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Burundi: Il faut mettre fin à la répression des opposants et des détracteurs du gouvernement

Les condamnations de membres d'un parti d'opposition, prononcées à l'issue d'un procès inéquitable, devraient être annulées

(Nairobi, le 16 juillet 2014) – Les autorités burundaises devraient mettre fin à la répression qu'elles font subir aux membres des partis politiques d'opposition. Elles devraient également annuler un jugement rendu le 21 mars 2014, selon lequel 48 personnes ont été condamnées à des peines de prison allant de deux ans à la perpétuité.

Le procès, lors duquel étaient jugées 70 personnes, pour la plupart membres d’un parti politique d'opposition, n'a duré qu'une journée et ni les accusés, ni leurs avocats n'ont été en mesure de préparer leur défense de manière adéquate, a précisé Human Rights Watch. Les prévenus qui font l'objet de chefs d'accusations crédibles devraient bénéficier d'un nouveau procès qui soit conforme aux normes internationales en matière d'équité.

« Le procès des membres d’un parti d'opposition a été d'une iniquité flagrante et gravement défectueux du début à la fin », a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement burundais devrait cesser de politiser le système judiciaire et faire en sorte que les tribunaux ne soient pas instrumentalisés pour punir collectivement les opposants à l'approche des élections nationales de 2015. »

Human Rights Watch a documenté une tendance à restreindre les droits aux libertés d'expression, d'association et de réunion observée au Burundi au cours des quatre dernières années. Depuis fin 2013, une escalade des affrontements a été constatée entre le parti au pouvoir et l'opposition, ainsi qu'un harcèlement constant des partis d'opposition par des agents de l’État et des membres du parti au pouvoir. Des militants de la société civile et des journalistes indépendants ont également été pris pour cible. Dans l’un des cas les plus récents, le procès d’un défenseur éminent des droits humains accusé d'atteinte à la sûreté de l'État a débuté le 4 juillet.

Les 8 et 9 mars, la police a arrêté plus de 70 personnes dans la capitale, Bujumbura. La plupart étaient des membres ou des sympathisants du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), un parti d'opposition.

Une première vague d'arrestations a été effectuée au matin du 8 mars, quand la police a interpellé 22 personnes qui faisaient du sport dans la capitale. La police a affirmé qu'il s'agissait de membres du MSD qui se servaient de leur séance d'exercice physique du samedi matin – une activité répandue à Bujumbura – comme couverture pour une manifestation non autorisée. Des autorités gouvernementales ont affirmé que les membres du MSD préparaient « une insurrection ».

Les rues menant au centre de la ville ont été bloquées par des camionnettes de police, et les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser les sportifs et les personnes qu'ils soupçonnaient d'avoir des liens avec le MSD. Des témoins, y compris certaines des personnes arrêtées, ont déclaré à Human Rights Watch que dans de nombreux cas, les policiers s’en sont pris à certaines personnes uniquement parce qu'elles portaient des tenues de sport.

À mesure que les nouvelles concernant ces arrestations se répandaient, des membres du MSD se sont réunis à la permanence du parti et la police s'est déployée devant le bâtiment. Dans un climat de tension croissante, des jeunes militants du MSD ont pris deux agents de police en otages et les ont détenus pendant plusieurs heures à la permanence du parti. Après plusieurs tentatives infructueuses de négocier la remise en liberté des deux policiers, par des représentants d'une organisation burundaise de défense des droits humains, par les Nations Unies et par la Commission nationale indépendante des droits de l'homme, la police a donné l'assaut à la permanence du parti, en lançant des gaz lacrymogènes et en tirant des balles réelles. Au moins neuf membres du MSD et plusieurs policiers ont été blessés.

La police a alors procédé à une deuxième vague d'arrestations, emmenant au moins 17 personnes qui se trouvaient à la permanence du MSD. Le lendemain, la police est retournée dans ce quartier et a arrêté au moins 28 autres personnes.

« Les personnes responsables de la prise en otage des deux policiers devraient être traduites en justice, mais leur infraction ne justifie pas les méthodes excessives et disproportionnées utilisées par la police, ni les dizaines d'arrestations arbitraires », a déclaré Daniel Bekele.

Lors d'un procès collectif le 18 mars, 70 accusés ont été jugés pour rébellion, outrages et violences envers les dépositaires de la force publique, lésions corporelles volontaires, et participation à un mouvement insurrectionnel. Pendant le procès, auquel Human Rights Watch a assisté en tant qu'observateur, il n'y a guère eu de tentatives d'établir des culpabilités individuelles.

Les accusés et leurs avocats se sont plaints de ne pas avoir eu le temps de consulter leurs dossiers avant le procès. De nombreux avocats ont quitté la salle d'audience lors du procès, en signe de protestation contre l'iniquité des procédures.

Le 21 mars, le Tribunal de grande instance en mairie de Bujumbura a condamné 21 des accusés à la prison à perpétuité, 10 autres à 10 ans de prison et 14 autres à cinq ans. Vingt-deux accusés ont été acquittés. Trois accusés plus jeunes, tous âgés d'environ 17 ans, ont été jugés par une chambre pour mineurs le 19 mars et condamnés le 26 mars à deux ans de prison.

L'un des accusés a déclaré à Human Rights Watch: « Il n'y avait pas de véritable logique pour expliquer pourquoi tel accusé était condamné et tel autre était acquitté. Les accusations étaient les mêmes pour tout le monde: ‘rebelles, rebelles, rebelles.’… Ceux qui avaient été arrêtés en train de faire du sport, ceux qui avaient été arrêtés à la permanence du MSD, ceux qui avaient été arrêtés dans la rue, tous étaient des ‘rebelles’. »

Le bref interrogatoire effectué par la police après leur arrestation n'a été qu'« une pure formalité », a déclaré un autre accusé. « Ils avaient déjà décidé qu’on irait en prison. » Alors qu'il expliquait au policier qui l'interrogeait qu'il se rendait à son travail lorsqu'il a été arrêté, le policier lui a répondu: « Tu es déjà emprisonné. »

Les personnes qui ont été déclarées coupables ont interjeté appel le 28 mars. La date de l'audience d'appel n'a pas encore été annoncée.

« Si le gouvernement burundais souhaite réellement que les élections de 2015 soient libres et équitables, il doit impérativement mettre fin aux mesures répressives et faire tous les efforts possibles pour éviter que les tensions ne s'aggravent encore », a conclu Daniel Bekele. « Les gouvernements et les bailleurs de fonds engagés aux côtés du Burundi devraient faire entendre leur voix et exiger que la répression des voix critiques à l’égard du gouvernement cesse. »

Les arrestations
Human Rights Watch s'est entretenu en avril à Bujumbura, au sujet des événements du 8 mars et de leurs suites, avec plus de 20 personnes, y compris certaines qui avaient été arrêtées, d'autres témoins de ces événements, des représentants du gouvernement et de la police, des membres de partis politiques, des représentants d'organisations de défense des droits humains, des avocats, des journalistes et des représentants des Nations Unies. Human Rights Watch a également assisté en tant qu'observateur au procès devant le Tribunal de grande instance en mairie de Bujumbura et a obtenu une copie du jugement. Les informations présentées ci-dessous sont basées sur ce travail de recherche et sur l'observation du procès.

Les arrestations ont été effectuées en trois phases: une première vague au matin du 8 mars, une deuxième dans l'après-midi du même jour et une troisième le lendemain, 9 mars. Parmi les personnes arrêtées figuraient des individus aux profils personnels et professionnels très divers, des représentants du parti MSD et quelques membres d'autres partis d'opposition.

Le matin du 8 mars
Tôt dans la matinée du 8 mars, la police a commencé à arrêter des personnes qui faisaient du sport dans divers quartiers de Bujumbura, parmi lesquels Nyakabiga, Jabe, Bwiza et Musaga, ainsi que près du centre-ville. La police a affirmé que ces personnes prévoyaient de converger vers le centre-ville pour participer à une manifestation non autorisée et ont tenté de les disperser à l'aide de gaz lacrymogènes. Les arrestations ont semblé arbitraires et la police a raflé des individus dans les rues sur la seule base de leurs vêtements de sport, selon des personnes arrêtées et des passants, dont certains ont été brièvement interpellés eux aussi.

La police a passé à tabac certaines personnes au moment de leur arrestation et en a frappé d'autres qui tentaient de s'enfuir. Un témoin a affirmé à Human Rights Watch qu'il avait vu des policiers frapper un homme d'environ 30 ans derrière la tête avec leurs ceintures jusqu'à ce qu'il saigne, lui ordonnant en criant de monter dans la camionnette de police.

La police a arrêté 21 hommes et une femme, les a gardés à vue et brièvement interrogés, leur posant une série de questions préparées à l'avance. Entre autres choses, les policiers ont demandé aux suspects s'ils étaient munis de sacs en plastique, prétendument destinés à les protéger des gaz lacrymogènes. La police a demandé à certains d'entre eux s'ils étaient membres du MSD et, sans mandat pour le faire, ont inspecté leurs téléphones portables pour lire leurs messages textos, à la recherche de preuves qu'une manifestation coordonnée était en préparation.

Dans la plupart des cas, l'interrogatoire a été superficiel et n'a duré que quelques minutes. Un homme arrêté près du centre-ville a raconté à Human Rights Watch:

L'OPJ [officier de police judiciaire] m'a interrogé. Il m'a demandé: « Tu savais ce qui était en train de se préparer? Que faisais-tu ce matin jusqu'à maintenant? Tu connais Alexis [Sinduhije, le président du MSD]? » J'ai répondu à ses questions. Ils m'ont fait lire le procès-verbal et je l'ai signé. Il est parti, puis est revenu avec un papier qui indiquait que j'étais arrêté pour « rébellion. » J'ai demandé: « Comment est-ce que je peux être accusé de rébellion? » Il a répondu: « Je ne sais pas, ce n'est pas moi qui t’ai amené ici. » Je lui ai dit qu'il devait fournir des preuves. Il a dit: « Tu es en train de perdre ton temps. C'est déjà fini. Au lieu de rentrer chez toi, tu vas prendre le chemin de la prison. »

Le groupe de 22 personnes a ensuite été déféré au parquet, où on leur a posé des questions similaires, puis ils ont été transférés à la prison de Mpimba le jour même.

Affrontements entre la police et des membres du MSD
Après ces arrestations, des membres du MSD se sont rendus à la permanence du parti dans le quartier de Kinindo à Bujumbura, où Alexis Sinduhije les a rejoints. La police s'est déployée devant le bâtiment et la situation a dégénéré en une violente confrontation après que des jeunes du MSD eurent pris deux policiers en otages. Sinduhije a demandé que la police remette en liberté les membres du MSD qui avaient été arrêtés, en échange de la libération des deux otages, et que la police quitte la permanence du parti.

Pierre Claver Mbonimpa, président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), une organisation burundaise de défense des droits humains, des commissaires de la Commission nationale indépendante des droits de l'homme, ainsi que des représentants du Bureau des Nations Unies au Burundi (BNUB) ont tenté une médiation entre les membres du MSD et la police. Les négociateurs ont persuadé les membres du MSD de leur remettre les armes des deux policiers mais n'ont pas réussi à les convaincre de remettre ces derniers en liberté. 

La police a alors donné l'assaut au bâtiment, avec l'autorisation du procureur de Bujumbura Mairie, en utilisant des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. La police a ouvert le feu directement sur la permanence du MSD, ce qu'elle, ainsi que le gouvernement, a justifié par la suite en arguant que certains membres du MSD étaient armés. Selon certaines sources, la police a tiré tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la permanence du parti. Plusieurs membres du MSD ont été gravement blessés. Au moins neuf d'entre eux ont été hospitalisés, certains pendant plusieurs semaines; au moins un d'entre eux était encore à l'hôpital début juin. Certains avaient reçu des blessures par balles; d'autres avaient été passés à tabac, roués de coups de pied ou frappés à coups de matraque.

Certains membres du MSD ont lancé des pierres, blessant plusieurs policiers. Les deux policiers qui avaient été pris en otages ont été libérés dans la soirée, avec des blessures légères. Plusieurs policiers de haut rang étaient présents durant ces événements.

Des témoins interrogés par Human Rights Watch, y compris des personnes sans aucune affiliation partisane qui se trouvaient sur les lieux de cette confrontation, n'ont pas soutenu l’affirmation du gouvernement et de la police selon laquelle les membres du MSD avaient des armes à feu et des grenades. Ces sources ont confirmé que certains membres du MSD avaient lancé des pierres mais ne les ont pas vus en possession d'armes à feu ou de grenades.

La police a arrêté de nombreux membres du MSD à la permanence du parti le 8 mars. Le lendemain, elle est retournée sur place, a perquisitionné de nombreuses maisons du quartier et a effectué de nouvelles arrestations.

Alexis Sinduhije s'est enfui lors de l'assaut de la police contre la permanence du parti et a quitté le Burundi depuis lors. Les autorités ont émis un mandat d'arrêt à son encontre pour insurrection.

Le procès
Le procès s'est tenu dès le 18 mars, en vertu d'une disposition du Code de procédure pénale burundais qui permet un processus judiciaire accéléré pour les auteurs d'infractions pris en flagrant délit. Toutefois, certains prévenus avaient été arrêtés plusieurs heures avant le déroulement de certains des événements en question, et d'autres le lendemain.

En dépit du fait que les accusés ont été répartis en trois catégories – un premier groupe arrêté à la permanence du MSD, un deuxième groupe arrêté lors de perquisitions policières dans des maisons situées à proximité de la permanence du MSD, et un troisième groupe arrêté lors d'une « insurrection déguisée en sport collectif » – presque tous ont eu à répondre des mêmes chefs d'accusation, comme cela apparaît dans le jugement du tribunal: rébellion, outrages et violences envers les dépositaires de la force publique, lésions corporelles volontaires et participation à un mouvement insurrectionnel. Certaines accusations plus détaillées formulées contre eux, qui ont été lues à l'audience, étaient également très comparables.

Certains prévenus ont déclaré qu'ils ne connaissaient même pas les chefs d'accusation précis qui avaient été retenus contre eux avant de comparaître devant le tribunal et qu'ils avaient eu très peu de temps, voire pas du tout, pour consulter leurs avocats. Certains ont rencontré leurs avocats pour la première fois au tribunal le jour du procès. De nombreux avocats ont quitté la salle d'audience en signe de protestation contre les nombreuses irrégularités. Quelques-uns sont restés et ont tenté d'aider leurs clients mais ont déclaré qu'ils ne disposaient pas d'assez d'informations pour plaider leur cause. Certains accusés ont tenté de se défendre eux-mêmes, sans l'aide d'un avocat. D'autres s'y sont refusés, du fait qu'ils n'avaient même pas pu prendre connaissance de leur dossier. Néanmoins, les juges ont poursuivi les débats. Selon le jugement officiel, seuls 14 accusés ont plaidé leur cause devant le tribunal.

Certains avocats ont affirmé à Human Rights Watch en avril qu'ils n'avaient toujours pas pu prendre connaissance des dossiers à charge de leurs clients. L'un d'eux a déclaré: « Nous n'avons aucune copie de ces documents. Une vingtaine d'avocats ont pu consulter rapidement une copie. Nous avons juste pu lire ‘les 70 ont commis XYZ’ mais nous n’avons pas pu consulter le dossier suffisamment pour pouvoir défendre nos clients. »

Les 22 accusés qui ont été acquittés n'ont été remis en liberté que trois jours après le jugement. L'un d'eux a entendu un membre du personnel pénitentiaire dire: « Ce sont des MSD. Ils peuvent souffrir encore. Ils peuvent faire encore deux nuits. » Plusieurs d'entre eux ont confié à Human Rights Watch qu'ils avaient peur après leur libération. Certains ont reçu des menaces de la part de personnes proches du parti au pouvoir.

La réponse du gouvernement
À la suite des arrestations, avant le procès, le ministre burundais de l'Intérieur, Édouard Nduwimana, a suspendu le MSD pour quatre mois. Une ordonnance ministérielle du 14 mars énumère plusieurs motifs pour cette suspension, y compris l'incident lors duquel des membres du MSD ont pris les deux policiers en otages. Ce texte fait référence à des déclarations faites à la radio par Alexis Sinduhije le 8 mars, décrites comme des propos calomnieux et incendiaires à l’endroit des autorités publiques, et affirme que Sinduhije a appelé les membres de son parti à commettre « des actes d’insurrection, de haine et de violence. » Il affirme également que des armes, des munitions et des stupéfiants ont été saisis à la permanence du MSD. Le MSD n'a pas contesté sa suspension, qui a été levée le 14 juillet.

Certains représentants du gouvernement et de la police ont reconnu dans des entretiens avec Human Rights Watch que la police avait été débordée par les événements à la permanence du MSD. Cependant, ils ont justifié le fait que la police ait ouvert le feu, au motif que deux de ses hommes avaient été pris en otages, et ont affirmé que certains membres du MSD étaient armés. Le ministre de l'Intérieur a décrit la situation comme « de la résistance pure et simple » de la part du MSD.

En réponse aux préoccupations exprimées au sujet des arrestations arbitraires effectuées au matin du 8 mars, Nduwimana a déclaré à Human Rights Watch que « la révolte du MSD était prévue. » Il a affirmé que les membres du MSD avaient prévu de se rassembler dans des quartiers bien précis, avec des organisateurs dans chaque quartier, et que certains manifestants étaient armés de gourdins et de matraques. Quand Human Rights Watch a soulevé des préoccupations concernant le procès inéquitable, il a conseillé à chacun d'attendre les résultats du procès en appel.

Le directeur général de la police, André Ndayambaje, a décrit le 8 mars comme « une dure journée pour la police. » Il a affirmé à Human Rights Watch que la police avait reçu à l'avance des informations selon lesquelles « un mouvement insurrectionnel » était en préparation et que des membres de l'opposition s'apprêtaient à utiliser la couverture d'activités sportives collectives « pour manifester et renverser le gouvernement dans le style du Printemps arabe. » Il a déclaré que la police avait été déployée afin d'intercepter les personnes qui faisaient du sport collectif et que quiconque n'était pas impliqué dans la manifestation était libre de regagner son domicile. Il a affirmé que des explosions de grenades et des tirs d'armes à feu avaient été entendus à l'intérieur de la permanence du MSD avant que la police ne donne l'assaut au bâtiment.

La marche de l'UPRONA à l'occasion de la Journée internationale de la femme
Dans un incident distinct survenu le même jour, la police s'est heurtée à d'autres partisans de l'opposition lors d'une marche organisée à l'occasion de la Journée internationale de la femme par l'Union des femmes burundaises, la ligue des femmes du parti d'opposition UPRONA. Bien que le gouvernement et la police affirment que la marche n'était pas autorisée, ils lui avaient initialement permis d’avoir lieu. Toutefois, ils n'ont pas autorisé les participants à marcher vers la permanence de l'UPRONA, en raison d'un désaccord antérieur au sein du parti qui avait entraîné sa scission: seuls les membres de son aile pro-gouvernementale ont un droit d'accès à la permanence du parti. Les femmes ont dû faire demi-tour.

Peu après, des affrontements ont éclaté entre la police et de jeunes hommes qui avaient rejoint la marche. Le gouvernement et la police ont affirmé que certains d'entre eux étaient des membres du MSD. Des échauffourées ont éclaté et la police a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. La police a arrêté plusieurs personnes. Une vidéo que Human Rights Watch a pu visionner montre des policiers frappant certains manifestants pendant leur arrestation. La police a par la suite libéré les manifestants sans les accuser d'infractions quelconques.

La répression à l'encontre des détracteurs du gouvernement
Les événements du 8 mars se sont produits dans un contexte de tension politique croissante alors que le Burundi se prépare à tenir des élections nationales en 2015. Depuis les élections de 2010, qui ont été boycottées par la plupart des partis d'opposition et remportées par le parti actuellement au pouvoir, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), avec une large majorité, Human Rights Watch a documenté une tendance aux restrictions des droits aux libertés d'expression, d'association et de réunion, ainsi que des vagues périodiques de répression à l'encontre de personnes perçues comme des détracteurs du gouvernement.

À l'approche des élections, qui sont prévues entre mai et septembre 2015, des membres de partis d'opposition ont été arrêtés arbitrairement et les agents de l’État, ainsi que des jeunes du parti au pouvoir, ont à plusieurs reprises empêché ou perturbé leurs réunions.

Des autorités gouvernementales ont également tenté de coopter ou de diviser les partis d'opposition. Récemment, au début de 2014, l'UPRONA, le seul parti d'opposition représenté au gouvernement après les élections de 2010, s'est scindé en deux factions en conséquence de clivages datant de quelques années et, selon certains membres de l'UPRONA, d'ingérences de la part d’autorités gouvernementales dans le choix des dirigeants du parti. Ces événements ont déclenché une crise politique et provoqué la démission des trois ministres membres de l'UPRONA. Le gouvernement ne reconnaît que l'aile pro-CNDD-FDD de l'UPRONA.

Human Rights Watch a documenté comment les imbonerakure, les membres de la ligue des jeunes du parti au pouvoir, ont été fréquemment impliqués dans des tentatives d'intimidation ou d'obstruction à l'encontre de partis d'opposition, et ont commis des actes de violence et d'autres abus contre des membres et des sympathisants de l'opposition. Les groupes de jeunes des partis d'opposition ont parfois répliqué. Dans plusieurs provinces, des affrontements ont eu lieu entre les imbonerakure et des jeunes du MSD et d'autres partis, des violences étant commises des deux côtés. Les partis politiques ont également endommagé les biens et les bâtiments des autres partis et arraché leurs drapeaux.

Des agents de l’État ont aussi menacé à plusieurs reprises des militants et des journalistes indépendants et fait obstacle à leurs activités. Le 15 mai, le plus éminent défenseur des droits humains du Burundi, Pierre Claver Mbonimpa, président de l'APRODH, a été arrêté après avoir affirmé lors d'une émission de radio que des jeunes Burundais avaient été armés et envoyés suivre un entraînement militaire en République démocratique du Congo. Il est toujours en prison, accusé d'atteinte à la sûreté de l'État et de faux et usage de faux. Son procès a débuté le 4 juillet. Le 8 juillet, le tribunal a rejeté la demande de ses avocats d'une remise en liberté provisoire en considération de son âge et de sa santé fragile. Le maire de Bujumbura et le ministre de l'Intérieur ont empêché des organisations de la société civile d'organiser une marche de soutien à Mbonimpa le 16 juin. Human Rights Watch a appelé à la libération immédiate de Mbonimpa.

 

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