les crimes sont suffisamment graves pour relever de la compétence de la CPI, l’intervention de la CPI peut s’avérer appropriée.

[85] Voir Human Rights Watch, « CPI : Le procès de Jean-Pierre Bemba – Questions et réponses »novembre 2010, http://www.hrw.org/fr/news/2010/11/22/cpi-le-proc-s-de-jean-pierre-bemba.

[86] Voir Human Rights Watch, Couvert de sang, pp. 40-42.

[87] Situation en République démocratique du Congo, ICC-01/04, « Demande du représentant légal de VPRS 3 et 6 aux fins de mise en cause de Monsieur Jean-Pierre Bemba en sa qualité de chef militaire au sens de l’article 28-a du Statut pour les crimes dont ses troupes sont présumées coupables en Ituri », 28 juin 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc902732.pdf (consulté le 19 juillet 2011).

[88] Situation en République démocratique du Congo , ICC-01/04, « Decision on the request of the legal representative of victims VPRS 3 and VPRS 6 to review an alleged decision of the Prosecutor not to proceed », 25 octobre 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc957796.pdf (consulté le 19 juillet 2011).

[89] Voir « Les victimes interrogent la CPI sur l’absence de poursuites contre Jean-Pierre Bemba pour des crimes commis en RDC – Les juges les déboutent déclarant que l’enquête du Procureur sur la RDC est toujours ouverte », communiqué de presse de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme, 3 novembre 2010, http://fidh.org/Les-victimes-interrogent-la-CPI-sur-l-absence-de (consulté le 9 décembre 2010).

[90] Voir, par exemple, Katy Glassborow, « Locals Want Patasse to Face Justice », Institute for War and Peace Reporting, 18 mai 2009, http://iwpr.net/report-news/locals-want-patasse-face-justice (consulté le 17 juillet 2011).

[91] Wakabi Wairagala, « Central African Probe Found Patassé And Bemba Culpable For Bangui Crimes », 8 avril 2011, www.bembatrial.org, http://www.bembatrial.org/2011/04/central-african-probe-found-patasse-and-bemba-culpable-for-bangui-crimes/ (consulté le 17 juillet 2011).

[92] Voir, par exemple, Human Rights Watch, « They Shot at Us as We Fled”: Government Attacks on Civilians in West Darfur in February 2008 », mai 2008, http://www.hrw.org/reports/2008/05/18/they-shot-us-we-fled-0 ; Darfur Destroyed: Ethnic Cleansing by Government and Militia Forces in Western Sudan, mai 2004,

http://www.hrw.org/sites/default/files/reports/sudan0504full.pdf.

[93] Voir Human Rights Watch, Darfur in the Shadows: The Sudanese Government’s Ongoing Attacks on Civilians and Human Rights, juin 2011, http://www.hrw.org/node/99396.

[94] Le Procureur c. Bahar Idriss Abu Garda, ICC-02/05-02/09, « Décision relative à la confirmation des charges (Version publique expurgée) », 8 février 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc845436.pdf (consulté le 29 août 2011).

[95] Voir « ICC Prosecutor Identifies First Darfur Suspects », communiqué de presse de Human Rights Watch, 27 février 2007, http://www.hrw.org/news/2007/02/27/icc-prosecutor-identifies-first-darfur-suspects ; « Q & A: ICC Prosecutor Identifies Suspects in First Darfur Case », 26 février 2007, http://www.hrw.org/news/2007/02/25/q-icc-prosecutor-identifies-suspects-first-darfur-case.

[96] Voir Human Rights Watch, Entrenching Impunity: Government Responsibility for International Crimes in Darfur, décembre 2005, http://www.hrw.org/en/reports/2005/12/08/entrenching-impunity, pp. 58-64.

[97] Ibid., p. 58.

[98] Dans son rapport intitulé Entrenching Impunity, Human Rights Watch a désigné nommément des individus susceptibles d’être tenus pour responsables de crimes commis au Darfour et a recommandé que ces personnes fassent l’objet d’une enquête de la CPI. (Voir ibid., pp. 87-89.) Toutefois, d’autres personnes non nommées dans ledit rapport devraient également faire l’objet d’une enquête et de poursuites pour des crimes perpétrés au Darfour.

[99] « Treizième rapport du Procureur de la Cour pénale internationale au Conseil de sécurité des Nations Unies en application de la résolution 1593 (2005) », 8 juin 2011, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/39DF4E29-7AD6-4348-B261-8270F9BE21F5/283415/UNSCReportDarfurJune2011REVIEWEDFRA.pdf (consulté le 17 juillet 2011), para. 85

[100] Voir Human Rights Watch, Ballots to Bullets: Organized Political Violence and Kenya's Crisis of Governance, avril 2008, http://www.hrw.org/en/reports/2008/03/16/ballots-bullets.

[101] Rapport de la Commission d’enquête sur les violences postélectorales (en anglais), 15 octobre 2008, http://www.dialoguekenya.org/docs/PEVReport1.pdf (consulté le 17 juillet 2011), p. 384 (« Rapport CIPEV »).

[102] Voir Ministère d’État en charge des Programmes spéciaux, Bureau du Président, « Progress Report on IDP Resettlement as at 18thJuly, 2011 », en possession de Human Rights Watch, p.1 (663 921 personnes déplacées). Le Rapport CIPEV avait estimé au départ qu’environ 350 000 personnes avaient été déplacées lors des violences. (Rapport CIPEV, p, 351.) Ce chiffre correspondait aux personnes déplacées dans des camps selon le Ministère d’État en charge des Programmes spéciaux, en plus des 313 921 personnes qui, selon les estimations du ministère, avaient été déplacées et intégrées dans d’autres communautés.

[103] Voir Rapport CIPEV, pp. 445-454 ; Human Rights Watch, Ballots to Bullets, pp. 17-19.

[104] Agreed Minutes of the meeting between Prosecutor Moreno-Ocampo and the delegation of the Kenyan Government, La Haye, 3 juillet 2009, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6D005625-2248-477A-9485-FC52B4F1F5AD/280560/20090703AgreedMinutesofMeetingProsecutorKenyanDele.pdf (consulté le 17 juillet 2011).

[105] Situation au Kenya, ICC-01/09, « Request for authorization of an investigation pursuant to Article 15 », 26 novembre 2009, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc785972.pdf (consulté le 17 juillet 2011).

[106] Le Procureur c. William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang, ICC-01/09-01/11, « Décision relative à la requête du Procureur aux fins de délivrance de citations à comparaître à William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey et Joshua Arap Sang », 8 mars 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1051625.pdf (consulté le 17 juillet 2011) ; Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11, « Decision on the Prosecutor's Application for Summonses to Appear for Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta and Mohammed Hussein Ali », 8 mars 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1037052.pdf (consulté le 17 juillet 2011).

[107] The Kenya National Dialogue and Reconciliation Monitoring Project, « National Baseline Survey April 2011 Report », (consulté le 17 juillet 2011), http://www.dialoguekenya.org/docs/Annex%201.pdf, p. 7.

[108] Voir, par exemple, BdP, « Bulletin d’information hebdomadaire », 30 mars - 5 avril 2010, numéro 31, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/1BDCAFF0-3766-4AB1-9F84-5AA03A28B9CB/281723/Issue_31FRA.pdf (consulté le 17 juillet 2011).

[109] The Kenya National Dialogue and Reconciliation Monitoring Project, « Review Report », juin 2011, http://www.dialoguekenya.org/docs/June2011ReviewReport.pdf (consulté le 12 août 2011), para. 41. Le mécontentement par rapport à la CPI est plus marqué dans les régions d’origine des six personnes citées à comparaître par la cour. Ibid. para. 42.

[110] Rapport CIPEV, p.336.

[111] Section de la participation des victimes et des réparations, CPI, « Corrigendum to the Report on Victims’ Representations (ICC-01/09-17-Conf-Exp-Corr) and annexes 1 and 5 », (Version publique expurgée), ICC-01/09-17-Corr-Red, 29 mars 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc853218.pdf (consulté le 19 juillet 2011), para. 127.

[112] Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, « Mission to Kenya 16-25 February 2009 », 25 février 2009, http://www.ohchr.org/en/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=8673&LangID=E (consulté le 17 juillet 2011) (annonçant les conclusions préliminaires), Pour le rapport final de la mission d’Alston, voir Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Report of the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions, Philip Alston, Mission to Kenya », A/HRC/11/2/Add.6, 26 mai 2009, http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/11session/A.HRC.11.2.Add.6.pdf (consulté le 4 septembre 2011). [Traduction de Human Rights Watch]

[113] Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, « Mission to Kenya 16-25 February 2009 ». [Traduction de Human Rights Watch]

[114] Entretiens de Human Rights Watch, Kisumu, Eldoret, Mombasa et Nairobi, mai 2011.

[115] Human Rights Watch, Ballots to Bullets, pp. 59-61.

[116] Statut de Rome, articles 7(1) et (2).

[117] Voir, par exemple, BdP, « Bulletin d’information hebdomadaire », 11-17 mai 2010, numéro 37, http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/C8C4A802-89F8-4C99-8816-566A83291E41/281945/WBFRE.pdf (consulté le 17 juillet 2011), p. 1 (« Le Procureur […] a informé de ses plans visant à engager des poursuites contre trois personnes dans au moins deux affaires concernant notamment des allégations d’implication de la police dans des crimes attribués à certaines organisations qui seraient impliquées dans les crimes reprochés. »)

[118] Voir « ICC team to start taking evidence », The Standard (Kenya), 6 octobre 2010, http://www.standardmedia.co.ke/archives/InsidePage.php?id=2000019812&cid=4 (consulté le 21 août 2011). Les efforts du BdP ont été bloqués par les officiers de police, qui ont insisté pour que leurs dépositions soient recueillies par un juge kényan, comme le prévoit la loi kényane d’application du Statut de Rome de la CPI. Bien que les autorités aient nommé un juge à cet effet, la procédure a été suspendue en attendant l’audience pour un recours constitutionnel contestant ladite loi d’application. Voir « Taking of statements by ICC from security officials suspended », The Standard (Kenya), 31 janvier 2011, http://www.standardmedia.co.ke/InsidePage.php?id=2000027964&cid=4& (consulté le 17 juin 2011).

[119] Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, « Prosecutor’s Application Pursuant to Article 58 as to Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta, and Mohammed Hussein Ali », 15 décembre 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1050845.pdf (consulté le 31 août 2011), paras. 17-18, 24, 27-29.

[120] Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, « Prosecutor’s Application Pursuant to Article 58 as to William Samoei Ruto, Henry Kiprono Kosgey and Joshua Arap Sang », 15 décembre 2010, http://www2.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1050835.pdf (consulté le 19 juillet 2011), para. 19.

[121] Voir Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11, « Decision on the Prosecutor’s Application for Summonses to Appear for Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta, and Mohammed Hussein Ali », 8 mars 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1037052.pdf (consulté le 19 juillet 2011), paras. 31-33, 49. Bien que le procureur ait affirmé que les crimes commis à Kisumu et Kibera faisaient partie du même plan que ceux de Naivasha et Nakuru, la chambre préliminaire n’a pas établi de lien suffisant entre les deux séries de crimes. Par conséquent, elle les a examinées séparément. La chambre préliminaire a établi qu’il y avait des motifs raisonnables de croire que les policiers kényans avaient recouru exagérément à la force à Kisumu ; qu’ils avaient opéré une descente à Kibera qui s’était soldée par des morts, des blessés et des viols ; et que les Mungiki avaient également commis des actes de violence à Kibera. Mais elle a reproché au procureur de s’être mis en défaut de remettre des conclusions juridiques ou factuelles qui lui demanderaient d’examiner si ces actes de violence avaient été commis dans le cadre d’une politique de l’État. Par ailleurs, la chambre préliminaire a jugé « encore plus irréfutable » le fait qu’il n’existait pas de motifs raisonnables de considérer les trois accusés—Kenyatta, Muthaura et Ali—responsables des événements survenus à Kisumu et Kibera. Elle a dès lors refusé d’inclure des chefs d’accusation en rapport avec Kisumu et Kibera dans les citations à comparaître. Dans sa décision rejetant la requête du procureur d’interjeter appel de l’exclusion de chefs d’accusation en rapport avec Kibera et Kisumu, la chambre préliminaire a expliqué qu’elle avait jugé ce dernier point déterminant. Voir Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11, « Decision on the ‘Prosecution's Application for Leave to Appeal the ‘Decision on the Prosecutor's Application for Summonses to Appear for Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta and Mohamed Hussein Ali », 1er avril 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1050257.pdf (consulté le 19 juillet 2011), paras. 11-12.

[122] Le Procureur c. Francis Kirimi Muthaura, Uhuru Muigai Kenyatta et Mohammed Hussein Ali, ICC-01/09-02/11, « Document Containing the Charges », 19 août 2011, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1207443.pdf (consulté le 31 août 2011).

[123] Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, « Décision relative à la demande d’autorisation d’ouvrir une enquête dans le cadre de la situation en République du Kenya rendue en application de l’article 15 du Statut de Rome », 31 mars 2010, http://www.icc-cpi.int/iccdocs/doc/doc1051647.pdf (consulté le 19 juillet 2011) (mentionnant à plusieurs reprises les opérations policières menées à l’encontre des membres des Mungiki et dans la région du mont Elgon) (« Décision relative à la demande d’autorisation »).

[124] Voir Human Rights Watch, « All the Men Have Gone »: War Crimes in Kenya’s Mt Elgon Conflict, juillet 2008, http://www.hrw.org/en/reports/2008/07/27/all-men-have-gone, pp. 10-14, 22-23 ; entretiens avec d’anciens membres des SLDF et des militants des droits humains, Cheptais et Bungoma, juin 2011.

[125] Voir Human Rights Watch, “All the Men Have Gone,pp. 19-25, 28-35.

[126] Entretiens de Human Rights Watch, Bungoma, février 2011 ; entretien téléphonique avec Western Kenya Human Rights Watch, 6 avril 2011.

[127] Voir « Kenya Pulls Abusive Military Forces from Security Operation in Mt. Elgon », communiqué de presse de Human Rights Watch, 9 août 2008, http://www.hrw.org/en/news/2008/08/09/kenya-pulls-abusive-military-forces-security-operation-mt-elgon ; voir également Robert Wanyonyi, « Kenya Army withdraws from Mt Elgon amid torture claims », The Standard (Kenya), 1er septembre 2008, http://majimbokenya.com/home/2008/09/01/kenya-army-withdraws-from-mt-elgon-amid-torture-claims/ (consulté le 9 avril 2011).

[128] En mai 2008, le chef de la police a nommé une équipe de quatre policiers chargée de mener une enquête sur les violations des droits humains commises dans la région du mont Elgon. La police n’a publié aucune conclusion officielle, mais un rapport interne non daté et sans titre a fait l’objet d’une fuite et a été divulgué à des journalistes et des ONG en août 2008. Le rapport rejetait chacun des rapports produits par cinq organisations nationales et internationales à propos des atteintes aux droits humains commises dans la région du mont Elgon. Ce rapport a été qualifié de « moyen de blanchir les responsables » par le Rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, Philip Alston. (Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Report of the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions, Philip Alston, Mission to Kenya » pp. 22-23.) [Traduction de Human Rights Watch] Une déclaration non datée du Ministère d’État chargé de la Défense a rejeté les accusations de torture et de détentions dans des installations militaires. Voir Ministère d’État chargé de la Défense, « Allegations against the Military Unfounded », déclaration non datée http://www.mod.go.ke/?page_link=Mt%20Elgon%20%28SLDF%29 (consulté le 8 juin 2011).

[129] Le rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires a reçu des informations officielles selon lesquelles 3 839 personnes avaient été « passées au crible » au camp militaire de Kapkota ; une autre source a fait état de 3 265 personnes détenues dans ce camp. (Conseil des droits de l’homme de l’ONU, « Report of the Special Rapporteur on extrajudicial, summary or arbitrary executions, Philip Alston, Mission to Kenya », p. 20.) D’autres ont été détenues au camp militaire de Chepkube. Parmi toutes ces personnes, 758 suspects ont été déférés devant un tribunal pour avoir « promu des activités guerrières ». (Voir Ministère de l’État chargé de la Défense, « Clarification on the military operation in Mt. Elgon », circulaire du Lieutenant Colonel W.S. Wesonga au nom du Chef d’état-major général, 29 avril 2008 ; Bongita Onyeri, « The Military has won hearts and minds in Mt. Elgon, not tortured », The Standard (Kenya), 25 juin 2008.) Mais selon les organisations de défense des droits humains, bon nombre de personnes placées en détention au départ ont été rapidement mises en liberté sous caution. Entretiens téléphoniques de Human Rights Watch avec Mwatikho Torture Survivors Organization et Western Kenya Human Rights Watch, 9 et 10 juillet 2008.

[130] Entretien de Human Rights Watch avec un avocat basé à Bungoma, février 2011.

[131] Entretien de Human Rights Watch avec un auxiliaire de justice, prison de Bungoma, 13 juin 2011.

[132] La Commission Waki n’a pas enquêté sur les violences commises dans la région du mont Elgon car elle n’a pu établir un lien avec les violences postélectorales de 2007 étant donné que les problèmes qui ont conduit à la violence dans cette région existaient avant l’élection. Par ailleurs, la commission a considéré que « les problèmes concernant la région du mont Elgon étaient d’une telle ampleur que la Commission n’était pas à même de les examiner en profondeur compte tenu de son mandat, de son temps et de ses moyens limités ». Voir Rapport CIPEV, p. 162. [Traduction de Human Rights Watch]

[133] Actuellement, le procureur de la CPI n’est autorisé à enquêter que sur les crimes contre l’humanité. (Voir Situation en République du Kenya, ICC-01/09, (« Décision relative à la demande d’autorisation », para. 209.) Pour enquêter sur les crimes de guerre commis dans la région du mont Elgon, le procureur devrait demander une autre autorisation à la chambre préliminaire.