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(Nairobi) – Le gouvernement du Soudan a repris ses attaques militaires terrestres et aériennes contre les civils dans des villages du Darfour, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. Le gouvernement a également réprimé des manifestations pacifiques d'étudiants à Khartoum qui protestaient contre les violences au Darfour, causant la mort d'un d'entre eux et arrêtant de nombreux manifestants et militants.

Le gouvernement devrait immédiatement cesser ses attaques contre les civils au Darfour et remettre en liberté les manifestants et les militants arrêtés arbitrairement au cours de la semaine écoulée.

« Les souffrances infligées à la population civile du Darfour par le gouvernement soudanais semblent ne jamais prendre fin», a déclaré Daniel Bekele, directeur de la division Afrique à Human Rights Watch. « Le gouvernement doit cesser d'attaquer les civils du Darfour, et également cesser d'arrêter et de brutaliser des manifestants pacifiques.»

Les affrontements entre les forces gouvernementales et les rebelles dans la région du Darfour se sont considérablement intensifiés au cours des dernières semaines, a souligné Human Rights Watch. Les combats et les attaques contre les civils ont fait des morts et des blessés parmi ceux-ci et occasionné des destructions de biens civils sur une large échelle, ainsi que des vols de bétail et le déplacement de plus de 200 000 personnes depuis le début de 2014, selon les Nations Unies.

Fin février et début mars, une force gouvernementale mixte composée d'éléments de l'armée soudanaise et de membres d'une milice connue sous le nom de Forces d'appui rapide (Rapid Support Forces), qui avait été précédemment déployée face aux rebelles de la Force révolutionnaire du Soudan (Sudan Revolutionary Force) au Nord-Kordofan, a attaqué des dizaines de villages peuplés de membres des ethnies Four et Zaghawa au Sud-Darfour. Des autorités locales des villages de Hijier et Um Gunia ont remis à Human Rights Watch une liste des noms de 38 civils qui ont été tués et de 10 autres qui étaient portés disparus. Ils ont affirmé que de nombreux cadavres avaient été abandonnés sans que l’on puisse les enterrer, les autres habitants ayant pris la fuite.

Ces attaques, menées après que les forces rebelles eurent quitté la zone, semblent avoir pris délibérément pour cible les civils, avec des conséquences dévastatrices. Des témoins ont indiqué à Human Rights Watch que l'aviation gouvernementale avait d'abord bombardé la région, puis que de nombreuses forces terrestres étaient passées à l'attaque, circulant à bord de véhicules 4x4 ou à cheval ou à dos de chameau. Les forces gouvernementales ont détruit des puits, volé des animaux et incendié des habitations, ont affirmé des témoins.

Depuis lors, les Forces d'appui rapide se sont déplacées en direction de l'est du Djebel Mara et du Nord-Darfour, attaquant des villages dans ces deux régions, selon des informations parues dans les médias. À elles seules, les attaques au Sud-Darfour ont contraint 45 000 personnes à la fuite, selon l'ONU. À la mi-mars 2014, des familles continuaient d'arriver dans des camps pour personnes déplacées au Sud-Darfour.

Pendant ce temps, des affrontements entre milices, impliquant notamment une force rebelle dirigée par Musa Hilal, qui a récemment rompu les rangs avec le gouvernement, ont causé le déplacement d'environ 65 000 personnes au Nord-Darfour. Hilal est une des quatre personnalités soudanaises qui font l'objet de sanctions de la part de l'ONU, pour son rôle en tant que commandant d'une milice pro-gouvernementale, les « Janjawid», dans des attaques perpétrées dans le passé contre des civils.

Le président soudanais, Omar el-Béchir, et son ministre de la Défense, Abdulraheem Mohammed Hussein, sont deux des quatre hommes visés par des mandats d'arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour des atrocités commises au Darfour. Le Soudan a refusé de coopérer avec la Cour.

« Les attaques contre les civils au Darfour sont de nouveau en hausse pendant que Khartoum persiste à bloquer les efforts de la CPI pour poursuivre les auteurs de crimes au Darfour», a déploré Daniel Bekele.

Le 11 mars, la police soudanaise et les forces nationales de sécurité ont eu recours à une force létale excessive à l'Université de Khartoum, pour disperser des étudiants darfouris qui protestaient contre les récentes attaques contre les civils au Darfour. Les forces de sécurité, auxquelles s'étaient joints des hommes armés vêtus en civil, ont tiré des cartouches de gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc, ainsi que des balles réelles, sur les manifestants qui étaient pour la plupart pacifiques, ont affirmé des témoins à Human Rights Watch. Un étudiant, Ali Abakr Musa Idris, a été tué par balles et plusieurs autres ont été blessés par des balles en caoutchouc et du fait de passages à tabac.

Les forces de sécurité ont de nouveau utilisé une force excessive à la suite des obsèques d'Idris à Omdurman le 14 mars, brutalisant et arrêtant de nombreux étudiants, selon des informations parues dans les médias. Les responsables soudanais ont accusé les étudiants d'avoir des liens avec des groupes rebelles et ont décliné toute responsabilité pour la mort d'Idris. Le gouvernement devrait faire en sorte qu'une enquête crédible et impartiale soit rapidement ouverte sur les circonstances du décès d'Idris et sur d'autres exactions qui lui sont liées, a déclaré Human Rights Watch.

Depuis cette vague de répression, le Service national du renseignement et de la sûreté au Soudan (National Intelligence and Security Service, NISS) a arrêté des étudiants, des avocats et des militants des droits humains darfouris et les a détenus sans chef d'accusation. Des sources ont affirmé à Human Rights Watch que les 12 et 13 mars, les forces de sécurité ont arrêté un militant, Ghazi al-Rayan al-Sanhouri, et deux avocats dont l'un, Abdelmonim Adam Eltom, avait fourni une assistance juridique aux manifestants. Le 18 mars, des responsables de la sécurité ont arrêté quatre autres personnes, dont des étudiants, ainsi qu'un autre militant, Mohamed Salah Abdelrahman, le 20 mars.

Le NISS maintient en garde à vue les militants arrêtés dans diverses installations de Khartoum, apparemment sans leur donner accès à des avocats ou aux membres de leurs familles, a déclaré Human Rights Watch. Le NISS est connu depuis longtemps pour maltraiter et torturer les détenus politiques, en particulier ceux qui sont originaires du Darfour ou d'autres zones de conflit. Pendant les manifestations de septembre 2013, Human Rights Watch a documenté les traitements particulièrement durs infligés aux détenus darfouris.

L'incident du 11 mars 2014 n'est que le dernier cas dans lequel les forces de sécurité soudanaises ont tiré à balles réelles sur des manifestants essentiellement pacifiques. En septembre 2013, plus de 170 protestataires avaient été tués par les forces de sécurité gouvernementales, la plupart atteints de balles dans la poitrine ou dans la tête. Les normes juridiques internationales n'autorisent les responsables de l'application des lois à recourir à la force létale que lorsque c'est absolument nécessaire pour protéger des vies. Malgré ses promesses d'ouvrir des enquêtes, le gouvernement n'a toujours pas annoncé de résultats. Un nombre indéterminé de personnes sont toujours détenues pour des raisons liées aux manifestations de septembre.

« Les autorités soudanaises devraient immédiatement remettre en liberté quiconque est détenu pour avoir manifesté pacifiquement et permettre à toutes les personnes emprisonnées d'avoir accès à un avocat et à leurs proches», a conclu Daniel Bekele. « Elles devraient également faire en sorte que des enquêtes complètes et impartiales soient lancées sur le meurtre de l'étudiant le 11 mars et sur les décès de nombreux protestataires tués lors des manifestations de septembre.»

Témoignages sur les attaques de villages au Sud-Darfour
Un homme âgé de 54 ans originaire d'Umdraba, dans la région d'Hijier au Sud-Darfour, a affirmé à Human Rights Watch qu'un avion de type Antonov de l'armée de l'air soudanaise avait bombardé son village le 27 février 2014. Peu après, des hommes armés, arrivés à cheval ou à dos de chameau, et à bord de véhicules 4x4, ont attaqué: « J'étais au marché quand les troupes sont arrivées. Alors que je m'enfuyais, j'ai vu des soldats arrêter Ibrahim al Tahir Moneim, un commerçant, et l'abattre.»

Un homme âgé du village de Ful Um Nuwara, à l'ouest de Hijier, a déclaré que le 28 février, alors qu'il s'enfuyait pour échapper à des soldats qui attaquaient son village, ceux-ci ont tiré sur lui, puis ont volé son argent et son bétail:

Quand ils sont entrés dans la ville, la plupart des gens se sont mis à courir vers le quartier sud. J'ai pris mes moutons et j'ai couru sur environ 2 kilomètres, avant de me retrouver face à environ huit hommes armés à bord d'un pickup.… L'un d'eux m'a tiré dans la jambe. Quand je suis tombé, il s'est approché, a fouillé mes poches et m'a pris [tout mon argent]. Puis un autre m'a frappé et ils ont pris tous mes animaux. J'ai entendu l'un d'eux dire aux autres: « Maintenant, allons nettoyer la région de ces esclaves.»

Une femme de 40 ans, mère de 10 enfants, a déclaré :

 

Un membre de ma famille proche, Hashim Adam, a essayé d'emmener ses animaux et de s'enfuir avec nous mais il a été abattu par trois hommes armés qui ont volé ses animaux. J'ai vu son cadavre à côté de ceux de deux hommes âgés. Il est vraiment malheureux que jusqu'à présent, personne n'ait pu aller les récupérer. 

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